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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 16 decembre 2009 à 22:43:05
Imaginez quelques scènes supplémentaires avec des personnages secondaires très « couleur locale », de petites intrigues annexes sur les bas-fonds de Rome et la rigidité du clergé... Imaginez que ce soit en vers... Et vous aurez le texte que j’aurais écrit si j’avais eu six mois pour le faire...
Et par pitié, ça se passe en Italie, donc Michele se prononce Mikélé – merci pour mes ancêtres !



L’autre histoire




Prologue


Un cimetière, la nuit.

Frère Lawrence : Ils sont bien étranges, les grands de ce monde ! Celui-là voit sa fille chérie la poitrine ensanglantée, gisant sur la terre froide, et il la laisse là, comme un chien galeux dans un caniveau, parce qu’un Prince lui a dit « Partons » ... Allons, Balthazar, aide-moi à la remettre dans son caveau, dont elle n’est sortie que pour souffrir davantage... Pauvre enfant... Chaude encore...

Il pose la main sur le ventre de la jeune fille, sursaute, et approche son visage de celui de la morte.

Balthazar, vite ! Va chercher sa Nourrice ! Et l’apothicaire ! Et ne souffle mot à personne !

Balthazar sort en courant.

Ma douce enfant, je t’en supplie, si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour lui !




Acte I



Scène I



Rome, 1596. Une modeste demeure dans un quartier pauvre.

La Nourrice : Cela me fend le coeur, ma petite Juliette, de te voir donner le sein toi-même, comme une miséreuse...

Juliette souriante, l’enfant à son sein: Laisse, Nourrice. C’est agréable. Cet enfant est tout ce qui me reste de Roméo. Et parfois, quand il tire fort sur mon téton, j’ai... mais tu me diras que c’est toujours ainsi sans doute... j’ai... la même émotion au fond du ventre que lorsque son père...

La Nourrice le sourcil froncé: Cela se peut, en effet. Mais de ces choses-là il ne convient pas qu’on parle.

Juliette : Pourquoi ne peut-on en parler, puisqu’on peut les vivre ?

La Nourrice : On frappe à la porte ! Jetez donc un voile sur ce sein, ou passez à côté !


Entre Frère Lawrence.

Scène II



Lawrence : Que la paix soit avec vous, Nourrice. Comment se porte la jeune mère ?

Juliette : Je vais bien. Et mon fils est goulu ! Voyez ces bonnes joues et ce ventre rebondi ! Pour sûr il est vaillant et tendre, comme son père.

Lawrence : Vous m’en voyez bien aise. Votre visage est bien coloré et vous avez l’air fraîche comme une rose de mai. C’est un vrai miracle de vous voir ainsi !

Juliette : C’est cet enfant qui est un vrai miracle. Quand je me suis éveillée dans vos bras, en ce terrible jour où j’étais morte deux fois, je n’aspirais qu’à mourir encore, et je maudissais ma maladresse : la lame du couteau avait glissé sur mes côtes, et j’étais en vie alors que mon cher amour, victime du poison, était parti à tout jamais... Mais vous avez pris ma main et vous m’avez dit, avec toute la tendresse d’un père pour sa fille – douceur dont mon propre père n’a jamais été capable – vous m’avez dit « Juliette, il faut que tu vives ! Tu portes en toi l’enfant de Roméo. Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour lui ! » Et ces saintes paroles m’ont insufflé force et courage, et je prie Dieu qu’il vous bénisse à jamais pour ces deux vies que vous avez sauvées.

Lawrence : Point de regret, alors ?

Juliette : Roméo me manquera jusqu’à l’heure de ma mort. Mais donner la vie, nourrir ce petit être chancelant et fragile... c’est un autre bonheur, différent, mais tout aussi fort. Je ne regrette rien. La terre doit mourir en hiver pour revivre au printemps. Et le printemps est d’autant plus beau que l’hiver a été plus rude.

Lawrence : Peut-être serait-il temps de rentrer à Vérone. Je t’ai emportée au loin sans vraiment réfléchir. Ils te croyaient tous morte, j’ai pensé que tu avais besoin de calme et de repos... Mais tu vis dans une pauvreté indigne de ton rang. Je t’ai amené cinq pièces d’or, même si je crains que cela ne soit qu’une goutte d’eau dans l’océan de tes besoins... Quand l’urgence nous presse, nos décisions ne sont pas toujours sages.

Juliette : Au contraire ! Vous avez bien agi. Si j’étais restée, les Montague auraient conçu rancune que seul Roméo soit mort, et la guerre aurait repris entre les deux familles. Et mon père, malgré tout le respect que je lui dois, aurait sûrement considéré cet enfant comme un importun. Nul doute qu’à l’heure qu’il est il m’aurait déjà remariée de force à l’un de ses amis.

Lawrence : Mais vous seriez déchargée de toute préoccupation matérielle, et un homme fort vous prendrait dans ses bras... J’ai fait voeu de chasteté, pour ma part, mais je connais l’appétit de la jeunesse, et je ne le blâme pas, car Dieu a dit « aimez-vous et multipliez-vous ».

Juliette en riant: Eh bien, ils se multiplieront sans moi. Pour l’heure, je n’ai guère d’appétit pour les hommes. Mon enfant me comble et m’enchante. Et vivre simplement ne m’attriste pas. Nourrice nous a trouvé des travaux de broderie. Cela n’est point dégradant et nous permet de vivre sans dépendre de quiconque. Je mettrai votre don de côté. Pour l’instant, nous avons assez.

Lawrence : Comme tu as changé, mon enfant... Tu n’as pas seize ans et déjà tu parles comme si Dieu t’avait offert toute la sagesse du monde... Où est la petite Juliette effrontée et rebelle, qui défiait son père et toutes les lois de la cité ?

Juliette : Je n’ai jamais défié la seule loi qui m’ait paru juste : celle de Dieu. J’ai épousé Roméo.

Lawrence : Ceci est vrai. Mais ne penses-tu pas que ton père serait heureux de te savoir en vie ?

Juliette fronçant les sourcils : Ma mère l’aurait été, mais ma mère est dans sa tombe. Et je ne crois pas que mon père, quelle que soit sa joie de me revoir, puisse avoir à coeur autant que moi de préserver les intérêts de mon enfant. Il vivra pauvre, certes, mais il vivra choyé et heureux, et je respecterai ses choix et ses désirs. La mère de l’oiseau ne le retient pas au nid lorsque l’heure est venue. Elle le laisse s’envoler, vient à son secours s’il est en peine, et ne l’entrave pas quand il veut partir. Ainsi grandira mon fils.

Lawrence : Amen.



Scène II



Deux ans plus tard. La maison de Juliette, à Rome. Juliette et Nourrice brodent autour de la lampe posée sur la table. C’est la nuit.

Juliette : Demain, au marché, il faudra acheter des chaussures à Angelo. Les siennes sont trouées.

Nourrice : Encore ! Cet enfant te mettra sur la paille, Juliette ! Il a usé plus de chaussures en un an que moi dans toute ma vie !

Juliette : C’est qu’il est infatigable ! Dès qu’il ne dort plus, il ne cesse de courir partout, comme un jeune chiot. Il est si drôle !

Nourrice : Oui, il court, il chante, il crie, il jette, il casse, il exige et il refuse... Il devient insupportable ! Tout à l’heure, pendant que tu étais sortie, il a jeté au sol son assiette de gruau en hurlant « moi veux maman ! »

Juliette : Le pauvre petit...

Nourrice : Il serait temps de le sevrer.

Juliette : Il n’a que deux ans... Est-ce que tu ne m’as pas nourrie jusqu’à trois ans ?

Nourrice : Si fait. Mais tu étais si douce et si câline... Rien à voir avec ce monstre hurlant qui se roule par terre dès que je ne fais pas ses quatre volontés.

Juliette : Il a du caractère... Il me plaît assez qu’il s’affirme et qu’il s’oppose. Je suis sûre qu’il deviendra un homme vaillant et courageux. Et puis tout cela n’est pas bien méchant, n’est-ce pas... Quand il dort, il a le visage d’un ange...

Nourrice : Et c’est le nom que tu lui a donné, aussi... Mais cet ange-là nous fera damner si nous le laissons faire !

Juliette : Crois-tu que son père lui manque ? Je ne voyais guère le mien lorsque j’étais petite, sauf lors des grands banquets où il fallait rester assis pendant des heures, quand j’avais tellement envie d’aller jouer avec les chiens... Mais je n’aurais jamais osé désobéir... Vois-tu, Nourrice, je lui envie cette liberté de dire non, de se mettre en colère, de jeter à terre ce qui lui déplaît...

Nourrice : Mais s’il continue sur cette voie, il deviendra un homme violent et un hors-la-loi.

Juliette dans un soupir: Tu as sans doute raison. Il faudra bientôt que je sévisse. Mais laissons-le profiter encore un peu... L’enfance passe si vite... Et puis... je redoute l’heure où mon sein deviendra vide et inutile... Tant que je le nourris, j’ai l’impression qu’il est encore un peu à l’intérieur de moi, même si je peux le voir et le toucher... Il est le dépositaire de tant d’amour, tu sais...

Nourrice : C’est ton fils et tu l’aimes, bien. Mais Roméo est mort depuis trois ans, maintenant. Il ne serait pas inconvenant que tu...

Juliette : Roméo n’est pas mort ! Il est dans mes rêves toutes les nuits, toujours aussi vivant et amoureux qu’autrefois ! Il est dans les yeux d’Angelo, dans sa bouche, dans ses petites mains qui s’agrippent à mon corsage...

Nourrice en secouant la tête: Roméo est mort. Et ton enfant n’est qu’un enfant, qui partira un jour. Il serait temps que tu...
Des cris viennent de la rue.
Qu’est-ce que c’est ?
On entend le bruit d’une chute et un cri d’agonie. Juliette se précipite et ouvre la porte.

Juliette : Nourrice, viens m’aider ! Mon Dieu ! Il est couvert de sang ! Vite, vite, là, aide-moi !


Scène III



Elles transportent le corps d’un homme ensanglanté, le couchent à terre devant la table, en avant-scène.

Juliette : Fais bouillir de l’eau ! Découpe un drap ! Il faut le panser, le pauvre homme ! Nous allons vous soigner, vous êtes en sécurité ici, de grâce, ne mourez pas !
L’homme ouvre les yeux, voit le visage de Juliette penché sur lui, sourit : Je suis au paradis...
Il s’évanouit.


Acte II


Scène I



Trois semaines plus tard. Un lit a été installé dans la pièce principale. L’homme, le bras gauche en écharpe, dessine assis à la table tandis que Juliette brode.

Juliette : Cela fait une heure maintenant que vous êtes levé, Michele. Vous devriez vous recoucher.

Michele : Oui, maman.

Juliette : Je ne suis pas votre mère. Mais la fièvre n’est tombée qu’hier... et votre blessure au flanc risque de se rouvrir.

Michele : Impossible, j’ai été soigné par un ange.

Juliette : Ne blasphémez pas. Que griffonnez-vous ainsi, depuis une heure ?

Michele : Oh rien, je griffonne...

Juliette pose son ouvrage, s’approche pour regarder le dessin: Mais c’est moi !

Michele : Ce n’est qu’une pâle esquisse de votre beauté, madame. Votre portrait mériterait les couleurs les plus pures de l’arc en ciel.

Juliette un peu troublée : Vous êtes fort galant... mais vous devriez aller vous reposer. Néanmoins je reconnais que vous dessinez merveilleusement bien.

Michele : C’est mon métier.

Juliette : Vous êtes peintre ?

Michele : C’est ce que je crois. Mais mes maîtres ne sont pas encore de cet avis.

Juliette : Ma foi, je suis profane en la matière, mais je ne serais pas étonnée que vous réussissiez bien vite à les convaincre... Oh... Angelo pleure. Le pauvre a dû faire un cauchemar.

Elle sort. Entre Frère Lawrence.



Scène II



Lawrence : Vous êtes encore là ?

Michele : Je commence tout juste à me lever, et...

Lawrence : Je vous avais dit de partir, cela fait déjà trois jours ! Et vous faites son portrait ! Quelle impudence !

Michele : Frère Lawrence, je trouve que vous manquez cruellement de charité chrétienne.

Lawrence : Hors d’ici je vous serai peut-être charitable. Mais je sais qui vous êtes, je me suis renseigné : vous n’êtes que stupre et luxure, malgré vos belles paroles et ce don absurde que vous profanez sans cesse... Il n’y avait sans doute que deux innocentes dans Rome qui l’ignoraient encore, et c’est à leur porte que vous avez frappé !

Michele calmement: Je n’étais guère en état de frapper à une porte... Elles m’ont recueilli de leur plein gré.

Lawrence : Et j’exige que vous partiez d’ici au plus tôt ! La réputation de Dame Juliette...

Michele : Dame Juliette n’aura jamais rien à craindre de moi. D’ailleurs, puisque vous me connaissez si bien, vous devez savoir que les charmes qui m’attirent sont d’un autre genre...

Lawrence : Taisez-vous ! Vos propos maudits insultent la pureté de cette demeure !

Michele : Allons, moine ! Juliette n’est pas la Sainte Vierge ! Et moi je suis un homme, pas un démon !

Lawrence : Un homme que je ne veux plus voir ici dès demain.

Michele : Sinon ?

Lawrence : Sinon je ferai en sorte que ni le Sicilien ni un certain Cavalier ne vous ouvrent plus leur porte.

Michele hausse les épaules : Ils connaissent mes penchants. Mais ils savent reconnaître la valeur de mon art.

Lawrence : Je saurai les persuader. Personne ne doute de la parole d’un homme d’Eglise.

Michele riant: Quoi, vous mentiriez ? Vous damneriez votre âme pour sauver vote petite protégée des griffes d’un garnement qui ne lui a pris jusqu’à ce jour que beaucoup de son temps et un peu de sa soupe ?

Lawrence : On dit que vous deviendrez un grand peintre, Michele. Mais je crains que tant que vous ne connaîtrez pas le véritable sens du don, votre belle technique ne soit qu’une mascarade...

Il sort. Michele continue à dessiner en souriant.




Acte III


Scène I



Un an plus tard. Un banc, dans le jardin d’une église. Juliette est assise. Elle porte une cape grise avec une capuche qui dissimule en partie son visage. Elle attend, regardant à droite et à gauche, tendant le cou pour voir plus loin. Entre Michele, portant la blouse des peintres, tachée de peinture.


Michele : Juliette ! Depuis combien de temps attendez-vous là, dans le froid ? Une chance que je vous aie vue de la fenêtre...
Il lui prend les mains.
Vous êtes transie !

Juliette secoue la tête, faisant glisser sa capuche: Vous m’avez laissée sans nouvelles depuis dix jours ! Cette chapelle... racontez-moi... Votre peinture...

Michele l’air contraint: Je... J’aurai fini ce soir.

Juliette : C’est merveilleux ! Est-ce que je pourrai la voir ?

Michele : Oui... Sans doute...Mais... Juliette, je dois partir. On m’attend à Milan. J’ai un travail à faire là-bas.

Juliette : Une autre chapelle ?

Michele : C’est cela, oui, une autre chapelle.

Juliette : Ah... Et... vous serez parti longtemps ?

Michele : Oui. Longtemps. Je... Je ne reviendrai... probablement pas.

Juliette : Mais...

Michele : Je vous en supplie, ne me regardez pas ainsi. Je m’arracherais le coeur plutôt que de vous faire du mal.

Juliette : Vous m’en ferez, cependant, en partant...

Michele : Je vous en ferais davantage en restant.

Juliette baisse la tête.

Michele : Non... Ce n’est pas ce que vous croyez... Vous êtes merveilleuse, Juliette, il émane de vous une lumière qui éclaire toute ma vie. Depuis que je vous connais... Toute cette année où vous m’avez honoré de ... de votre présence... amicale, de vos rires, de vos gestes si chastes et... Je n’ai jamais peint avec une telle force, avec une telle grâce...

Elle lève vers lui un regard ébloui.

Michele : Mais vous ne me connaissez pas... Je... Je suis un mécréant, un homme dépravé et violent... Je ne mérite même pas de baiser l’ourlet de votre robe !

Elle pose sa main sur son bras.

Juliette : Peut-être avez-vous été cet homme, mon ami. Mais le Michele que je connais est sincère et honnête, il est attentionné et fidèle, il sait consoler mes chagrins et se réjouir avec moi de mes bonnes fortunes. Que m’importe ce que vous avez été ? Je vis dans le présent !

Michele : Mais les gens vous diront...

Juliette : Serait-il plus avisé d’écouter les commérages que de suivre son propre coeur ?


Michele : Mais si les démons qui m’habitent...

Juliette : Qui vous dit qu’ils existent encore ? Je crois en un Dieu de miséricorde. Je crois que la confiance et l’amour ont le pouvoir de vaincre le mal.

Michele : Je...

Il se jette à ses pieds, sanglote dans son giron. Elle caresse ses cheveux.


Scène II



Entre Frère Lawrence. Il se précipite sur Michele, le repousse, le jette à terre.

Lawrence : Maudit ! Combien de fois faudra-t-il que je te chasse ? Je t’avais interdit de l’approcher ! Mais ton âme corrompue ne peut s’empêcher de souiller tout ce qui est pur ! Elle t’a sauvé la vie, et malgré cela tu oses...

Juliette s’est levée, indignée : Eh bien, Frère Lawrence, est-ce là toute l’estime que vous avez de moi ? C’est moi que vous insultez dans votre injuste colère !

Lawrence : Juliette, vous n’êtes qu’une enfant, vous ne savez pas...

Juliette : Qu’est ce que je ne sais pas ?

Lawrence : Cet homme... ses penchants pervers... ses beuveries, ses rixes, ses mignons... Cet art qu’il prône tant, il le défigure ! Ses anges sont lubriques, ses saints ont les pieds sales de poussière...

Juliette : Non, pas tous. Saint Matthieu. Mais que je sache, avant d’être proclamé saint, Matthieu était un homme comme les autres ! Est-ce que vos pieds sont toujours propres ?

Lawrence : Oh, je vous en prie... Vous admirez son talent, et cela vous aveugle. Mais ce n’est qu’un misérable ruffian qui...

Juliette : Je sais tout cela. Mais en vérité, Frère Lawrence, ne suis-je pas dame Juliette Montague, une honorable veuve, une mère aimante et une femme irréprochable ? Ou bien ne verrez-vous en moi, jusqu’à l’heure de ma mort, qu’une adolescente naïve prête à courir tous les dangers pour assouvir une passion charnelle ?

Lawrence : Vous reniez...

Juliette avec fougue : Je ne renie pas Roméo. Pas plus que je ne suis prête à renier mon coeur.

Lawrence : Vous n’êtes pas de taille contre le Diable !

Juliette : Et où voyez-vous le Diable, homme de peu de foi ? Je ne vois ici qu’un homme, qui a péché, qui l’a reconnu, et que Dieu ne demande qu’à accueillir dans son pardon infini.

Lawrence : Vous n’auriez jamais dû le revoir ! Je lui avais dit...

Juliette : Qu’est-ce que vous...Elle réfléchit un instant, puis se met en colère.C’était vous ! C’était vous ! Vous l’avez chassé de chez moi, alors qu’il se levait à peine, vous l’avez jeté à la rue en bafouant toutes les lois de la charité, en me traitant par là même comme une démente, comme une arriérée ! La pauvre petite, elle ne sait pas ce qu’elle fait ! Mais le Royaume des Cieux appartient aux innocents, et c’est Dieu lui-même qui m’a permis de le retrouver, dans une chapelle ! Dieu qui vous mit sur mon chemin pour me faire mourir et renaître, lorsqu’il était temps de vivre une nouvelle vie, parce que dans sa divine Providence il jugeait que j’avais encore une oeuvre à accomplir, et pas seulement celle d’élever mon fils comme un vrai chrétien ! Dieu qui m’a permis de découvrir que la passion n’est qu’une forme de l’amour, et que l’amour peut prendre bien des visages ! Est-ce que Dieu, votre Dieu, n’a pas absous Marie-Madeleine ? Allez-vous abjurer votre foi, ce soir, parce vous trouvez que Dieu n’est pas assez cruel pour satisfaire votre intransigeance bornée ?

Lawrence troublé: Je... Vous... Faites à votre guise. Je vous aurai prévenue.

Il sort.


Scène III



Michele : Je suis abasourdi. Juliette, petit oiseau sur la branche, vivant simplement de ses travaux d’aiguille, entre sa vieille Nourrice et son fils en bas âge... Juliette, limpide, enthousiaste, généreuse... Tu es une Dame... Je savais que tu n’étais ni légère ni frivole. Je découvre une âme noble, courageuse, intelligente, résolue. Je suis comme un homme qui aurait toujours vécu dans une caverne et qui voit enfin le soleil se lever dans toute sa splendeur... Je suis comme Paul sur le chemin de Damas, une lumière éblouissante m’a fait tomber de cheval et je demeure à terre, étourdi, stupéfait, extasié...

Juliette lui tend la main pour l’aider à se rasseoir près d’elle, mais il reste à genoux.

Michele : Non ! Tu es mon soleil, et je veux te contempler encore et encore, haute et brillante dans le ciel...

Juliette : Je ne suis qu’une femme, Michele. Je n’ai aucun talent, aucune richesse...

Michele : Tu as le plus beau des talents, la plus grande des richesses : tu as un coeur plus grand que l’océan ! Et moi si misérable, si indigne... je voudrais mourir pour toi !

Juliette sérieuse : Un homme autrefois est mort pour l’amour de moi. Et j’ai voulu mourir pour l’amour de lui. Il y a eu beaucoup de larmes et beaucoup de souffrance. Je crois aujourd’hui que l’amour est ce qui nous fait vivre, ce qui nous fait rire et chanter, ce qui nous permet de supporter les épreuves quotidiennes avec force et courage. Je crois que l’amour ne devrait nous faire pleurer que de joie.

Michele : Alors je vivrai pour toi, et chacun des actes de ma vie te sera dédié, et je me battrai chaque jour pour que le sourire ne quitte jamais tes lèvres... si tu le veux...

Juliette lui tend une main, qu’il embrasse : Oui, je le veux.

Michele : Amor vincit omnia... Je le vois dans ma tête : l’Amour, avec son visage enfantin, un peu espiègle, un peu coquin, avec des ailes d’aigle, dans un équilibre léger... A ses pieds, les symboles de la musique, du pouvoir, de la guerre, du savoir... Jouer sur le clair-obscur, lui donner une expression tellement joyeuse qu’on ne pourra pas le voir sans sourire...

Juliette en riant: Celui-là, tu ne pourras pas le mettre dans une chapelle !

Michele : Celui-là, tu le garderas pour toi. Et il te murmurera chaque jour à l’oreille que quoi que je fasse, où que je sois, tu seras la première et la dernière de mes pensées...



Rideau

Narwa Roquen,qui a mis ses petits pieds dans les traces d'un géant...


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 70 : Narwa => Commentaire - Estellanara (Ven 29 jan 2010 à 11:20)
       4 Droit de réponse - Narwa Roquen (Ven 29 jan 2010 à 22:51)
              5 L'élève de Raphael... - Maedhros (Sam 30 jan 2010 à 18:14)
                   6 Et un bisou pour Maedhros! - Narwa Roquen (Sam 30 jan 2010 à 20:36)
                       7 Zut alors - Netra (Sam 30 jan 2010 à 20:45)
                          8 Allez, va... - Narwa Roquen (Sam 30 jan 2010 à 21:33)
                             9 Vrai ? - Netra (Dim 31 jan 2010 à 17:17)
              5 Oh je ne dis pas... - Estellanara (Sam 30 jan 2010 à 11:14)
              5 Michele - Netra (Sam 30 jan 2010 à 00:05)
                   6 Que si ça se trouve... - Narwa Roquen (Sam 30 jan 2010 à 13:44)
                       7 Michele da Verona - Netra (Sam 30 jan 2010 à 20:38)
3 Est-ce que ça cacherait quelque chose ? - Netra (Jeu 17 dec 2009 à 12:27)


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