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 WA - Participation exercice n°69 bis (edit) Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 22 novembre 2009 à 23:22:24
Un texte écrit à partir d'une idée borderline...
J'ai posté ça très tard hier soir. La nuit m'ayant porté conseil, alors j'ai apporté quelques petites retouches...

______________

TOY STORY


Nous nous sommes rencontrés sur le web. Personnellement, je n'ai fait aucun effort pour ça, j'étais toujours disponible et je hantais les avenues du web depuis pas mal de temps. C'est fou ce que cette toile a pris de l'importance. Elle est devenue indispensable et incontournable. Il y a tant de petites fenêtres, tant de passages qui relient les univers. L'ensemble forme une fantastique mosaïque.

Un clic et le monde s'offre à tous. Un clic et vous établissez une connexion en toute discrétion. Un clic et vous parlez à qui vous voulez, comme cela vous chante, sans avoir à rougir ou à laisser transparaître ce que vous ne désirez pas révéler. Un autre petit clic, un léger mouvement du poignet, un glissement sur le tapis et tout se termine. Exit. Rideau. Quand le monde se résume désormais à un clic, à vous les délices du no life et les charmes du no contact.

S'il te plaît, dessine-moi qui tu es, à quoi tu ressembles! Que m'importe que tu te morphes. Que m'importent ton visage d'ange et ton corps de manga. J'aime cet avatar qui reflète ce que tu es au plus profond de toi. Moi, je connais le secret. Le fin mot de l'histoire. Quatre petites lettres qui mènent le monde depuis la nuit des temps. Mais chaque chose en son temps. L'histoire n'est pas finie.

Dis-moi qui tu es. Tu ne veux pas ? Alors dis-moi qui tu voudrais être, qui tu pourrais être, qui tu aurais dû être si... Tes amis seront mes amis. Mets ma photo sur ta page facebook et je te suivrai dans twitter. Ca c'est moderne. Les tribus virtuelles sont des tribus no made.

La société s'atomise en feignant de croire exactement le contraire. Tous ces réseaux sociaux ne constituent-ils pas d'immenses territoires collectifs? Alors un clic et l'écran se remplit de merveilles. Un clic et des tas de personnes intéressantes t'attendent sur les forums à la mode. Pas de stress, pas de lézard. Bien à l'abri et au chaud dans le fauteuil, un verre de vin rouge posé à côté de l'écran plat. Un beaujolais parce qu'il est nouveau. La porte d'entrée est verrouillée à double tour parce que dehors c'est le Far-West et le Bronx réunis. Derrière l'huis clos, dans la rue, des gangs de marmots de maternelle, en rupture de couvre-feu, font régner la terreur. Ils brandissent leurs biberons de plastique en guise de masse d'arme et coursent les vieilles dames aux cheveux bleus.

Moi, j'étais déjà un accro du minitel. Du minitel rose surtout. Il y avait ces petits carrés qui défilaient pour former laborieusement des images géométriques, vaguement ressemblantes. Hyper basse vélocité. A l'époque, l'imagination palliait la pauvreté graphique et la faiblesse des ressources matérielles. Mais peu importait car le rêve était là. Et cela suffisait au bonheur de tous. J'ai continué sur le net bien sûr. Il ouvrait de plus grandes opportunités, en phase d'ailleurs avec l'évolution des mentalités. J'adore ça. L'ouverture des mentalités et une liberté de moeurs plus assumée. Plus d'argent à faire aussi.

Quand elle m'a croisé, elle a vu ce que j'étais réellement car je ne joue à aucun jeu. Pas de fausse pudeur et pas d'artifice. La réalité dans toute sa crudité. Je suis ce que je montre. Au moins, elle savait à quoi s'en tenir. Elle a eu ce qu'elle désirait. Et ce qu'elle désirait c'était moi. Pas de tromperie sur la marchandise. Je suis d'une nature rentre-dedans. Pas de faux-semblant. Je ne suis pas lisse comme certains. Oh que non !

Notre histoire a commencé comme beaucoup d'autres. Je suis un pur produit des zones mal famées du monde souterrain. Vous chuchotez quand vous parlez de nous sous le manteau. Elle venait de votre monde, du monde de la surface. Notre premier contact a été anonyme. Elle est entrée dans la boutique, faisant semblant d'être là un peu par hasard. J'étais à ma place habituelle. Le choix de l'emplacement est déterminant. Pas à l'entrée pour ne pas effaroucher. Pas trop à l'écart pour être sûr d'être vu. Elle est ressortie presque aussitôt. Pas suffisamment vite pour que je ne remarque pas le regard rapide et oblique qu'elle avait lancé dans ma direction. Cela n'a duré qu'une fraction de seconde mais dès cet instant, j'aurais pu affirmer qu'elle allait revenir. Pour moi. C'était juste une question de temps.

Or le temps est une notion abstraite et vide de sens. Tout ce qui compte c'est qu'elle soit revenue. Cette fois-là, elle s'est dirigée directement vers moi. Il y a toujours un peu de magie dans la naissance d'une nouvelle idylle. Une sorte d'excitation, une fébrilité impatiente, une exaltation enivrante. Je l'aimais déjà. Elle apprendrait à m'aimer. Je ne suis pas très compliqué.

Pour la rejoindre chez elle, il a fallu redoubler de précaution. La concierge, ses parents, ses amis. Je n'étais pas de leur monde. C'est toujours la même rengaine. Ils n'auraient pas compris. Ils auraient été choqués sans doute. Je restais caché quand elle les recevait. Sans qu'elle eût besoin de l'avouer réellement, j'ai compris qu'elle avait connu un immense chagrin d'amour avant moi. Bien avant moi. Elle ne faisait plus confiance aux hommes. Elle semble avoir été déçue à un point inimaginable. Au-delà des mots. Elle n'a pas voulu en dire plus. Depuis, elle vivait seule avec ses rêves et ses cauchemars. Avec ses chats et ses oiseaux. Avec ses désirs et ses dégoûts. Jusqu'à ce qu'elle ose faire un autre pas. Vers moi. J'étais là et je l'attendais aussi, d'une certaine façon.

C'est notre lot à nous, les Don Juan de pacotille. Notre sacerdoce. Nous ne sommes pas regardants. Nous donnons ce que nous avons. Ce que nous sommes. Je suis fait de cette matière. Avant elle, je n'existais pas vraiment. Elle m'a désiré, elle a payé le prix... je l'ai aimée.

Nos premiers émois furent hésitants.

Plusieurs fois, elle a refusé de poursuivre, de perdre le contrôle, de se laisser faire et me permettre de la conduire là où tout son être frémissait de se rendre. J'ai attendu patiemment. Il ne faut pas brusquer les choses. Jamais. Elle m'a jeté quelques fois brutalement en pleurant doucement, accrochée à son oreiller comme à une bouée. Elle s'est endormie à côté de moi et dans son rêve elle l'appelait encore. L'autre. Le temps n'avait pas guéri toutes ses blessures.

Et puis une nuit, elle est venue à moi. Ses gestes étaient calmes, déliés et déterminés. Elle m'a saisi doucement, ses doigts réveillant toute mon énergie. Elle avait les pupilles d'une couleur étrange. Peut-être était-ce dû simplement à la clarté de la lune qui baignait son visage. J'ai caressé timidement sa joue et la courbe de sa nuque. Elle a fermé les paupières. Alors, je suis descendu le long de son épaule, explorant le creux de son bras. Puis, remontant en lentes et infernales spirales, j'ai longuement erré sur de douces collines, jusqu'à ce qu'elle halète quand je frôlais encore et encore les baies vermillons dressées à leurs sommets. La peau de sa gorge s'est peu à peu marbrée des rougeoiements d'une houle puissante qui se levait en vagues amples et profondes. Sa poitrine se soulevait irrégulièrement, témoignant de l'affolement progressif de ses sens. Je suis un expert en la matière, fruit d'une tradition séculaire.

Elle arrêtait violemment mon mouvement et me repoussait en arrière quand elle sentait le flux du désir l'emporter trop vite. Je suspendais alors obligeamment mes approches. Attentif à ses attentes secrètes, je m'appliquais à explorer chaque grain de sa peau douce et lisse. Je vibrais d'une ardeur renouvelée quand ses doigts m'intimaient de nouveaux ordres, en me poussant vers le bas, plus bas, là où les ombres s'étendent en lignes brisées. Là où la chair devient si tendre. Je lui étais entièrement soumis et je voulais pour elle tout le bonheur du monde. Je voulais qu'elle soit toute à moi. Tendu à l'extrême, j'ai dû laisser les rênes à ma technique longuement éprouvée. Elle poussait de tous petits cris qu'elle tentait maladroitement de réprimer et c'étaient des murmures de pure jouissance qui filtraient de ses lèvres entr'ouvertes. J'avais gagné. Ses défenses tombaient les unes après les autres sous mes assauts répétés. Elle m'étreignit à pleines mains pour m'approcher de son ultime forteresse. Pantelante, hors d'elle, elle se rendit enfin, les armes à la main. Elle succomba en criant son prénom quand j'enfonçai sa dernière résistance. Mais je m'en foutais. J'avais atteint mon but!

Epuisée et assouvie, elle s'abandonna au sommeil et sa respiration se fit lourde. Tout contre sa cuisse dénudée qui luisait sur le drap blanc, j'étais heureux. J'étais fait pour elle. Tout augurait d'un avenir radieux. Quand la félicité vous sourit, vous vous sentez devenir immortel et rien ne peut altérer votre béatitude.

Les semaines et les mois qui ont suivi n'ont pas démenti cette première communion. Elle ne pouvait plus se passer de moi. J'avais quelques fois la tête au fond du sac mais cela ne me dérangeait guère. Elle avait dissipé ses idées noires et mordait à nouveau la vie à pleines dents. J'étais son histoire d'amour. Elle avait enterré son passé et une lumière vive et nouvelle illuminait son regard. Elle renaissait à la vie. Grâce à moi. Ce fut une période bleue, de celles que l'on croit éternelles.

Un soir, elle rentra avec un nouveau CD. Elle le glissa dans le lecteur et elle pirouetta dans la chambre comme une adolescente en riant aux anges pendant que le chanteur s'égosillait en reprenant le refrain :

I was made for lovin' you baby
You were made for lovin' me
And I can't get enough of you baby
Can you get enough of me


Moi, je savais que je n'avais jamais assez d'elle. Cette nuit-là, nos ébats ne furent jamais aussi intenses. Frénétiquement, elle me donna tout. Ses lèvres, son ventre, ses reins. Rompue de plaisir, elle gémit longuement en m'emprisonnant dans une étreinte de fer.


Ce n'est que quelques jours plus tard que le doute s'insinua en moi. Au début, je ne prêtai pas attention à d’infimes signes avant-coureurs. Elle se montrait un peu plus distante. Elle rentrait plus tard aussi et elle me laissait seul, inutile et abandonné. Et lorsqu'elle revenait vers moi, elle était nerveuse, vaguement coupable, bâclant notre plaisir, l'esprit ailleurs. Absente. Je ne suis pas naïf au point de ne pas m'apercevoir qu'elle avait quelqu'un d'autre. Je n'étais pas jaloux, simplement triste. Elle me négligeait de plus en plus.

Ces histoires semblent inéluctables. Un jour, elle m'a rangé au fond d'un placard. Je ne me suis pas plaint. J'ai dit que mon existence était un sacerdoce. Cela en fait aussi partie. Placardisé. Sur la plus haute étagère, loin de sa lumière, au niveau des bibelots dont on veut se débarrasser. Dans le noir et la poussière, j'ai attendu. Attendu qu'elle se souvienne de moi. Qu'elle se rappelle de mon abnégation. Ai-je jamais fait autre chose que lui donner du plaisir sans aucune contrepartie ? Sans rien attendre en retour?

J’ai dû me rendre à l’évidence. Elle n'est plus seule. Une présence étrangère, lourde et maladroite, a envahi notre espace. Une voix différente. Plus grave. Masculine. Un homme s'est installé chez elle. Quand le silence se fait, j'entends distinctement leurs ébats. Je ne peux me boucher les oreilles. Il lui fera mal, c’est certain, car il n'est pas fait pour elle. Contrairement à moi. Le temps ne compte pas ai-je dit. C'est faux. Le temps use tout. Je m’épuise lentement trop loin d’elle, de ma source d’énergie.

Tiens, la porte du placard s'ouvre. Le frisson d'excitation qui me parcourt est une délicieuse torture. Est-elle revenue pour moi? Une main me saisit et me ramène à la lumière. Enfer et damnation. Ce n'est pas la main fine et délicate de celle que j’aime. Non, elle n'est pas revenue, elle partie comme chaque jour et ne rentrera que ce soir. C'est une main forte et virile... sa main à lui...NOOOOOOOOONNNNNN !



M


  
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Réponses à ce message :
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2009-11-23 07:53:12 

 J'aime beaucoup!!! :)Détails
Excellent texte! Personnellement, pas assez réveillée, j'ai dû attendre le moment où elle le range dans un placard pour comprendre..... En même temps, il n'est pas encore 8h du mat'! :)
Très joli texte donc, qui donne vie à un objet que je ne savais pas doté d'autant d'états d'âme. Bravo!

Ce message a été lu 7204 fois
z653z  Ecrire à z653z

2009-11-23 13:13:44 

 superbe titre !!Détails
"Je ne suis pas lisse comme beaucoup."
"Elle est entrée dans la boutique"
Voici les deux gros indices (avec le titre évocateur) qui m'ont fait deviner.

L'histoire est superbement écrite.
Une deuxième lecture est indispensable !

deux détails :
"zones ml famées"
"Nous donnons ce pour nous avons"

Ce message a été lu 6896 fois
Netra  Ecrire à Netra

2009-11-23 14:21:31 

 Excellent !!! Détails
Moi, j'ai compris de quoi il s'agissait dès le titre, mais sur le coup je me suis dit : "non, il va pas oser..." et puis... Toujours dispo sur le Web ? "Ah, si, il a osé en plus !!!"

Un excellent texte, qui respecte parfaitement la consigne et qui, en plus, a une chute marrante.
Bref : merci !!!
Netra, y'a plus de chouchen...

Ce message a été lu 7255 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-11-28 20:11:27 

 Commentaire Maedhros, exercice n°69 bisDétails
C'est une idée tout à fait originale, et traitée avec beaucoup de finesse. On peut s'en douter dès le titre, mais alors on n'en savoure que davantage les petits cailloux blancs que tu as semés sur le chemin: "je suis d'une nature rentre-dedans", "elle a payé le prix", "je vibrais", "les armes à la main", et le très joli "j'avais quelquefois la tête au fond du sac"...
C'est tellement subtil que je suis persuadée qu'une âme innocente passerait complètement à côté, et ça, bravo, c'est de l'art!
Il y a de plus dans le ton du narrateur un côté "gros nounours" absolument délicieux, qui renforce l'aspect ludique sans aucune connotation morale. Et c'est parfaitement juste! Tu l'as anthropomorphisé juste assez pour qu'il ait des émotions, mais en lui laissant son innocence de jouet. Fortiche!

Une bricole, juste un transfert de "s":
- il a fallu redoubler de précautions
- les baies vermillons: sans "s"


C'est un texte léger, ludique, audacieux et spirituel. Un style qui tranche résolument avec tes productions habituelles, mais je ne saurais m'en plaindre!
Narwa Roquen, le sourire aux lèvres...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-01-13 17:33:36 

 Exercice 69 bis : Maedhros => CommentaireDétails
Magnifique texte ! J’adore ! Tu laisses deviner mais tu donnes suffisamment d’infos pour qu’on percute. A la deuxième lecture, j’ai souri tout le temps à tes allusions finaudes, aux jeux de vocabulaire et double-sens artistement trouvés. Le titre est excellent, même s’il vend un peu la mèche.
« Quatre petites lettres qui mènent le monde depuis la nuit des temps. » : je n’ai compris qu’à la deuxième lecture. L’intro sur les relations virtuelles est dans le ton, un peu délirante, avec des jeux de mot amusants.
« Je suis d'une nature rentre-dedans. Pas de faux-semblant. Je ne suis pas lisse comme certains. Oh que non ! » : très fort ! « Je restais caché quand elle les recevait. » bien vu. « Je vibrais d'une ardeur renouvelée » : joli choix de mots ! Compliments.
J’ai commencé à me poser des questions lors de la scène dans la boutique mais je n’avais pas encore deviné. Je n’ai compris qu’avec « Elle m'a jeté quelques fois brutalement ».
Tu sembles aussi à l’aise dans le domaine de l’érotisme que dans le reste. L’idée de ce texte est maligne et agréablement libertine. La fin est horriblement drôle.

Est', en pleine lecture.

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