| ||
De : Eltanïn Date : Vendredi 18 avril 2008 à 17:17:22 | ||
La ronde des jouets La nuit est tombée. Les lumières se sont éteintes et le silence est venu dans toute la maison. Je relève la tête. L’enfant semble endormie. Son souffle bruyant mais calme emplit la pièce. Elle a enfin cessé de remuer. Lentement, je me balance jusqu’à l’interrupteur, sur lequel j’appuie avec mon pied droit. La lumière me permet de me rendre compte de l’étendue du carnage. Les corps sont étendus un peu partout sur le sol. Certains ouvrent un oeil ou tournent la tête vers moi. Ils me regardent, désespérés. Je ne suis pourtant pas bien mieux loti qu’eux. Je n’ai plus de bras gauche. Il doit gésir misérablement quelque part, derrière un meuble probablement, et ce depuis deux mois. Depuis mon perchoir, je les observe se relever un à un. Nous sommes tous atterrés, pas un seul d’entre nous n’a été épargné aujourd’hui. Pas même GrosNounours, auquel elle ne touche jamais, d’habitude. Le pauvre a été littéralement piétiné et assommé à coups de pieds. Il semble encore un peu sonné et se frotte la tête avec sa grosse patte velue. Je vois Maryse et Carolle, les deux poupées jumelles, qui sortent la tête de sous le lit. Elles s’assoient côte à côte, lissant leurs belles robes toutes fripées et tâchées. Noisette, l’écureuil en peluche, sanglote contre Dumbo l’éléphant et Oursonne : il a perdu un oeil dans la bataille. Pas loin, deux têtes de poupées Barbie décapitées discutent à mi-voix avec un Ken démembré. Au milieu des pleurs et des murmures indignés s’élève soudain une voix, venant du dessus de l’armoire. C’est DameTortue qui a atterri là-haut, après avoir volé dans toute la pièce. Elle s’inquiète de l’état de Pierrot, qui me fait face sur sa balançoire. Le pauvre ne va pas fort : il s’accroche en tremblant aux fils qui retiennent son perchoir au plafond, la tête en bas et les jambes emmêlées. Il répond qu’il va, ce qui en soit est déjà pas mal, mais qu’il n’ose pas bouger et essayer de s’asseoir normalement, de peur de perdre l’équilibre et de s’écraser par terre. DameTortue est mortifiée : lancée à pleine vitesse, elle n’a pas pu l’éviter. Elle s’excuse platement, mais Pierrot lui assure que ce n’est pas de sa faute, et qu’il n’en veut qu’au monstre. « Un monstre, oui, c’est le mot ! s’écrie soudain Maryse en se levant. Pourquoi devons-nous supporter tous ces mauvais traitements ? C’est inadmissible ! Regardez l’état dans lequel elle nous a mises, Carolle et moi ! » Sa soeur se lève et approuve vivement. « Il nous a donné des coups de pieds ! s’offusque-t-elle. A nous ! Regardez nos robes ! - Et nous alors ! s’exclament les poupées Barbie. C’est pas à vous de vous plaindre ! » A côté d’elles, Ken essaye de rouler des mécaniques et d’impressionner quiconque voudrait les contredire, avant de se rendre compte qu’il ne peut plus que bomber le torse. « C’est pas à vous non plus ! Vous croyez que ça me fait plaisir d’être là où je suis ? lance Gaspard, le chat en peluche que le monstre garde précieusement dans son lit, et qu’il serre avidement dans ses bras toutes les nuits. - Chut ! tais-toi ! ordonne Oursonne. Tu vas le réveiller ! » Le silence revient soudainement dans la chambre. Nous guettons tous un mouvement dans le lit, mais il semble bien que l’enfant dorme encore. Alors, Jaffar, le guépard, accompagné de Titi, le serpent multicolore enroulé autour de son cou, sort de son coin d’ombre et saute lestement sur le coffre à jouets où sont cruellement retenus certains d’entre nous. « Mes amis, peu importe de savoir qui est le plus à plaindre. Nous devons nous venger ! Maryse l’a dit, c’est inadmissible d’être traités comme nous le sommes. Lequel d’entre nous peut se vanter ici de n’avoir jamais reçu aucun coup ? Lequel d’entre nous peut dire : vous êtes injuste avec cet enfant, il est doux comme un agneau ? » Silence. Nous ne le quittons pas des yeux, comme à chaque fois qu’il parle. Jaffar nous scrute les uns après les autres, puis reprend la parole. « Personne ! Alors, mes amis, mes frères, écoutez-moi... » Un bruit sec dans le couloir me fait sursauter. « Silence ! Tous à vos places, vite ! crié-je en me balançant le plus vite possible. » Mon pied heurte l’interrupteur, plongeant de nouveau la pièce dans le noir. Je m’immobilise juste à temps : la porte s’ouvre déjà. « J’étais sûr d’avoir vu de la lumière, chuchote le père. Mais non. Elle dort. - Tu es sûr ? » La mère entre. Sans un regard pour le triste spectacle qui s’étend à ses pieds, elle s’approche du lit de sa fille. Du bout des doigts, elle caresse sa joue. « Viens voir. Elle est tellement mignonne quand elle dort. - Laisse-la dormir. Allez, viens, répond sèchement le père, sans bouger d’un pouce. - Tu es encore en colère ? Tu sais, je suis sûre qu’elle n’a pas fait exprès de le casser. - Bien sûr que non, elle ne l’a pas fait exprès. Mais j’estime avoir le droit de punir ma fille. - Ce n’était qu’un verre. - Eh ben, ce n’était qu’une fessée. Viens maintenant, elle va finir pas se réveiller. » Après un dernier regard tendre pour l’enfant endormie, la mère quitte la chambre sur la pointe des pieds. Je suis perplexe. Est-ce que casser un verre mérite de recevoir une fessée ? Même si je ne sais pas ce que c’est exactement, j’ai entendu les cris qu’elle a poussé avant de revenir en pleurs ici, et de nous frapper tous, de colère. « Arlequin, m’appelle Titi, tu rallumes ? » Eltanïn, en vacanc-euh (mais en retard quand même) Ce message a été lu 6466 fois | ||
Réponses à ce message : |
3 Encore un "faux" monstre... - z653z (Ven 12 sep 2008 à 11:54) 3 Exercice 35 : Eltanin => Commentaire - Estellanara (Jeu 10 jul 2008 à 14:52) 3 Gésir... - Liette (Mar 22 avr 2008 à 23:38) 3 Commentaire Eltanïn, exercice n°35 - Narwa Roquen (Lun 21 avr 2008 à 17:56) 3 Toy's errance (bis) - Maedhros (Sam 19 avr 2008 à 16:21) |