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De : shaana  Ecrire à shaana
Date : Lundi 17 mai 2010 à 11:18:07
Extraits de la Constitution Galactique

De la nature du Parlement

Art. 1 – “Nous, planètes de la Galaxie Oktalla, déclarons vouloir constituer une fédération, communément appelée “Galaxie”. Toutes les décisions seront débattues au Parlement où siégera un représentant de chaque planète.

Art. 5 – Sera considéré comme représentant tout être désigné par sa planète pour siéger. Toutefois, les êtres destinés à la procréation et à la distraction d’un peuple ne pourront en aucune façon admis. Les entités de type végétal et les entités électroniques disposant d’une unité d’intelligence suffisante ainsi qu’un process d’1 Mu. d’analyse pourront être admis.
De la nature de la Sentence
Art. 1304 – La Galaxie édicte seule la Sentence. Les êtres condamnés par la Sentence seront conduits aux Gardiens de la Sentence
De la nature des Gardiens de la Sentence
Art. 1306 – Les Gardiens de la Sentence seront au nombre de deux et appartiendront aux planètes siégeant au Conseil de la Sentence.
Art. 1309 -
Les Gardiens de la Sentence ne pourront pas refuser leur nomination sans se voir appliquer à eux-mêmes la Sentence.
Art. 1323 – Les Gardiens de la Sentence exerceront sur H2A, huitième planète morte de la Galaxie pour une période de trois rounds, au terme desquels de nouveaux Gardiens seront désignés.

Les deux Gardiens de la Sentence ne pouvaient être plus dissemblables.

La planète Taø avait fourni Taåjin. Il était un parfait produit de l’éducation taorienne qui préconisait que chaque décision se devait d’être longuement réfléchie. Dans le cas de Taåjin, c’était toujours longuement, très longuement, et ce mode de pensée semblait avoir influencé son développement physique. Car si les taoriens mesuraient en général dans les trois mètres, pour ce qui était de Taåjin, son corps atteignait dans les trois mètres cinquante, comme si son propre rythme de réflexion l’avait étiré. Certains, fort mal intentionnés et très peu conscients des débats internes qui se menaient à l’intérieur de cette grande brindille verte, pouvaient dire de cette façon de faire qu’elle était en fait de l’inaction.

Nouvellement admise au Parlement, la planète Gorodyin s’était, quant à elle, débarrassée d’un problème : l’impétueux, l’incontrôlable, le dangereux Gaad. Car tout neveu du roi qu’il était, Gaad semble frappé par une malédiction : tous ceux qui avaient prétendu au trône avant lui n’avaient pu l’approcher sans se retrouver égorgé, étripé, dépecé. Son goût pour le sang et la torture n’était pas de mise sur Gorodyin, surtout pour une planète qui traînait sa réputation de légèreté comme un véritable boulet au milieu des anciens du Parlement. Nommer Gaad comme Gardien de la Sentence avait plusieurs avantages : il permettait au royaume de Gorodyin de placer un de ses rejetons au sein de l’administration judiciaire de la Galaxie, de bannir Gaad en sauvant les apparences et d’offrir au neveu royal des occasions multiples, et surtout autorisées par le pouvoir, de livrer libre cours à ses penchants sanguinaires. Du moins, tout cela était vrai pour trois rounds ...
Pourtant, Gaad paraissait pour le moins inoffensif. Rondouillard, de petits yeux myopes perçant un visage ravagé par la couperose, Gaad ressemblait à un poupon suralimenté.

« Merde ! Qu’est-ce-qu’on va faire de celui-là ? », et Gaad éructa d’ennui.
- « Nous trouverons, nous trouvons toujours », déclara Taåjin.

La Galaxie voulait faire un exemple : cet éleveur de protéines n’avait pas payé ses taxes et s’était engraissé, au sens propre comme au sens figuré, alors que ses ouvriers mourraient littéralement de faim. Il avait été condamné à la Sentence et avait été expédié aux Gardiens accompagné d’une courte note expliquant que le châtiment devait être dissuasif.

«  Merde ! », répéta Gaad. Le cas l’ennuyait, le type l’ennuyait et ce qu’il l’ennuyait le plus, c’est qu’il s’avait que Taåjin ne le laisserait plus faire à sa guise.

« Merde », répéta Gaad et il cracha de dépit. Taåjin et ses principes : il fallait être mesuré, lui avait-il dit, ses excès ne rentraient pas dans le cadre de la Sentence, selon lui.
Gaad se gargarisa avec le vin que lui avait envoyé son père et le recracha à ses pieds. Taåjin, celui qui l’empêchait de s’amuser. Gaad avala une gorgée de ce vin trop jeune, une spécialité de sa planète. Encore une gorgée. Ca l’aiderait peut-être à trouver un moyen de se débarrasser du gêneur. Parce que Gaad savait que le partie ne serait pas facile : il avait déjà vu Taåjin tuer net un pirate qui s’était échappé. Terrifiant d’efficacité ... Gaad avala goulument une autre gorgée : décidément, Taåjin ne savait pas s’amuser.

Ce dernier semblait ignorer totalement son comparse. De fait, Taåjin procédait à une analyse fine du cas du fraudeur et évaluait toutes les possibilités. Le visage fermé, Taåjin réfléchissait et le processus d’analyse aboutit.

- « Un transfert, sortit –il
- Un transfert ? », demanda dans un bâillement Gaad.
- Un transfert, répéta Gaad.
- Que proposez-vous ? 
- Nous procéderons comme la dernière fois. Vous rappelez-vous, Gaad ? »
Gaad fit des vagues avec sa main potelée. Taåjin réprima un soupir.
- « La planète Terre a un flux de transferts qu’il est aisé d’intercepter ou même d’interrompre pour un temps donné. On stocke l’entité mentale sur un de nos disques et on procède au transfert dans l’enveloppe corporelle. 
- Voyons, c’est une planète primitive mais ils ont des pratiques intéressantes. Y’a le choix : écartèlement, chaise électrique, chambre à gaz. Ouais, y’a vraiment le choix mais ce que j’aime vraiment », et Gaad se passa une langue gourmande sur les lèvres, « c’est la décapitation ! C’est un véritable spectacle ! »
- En fait, je pensais ... innover ! »
Gaad jeta un coup d’oeil soudain plein d’intérêt et d’espoir vers Taåjin.
- « Un transfert partagé.
- Quoi ?
- Vous allez voir ...»

L’image apparut devant lui. Un homme obèse, assis sur une chaise de jardin en plastique délabré ployant sous son poids, s’apprêtait à dévorer un hamburger. Gaad s’approcha.

- « Le transférer dans ce type ?
- Non. »

Taåjin lui désigna le chien miteux qui rôdait au pied de l’obèse. Un sourire vicieux se dessina sur le visage rond de Gaad.

« Je ne te croyais pas capable de ... »

Taåjin jeta un coup d’oeil à Gaad : décidément, il n’avait rien compris. Il voulait donner une leçon à cet éleveur de protéines, mais il serait inutile de l’enfermer dans cet état animal. Il était important qu’il revienne chez lui et qu’il raconte ce que l’administration galactique faisait aux fraudeurs comme lui.

« Je n’aurais pas dû, je n’aurais pas dû ... Mon frère me l’avait bien dit, on ne peut pas tromper la Galaxie. Et quand elle vous retrouve ... Me voilà devant les Gardiens de la Sentence, et par Orius, je n’ai même pas compris ce qu’ils allaient me faire. Un transfert ? Qu’est-ce-qu’un pauvre éleveur de protéines comme moi peut y comprendre !»

Voilà qu’ils me mettent dans cette pièce bleue maintenant... Par la Sainte Voix, ils vont me tuer ! Je n’aurais pas dû. Qu’Orius me prenne en pitié et me reçoive dans sa maison !

« Gratte. Gratte. Gratte. Faim. Manger. Maître donner manger. Gratte. Gratte. Gratte.»

Gaad se tordait de rire sur son siège. L’éleveur de protéines était devenu chien dans sa cellule. Il bavait à flots, dans l’espoir de voir un bout du hamburger tomber.

« Gratte. Gratte. Gratte. Faim. Maître-amour manger.»

Sur l’écran, le chien miteux agrippait de ses griffes le rebord de la table en plastique.

« Maintenant, réduisons le taux de transfert », et Taåjin déplaça doucement un curseur. « C’est bon, la conscience se répartit comme prévu ».

« Gratte. Mais où suis-je ? Oh, par la Sainte Voix », l’éleveur regarda ses mains et ne comprit pas lorsqu’il découvrit des pattes couvertes d’un poil collé par la saleté. « C’est un mauvais rêve ... J’ai trop bu de ce bon vin hier soir ».

L’éleveur se gratta frénétiquement derrière l’oreille. Gaad n’en pouvait plus de rire. Taåjin restait impassible.

« Que se passe-t-il ? Ca me démange... de partout. Oh, comme ça me démange. Faim. Mange. Maître. J’ai faim. Oh, comme j’ai faim... Cette chose-là que tient cet homme, j’en voudrais tellement un bout.... J’ai faim ... »

Taåjin était satisfait, il avait obtenu ce qu’il voulait : l’éleveur de protéines avait été déchu de son rang d’homme et avait été ramené à l’état d’animal. L’important dans tout cela, c’était qu’il ressente le même sentiment mêlé de faim et de frustration que ses ouvriers quand ils le voyaient festoyer. Taåjin savait que l’A.D.N. de l’éleveur avait à jamais imprimé cette expérience déplaisante dans ses logs et que celui-ci ne tenterait plus de tromper la Galaxie, ni d’affamer ses ouvriers par sa cupidité. La Sentence avait été rendue.

« Gratte ... Faim ... Mange. J’ai envie de cette viande juteuse et cet homme que j’aime bien pourtant refuse toujours de m’en donner. Cela me démange tellement ... Je suis sale, tellement sale ... Je me dégoûte ... »

Le bipper de Taåjin vibra à sa ceinture : un appel de sa communauté sur Taø. Taåjin jeta un coup d’oeil rapide à l’éleveur qui continuait de souiller la pièce bleue de sa bave, haletant et aboyant. La Sentence pouvait se poursuivre un peu plus longtemps, elle n’en saurait que plus exemplaire. Taåjin laissa le condamné à son sort et Gaad à sa crise de fou rire.

Mais les soubresauts de rire de Gaad finirent pas s’éteindre : regarder l’éleveur se gratter à qui mieux-mieux dans la pièce bleue ne l’amusait plus.
« Fait chier ... Taåjin ne sait pas s’amuser ! »
Gaad se mit devant l’écran et mit toute sa créativité sanguinaire et perverse en action. Il déplaça plusieurs curseurs en même temps, ce qui fit apparaître un sourire satisfait sur son visage de poupon.

« Par Orius, que se passe-t-il encore ? » Cela ne grattait plus l’éleveur mais il se sentait tout de même autre. Il se savait rond, compact et dégoulinant. Il ne voyait plus rien, n’entendait plus rien, ne percevait aucune odeur, à part une forte odeur fétide comme s’il était placé devant un compost à protéines. Son esprit lui indiquait également qu’il n’avait plus de membres, ni bras, ni jambes, ni même de tête. Il était juste rond, compact et dégoulinant.

Gaad ressentait de l’autosatisfaction : il était un véritable artiste. Mais son oeuvre restait incomplète. Ses doigts dodus coururent sur le clavier telle une mygale besogneuse. Puis, il vint se placer dans une seconde pièce bleue.
Gaad ne ressentait aucune étrangeté dans ce nouveau corps qui ressemblait tant au sien. Et puis il avait déjà procédé à tant de transferts de cette planète primitive, toujours dans des corps de dictateurs, et toujours à l’insu de Taåjin, que la sensation habituelle de ne pas être au bon endroit et à la bonne époque avait disparu.

Le chien miteux réclamait toujours de ses yeux larmoyants. Gaad le repoussa d’abord d’une bourrade violente dans les côtes et finit par le tuer par un coup sec sur la truffe. Puis, il se cala confortablement sur la chaise. Maintenant, la partie intéressante du jeu. Il prit le hamburger et commença à grignoter un morceau du pain.

L’éleveur hurla : son nez commençait à être raboté par une lame invisible.
Gaad souriait de plaisir dans la pièce bleue, l’homme sur la planète primitive avait retiré l’hamburger de sa bouche et le faisait tourner comme pour trouver un point d’attaque. Il finit par le trouver et mordit à pleines dents dedans. Sans défense, l’éleveur hurlait à pleins poumons, sa jambe se détachait par bouts sanguinolents de son corps.

Quand Taåjin arriva, son éducation taorienne eut bien du mal à réprimer la vague de dégoût qui lui montait à la gorge. L’éleveur devait payer, il est vrai, mais pas à ce prix. La Sentence s’appliquait à présent de façon injuste. Il regardait le corps à demi-dévoré de l’éleveur, puis Gaad qui jouissait de la souffrance qu’il provoquait.

Alors Taåjin appliqua l’article 1327 qui disait la chose suivante : « Le Gardien de la Sentence qui n’appliquera pas la Sentence telle qu’elle a été décidée devra périr sur le champ. »
Taåjin approcha du central de contrôle et inversa les curseurs. Le visage de l’éleveur s’éclaira, tableau quelque peu grotesque si on considérait qu’il ne restait plus que la moitié de son corps. Celui de Gaad se couvrit d’un manteau d’horreur.
L’homme regarda tristement la dépouille du chien qu’il avait été un moment plus tôt, puis considéra d’un air pensif ce hamburger qui lui avait fait tant envie. Malgré son esprit limité, l’éleveur avait compris la teneur de la Sentence. En mémoire de l’animal au poil crasseux qu’il avait été, il lécha sur ses doigts le jus de viande qui coulait encore quand il eut avalé la dernière bouchée.

La deuxième pièce bleue était à présent vide. Gaad était satisfait de son analyse : la Sentence avait été juste et l’éleveur serait bientôt relâché, diminué certes mais son esprit transformé par son expérience. Taåjin s’en retourna dans ses quartiers : un message devait parvenir au plus vite au Parlement galactique : un deuxième Gardien devait être nommé.
Vous avez dit en retard ?


  
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