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 Never let me go Voir la page du message Afficher le message parent
De : Estellanara  Ecrire à Estellanara
Page web : http://estellanara.deviantart.com/
Date : Jeudi 10 octobre 2013 à 16:12:22
Ca faisait des mois qu'il était sur ma liste à voir. Voilà, je viens de le finir.


SPOILER !!! Ne lisez pas la suite si vous n'avez pas vu le film !!





















C'est une histoire profondément triste, sans aucune lueur d'espoir. Une histoire d'amour malheureux, de destins qui se croisent, de fatalité. Les images sont magnifiques et les acteurs excellents, émouvants sans jamais en faire trop. Les dialogues sont très justes également. La scène où Kathy et Tommy parlent de la galerie dans la forêt et où on s'attend à ce que Tommy avoue son amour à Kathy, et la scène avec Ruth qui demande pardon sur la plage surtout. C'est doux, c'est beau, c'est sensible, c'est superbement filmé mais ça me laisse un goût terriblement amer.
Même si le film annonce la couleur dès le début avec des personnages passifs, silencieux, introvertis, qui acceptent résignés l'horreur de la révélation sans broncher, leur absence de révolte contre ce destin ignoble m'a beaucoup troublée. Qu'est-ce qui justifie qu'ils ne s'enfuient pas ? Qu'ils n'essaient pas d'alerter l'opinion publique sur leur condition ? Tommy accepte la mort sans même bouger. Pourtant, il voulait vivre, il avait l'espoir de ce sursis dont le spectateur avait deviné qu'il était illusoire.
Du coup, le film se déroule sans surprise vers leur mort, un peu plus tard que prévue. L'épisode du sursis ne parvient pas à créer le suspens tant on sent que ce ne sera qu'une chimère.
Mais qu'est-ce qui rend les personnages si passifs ? Est-ce le fait d'un conditionnement précoce ? Qu'on leur ait répété que c'est là leur destin inéluctable ? Pourtant on devine les germes de la révolte chez Ruth, on sent une colère contre l'injustice de cette vie. Je n'ai pas trouvé cet aspect crédible et il fait peser un poids terrible sur le film.
Avec la fin du film, le personnage de la directrice prend un tout autre éclairage. Et on comprend que, loin d'être le tyran froid qu'on aurait pu imaginer au début, elle est en fait le seul rouage du système avec un peu d'humanité.
La femme qui est avec elle aussi, laisse entrevoir toute la réflexion sur la valeur de l'humain qu'aurait pu mener le film.
J'aime les films fantastiques sans aucun effet spécial. Sans robot ou vaisseau tape à l’oeil. Celui-là est magnifiquement mené. La nouvelle société où on fabrique et "consomme" des humains est terrifiante. La terminologie, "donneur", "terminer", en dit long sur l'hypocrisie qui entoure ce système déshumanisé.
J'aurais aimé entendre parler des gens qui n'acceptent pas le clonage. Il doit bien y en avoir. Mais, vu le parti pris du film, je comprends que ça ne soit pas montré.
J'aurais aussi aimé que soient plus abordées les notions d'identité des clones, leur recherche de leur original. Il y avait là matière à faire quelque chose de très intéressant mais ça n'est quasiment pas exploité, hormis pour montrer une fois de plus que Ruth est la seule à s'insurger contre sa condition. Mais diantre, pourquoi ne s'enfuit-elle pas ?
Le premier tiers m'a fortement fait penser à Innocence, adaptation d'un roman lui aussi, où des jeunes filles sont élevées dans une pension - prison dans un but mystérieux et inquiétant.
La fin de Never let me go offre une nouvelle lecture possible du film, parabole sur l'inéluctabilité de la mort et de la séparation, et l'acceptation.
Au final, magnifique visuellement et émouvant mais je reste sur ma faim. Les personnages sont si introspectifs, si curieusement résignés, si peu passionnés que j'en viens à me demander s'ils ne sont pas effectivement des "créatures" dénuées d'âme. Beau, bien réalisé, bien joué mais frustrant.

Est', cinéphile amateur

PS : Comme j'écris à chaud, c'est un peu décousu, aussi je mettrai mes autres impressions en PS. La scène où Kathy explique qu'elle est devenue accompagnante et où on la voit dans son appartement vide, dans une vie vide, est pleine de sens. Après tout, elle n'a pas de passé, pas d'avenir. Elle a été fabriquée pour être utilisée et jetée comme un objet utilitaire. Comment aurait-elle une vie ?
Bien joué aussi, de ne pas avoir fait durer le suspens sur le but de la pension. On n'est pas ici dans un thriller à grosses ficelles.


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2013-10-10 21:05:58 

 L'insupportable légèreté de l'être.Détails
ATTENTION, SPOILER...


Content que tu aies apprécié le film. C'est marrant, je ne me suis pas du tout posé les mêmes questions que toi. C'est le genre de film qui demande à ce que l'on se glisse dans la perspective qu'a voulu le cinéaste, le prédéterminé, la règle du jeu.

Il me semble que beaucoup est dit dans les quelques lignes qui précèdent le film. Grâce au clonage, les humains ont accédé à une très longue existence et éradiqué la plupart des maladies. C'est un postulat non négociable. Les hommes ont vendu leur âme au Diable et ils refusent que les créatures qu'ils ont créées à leur image en aient une!

Donc, ces élevages de clones, qui finissent apparemment tous en élevage en batterie (Hailsham étant voué à disparaître en raison de coupes budgétaires et de réduction des coûts) éduquent des créatures vouées à être des réservoirs autonomes de pièces de rechange biologiques.

C'est vrai que cette résignation, ou cette absence de revendication, de ces clones a quelque chose de frustrant mais elles sont conditionnées dès leur naissance à accepter ce sort. Elles vivent heureuses dans les limites de cet univers qui leur est attribué. Elles ne le remettent pas en question parce que cela ne fait pas partie de leur paradigme. Même quand l'enseignante qui voulait justement les confronter à la triste réalité (et qui se fait virer) ne suscite aucune réaction de leur part. Visiblement, elles ne sont pas choqués par leur destin et elles imaginent qu'il existe dehors, la copie originale dont elles ne sont que la copie carbone. Pour elles, une vie normale est différente de la conception qu'en ont ceux du dehors.

Et puis, avant que les endroits comme Hailsham ne soient remplacés par d'autres plus productivistes, la directrice avait été très lucide, ainsi que Marie-Claude, la Madame de la galerie. Les clones étaient vu comme des animaux humains, sans droits hormis celui à une certaine dignité et qualité de vie. Comme un zoo idéal où les gardiens sont aux petits soins pour ceux qui vivent dans les cages.

Les personnages de Ruth et de Tommy sont deux facettes d'une même pièce. C'est pour ça qu'ils s'attirent mais ne s'aiment pas. Chacun dans son genre, ils représentent une sorte de révolte contre leur destin mais non pas une révolution. Ils ne se considèrent pas comme humains. Définitivement. Et Kath est au milieu, à la fois fascinée par la force vitale de Ruth et amoureuse de la spontanéité de Tommy. C'est la tranche de la pièce, en quelque sorte!

Et tout l'art du cinéaste (et encore plus de l'écrivain), c'est de faire comprendre que dans cet enfer apparent, il se crée des histoires qui n'ont rien à envier à celles du dehors. L'amour, la rédemption, l'amitié, la joie, la tristesse, la curiosité, tous ses sentiments existent, avec la même intensité. A Kath, il lui reste les souvenirs de ses amis, les bribes de cette enfance enfuie, tous ces instants qui ont fait sa vie et nous, êtres normaux vivant une vie normale, que nous restera-t-il au bout de la route. Des souvenirs, comme ceux de Kath, sans doute un peu plus nombreux, mais est-ce que la quantité est synonyme de qualité? Peut-être qu'au contraire, leur existence est plus remplie car plus courte?

M

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