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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 21 janvier 2009 à 23:55:39
L’équipe à Jojo



« Y avait moins de jours sans guitare que de jours sans pain
On partageait tout et on n’avait rien...
Il n’y avait jamais un copain de trop
Dans l’équipe à Jojo »
J. Dassin



Il était une fois une petite fille qui voulait toujours tout avoir. Par chance, ses parents étaient riches et pouvaient lui acheter tout ce qu’elle désirait. Poupées, peluches, dînettes, déguisements, jeux de marchande, de cuisine, de docteur, mais aussi robes, chaussures, ceintures, bijoux, et puis encore balançoire, fontaine, vélo, chien, chat, poney, perroquet, lapin nain, tortue – ils lui refusèrent le boa, mais elle n’insista pas. Quand sa chambre fut trop petite pour tout ranger, les parents ajoutèrent une pièce à la maison. On s’y serait cru dans un magasin de jouets car, comme elle n’avait pas le temps après l’école de jouer avec toutes ses possessions, les jouets restaient pratiquement neufs. Il fallut construire encore d’autres pièces au fur et à mesure qu’elle grandissait, pour loger sa garde robe, ses livres (qu’elle ne lisait pas), ses CD (qu’elle n’écoutait pas), ses DVD (qu’elle ne regardait pas), ses vélomoteurs (qu’elle n’utilisait pas), et plus tard ses voitures (que conduisait son chauffeur, car elle n’avait pas eu le temps, ni l’envie, de passer son permis). Même quand elle n’utilisait plus un objet, elle refusait de le donner, et même de le vendre.
« Parce que c’est à moi », répondait-elle simplement à ses parents.
Elle travaillait bien à l’école, et quand le temps fut venu de choisir un métier, elle décida de s’intéresser à la finance, pour gagner beaucoup d’argent et acheter beaucoup de choses.
Et c’est ce qu’elle fit.
Comme elle était intelligente, têtue et prête à tout, elle se trouva rapidement à la tête d’une jolie fortune, qui lui permit de s’offrir, outre une grande maison en ville, un charmant petit château à la campagne, avec des jardins ordonnés et fleuris, un yacht capable de traverser tous les océans, un hélicoptère, deux avions, un chalet à la montagne et une splendide villa en bord de mer, avec une grande piscine, car elle avait horreur de la mer. Elle trouvait l’eau trop salée et les vagues désagréables, car elle ne savait pas très bien nager.
Dans son enfance, elle avait toujours refusé d’avoir des amis parce qu’elle ne voulait pas prêter ses jouets. Devenue adulte, elle continua de vivre seule – mais servie par un personnel domestique en grand nombre -, pour ne rien partager de sa fortune et de ses biens.
Or voilà que vers l’âge de trente-cinq ans, âge où la plupart des femmes ont un mari et des enfants, elle fut prise d’une grande tristesse. Elle essaya les voyages (les plus hautes montagnes, la chasse au lion dans la jungle, les îles désertes), les bijoux rarissimes, le régime 3P (pomme, pain d’épice, poireaux), le régime 4C (cassoulet, chocolat, chouquettes, crème chantilly), et pour finir elle acheta un musée ; elle ne le visita qu’une fois, et les oeuvres d’art l’ennuyèrent mortellement.




Un jour, son chauffeur la conduisait dans l’immense limousine blanche pour aller à un rendez-vous où elle devait racheter une entreprise en faillite ; mais il y avait des embouteillages, et il prit un raccourci qui traversait les quartiers pauvres de la ville. Le trajet n’en finissait pas ; elle laissait traîner machinalement son regard à travers la vitre teintée, comme le pêcheur endormi laisse filer sa ligne au fil de l’eau, quand il fut attiré par un groupe d’adolescents, assis par terre sur un trottoir. L’un d’eux jouait de la guitare et les autres chantaient, en chahutant et en riant. Elle fronça le sourcil et dès le soir même elle se faisait livrer une somptueuse guitare à douze cordes. Mais à sa première leçon, elle se cassa un ongle et décréta que cet instrument était stupide. Pourtant, quelques jours plus tard, elle demanda à son chauffeur de la conduire auprès de ces mêmes jeunes ; elle fit garer la voiture et resta un bon moment à les observer rire et chanter. Ils avaient entre douze et quinze ans, tous des garçons. L’un d’eux tapait avec deux bâtons sur une caisse vide, un autre jouait de l’harmonica, un grand blond dansait en secouant une boîte de conserve contenant quelques piécettes, et il mendiait auprès des passants en faisant des grimaces, deux rouquins, probablement frères, frappaient dans leurs mains en rythme et faisaient les choeurs. Ils faisaient cercle autour d’un garçon brun aux cheveux longs, qui jouait de la guitare. Il était maigre comme un chien errant, vêtu de nippes élimées et déchirées par endroits, mais tous se tournaient vers lui avec admiration, respect et affection. Un va nu pieds, certes, mais dont le sourire illuminait la rue autour de lui.
« Si j’avais un enfant », pensa la jeune femme, « je voudrais qu’il soit comme ça.»
Cette nuit-là, elle eut du mal à trouver le sommeil. Un air de musique lui trottait dans la tête, un air ridicule avec des paroles stupides qui parlaient d’une bergère et d’un garçon qui sifflait sur une colline...
Elle passa la matinée à réfléchir, parcourant une à une les nombreuses pièces de sa magnifique maison. Vers midi, elle appela son architecte pour qu’il ajoute une chambre, une salle de bains et une salle de musique. Elle lui précisa toute la décoration qu’elle voulait, papiers peints, peintures, rideaux, tapis, meubles... Puis elle fit venir son coiffeur et sa manucure, choisit avec soin une tenue décontractée mais élégante (blouson en cuir avec un col de fourrure, jeans aux coutures serties de diamants, bottines en crocodile), et sonna son chauffeur.
Les jeunes étaient toujours là. Le coeur battant, elle descendit de voiture et se dirigea droit vers le guitariste, qu’elle interrompit d’un geste autoritaire. Le jeune garçon la regarda en souriant.
« Vous désirez, madame ?
- Comment t’appelles-tu ?
- Jo. Mais les copains m’appellent Jojo, c’est plus cool.
- Jo... J’ai beaucoup d’argent. Est-ce que tu veux devenir mon fils ? »
Jojo éclata de rire tandis que ses amis écarquillaient les yeux de surprise.
« Votre fils ? Mais pour quoi faire ?
- Tu traînes dans les rues habillé comme un mendiant et je suis sûre que tu ne manges pas toujours à ta faim. Je t’offre une jolie chambre dans ma grande maison, je te paierai de bonnes études, et... »
Jojo secoua la tête.
« Vous êtes bien bonne, madame, mais ça ne m’intéresse pas du tout. Allez, les gars, on reprend à « qu’est-ce qu’on était fou... »
La guitare se remit à sonner et le petit groupe recommença à chanter.
« Qu’est-ce qu’on était fou
Qu’est-ce qu’on s’en foutait
Qu’est-ce qu’on était bien... »
La femme riche frappa du pied, furieuse et déçue, et courut s’abriter dans sa voiture avant qu’un flot de larmes ne vienne ravager son maquillage comme une tempête sur une aquarelle.



Elle s’enferma dans sa chambre à coucher et ne voulut voir personne pendant trois jours, mangeant à peine, refusant de répondre au téléphone. Personne ne lui avait jamais rien refusé et elle ne comprenait pas comment cela avait pu arriver. Une chose était certaine : elle n’allait pas renoncer. Elle serait une mère parfaite et elle voulait pour fils ce garçon-là et pas un autre. Elle l’appellerait Joseph (c’était plus respectable), lui ferait donner des cours privés par les meilleurs professeurs, il serait diplômé de trois universités et un jour il aurait un métier prestigieux et il serait célèbre. Il serait médaillé d’or aux Jeux Olympiques, mais elle le voyait bien aussi Président de la République... ou alors il serait cosmonaute et il irait conquérir des planètes lointaines, et il deviendrait Roi de l’Univers...
Et ce n’était sûrement pas ce sale gosse qui allait l’empêcher de réaliser son rêve !
Elle téléphona à son avocat et convoqua le meilleur détective du pays. Il fallait qu’elle sache tout sur lui pour trouver le meilleur moyen de l’avoir ; elle hésitait entre dénoncer sa famille à la police pour mauvais traitements, le faire arrêter pour vagabondage (et alors elle le sauverait), ou bien... Finalement ce fut son chauffeur qui trouva la solution, car toute la maisonnée ne parlait plus que de ça. Il avait fait quelques bêtises dans sa jeunesse et connaissait encore quelques mauvais garçons qui pouvaient s’acquitter de la tâche pourvu que la récompense soit sonnante et trébuchante.



Et c’est ainsi qu’un soir, à la nuit tombée, alors qu’il marchait seul dans la rue, Jojo fut enlevé par trois malfrats et jeté de force dans une grosse voiture noire, où on lui administra un puissant somnifère. Elle le fit installer sur son propre lit, car malgré toutes ses insultes et ses menaces, la nouvelle chambre n’était pas encore finie, et attendit son réveil, heureuse comme jamais elle ne l’avait été. Enfin, il ouvrit les yeux.
« Ah, mon cher Joseph, je suis si contente que tu te sois réveillé ! Je vais te faire servir un bon repas, et ensuite nous irons faire les boutiques pour t’habiller correctement, et je pensais aussi... »
Jojo cligna des yeux, essayant de raccrocher les wagons de sa mémoire qui semblait bien avoir déraillé.
« Mais où je suis ? Et qu’est-ce que vous voulez ? »
Très étonnée, elle répondit néanmoins patiemment.
« Tu es chez moi. Et tu es mon fils. »
Jojo avait eu une vie difficile ; abandonné très jeune par ses parents, il avait vite appris à se débrouiller seul et à se sortir de situations délicates, car il ne manquait ni de courage ni de sang-froid.
« Vous êtes vraiment très aimable... mais je n’en ai pas envie.
- Tu dis n’importe quoi ! Je t’offre le confort, la richesse, et l’amour d’une mère.
- Ben oui... Mais moi c’est pas ça que je veux ; je veux continuer à vivre avec mes copains, faire de la musique et m’amuser... Et puis je vais avoir treize ans, je n’ai plus vraiment besoin d’une mère. Un père, peut-être, et encore...
- Allons, tu dis ça pour me faire enrager, mais je suis sûre que tu t’y feras très vite. Que dirais-tu d’un bon bain avant de passer à table ? »
Jojo s’assit sur le bord du lit et la fixa d’un air déterminé. Il ne souriait plus.
« Je vous ai dit non. Vous pouvez me séquestrer tant que vous voulez, vous ne me ferez pas changer d’avis. Je ne veux rien de vous. Je veux juste m’en aller.
- Il n’en est pas question ! »
Furieuse, elle se leva et sortit en claquant la porte, qu’elle ferma ensuite à clef.


Cinq jours passèrent. Jojo ne toucha pas aux repas, buvant à peine un peu d’eau. Quand la femme venait le voir, criant, tempêtant, suppliant, il regardait devant lui et restait silencieux. Il devenait de plus en plus pâle et ses yeux se cernaient d’ombres noires. Le soir du cinquième jour, elle fut bouleversée pour la première fois de sa vie devant un être vivant qui préférait mourir que de renoncer à sa liberté. Alors, laissant sans honte couler sur son visage fatigué de lourdes et longues larmes amères, elle céda.
« Très bien. Tu peux partir. »
Elle le précéda jusqu’à la porte d’entrée, qu’elle ouvrit elle-même. En le croisant, elle lui fourra quelques billets dans la main.
« Va t’acheter quelque chose à manger, quand même. »
Il hocha la tête et s’éloigna, d’une démarche chancelante qui semblait pourtant se raffermir à chaque pas, jusqu’à ce que, comme un oiseau prend son vol, il se mette tout à coup à courir comme un fou dans les rues désertes en criant « yahoo ! ». Il sautait, il bondissait comme un cabri en liberté, porté, transporté par une joie immense et légère...
Elle resta longtemps devant la porte ouverte, insensible au froid de la nuit.



Elle se força à partir en voyage, à visiter ses nombreuses usines, sans écouter un seul mot de ce que lui disaient les directeurs qui tremblaient devant elle. Son apparence changea ostensiblement. Elle cessa de se maquiller, ne porta plus de bijoux, s’habilla sans aucune recherche, de vêtements laids qui la vieillissaient. Sur un coup de tête, elle vendit le château, le chalet, la villa, le yacht, les avions et l’hélicoptère. Elle prit l’habitude de marcher seule, plusieurs heures par jours, en jeans et baskets, sans but précis, sans penser à rien. Et un jour, elle rentra chez elle, plus triste et plus fatiguée que jamais. A peine arrivée, elle partit marcher, au hasard des rues, comme un automate. Sans y prendre garde, elle se retrouva dans le quartier pauvre, et parce que le hasard n’existe pas, elle arriva sur le bout de trottoir où Jojo jouait encore de la guitare, entouré par ses amis. Elle s’arrêta, comme fascinée, incapable de faire un pas de plus. Quand Jojo la vit, il ressentit d’abord une grande colère, et interrompit sa chanson. Mais elle avait tellement changé, elle lui sembla si misérable... Il se leva, la guitare à la main, et s’approcha d’elle.
« Comment tu t’appelles ?
- Mé...lanie... », réussit-elle à grand peine à articuler.
- Viens avec nous, viens. »
Elle se laissa guider par la main, comme une enfant. On l’installa sur une caisse vide et Jojo se remit à chanter.
« Qu’il est long qu’il est loin ton chemin papa
C’est vraiment fatigant d’aller où tu vas... »
Et les mains de Mélanie se mirent à battre en cadence, et sa voix hésitante commença à chantonner le refrain, tandis qu’un sourire de plus en plus radieux se dessinait sur son visage. Un marchand de légumes qui aimait bien les jeunes leur porta un cageot de pommes, où ils piochèrent chacun à son tour. Et il sembla à Mélanie que c’était la première pomme qu’elle croquait de sa vie...
Narwa Roquen,je m'baladais, sur l'avenue...


  
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Réponses à ce message :
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2009-01-23 10:46:47 

 Commentaire WA 52 Narwa RoquenDétails
Comme toujours, un texte plein d'émotions et qui touche droit au coeur. L'écriture est impeccable, j'aime beaucoup!

Un tout petit quelque chose quand-même, je trouve la fin un poil rapide, on ne comprend pas bien son état d'esprit quand elle erre sans but, pourquoi elle cesse de se maquiller, qu'est-ce qui lui passe par la tête? Est-elle triste, est-ce qu'il lui manque, est-ce qu'elle a honte d'être ce qu'elle est?
La dernière phrase est très belle, et lui donner un prénom juste à la fin est une très bonne idée. Mais je me demande si on ne pourrait pas avoir une toute petite suite: elle va rester vivre dans la rue? Que va-t-elle faire de ses millions? Elle va ouvrir sa maison à tous les gamins pauvres pour qu'ils viennent manger à leur faim quand ils veulent? Qu'est-ce que c'est que ce chauffeur mafieux!? .......

Elemm', qui te pique la casquette "Plus", parce qu'y a pas de raison! :p

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z653z  Ecrire à z653z

2009-01-23 13:06:29 

 Quelques trucs en plusDétails
Même impression pour la fin, je reste sur ma faim.
J'ai l'habitude qu'à la fin d'un conte, le narrateur prenne un peu de recul pour expliciter la morale.
Et j'ai trouvé qu'il y avait un peu trop de virgules dans tes phrases.
Mais on se laisse plaisamment porter par ta partition ;)


D'autres détails :
"On s’y serait cru dans un magasin de jouets"
"elle devait racheter"
"assis par terre sur un trottoir"
"va nu pieds" -- (avec tirets ou tout attaché)
"plusieurs heures par jours"

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-01-23 17:26:24 

 Exercice 52 : Narwa => CommentaireDétails
Jolie la citation !

Nous ne nous accordons manifestement pas sur la définition du conte. Je tire la mienne des auteurs ayant fait l’analyse de contes célèbres ainsi que de mes constatations personnelles sur les contes que j’ai lus. D’où vient la tienne ?
En effet, je pensais avoir respecté les conventions et tu me dis que ce n’était pas un conte que j’ai écrit. A la lecture de ton histoire, je me dis à mon tour que ce n’est pas un conte.

En effet, ton méchant n’est pas vraiment méchant. Ces subtilités de la psychologie sont bien inaccessibles aux enfants. Et surtout, ton méchant n’est pas puni à la fin pour le mal qu’il a fait. C’est, du point de vue du conte, très immoral. Cela encourage l’enfant à penser qu’on peut faire de mauvaises actions (enlever un gosse et le séquestrer) sans être puni et même en finissant heureux. Aïe aïe aïe !

Et puis, l’époque n’est pas celle du conte et le décor non plus. Et il n’y a rien de surnaturel.

Est', overdose de bisounours.

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