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 WA, exercice n°103 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 9 fevrier 2012 à 23:34:03
Quelle chance ! Voilà que vous avez récupéré tous vos êtres et tous vos avoirs !
Je vous propose maintenant un... exercice de style...
Dans l’histoire de votre choix, sur le thème de votre choix, je vous demande d’insérer le plus possible de figures de style. Vos souvenirs scolaires étant peut-être lointains, voici de quoi vous rafraîchir la mémoire : ici
A vous donc les joies de l’oxymore et les délices de l’antanaclase...
Ne vous laissez pas rebuter par ces termes étranges, un peu désuets voire obsolètes. Il y a plein de figures que vous utilisez déjà sans le savoir. Vous allez juste pouvoir enrichir votre palette en toute connaissance de cause, sans compter que cela peut être très utile au scrabble ou pour étaler sur la tartine du matin...
Vous avez trois semaines, jusqu’au jeudi 1° mars.
Potassez bien, et vous marcherez dans les traces de vos illustres prédécesseurs, avec la ferme intention de les surpasser !
Narwa Roquen,qui n'est pas mécontente de sa trouvaille (litote)


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-02-29 21:18:19 

 WA - Participation exercice n°103 (edit2)Détails
Bon, j'ai respecté la consigne... si...si... un petit peu!

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FIGURES OF STEEL


La bande-son!

C’est bon de se sentir vivre encore.

Cela faisait longtemps. Une éternité. Une seconde. Le temps est une notion tellement relative. Il dépend du point de vue que l’on choisit. Il suffit de pas grand-chose. Un simple flacon oublié sur une étagère. Derrière un miroir. Un petit flacon rempli de pilules, de jolies pilules rouges et bleues.

Il y un couloir au fond d’un sous-sol. Un couloir mal éclairé de briques nues. Des cages en enfilade. Des âmes perdues attendent de l’autre côté des barreaux. Je marche lentement dans ce couloir jusqu’à la dernière cage. Claire-Alice est là. Une pauvre chose immobile. Recroquevillée dans un angle, elle me retourne un regard éteint. La construction mentale est étonnante de fidélité. Elle aime particulièrement ce film. Combien de fois l’a-t-elle regardé ? Avec moi qui restais silencieux. Avec moi qui l’épiais. Avec moi assis sur le canapé auprès d’elle. Aujourd’hui, elle est ma prisonnière, derrière les barreaux de la cage. Une prisonnière consentante.

Juste parce qu’elle a oublié de prendre le flacon derrière le miroir. Elle ne l’a pas ouvert et n’a pas avalé la petite pilule qui me force à me réfugier loin sous la surface. Cette pilule qui colmate impitoyablement les interstices par lesquels je réussis à me faufiler. Claire-Alice a simplement entrebâillé la porte, une sorte d’invitation à entrer, à investir les lieux. Elle doit y trouver une forme de compensation. Sinon quelle en serait la raison ? Elle paraît fascinée par ce que je suis capable de faire même si elle refuse de le reconnaître. Sauf quand elle est allongée sur ce maudit canapé de cuir rouge où elle écoute la voix sirupeuse. La voix mielleuse qui entortille sa volonté.

Alors elle murmure d’une voix hésitante des mots voilés qui déverrouillent des huis cadenassés. Des huis ouvrant sur des corridors interminables qui s’enroulent en spirales. Poussée par cette voix qui jamais ne renonce, elle les explore, s’enfonçant pas à pas au coeur des ténèbres qui sont mon territoire. Le maître des mascarades tente de la conduire jusqu’à l'ultime placard d’ombres où je me dissimule. Il n’y parviendra pas.

Mais ce matin, Claire-Alice a regardé dans le miroir et j’étais là. De l’autre côté. Elle m’a souri en penchant la tête sur son épaule. Un sourire de bienvenue trouble et complice a illuminé son visage, un sourire narquois, un sourire qui est devenu bientôt mon sourire. Ce sourire qui la met mal à l’aise. Si mal à l’aise qu’elle n’a pas tardé à s’enfuir le long d’un autre corridor sans fin que j’avais creusé pour l’accueillir. Surtout quand une lame, fine et ciselée, brille dans la pénombre.

Claire-Alice s’est enfuie mais elle n’est pas allée bien loin malgré la longueur de sa course. Elle est simplement descendue d’un étage. Au bout d’un couloir tapissé de briques nues, il y a une cage munie de barreaux. Comme la scène d’un film culte qu’elle connait par coeur. Elle est toujours avec moi comme je suis avec elle. Nous sommes indissociables. Comme des jumeaux. Mieux. Comme des siamois soudés non par leurs chairs mais par leur reflet. Je la soupçonne de désirer le moment où tout bascule, celui où elle perd le contrôle sans être encore totalement soumise. L’instant où nous coexistons presque sur le même plan de conscience. Laissez-moi vous conter son histoire. Laissez-moi vous conter sa vie. Parce que c’est aussi la mienne.

O O O

Claire-Alice s’approche de son cinquième anniversaire.

C’est un après-midi d’automne. La maisonnée est silencieuse. Madeleine, sa maman est en bas. Elle regarde son émission à la télé. Elle est fatiguée. Madeleine est souvent fatiguée ces temps-ci. C’est à cause du bébé lui a-t-elle expliqué. Son petit frère. Claire-Alice n’est pas vraiment d’accord là-dessus. Il dort dans le berceau dans la chambre d’à côté. Elle, elle a son ami qui lui parle tout bas. Elle n’a rien dit à sa mère car il lui a soufflé que c’était un secret entre eux. Si elle le trahissait, il ne lui parlerait plus. Et ça, elle ne le veut pas. Depuis qu’il est là, elle n’a plus peur la nuit. Il la réconforte quand son âme est inquiète; sachant qu’il veille sur les ombres menaçantes, elle s’endort paisiblement. Avant, il y avait des choses qui rampaient sous le lit dans le noir. Des choses horribles avec des griffes qui crissaient sur les lames du parquet.

Claire-Alice s’approche tout doucement de la chambre du bébé. Le store est baissé, faisant régner une pénombre claire et fraîche. Le berceau est là. Aucun bruit ne s’en échappe. La curiosité pousse l’enfant à tirer un tabouret tout contre. Elle s’arrête, le coeur battant, submergée par l’impression que les pieds de bois ont fait un raffut d’enfer. Elle s’attend à entendre la voix de sa mère s’élever dans le vestibule, brisant le charme. Et si elle n’y répond pas, sa mère montera pour s’assurer que tout va bien. Heureusement, le silence s’est lentement reformé. Enhardie par cette impunité, Claire-Alice, prenant appui sur l’assise du tabouret, se contorsionne un peu pour se retrouver à genoux sur le plateau de bois.

C’est à ce moment qu’elle croise le regard indéchiffrable de Domino. Le persan est alangui sur le piano droit installé près de la fenêtre. Ses prunelles la fixent intensément. Des prunelles larges comme des assiettes. Leur couleur caramel cuivré rappelle les bonbons acidulés qu’achète parfois sa mère. Sa robe uniformément noire se confond avec la laque du Bechstein. Domino est aussi figé qu’une statue. Seule l’extrémité de sa queue marque une mesure que lui seul perçoit. Claire-Alice reste interdite, affrontant l’interrogation muette du félin. Je me retiens d’intervenir. Il est trop tôt, mes rets sont encore assez fragiles. Je me contente de dénouer certaines tensions et cela fonctionne. Claire-Alice sort de sa torpeur et se redresse sur le tabouret. Elle s’accoude sur le rebord du couffin et écarte le voilage qui descend de la flèche surmontant le berceau. Willy, son petit frère, dort à poings fermés. Il est engoncé dans son drôle de vêtement qui ne laisse apparaître que ses minuscules mimines et sa petite tête chauve. Claire-Alice s’abime dans la contemplation du nourrisson. Elle ne l’aime pas et cela la désoriente.

Sa mère lui avait beaucoup parlé durant sa grossesse de l’arrivée de ce petit frère mais Claire-Alice n’était jamais parvenue à être émue par le bonheur qui semblait étreindre Madeleine. Les cadeaux avaient plu sur elle sans qu’elle ne demande rien. Tout le monde avait l’air heureux. Ses grands-parents, les voisins et jusqu’aux commerçants familiers qui saluaient tous sa mère quand elle passait le seuil de leurs boutiques. Il n’y avait finalement qu’elle qui demeurait indifférente à l’euphorie générale. Cela ne l’atteignait pas. Cela ne la touchait pas. Elle restait à l’écart, en périphérie. Elle m’en parlait pourtant quand toute la maisonnée dormait. J’ai fait très attention à ne pas compromettre les progrès que j’avais accomplis. Avec beaucoup de prudence, j’ai libéré certaines émotions sous-jacentes parmi celles qui m’étaient inféodées. Des germes d’émotions latentes et prometteuses.

Claire-Alice hésite. Je pourrais intervenir bien sûr mais elle subirait des dommages trop importants qui pourraient faire de son esprit mon tombeau. Et il est encore bien trop tôt. Je sais qu’elle m’apportera beaucoup de satisfactions! Le bébé bredouille dans son sommeil et ses petites menottes s’ouvrent et se referment spasmodiquement.

J'effleure une zone sensible bien définie et Claire-Alice tourne légèrement la tête vers la gauche, vers la belle commode design qui fait partie du mobilier tape-à l’oeil et hors de prix acheté pour l’occasion. Il y a un cadre posé dessus. Une photo argentique. Un polaroïd. Madeleine sourit à l’objectif et elle semble radieuse. Si heureuse dans les bras de son mari. N’est-ce pas, Claire-Alice ? Elle tient sur son sein un nouveau-né. Willy. Un beau couple n’est-ce pas ? Une famille unie! Cet homme grand et robuste, au sourire éclatant et fier, ne ressemble pas à ton papa, n’est-ce pas, Claire-Alice ? Et puis il manque quelqu’un. Une absence de circonstance. Où étais-tu donc passée Claire-Alice ? Pourquoi n’étais-tu pas là quand la photographie a été prise ? Ils ont peut-être voulu t’exclure parce que tu n’appartenais pas à leur nouvelle famille. Tu es peut-être le témoin importun qui rappelle un passé qu’ils souhaitent oublier de toutes leurs forces. Crois-tu qu’ils veulent t’oublier aussi, Claire-Alice ? En tout cas, ce n’est pas ton père sur cette photo.

Je sens la tension croître derrière les yeux de la petite fille. Claire-Alice tend son bras à l’intérieur du couffin et en ramène un coussin moelleux. Sur le piano, Domino crache un feulement rauque et saute sur le sol, dos arqué et poils hérissés. La faculté de perception des chats m’a toujours impressionné. En fermant les yeux, Claire-Alice descend lentement le coussin vers le visage endormi de Willy. Domino crache à nouveau et déguerpit de la pièce comme si le Diable en personne le poursuivait, à la tête de tous ses démons. Claire-Alice sent une résistance dans son bras. Le coussin n’ira pas plus bas. Elle maintient la pression verticale. Une seconde. Deux secondes. Trois... Puis elle perd le fil du décompte quand des myriades d’échardes lumineuses déchirent l’obscurité derrière ses yeux clos. Ceci n’est qu’un prélude. L’ouverture du rideau. Le premier acte d’un long opéra. Ah, il reste plusieurs choses à faire mon ange. Laisse-moi encore te montrer. Trois fois rien. Tu vas y arriver. Vraiment trois fois rien.

Après, Claire-Alice a regagné sa chambre et s’est allongée sur son lit. Elle a fixé le plafond à l’endroit où une minuscule lézarde court sur le plâtre immaculé. Une ligne presque imperceptible mais qui possède un pouvoir singulier sur elle. Son regard glisse le long de cette ligne mais jamais il ne parvient à l’autre extrémité. Elle se perd en chemin. Auto-hypnose. Je la réconforte et elle m’écoute, déconnectée du monde extérieur. Je lui raconte une autre fable où la princesse épouse un preux chevalier et où sous chaque fleur se cache une fée. Bientôt Claire-Alice fourre son pouce dans la bouche et se met à téter. Elle s’endort sans l’ombre d’un remords. J’ai gagné. J’ai GAGNE...

La suite fut assez décevante. Des cris. Des hurlements même. Madeleine fit irruption dans sa chambre et la secoua comme un prunier. Elle roulait des yeux effarés où planait une expression de désespoir bien au-delà de la compréhension de Claire-Alice. Madeleine la pressa de questions qu’elle débita d’une voix presque hystérique. Elle se douta bien sûr de quelque chose. L’instinct maternel n’est-ce pas? Mais elle préféra tourner autour du pot pour ne pas affronter une vérité par trop monstrueuse. Elle se raccrocha à tout ce qui pouvait la rassurer inconsciemment.

Puis en bas, la porte d’entrée s’ouvrit avec fracas. D’autres voix se firent entendre et des bruits de pas gravissant l’escalier. Claire-Alice aperçut fugitivement passer des blouses blanches devant sa porte. L’homme grand et robuste de la photo les suivait. En voyant son épouse dans tous ses états, en trois enjambées, il fut sur elle et l’écarta de Claire-Alice qui grimaçait d’une douleur non feinte. Bien joué. Pleure ma petite, l’ai-je encouragée. Il n’en fallut pas plus pour libérer un torrent de larmes et de cris suraigus qui alertèrent un médecin de l’équipe d’urgence. Claire-Alice fut prise en charge par un urgentiste attentionné qui l'emporta dans le séjour déserté. Là, au sommet du buffet, Domino cracha furieusement dans sa direction, aplatissant ses oreilles. Mais les chats ne parlent pas.

Peu à peu tout rentra dans l’ordre. Claire-Alice fut confiée aux bons soins d’une tante qui habitait à quelque distance, de l’autre côté de la baie. Les jours succédèrent aux jours. Son beau-père vint la voir régulièrement. Il lui expliqua que Madeleine avait besoin de beaucoup de repos après ce qui était arrivé à... Il mit du temps à prononcer le nom de Willy sans que les sanglots n’envahissent sa voix. Un épouvantable accident avait eu lieu. Il lui expliqua courageusement, aidé par un vieil homme à lunettes qui hochait la tête quand il trouvait que l’expression était particulièrement juste. Ce fut la première fois que j’affrontai un représentant de mes ennemis. Il ne semblait pas sur ses gardes et ne cherchait pas à me découvrir. J’avais suffisamment brouillé les pistes. Cela me permit de mesurer ses forces et ses faiblesses. Rapidement je fus convaincu que celui-ci n’était pas de taille. En effet, il se révéla un piètre adversaire.

Le temps passa. Plusieurs mois. Claire-Alice fêta ses cinq ans d’une morne façon. Sa mère était pourtant là mais son teint blafard et les cernes sombres sous les yeux démentaient l’entrain qu’elle manifesta durant tout l’après-midi. Son beau-père donna le change ainsi que ses grands-parents et sa gentille tante. Elle croula sous les cadeaux. Une seule fois, je la convainquis de poser la question que tout le monde redoutait. Une seule fois. D’une voix toute chagrine, Claire-Alice demanda où était Willy. Un silence gêné tomba sur l’assistance. Sa mère blêmit d’un coup et lâcha sa coupe de champagne qui se brisa sur le parquet. Son beau-père réussit à détourner l’attention en s’extasiant bruyamment sur l’ingéniosité de l’appareil photo numérique flambant neuf apporté par l’un des invités. D’autres adultes se joignirent en choeur sur ce débat stérile et bientôt l’amertume se dissipa dans le sirop des bonnes intentions. Je relâchai mon emprise, étant parvenu sans difficulté à mes fins.
Peu après cinq heures, sa mère repartit dans l'ambulance qui avait patienté à côté de la maison.

Quand Claire-Alice revint chez elle, dans la maison près du chenal, presqu’une année s’était écoulée. Nous étions devenus des amis intimes et elle m’avait donné la clé de son âme. Une atmosphère étrange régnait dans cette maison, comme si elle n’avait pas été aérée convenablement. Des relents poussiéreux et des lambeaux d’odeurs d’hôpital persistaient dans certaines pièces. Claire-Alice se rendit vite compte d’une absence. Non, pas celle de Willy. Willy ne lui avait jamais manqué à ce point. Non. Elle fronça les sourcils, essayant de se rappeler. A cet âge, les souvenirs des enfants sont incertains et s’enregistrent de façon curieuse dans leur mémoire juvénile. Sa mère était assise près de la cheminée où brûlait un grand feu de bois. L’hiver était revenu. Madeleine était pensive et, quand Claire-Alice se précipita vers elle pour l’embrasser, elle se raidit inconsciemment. Elle parut subir plus qu’elle ne partagea les démonstrations de tendresse de sa fille. Elle ne la repoussa pas mais conserva une certaine réserve. Je me délectai de l’émotion contradictoire que ressentit à cet instant Claire-Alice mais l’enfant qu’elle était encore ne la comprit pas. Moi, je savais déjà que je m’en servirais. Plus tard, quand le moment viendrait.

La deuxième chambre à l’étage avait été condamnée. Personne n’ouvrait plus la porte et la clé n’était pas glissée dans la serrure. Mais la chambre de Claire-Alice était restée telle qu’elle l’avait quittée. Les meubles n’avaient pas bougé de place et au-dessus du lit, la lézarde était bien à sa place au plafond. Nous reprîmes nos jeux nocturnes et Claire-Alice commença de chasser à mes côtés dans les corridors ténébreux. D’abord avec hésitation et appréhension. Puis, avec mon aide et ma force de persuasion, elle prit de l’assurance. Nous avons alors parcouru des chemins de traverse noyés de brume qui s’enfonçaient au sein d’une terre noire et mystérieuse. Sous ma férule, son esprit s’ouvrit à d’autres réalités qui naissaient dans la magie du clair de lune. Quand les volets étaient clos et que ses parents dormaient au rez-de-chaussée, nous descendions sans bruit les escaliers en évitant les marches qui craquaient sous nos pas. Nous hantions la grande bâtisse victorienne et ses méandres de couloirs. Claire-Alice marchait lentement les yeux mi-clos. Je cheminais dans l’ombre à ses côtés.

Une nuit, nous avons ouvert le tiroir du bureau où son beau-père rangeait ses papiers. Là, sous une pile d’autres documents, il y avait un rapport établi par les services de police. Un rapport que Claire-Alice lut sans rien comprendre mais il y était écrit que Willy avait été étouffé dans son sommeil par le chat de la famille qui s’était couché sur sa poitrine. Ce genre d’accident arrive encore de nos jours. Des poils de Domino avaient du reste été retrouvés dans le couffin. Il n’y avait aucun doute possible. L’officier de la police concluait à l’accident et recommandait de classer le dossier. Un supérieur avait confirmé cette thèse. Tout était fini. Claire-Alice referma doucement le tiroir et alla boire un verre de lait. Moi, j’ai enfermé mon premier papillon dans une cage au fond d’un couloir ténébreux. Un papillon brillant aux ailes délicates. Comme un ange banni et inconsolable. Un ange terne et désenchanté. Je suis un conservateur.

La vie reprit son cours. Elle dut compter sur moi.


O O O



La suite de la BO de l'histoire

Claire-Alice fêta ses quinze ans.

Elle était devenue une adolescente taciturne et réservée, à la beauté froide et distante. Ses cheveux blonds, coupés à la garçonne, encadraient des yeux sombres et pénétrants. Elle me connaissait bien désormais. Les changements qui s’étaient opérés en elle avaient favorisé notre complicité. Je lui parlais d’égal à égal. En tout cas, c’était ce qu’elle croyait et je m’efforçais pour qu’elle continue de le croire.

Je la conduisis au sous-sol, devant la cage qui retenait un papillon aux ailes déchirées à force d’essayer de s’échapper. Bien sûr, elle ne le reconnut pas. Mais elle fut fascinée par cette rencontre. Nos jeux devinrent dès lors plus consistants. Des approches moins suggérées. Elle était prête. Je lui montrai mon reflet dans le miroir et elle retint sa respiration. C’était la première fois qu’elle me voyait réellement et même si je l’avais préparée à ce qui l’attendait, elle fut suffoquée. Elle s’approcha du miroir et mit ses doigts sur ma peau, suivant des sillons inconnus. Elle caressa l’arc de mes sourcils et descendant l’arête de mon nez, elle frôla mes lèvres entr’ouvertes. Bientôt, nous échangeâmes nos places. Elle devint le reflet dans le miroir et moi, j’étais bien vivant, sentant sous mes pieds la fraicheur lisse du carrelage. La jouissance fut immédiate et une impression de liberté incroyable parcourut mes veines. J’avais un corps. Il m’avait fallu dix ans d’efforts laborieux pour que je naisse ainsi d’entre les ombres. Evidemment, cela ne dura pas bien longtemps. Peut-être le temps que met une goutte d’eau pour descendre du ciel.

Claire-Alice reprit nerveusement sa respiration quand je décidai de réintégrer mon domaine, comme ces noyés qu’on ramène par force à la vie. Telle une automate, elle s’empara d’une paire de ciseaux et sans hésitation, elle entreprit de tailler sans ménagement ses mèches blondes. Celles-ci glissaient à terre comme les fragments inutiles d’une chrysalide abandonnée. Elle coupa très court ses cheveux sans cesser de contempler son reflet. Je savais pertinemment ce qu’elle tentait de faire. Elle voulait ressembler à l’image qui lui était apparue au fond du miroir. A moi. A la fin, elle laissa tomber les ciseaux et se cramponna au bord du lavabo. Elle fit une moue frustrée en constatant le résultat. Elle contemplait une pâle imitation de ce que j’étais.

Peu après, sa mère sombra dans une mélancolie qui alerta bientôt son entourage. Une profonde et morbide dépression s’empara de Madeleine. Un fossé se creusa entre elle et la réalité. Claire-Alice la surprenait à guetter le vide, immobile au beau milieu de l’escalier, fixant la porte condamnée. Elle refusa ensuite de sortir et de fréquenter son cercle d’amis. Elle devint indifférente et angoissée, repoussant jusqu’à ses proches. La répétition inquiétante d’épisodes catatoniques nécessita rapidement une prise en charge médicale. Son mari usa de ses relations pour lui trouver une place dans une institution huppée, discrète et très réputée de la baie de Chesapeake. Elle abritait des patients issus de l’establishment de la côte Est qui bénéficiaient, en toute discrétion, des meilleurs soins prodigués par une équipe médicale triée sur le volet.

La vénérable institution cachait son élégante architecture derrière des bosquets d’arbres descendant doucement vers la baie. Ses bâtiments, à l’architecture néo-géorgienne, étaient disséminés dans un parc de plusieurs dizaines d'hectares entièrement arborés.

La première fois que le taxi passa le portail anonyme du Saint-Patrick Institute pour s’engager dans l’allée interminable qui conduisait au bâtiment d’accueil, quelque chose me réveilla et me décida à remonter à la surface. Le chauffeur ne s’aperçut de rien mais c’est bien moi qui descendis du véhicule.

Les couloirs de l’établissement, pourtant si lumineux, masquaient des ombres frissonnantes, tapies dans les coins. Quand j’accompagnais Claire-Alice, je pouvais ressentir leurs douleurs et leurs peurs, autant de taches grisâtres qui maculaient les murs de crépi blanc.

J’étais tout étourdi, quasiment enivré par les vagues de sentiments bruts et complexes que j’avais traversées. Je compris que j’étais chez moi. Je ne pensais pas si bien dire.

Au premier étage d’une aile retirée, il y avait une chambre spacieuse et claire où reposait Madeleine. La maladie avait apposé sur son visage un masque cireux et crevassé. Dans l'air flottaient les infimes traces de cette odeur caractéristique laissée par les produits d’entretien hospitaliers.

Madeleine fixait le mur devant elle, prostrée et blafarde. Une ligne de perfusion lui courait sur l’avant-bras, Claire-Alice s’approcha d’elle et lui déposa un léger baiser sur sa joue décharnée. Les médecins avaient rendu les armes, désemparés par cette dépression lunaire dans laquelle s’enfonçait irrémédiablement leur patiente. Ils s’en étaient ouverts à son mari sans lui dissimuler leurs craintes et leurs doutes. Madeleine s’éloignait d’eux et son corps ne répondait pas correctement aux différents protocoles. Pourtant elle ne souffrait d’aucune pathologie et son pronostic vital n’était pas à réellement engagé à court terme. Les diagnostics différentiels aboutissaient à des non-sens. L’équipe médicale orientait désormais ses axes de travail vers des formes plus radicales du traitement psychiatrique. Mais rien n’y faisait. Madeleine avait rejoint l’autre rive. Moi je le savais. Claire-Alice aussi.

Cette expérience fut pour moi une révélation. Une extraordinaire révélation. Je la convainquis de revenir. Encore et encore.

O O O

Novembre étendait ses ailes mordorées

La journée s’annonçait magnifique.

Sur les berges de la baie, l’automne habillait les feuillages de sublimes dégradés d’ocre et de rouge qui miroitaient à la surface d’une eau parfaitement étale. Et quand la lumière retenue du timide soleil osait les caresser, des incendies se propageaient entre les branches et des grappes d’éclairs étincelaient au-dessus du rivage comme autant de feux jetés par une extraordinaire parure de strass.

Lorsque Claire-Alice pénétra dans la chambre silencieuse au bout du couloir, son beau-père, pour une fois, n’était pas là.

Souvent, elle le surprenait pendant qu'il changeait les fleurs du vase qui trônait sur la tablette près de la fenêtre. Il choisissait des fleurs de saison. Un bouquet de fleurs des champs, vivaces et colorées. C'était devenu plus qu'une habitude. Il n'oubliait jamais. Il aimait encore prondément sa femme même si elle ne lui avait pas donné d'autre enfant.

Claire-Alice avait lu attentivement les nombreuses analyses médicales qui s’accumulaient dans un tiroir. Les plus grands spécialistes avaient été consultés. Les bilans cliniques n’avaient révélé aucun désordre biologique susceptible d’entraîner cette stérilité stupéfiante. Tous les professionnels consultés à New-York, en Californie ou au Jones Institute de Norfolk, en Virginie, avaient conclu à un facteur psychosomatique lié au traumatisme qu’elle avait subi. Cependant aucun ne put expliquer pourquoi toutes les tentatives de procréation médicalement assistée se soldaient invariablement par des échecs. Mais Madeleine refusa également toute adoption ou tout recours à une mère porteuse.

Comment lui en vouloir? L’instinct maternel la poussait à agir ainsi. Comment aurait-elle pu concevoir, à tous les sens du terme, de tenter à nouveau le monstre qui rôdait? Un monstre se cachait tout près, elle en était certaine, mais qui aurait pu la croire? Bien sûr Madeleine ne m’avait pas démasqué. Ses yeux de mère ne voyaient en Claire-Alice que sa fille aimée. Même si, quelquefois en sa présence, Madeleine sentait un corbeau sautiller sur sa pierre tombale.

Ce jour-là, Madeleine était réveillée, la tête tournée vers la grande fenêtre ouverte. Claire-Alice pouvait apercevoir au-delà, une pelouse parfaitement tondue où un arbre centenaire resplendissait d’or. Elle laissait pénétrer des parfums doux et salés apportés par la brise de la baie toute proche.

Claire-Alice essaya d’engager la conversation mais sa mère ne lui répondit pas, aussi pétrifiée qu’une statue. Alors le regard de Claire-Alice glissa sur la tablette près du lit. Il y avait une seringue vide qu’un soignant avait négligé de ramasser. Une excitation s’empara de nous, de moi, d’elle. Une excitation délicieuse et dérangeante.

Je saisis la seringue d’une main qui ne tremblait pas. Claire-Alice s’enfuit à nouveau, horrifiée et impuissante. Mais les effluves étaient trop puissants. Il y avait ces voix qui grondaient tout autour de moi, des voix écorchées aux accents funèbres, qui évoquaient des images d’acier et de crépuscule. Quand l’aiguille transperça la veine de son cou, Madeleine ouvrit la bouche. Mais aucun son ne sortit de ses lèvres comme s elle avait oublié jusqu’au souvenir du cri. Je pressai le piston tout en appliquant ma main sur la bouche de ma mère. Je vis ses yeux s’arrondir de surprise et de douleur mais je continuai de chasser l’air jusqu’au bout. Puis je jetai la seringue par la fenêtre ouverte et reculai d’un pas, ne voulant perdre aucun détail de ce qui allait arriver. Une fine gouttelette de rubis perlait à l’endroit où j’avais enfoncé l’aiguille, contrastant fortement sur la blancheur blafarde de la peau de Madeleine. Un orage emplit ma tête pendant que ma mère était prise de spasmes brefs et puissants qui la firent se redresser sur son séant. Elle tendit les bras vers sa fille, un filet de bave s’échappant de ses lèvres. Non, ce n’était pas vers sa fille qu’elle essayait de diriger sa vaine révolte. C’était envers le monstre froid et insensible qui l’observait. C’était bien moi qu’elle voyait en face d’elle. Et puis le son fut libéré. Madeleine hurla une longue plainte rauque qui déchira mes tympans puis se renversa en arrière, foudroyée, les yeux ouverts.

Quand ils pénétrèrent dans la chambre, Claire-Alice était recroquevillée dans un coin. Ses bras entouraient ses genoux. Elle se balançait doucement en ânonnant une comptine enfantine.

Ils ne mirent pas longtemps à comprendre ce qui s’était passé.

Claire-Alice venait d’avoir seize ans.



O O O


Epilogue

Claire-Alice revint au Saint-Patrick Institute.

Elle y vit à présent. Dans un pavillon invisible, à l’écart des autres. Un pavillon placé sous haute sécurité où sont confinés les cas les plus difficiles et les plus dangereux. Les fenêtres sont munies de barreaux et des bracelets électroniques ornent la cheville des pensionnaires.

Claire-Alice ne sortira jamais de cet asile. Elle le sait maintenant. Que m’importe, je suis parmi les miens. Il y a cet ennemi qui tourne autour de moi inlassablement, essayant de me piéger dans des reflets sémantiques. Il possède une voix ensorceleuse que Claire-Alice écoute, les yeux fermés, allongée sur un canapé de cuir rouge.
Mais après de longues séances, j’ai fini par repérer un coupe-papier avec lequel il ouvre son courrier. Une lame fine et ciselée. Pourquoi t’enfuis-tu Claire-Alice ?

Il y a encore quelques cages vides dans le couloir du sous-sol !

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-03-05 14:54:45 

 WA, exercice n° 103, participationDétails
LE DRAGON DES CZERNIKS ( 5 )


Résumé des épisodes précédents :
Le Dragon des Czerniks a toujours protégé la Svetlakie, mais il a disparu il y a bien des années ; on raconte qu’ avec ses sbires fantômes il a massacré le roi Igor, la Reine et le prince Vlad, héritier du trône. Les deux princesses, Marishka et Sonia, ont pu s’échapper. Marishka, l’aînée, est devenue Reine, en dissimulant à tous que contrairement à Vlad et à Sonia, elle ne possède pas le Don des Svetlakov qui permet de communiquer avec les animaux ; or ce Don est une condition indispensable à l’accession au trône.
Juste avant ses quinze ans, Sonia découvre que le Dragon a été assassiné, et que Marishka est responsable de sa mort ainsi que de celle de sa famille, pour réaliser son ambition. Après avoir essayé en vain de tuer sa soeur, Sonia s’enfuit. Sa jument Nadievna l’emmène dans les monts Czerniks à la recherche d’autres Dragons pour l’aider à destituer Marishka, Reine illégitime, meurtrière et cruelle envers le peuple. Chemin faisant elle rencontre Alexeï, un étrange vagabond qui lui sauve la vie. Elle trouve enfin Xetiakh, la femelle de Golgotch, qui accepte de l’aider si elle passe un an à son service.
Pendant cette année, elle aide à l’éclosion du dernier oeuf des Dragons, qui se nomme lui-même Soxtiotch ; elle partage la vie des deux Dragons jusqu’à l’automne suivant, où Xetiakh lui rend sa liberté. Alors qu’elle retrouve sa jument Nadievna et Hari, le gros chien d’Alexeï, ceux-ci lui apprennent que le jeune homme a été enlevé par des Thornterriens. Sonia décide de partir à sa recherche en différant son retour en Svetlakie.




« Raconte-moi, Nadievna. Quand a-t-il été enlevé ? A quoi ressemblaient ses ravisseurs ? Et qu’avez-vous fait pendant cette année ? Avez-vous parlé de moi ? Crois-tu que je lui ai manqué ? Est-ce que...
- Holà, petite fille ! Mais je devrais peut-être t’appeler grande fille, maintenant... Seul un cheval à plusieurs têtes pourrait répondre à toutes ces questions en même temps, et tu n’aurais pas assez d’oreilles pour tout entendre... Laisse-moi donc parler à mon rythme ! »
Ils avaient habité la petite cahute où Sonia avait rencontré Alexeï. Le jeune homme avait réparé la toiture, fabriqué de nouveaux volets, quatre chaises, un grand lit. Il avait beaucoup chassé, cousu ensemble des peaux de bêtes pour en faire des couvertures. Et il avait construit un vaste abri attenant à la cabane, fermé sur trois côtés, pour y loger Nadievna pendant l’hiver et y entasser la réserve de bois. Un mois auparavant, il était descendu au village le plus proche pour acheter à Sonia une paire de bottes et de nouveaux habits, car il se doutait qu’elle en aurait besoin à son retour.
« Trois jours plus tard, je broutais devant la maison quand j’entendis Hari aboyer.
- Il voulait encore couper du bois pour confectionner un coffre
», continua le Czernikois. « Des hommes sont arrivés à pied, ils nous ont encerclés, ils ont tiré l’épée... Aliocha ne pouvait rien faire ! J’ai aboyé pour alerter Nadievna, qui en a assommé deux, j’en ai mordu trois, mais il y en avait encore cinq autour d’Aliocha. Il nous a crié :
- Sauvez-vous, mes amis ! Je vous aime tous les trois
!
- Tous les trois ?
- C’est ce qu’il a dit.
- Et ces hommes, comment étaient-ils ?
- Ils portaient la barbe en collier, comme les Thornterriens», intervint Nadievna. «Vêtus de noir, ils avaient un blason cousu sur l’épaule droite, un blason doré.
- Une ronce noire sur fond d’or
», précisa le chien. « Nous les avons suivis de loin ; ils ont repris leurs chevaux au village, passé la frontière à Mensk, et ils ont rejoint Thornia, la capitale. Nadievna s’est cachée aux alentours et j’ai pu me faufiler dans la ville. Les odeurs étaient faibles et embrouillées, mais j’ai trouvé sa piste. Elle menait au palais ! J’ai essayé vingt fois d’entrer, je te le jure, Sonietchka, mais les gardes étaient vigilants. Même un chien errant ne pouvait pas franchir les portes!
- Mon pauvre Hari, je te crois. Vous avez fait tout ce que vous pouviez. Hélas ! »
Elle se baissa pour caresser longuement le chien, puis s’appuya contre l’encolure de la jument en lui grattant le garrot. Une fois encore, elle se surprit à penser que tout était tellement plus simple avec les animaux...




Revêtue des habits d’homme qu’Alexeï avait laissés pour elle, les pieds bien au chaud dans des bottes de cuir qui semblaient avoir été taillées sur mesure – comment avait-il pu deviner ?-, Sonia sella sa jument, puis jeta un dernier regard nostalgique à la cabane. Elle l’avait rencontré là, il l’avait attendue là, il avait tout préparé pour son retour, là... Et un peu plus haut dans la montagne, quelque part entre la neige et le ciel, il y avait deux Dragons avec qui...
« Tu es prête, petite fille?
- Tu as raison, Nadievna, le passé ne reviendra pas. Il nous appartient d’écrire notre avenir. En route ! »
La jument se cala dans un pas chaloupé et constant, bercement consolateur autant que promesse vigoureuse.
« Hé... tu n’as pas perdu ton assiette, c’est bien ! Je m’attendais au pire, après un an sans monter...
- C’est que... Je suis montée...
- Xetiakh avait des chevaux ? Un âne?
- Non... Sur son dos...
- Nom d’un trèfle rose ! Tu as chevauché la Dragonne?
- Quelquefois... Mais bien après que Soxtiotch ait appris à voler !
- Sox...
- Marche. Je vais te raconter. Quand j’arrivai enfin à la grotte de Xetiakh, effrayée, épuisée, transie, elle me renvoya aussitôt chercher du bois pour le feu. Les larmes gelaient sur mes joues et je ne sentais plus mes mains, mais la Dragonne alluma le feu et elle se montra étrangement compatissante. Puis, le lendemain... »




Le frémissement de Nadievna tira Sonia de sa rêverie.
«Nous arrivons. Ce sont les tours de Thornia. »
La citadelle se dressait devant eux, imposante et fière, entourée d’un mur d’enceinte crénelé en pierre grise ; deux tours noires émergeaient de la forteresse, gigantesques et pointues comme deux poignards déchirant le ciel. Sonia frissonna.
« Cette ville n’a pas l’air accueillante...
- Ses bâtisseurs voulaient inspirer la crainte», lui répondit Hari avec philosophie. « Mais il doit y vivre aussi des braves gens, là comme partout...
- Néanmoins... Petite fille, ne révèle à personne notre provenance. Fais-toi passer pour une Levantine, ou une Jivonoise
...
- Je te rappelle que je porte des habits d’homme !
- Bien, un garçon ! Mais surtout ne parle pas de la Svetlakie!
- Et pourquoi ?
- Tu n’as donc rien retenu de tes leçons d’histoire ? Autrefois la Svetlakie et Thornterre étaient unies dans le même royaume. Mais à la mort du roi Vassili, ses deux fils Dmitri et Fiodor se battirent pour le trône. A la demande de leur mère, la douce et sage Natacha, le royaume fut scindé en deux. Pourtant les deux royaumes ne cessèrent à travers les âges de s’affronter pour des prétextes futiles. Jusqu’à ce que ton père Igor ne réussisse, avec l’aide de Golgotch, à infliger une sévère défaite à Ivan, roi de Thornterre ; le Dragon le priva de ses pouvoirs magiques, et depuis les deux peuples vivent en paix. Mais de même qu’on t’a élevée dans la crainte des Thornterriens...
- Et comment sais-tu tout cela ?
- J’ai vécu pendant la dernière guerre, qu’on a appelé la Guerre du Dragon. J’y ai participé. Je suis mort au combat. Je m’appelais Sergheï. Capitaine Sergheï Nadiev.
- Le Capitaine Nadiev ? Celui qu’on surnommait la Tour, parce que deux hommes pouvaient se cacher derrière lui, et qu’il était aussi inébranlable qu’un mur de pierre ?
- Voilà bien les enfants, qui retiennent les anecdotes au détriment de l’Histoire... »
La main de la jeune fille glissa sur l’encolure de la jument.
« Je suis vraiment désolée. Je te promets de ne jamais oublier la leçon.
- Bah », soupira Nadievna, «c’est la vie. On naît, on meurt, on renaît, on meurt à nouveau. La gloire est une chimère que balaie le vent de l’oubli. Dépêche-toi d’inventer un mensonge, nous arrivons. »



Dans la foule qui se pressait pour passer les portes de la cité, les trois compagnons étaient précédés par une charrette lourdement chargée de tonneaux de vin.
« Tu viens d’où, tu portes quoi ? », demanda le garde barbu.
- Divostok, j’amène du vin pour la Fête des Retrouvailles. »
Le soldat vérifia le chargement, regarda sous le chariot.
« Tu peux passer. »
« So-Xi-Takh », déclara Sonia avec un accent rauque et nasillard typique des peuples de l’Est. « De Jivonie je viens. Dresseur je suis, et mes numéros de cirque pour la Fête des Retrouvailles je propose. Allez, Hari, aide-moi ! Fais le beau, et toi, Nadievna, piaffe !
- Un chien de ma qualité! », protesta Hari en pensée, alors qu’il prenait un air idiot en tirant la langue et en faisant le beau, pendant que Nadievna, montant le dos, exécutait un piaffer impeccable.
Le garde haussa les épaules.
« Tu peux passer. »
Sonia se fendit d’un sourire émerveillé, tout en pensant :
« Merci, mes amis, le plus dur est fait !
- Le Donateur t’entende
!», commenta Hari.
Sur la grand place, de nombreux camelots avaient dressé leurs étals. Sonia mit pied à terre.
« J’aimerais bien savoir ce que c’est que cette Fête des Retrouvailles. Ouvrez bien vos oreilles! »
Elle fit semblant de s’intéresser aux armes d’un coutelier, et n’eut pas longtemps à attendre. Derrière elle, deux commères répondirent sans le savoir à sa question.
« Eh bien, enfin une fête ! Et tu crois qu’on va le voir ?
- Oui, oui ! Mon gendre, qui est le cousin d’un garde du Palais, dit que le Roi apparaîtra au balcon à midi ! Avec son fils !
- Notre Prince ! Quelle histoire, tout de même ! Enlevé par ces brutes de Svetlakiens, depuis trois ans ! Séquestré, torturé sans doute...
- Hélas... Il aurait perdu ses pouvoirs... Mais les Curateurs s’en occupent, ils ont bon espoir... »
Sonia avait fait volte face et ouvrait déjà la bouche pour crier quand Hari la bouscula d’un coup d’épaule, manquant de la faire tomber.
« Tais-toi ! Tu vas nous faire repérer !
- Mais les Svetlakiens n’ont enlevé personne ! Et nous ne sommes pas des ...
- Est-ce que le mot de propagande fait partie de ton vocabulaire
? », demanda sévèrement Nadievna, « ou est-ce que cette leçon-là aussi tu l’as manquée? »
Sonia se renfrogna.
«C’est bon, j’ai compris. Mais il me tarde bien de voir la tête de ce prince martyr, et d’écouter les mensonges du roi. Promis, je garderai mon calme. En attendant, il faut trouver la prison. C’est sûrement là qu’ils retiennent Aliocha.»
Ils firent tout le tour du palais, Hari la truffe au sol cherchant désespérément une odeur familière. Enfin un bâtiment bas, clos par une porte sinistre en fer noir, avec quelques fenêtres étroites fermées par des barreaux... Le coeur de Sonia se mit à cogner.
« Il est là, il est là, j’en suis sûre... »
Hari se mit à aboyer furieusement, et des têtes apparurent aux soupiraux, hirsutes, hagardes, hébétées.
« Y a-t-il un jeune homme parmi vous ? Arrivé depuis peu... Avez-vous vu arriver un jeune homme ? Il y a un mois, à peu près... Excusez-moi... Un nouveau prisonnier, jeune, brun... C’est... c’est mon frère, vous l’avez vu ? »
Elle parcourut toute la façade du bâtiment, priant, suppliant, exhortant. Les têtes ricanaient, ou déniaient, ou se détournaient. Un garde passa, faisant sa ronde.
« Vite, Hari! »
Le chien se mit à marcher sur ses pattes de derrière, à faire la toupie pour attraper sa queue, à sauter en aboyant tout autour de la jument.
« Va-t-en ! Il est interdit de s’approcher de la prison ! Dégage !
-Oui oui oui », répondit Sonia avec un grand sourire idiot, comme font les étrangers qui ne comprennent rien à la langue. Au même moment, le clocher sonna douze coups.



Essoufflés de leur course, les trois compagnons arrivèrent sur la grand place au moment même où deux trompettes, sur le grand balcon du palais, sonnaient pour ameuter la population.
« Braves gens de Thornterre », annonça le héraut, « faites silence et inclinez-vous devant sa majesté le Roi Ivan ! »
Devant la foule muette aux yeux baissés, le roi se montra au balcon.
« Peuple de Thornterre ! Ce jour béni est enfin arrivé ! Réjouissez-vous et festoyez, car le malheur est derrière nous ! Mon fils bien-aimé, votre Prince héritier, nous a été rendu ! Epuisé, il est vrai, par trois années de souffrances infligées par nos ennemis de toujours, ces Svetlakiens sournois, lâches et barbares...
- Hou hou hou... » gronda la foule en colère. Sonia ferma les poings et serra les dents.
- « Mais Thornterre est un grand royaume, et le Donateur dans sa miséricorde nous a permis de retrouver notre plus beau joyau. Mon fils est un puissant sorcier. Et dès qu’il aura affermi ses immenses pouvoirs, nous repartirons en guerre, et cette fois nous irons reconquérir notre dû. Que tremble la Svetlakie impie, car notre justice sera impitoyable ! Ses territoires déloyalement volés à notre Couronne feront bientôt à nouveau partie de notre patrimoine, de votre patrimoine ! A vous les terres fertiles, les mines d’or et de diamants, les esclaves soumis qui travailleront pour vous... »
Un tonnerre d’applaudissements accueillit ce discours. Le moindre bateleur, le plus affamé des paysans se voyait déjà honorable, respecté, riche, obèse, accumulant deniers et pierreries, repu de mets raffinés jusqu’à la nausée...
« Thornterriens, mes amis, mes frères, faites trembler le sol de notre glorieuse patrie en accueillant comme il le mérite... le Prince Alexeï ! »
Le roi se tourna en souriant vers un jeune homme qui s’avançait, suivi de près par deux soldats. La foule l’acclama avec ferveur, mais il ne salua pas. Il garda le regard perdu dans le lointain et l’attitude figée d’un arbre mort. Sonia porta la main à sa poitrine, déchirée par une douleur fulgurante.
« Tais-toi, je t’en prie, ne bouge pas, ne fais rien! », l’exhorta Nadievna d’une pensée tordue par l’angoisse.
« Attends un peu, il y a sûrement une explication, je le connais, j’ai vécu presque trois ans avec lui, je t’en supplie... » La pensée du chien se perdit dans un gémissement pitoyable.
Le balcon s’était vidé, les gens riaient et se congratulaient, des orchestres se mettaient à jouer un peu partout, des odeurs de beignets et de viande grillée envahissaient la ville, des jeunes filles passaient en jetant à pleines poignées des pétales de roses... Traînée par Hari qui avait saisi sa manche, poussée par Nadievna du bout de son museau, Sonia avançait comme un somnambule à travers les rues noires de monde. Enfin, une impasse déserte, un petit coin de solitude et de silence... Elle s’effondra en sanglotant sur les pavés inégaux. Aliocha ! Aliocha qui lui avait enseigné à faire du feu, Aliocha qui lui avait sauvé la vie, Aliocha qui lui avait promis de l’attendre... Un Thornterrien, un menteur, un sorcier ! Un ennemi, qui viendrait réduire la Svetlakie en esclavage ! Un instant de révolte la fit se redresser :
« Je préférerais le voir mort que... que... Ce n’est pas possible ! »
Les larmes reprirent de plus belle, et au désarroi immense vint s’ajouter la peur.
« Nous sommes en danger ici... et... je suis devenue folle quand j’ai compris que Marishka... Je ne vais pas réussir... Je suis trop faible... »
Le sabot de Nadievna frappa le sol avec colère.
« Lève-toi ! Tu es Princesse de Svetlakie, et notre future Reine légitime. Ta conduite est indigne ! Tu as vécu quinze ans d’insouciance, et alors ? Crois-tu que les soldats qui sont morts dans nos guerres pour conserver ton royaume étaient tous plus âgés ou plus aguerris que toi ? Ils ont donné leur vie pour toi et n’ont pas pleurniché ni gémi devant la peur ou la souffrance ! Que dirait ton père s’il te voyait te traîner au sol comme une limace baveuse parce qu’un homme t’a déçue ? Est-ce bien là le sang des Svetlakov ? Hier tu chevauches un Dragon et aujourd’hui tu geins comme un nourrisson qui a perdu son jouet? »
Sonia se leva sous l’injonction, hoquetant et soupirant, mais essayant de faire meilleure figure. Le ton de la jument se radoucit.
« Tu étais persuadée que Golgotch avait tué ta famille, n’est-ce pas ? Et pourtant il n’en était rien. Si un jour tu dois régner, il te faut acquérir la sagesse de ne jamais te fier aux apparences, et de ne croire que ce que tu auras vérifié par toi-même.
- Mais je l’ai vu, comme tu l’as vu ! Sur le balcon, à côté de son père...
- Qu’est-ce que tu as vu ? Oui, l’héritier de Thornterre. Mais tu n’es pas semblable à ta soeur. Pourquoi serait-il semblable à son père ? Moi, ce que j’ai vu, c’est un homme fatigué, figé, contraint, encadré par deux soldats... pas un futur despote arrogant et enthousiaste, cherchant les faveurs de la foule !
- Je le connais
», ajouta Hari, « je ne peux pas croire qu’il ait changé à ce point...
- Alors
... », renifla Sonia, « il serait vraiment prisonnier, il serait...
- Nous ne partirons pas d’ici avant d’avoir établi la vérité
», décréta la jument.
- «Bien parlé! », approuva le chien. « Nous lui devons bien ça.
- Et comment on fait ?
», gémit Sonia, prête à pleurer de nouveau.
- «Si son Altesse la Princesse Royale de Svetlakie voulait bien se donner la peine d’utiliser sa Royale Intelligence... »
Sonia foudroya la jument du regard, mais aussitôt après, elle se mit à réfléchir. S’il y avait un moyen d’approcher Aliocha, elle devait absolument le trouver, et pour troublée qu’elle fût, c’était à elle de prendre l’initiative. Vaguement, dans un coin obscur de son esprit, il lui sembla entendre le cri de chasse d’un Dragon, et la voix de Xetiakh lui répéter :
« Le Dragon des Czerniks protège la Svetlakie. Courage, Princesse. Tu as déjà fait des choses plus difficiles ! »



Aux portes du palais se pressaient jongleurs, acrobates et ménestrels, quémandant aux gardes austères le droit d’entrer pour montrer leur spectacle au roi, dans l’espoir d’une récompense sonnante et trébuchante.
« Hugolin le barde, je te connais... tu peux entrer...
- Moi, moi, monseigneur ! Je suis le meilleur jongleur de Thornterre, regarde ! » L’homme lança quatre balles dans les airs, mais en manqua une, qui roula vers Hari. Le chien jappa de plaisir, la rapporta joyeusement au jongleur déconfit, puis entama une série de cabrioles endiablées, et s’immobilisa aux pieds du garde, vers qui il tendit la patte en inclinant la tête sur le côté, la langue pendante. Nadievna, qui ne voulait pas être en reste, se dressa sur les postérieurs et avança ainsi, laissant retomber ses antérieurs de chaque côté du chien, qui ne broncha pas. Sonia vint se glisser sous le poitrail, et la jument posa ses antérieurs sur ses épaules. Spontanément, la file des artistes applaudit.
« Très bien », soupira le soldat, « puisque tes collègues ont l’air d’apprécier... Passe. »
Sonia tournait en rond dans la petite pièce attenante à la salle du banquet. Le chant du ménestrel n’en finissait pas. Si Aliocha la dénonçait, elle serait une proie facile... Marishka serait trop heureuse de se débarrasser d’elle si déjà le roi Ivan demandait une rançon... A moins qu’il ne la fasse égorger tout de suite. Ce qui en quelque sorte valait peut-être mieux, parce que sans Aliocha... Mais la Svetlakie... C’était une folie, de se jeter seule dans la gueule du loup...
« Le Dragon des Czerniks protège la Svetlakie, et ton peuple attend la délivrance! »
« C’est à toi, dresseur. Incline-toi jusqu’au sol, et attends le bon vouloir du roi. »
Sonia inspira profondément, accrocha un sourire béat sur son visage encore humide de larmes, redressa ses épaules et entra.
« Majesté, un jeune dresseur, venu de Jivonie...
- Bien, bien, qu’il fasse... »
Le roi interrompit le majordome d’une voix passablement agacée. Il détestait les banquets qui traînaient en longueur, il avait la musique en horreur et méprisait les saltimbanques, ces parasites stupides qui volaient leur pain sur la naïveté des pauvres gens. Mais c’était jour de fête, les Thornterriens allaient bientôt mourir au combat, il avait besoin de leur fidélité pleine et entière. La politique requiert souvent hypocrisie, patience et concessions. Le roi soupira et se resservit un gobelet de vin.
Hari se mit à aboyer en sautant autour de Nadievna, qui se cabra en hennissant, boxant l’air de ses antérieurs comme un étalon furieux, tandis que Sonia, un genou à terre, déclarait d’une voix forte :
« Prince Alexeï, c’est un honneur de vous revoir ! »
Le prince, assis à la droite du roi, et derrière qui se tenaient toujours deux soldats, promena un regard absent sur la salle remplie de notables et de dignitaires. Regard qui s’attarda un instant sur le chien, sur le cheval, sur le dresseur... Raide comme un automate, il se leva, le verre à la main, comme pour porter un toast... et s’écroula sur la table dans un fracas de vaisselle et de verres brisés.
« Le Prince a un malaise ! Faites venir les Curateurs ! Le spectacle est terminé, dehors, dehors... »
Alors que Sonia, désolée, se dirigeait à contrecoeur vers la sortie, pensant que tout était perdu, un immense éclair de feu embrasa la salle du banquet, suivi par une épaisse fumée noire qui rendait l’air épais, opaque et irrespirable.
« Qu’est ce qui...
Ne te retourne pas ! Dehors, petite fille, dehors, vite... Monte sur mon dos, le temps presse! »
Tandis que le palais retentissait d’explosions et de hurlements de détresse, les trois compagnons réussirent à se frayer un chemin vers l’air pur du parvis. Autour d’eux, tout le monde fuyait se mettre à l’abri. Aucun spectacle, aucun banquet, aucune garde ne valait qu’on y laisse la vie ! Ils s’apprêtaient à galoper vers les portes de la ville quand un cri les figea sur place.
« Sonietchka ! »
Nadievna fit un demi-tour sur les hanches, et avant que Sonia soit revenue de sa surprise, Alexeï était en croupe derrière elle et la jument s’élançait de toute sa puissance, précédée par un Hari qui montrait les dents pour écarter les importuns. Des trompettes sonnèrent, au milieu desquelles retentissait la voix tonitruante du roi.
« Pourchassez-les ! Rattrapez-les ! Le Prince a été repris ! A mort les ennemis de Thornterre ! Soldats, à cheval ! Je veux leurs têtes ! Je veux... »
Nadievna dévala la colline plus vite que le vent. Sonia sentait les bras d’Alexeï qui serraient sa taille, la chaleur de son corps contre son dos, et la vitesse, et la liberté, et l’enivrement, et le bonheur, et la certitude...
La jument s’arrêta enfin au bord d’un ruisseau. Les cavaliers mirent pied à terre, étourdis, essoufflés. Hari lapait déjà l’eau avec frénésie.
« Merci, Sonietchka. Ils m’ont enlevé, drogué... Je... je ne suis pas comme eux, il faut me croire... Je ne veux pas de guerre. Je ne veux pas être leur sorcier. Je suis parti pour ça. J’ai tout fait pour oublier mes pouvoirs. Il faut que tu me croies...
- Je te crois », murmura Sonia dont les yeux s’embuaient de larmes de joie. « Je te crois... »
Au loin des clameurs guerrières semblaient se rapprocher.
« Si je comprends bien», ricana Hari maintenant désaltéré, « non seulement nous avons encore la Svetlakie à sauver, mais en plus nous avons tout Thornterre à nos trousses... De mieux en mieux!
- Tu as raison, Hari », répondit Aliocha. « Mais... il se pourrait que je ne sois pas sans ressource...
- En selle, vite, tous les deux ! Nos poursuivants se rapprochent, nous discuterons plus tard !
- Mais il
...
Sonia ne finit pas sa phrase. Aliocha l’avait jetée sur la selle et était remonté derrière elle. La jument repartit à bride abattue.
« Je suis toujours là, princesse Sonia. Le Dragon des Czerniks ne faillira pas à sa tâche. Les Dragons ! Soxtiotch est presque adulte, maintenant, et il insiste pour combattre à tes côtés! »
Sonia ferma les yeux. Le danger était derrière, et le danger était devant. Le présent était incertain, l’avenir plus qu’aléatoire. Mais jamais aucune peur ne lui avait paru plus souriante, aucun péril plus confortable, aucun doute plus rassurant. Que valaient les armées de Thornterre et les mercenaires de Marishka, face à la certitude que sa cause était juste et qu’elle ne serait plus jamais seule pour la défendre...
Narwa Roquen, vous reprendrez bien un petit oxymore?

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-03-07 23:27:57 

 Commentaire Maedhros, exercice n° 103 (edit)Détails
Ce titre, il fallait l’oser ! Certes, en dehors du contexte de la WA, ça perd toute sa saveur, mais nous sommes entre nous, (virgule !) n’est-ce pas ?
Et donc revoilà du Maedhros pur jus, entre miroirs ouverts sur les ténèbres des âmes torturées, agneaux silencieux et psychopathes hallucinés. L’histoire est joyeusement horrible, dans son récit, dans ses personnages, et pire que tout, dans sa cohérence. Le réel terrifiant se mêle au fantastique qui est encore plus épouvantable, et le basculement incessant entre les deux est vertigineux !
Grand morceau de bravoure que ce glissement insensible vers le « je », dans la fin, où on ne sait plus qui parle, du monstre ou de sa proie.
Le choix du prénom de l’héroïne, clin d’oeil à la Clarice du film culte, est d’un raffinement pervers. En fait de merveilles, c’est un pays d’horreurs troubles où la clarté n’est que mensonge ; celui qui rassure est aussi celui qui détruit.
Pauvre chat innocent, toujours accusé à tort d’être pesant et mou... J’aime bien « sa queue marque une mesure que lui seul perçoit ».
Et Madeleine pleure. Normal.


Quant aux figures de style, pléthore ! J’ai vu passer une antithèse (une éternité, une seconde), deux anaphores (moi qui..., un sourire...), une analepse (retour sur les évènements antérieurs) voire deux (mais la deuxième me gêne un peu, j’y reviendrai), des métaphores en abondance, un oxymore ( pénombre claire), deux catachrèses ( pieds de bois, Novembre étendait ses ailes), une allégorie (le Diable en personne), une ellipse (le sort du chat), et le passage au "je" à la fin me semble relever de l'énallage (très fort!)... Le paragraphe « la maison de repos » ressemble fort à une hypotypose... emphatique ! Et il y en a sûrement plein d’autres que j’ai ratées et que nos lecteurs avertis ne manqueront pas de nous signaler...


Bricoles
- je me répète encore et encore, mais quand il y a « n’est-ce pas », avant il y a une virgule. Et aussi quand un personnage en appelle un autre par son prénom.
- Tu nous as démontré que la concordance des temps n’avait pas de secret pour toi... quand tu y penses ! « La suite fut assez décevante...a fait irruption, a secouée... » Passé simple ou imparfait, mais pas de passé composé. Idem «Je l’ai conduite au sous-sol...elle ne l’a pas reconnu...elle fut fascinée... nos jeux devinrent... »
- Jusqu’à ultime placard : l’
- Surtout quand une lame, fine et ciselée, brille... : je me doute que ça a un rapport avec le « mal à l’aise » : mais c’est loin, du coup le lien est distendu
- Parce que c’est la aussi la mienne : c’est là aussi, ou plutôt un seul la
- Il la réconforte quand son âme est inquiète, sachant qu’il veille sur les ombres menaçantes, elle s’endort paisiblement. :ça peut s’appeler une anacoluthe, ou une asyndète, mais ça me gêne un peu. Je préfèrerais un point virgule après « inquiète »
- Et si elle n’y répond pas, sa mère monterait : montera
- Le témoin inopportun : j’aurais dit « importun » ; inopportun s’emploie plus volontiers pour les choses
- Laisse-moi encore de montrer : te
- L’ai-je encouragée : mais le paragraphe est au passé ; certes l’encourageai-je n’est pas très heureux...
- Fut prise en charge... qui la prit dans ses bras...
- Dans le paragraphe « le temps passa. », il y a un petit problème de chronologie. Tu fais repartir la mère dans l’ambulance et juste après elle casse une coupe de champagne. On comprend, mais ça alourdit.
- Willy avait étouffé dans son sommeil par le chat : avait été
- Les changements qui s’étaient opérés en elle ont favorisé... avaient favorisé
- Elle sentait un corbeau sautiller sur sa tombe : la tombe de qui ?
- La baie de Chesapeake : manque le point après
- Un parc de plusieurs dizaines hectares : d’
- Lui déposa un léger baiser sur une joue décharnée : le « lui » est de trop. Attention, c’est une erreur récurrente.
- Son pronostic vital n’était pas à proprement engagé : à proprement dire
- J’ai un problème avec le passage qui va de « C A avait seize ans » jusqu’à « foudroyée, les yeux ouverts ». Ca commence quand elle a seize ans, ça revient sur quand elle en avait quinze, et ensuite on revient aux seize. Le problème c’est que les évènements sont proches et se ressemblent (maladie, hospitalisation) ; du coup on s’y perd un peu. Le mieux serait de condenser, et de rester dans l’ordre chronologique. Ou alors de faire un flash-back plus tranchant.


Bon, la prochaine fois que j’ai une idée aussi sotte et grenue, arrêtez-moi ! Mais j’ai assumé : le commentaire était encore plus difficile que l’écriture !
Tu t’en es remarquablement bien tiré, en nous donnant de longs frissons soutenus par une bande son comme toujours parfaitement choisie. J’ai adoré l’adagio ! Et je m’incline devant le texte...
Narwa Roquen,marathonienne du commentaire

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-03-25 18:21:10 

 Denari e spadeDétails
Cette histoire est donc le cinquième épisode de la saga des Czerniks qui raconte les aventures d'une jeune princesse victime d’une soeur machiavélique et qui rêve de reconquérir son royaume perdu. Cet épisode permet de révéler une facette de l’un des protagonistes qui s’est joint à Sonia et lui donne de l’épaisseur.

Je suis particulièrement d’accord avec toi sur la difficulté de commenter ce texte au regard du respect de la consigne. Retrouver les figures de style au sein d’un texte relève du parcours du combattant. Je me suis armé d’un crayon et, en louchant sur la liste des 35 formes différentes de figures de style, j’ai essayé de localiser dans le texte leurs occurrences. C’est loin d’être évident. J’ai bien trouvé au chapitre :

-Des asyndètes : par ex : « le jeune homme avait réparé (...) lit. »
-Des aposiopèses : par ex : « revêtue des habits d’homme (...) cabane ».
-Des comparaisons : par ex : « deux tours noires (...) déchirant le ciel ».
-Des allégories : par ex : « la gloire est une chimère (...) l’oubli ».
-Des ironies : par ex : « Si son Altesse la Princesse Royale (...) intelligence ».
-Des oxymores : par ex : « peur plus rassurante » ou « péril plus confortable » ou encore « doute plus rassurant ».

Bien sûr, cette énumération n’est pas exhaustive, il m’a même semblé croiser une ou deux ellipses. Et je suis certainement passé sur beaucoup d’autres sans les remarquer.

Sinon, l’histoire se lit d’une traite, avec son lot de coups de théâtre et de rebondissements. Le passage sur le subterfuge utilisé par Sonia pour pénétrer dans la ville m’a fait penser à celui utilisé par le sieur Vétérini pour prévenir un conflit. Ah, les va-t-en guerre ! Comment préparer l’état d’esprit de ceux que l’on veut manipuler pour qu’ils se rallient à la bonne cause. C’est l’histoire de la balle que lance le jongleur. On suit la balle des yeux alors qu’on ne devrait jamais quitter les mains agiles qui la lancent et la rattrapent !

En tout cas, Sonia décille les yeux d’Aliocha qui possède des talents insoupçonnés. Pas de temps mort dans le récit, on suit sans faiblir les efforts de Sonia pour délivrer son ami. La richesse des dialogues, qui sonnent juste, me bluffe toujours autant. L’histoire principale se pare d’une nouvelle dimension qui ouvre d’autres possibilités.

M

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z653z  Ecrire à z653z

2012-05-15 23:17:45 

 le fait qu'ils le cherchentDétails
prend trop de temps et m'a fait deviner que le prince était Alexei/Aliocha. Surtout que la fête s'appelle fête des retrouvailles (beau double sens qui ferait un beau titre de chapitre). Et le fait qu'ils veuillent assister au discours du roi au lieu d'en profiter pour continuer à chercher leur ami.
Sinon, j'attends avec impatience la suite de l'histoire qui s'enrichit de chapitre en chapitre.
Et toutes les figures de style n'alourdissent pas le texte.

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z653z  Ecrire à z653z

2012-05-15 23:38:16 

 Le temps passa. Plusieurs moisDétails
J'aurais quelques mois, car même si plusieurs commence à deux, j'ai l'impression que ça fait plus que quelques.
D'autant qu'avant de tuer son demi-frère, elle s'approche de son 5e anniversaire. Ou alors plusieurs semaines.
Le titre est très bien trouvé et l'histoire n'est pas courte mais très prenante.
Cependant la mère qui met 10 ans avant de sombrer, cela fait un peu long.

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