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 WA - Participation exercice n°21 - H1 Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Mercredi 5 septembre 2007 à 23:53:23
Bonsoir,

Une étrange inspiration pour cette contribution. J'ai retenu une acception extensive du crime et une narration assez curieuse. Bref, je pense être légèrement hors sujet. Mais je me suis aperçu que je ne parvenais pas à écarter cette idée, alors autant en faire la catharsis. A vous de juger.

_______________

Au bout d’une impasse, derrière une porte cochère anonyme, une quiétude miraculeuse règne sur un espace singulier, si près et si loin des grands immeubles modernes et du flot des véhicules citadins. La rumeur de la grande ville reste au-dehors. En fait, il existe une frontière invisible mais parfaitement présente, une ligne de démarcation qui sépare la grande artère où bat à toute vitesse le coeur de la mégapole et cette enclave de tranquillité. Dès la porte cochère franchie, les lois du monde extérieur semblent abolies. Au fond de l’impasse, un autre monde vit dans un autre temps. Les choses évoluent à un rythme différent, comme ralenti. Un décalage horaire urbain circonscrit à un simple pâté de maisons, presque un paradoxe temporel. Cette oasis est une petite place, bordée par quelques arbres relativement entretenus. Zoom avant.

Plus près. Quatre bancs se font face, deux par deux, tournant le dos à la sorte de ruelle étroite et pavée, qui fait le tour de la placette. Au centre, une maigre fontaine moussue hoquette son antique et liquide ritournelle. Le refrain a usé la pierre tendre de la vasque. Tout autour, sur les façades fatiguées des maisons aux toits de zinc, les fenêtres ferment les yeux sous l’assaut implacable du soleil de l’après-midi. Au bout de la place, une petite église lance vaillamment son clocheton droit dans le ciel minéral d’un bleu cobalt.

Parmi les vivants, il y a le vieux cabot allongé dans l’ombre de l’église. Il halète doucement, cherchant la fraîcheur. Il n’a jamais eu de maître. Il fait un peu peur aux petits enfants, mais cette peur est vite oubliée quand il aboie joyeusement pour jouer avec eux. Il se précipite frénétiquement après la balle qu’on lui lance, manquant quelques fois de renverser le vieux monsieur qui revient du café, toujours à la même heure. Oh, le vieux monsieur est poli, il se contente de le gronder gentiment, trop content de voir l’animation juvénile emplir la placette d’une vie neuve et prometteuse. Le cabot trouve sa pitance quotidienne au fond des cageots rangés au pied des quelques étals du petit marché qui pose tous les matins ses tréteaux sur la placette. Parfois le boucher, un homme au cou épais et aux mains puissantes, lui lance une belle saucisse rose et tendre, avec un long rire sonore. Le chien lui répond d’un aboiement gourmand avant de la saisir délicatement pour battre en retraite et la déguster à son aise. Mais en ce mois étouffant, la placette est déserte. Le marché a pris ses quartiers d’été et les enfants sont partis avec leurs parents, en Provence ou en Bretagne, au bord de l’eau. C’est le temps des vacances, celui de la migration estivale.

Au coeur de l’été, ceux qui travaillent ou qui n’ont pu partir attendent impatiemment la fin de ce long mois ensoleillé. La placette est inerte sous la chaleur. Les verts réverbères courbent leur tête transparente, accablés par la vague de chaleur inhabituelle. Bientôt, c’est une question de jours, deux mille athlètes essaieront d’aller plus vite, plus haut et plus loin, sur le sable rouge et vert de la gigantesque arène érigée sur une plaine royale. Quels que soient leurs exploits, ils n’iront jamais plus vite, jamais plus haut et jamais plus loin que sept autres voyageurs accrochés comme des étoiles au plus haut du firmament. Sept étoiles filantes qui laissent derrière elles dans le ciel blanc de février, de longues traînées rouges.

Nul ne se souvient, seules les pierres en rêvent encore. Et il faut se garder de réveiller les pierres pour ne pas effrayer les enfants. Dans ce rêve pétrifié aux reflets estompés, voici plus de quatre siècles, la petite église a gonflé ses joues pour faire résonner, après celle de Saint-Germain l’Auxerrois, ses horribles mâtines. Alors, les pavés disjoints ont ruisselé de sang, la placette a été encombrée de corps rompus et démembrés tandis que les murailles impassibles ont renvoyé les cris déchirants des mères défenestrées et des enfantelets sauvagement poignardés. Comment oublier la macabre procession des corps nus et encore tremblants, traînés au bout de cordes et de crocs vers la Seine toute proche ? Comment oublier, par-dessus tout, les rires déments des fanatiques de la vraie foi, gorgés de haine et de sang ? A la Cause...à la Cause...

Il vaut mieux laisser les pierres dormir.

Travelling latéral et zoom avant. Un détail détone, tout au fond d’un couloir obscur, il y a une porte béante au deuxième étage d’un petit immeuble de briquettes rouges. Une porte qui baille comme une bouche ouverte pour mieux respirer dans la fournaise de l’après-midi. Une impression d’urgence immobile. Une présence lourde et inquiète dans la touffeur estivale. Une porte ouverte, sans raison apparente, c'est mystérieux et menaçant. Toutes les familles étant parties en vacances, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un cambriolage. Priez pour qu’il ne s’agisse que d’un banal cambriolage. Zoom avant, plus près, encore plus près, cadrage serré!

La porte ne présente pas de signe d’effraction. Malgré l’insolite de la situation, c’est une invitation à se glisser discrètement à l’intérieur. Lent zoom avant. A gauche, une minuscule cuisine envahie par une minuscule table recouverte d’une pauvre toile cirée. Tout est bien rangé, chaque chose est à sa place. Toujours cette impression de vie imminente. L’absence est pourtant palpable comme un fantôme qui s’accroche au papier peint. A droite un séjour où un bahut acajou attire les regards. Long et bas, il est surchargé de cadres photographiques. Des visages riants fixant le vide derrière notre épaule. Tenez, n’est-ce pas le vieux monsieur, celui qui va au café pas loin et qui revient toujours à la même heure ? Il est plus jeune sur celle-ci. Et encore plus jeune sur celle-là. Sur cette photo noir et blanc au format inhabituel, voyez cette jolie jeune femme à ses côtés qui pose la tête sur son épaule. Elle est tellement ravissante dans sa belle robe de mariée. Le regard qu’elle lève vers lui où se lit un amour sans retenue qui résistera au temps et aux aléas de la vie, est la promesse muette d’un amour éternel. Un amour d’un autre âge.

Non loin d’un poste de télévision éteint, une imposante horloge comtoise fait silence. La caisse en forme de violon découvre, derrière le cadran ouvert, un lourd balancier en laiton au mouvement suspendu. Les aiguilles sont arrêtées. 11H30. Peu à peu, une étrange odeur se mêle aux effluves d’un déodorisant bon marché à la citronnelle. Une odeur rapidement lourde et entêtante, doucereuse et dérangeante. La désagréable sensation augmente au fur et à mesure qu’on s’approche d’un grand fauteuil de cuir défraîchi, couleur tabac, un fauteuil suranné, au charme désuet. Une longue serviette blanche est étendue sur le coussin et le dossier.. L’odeur devient vraiment insupportable. Regardez bien. N’est-ce pas l'empreinte d’une forme qui creuse encore légèrement le molleton de la serviette éponge? Que font ces gants de latex près du fauteuil, sur le méchant tapis ? Mais l’odeur devient méphitique. Elle prend à la gorge et il faut battre en retraite.

Oui. Vous avez compris. Quelqu’un est mort ici.


M


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 21 : Maedhros => Commentaire texte 1 - Estellanara (Jeu 13 sep 2007 à 17:17)
       4 Now another seven astronauts.... - Maedhros (Jeu 13 sep 2007 à 21:03)
3 Commentaire Maedhros, ex n°21, H1 - Narwa Roquen (Mer 12 sep 2007 à 18:12)
3 Erratum... - Maedhros (Jeu 6 sep 2007 à 07:41)
       4 Erratum...suite - Maedhros (Jeu 6 sep 2007 à 17:23)
3 ... - Clémence (Jeu 6 sep 2007 à 07:27)


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