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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Vendredi 1 novembre 2013 à 18:11:19
Pour un fois, j'ai essayé d'être concis. Et j'ai quand même un peu respecté la consigne. J'avais deux textes très voisins, sur la même variation. Celui-là possède en plus un sens actuel qui a fait pencher la balance.

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La bande-son...
LE MEDAILLON



Si je ferme les yeux, je revois parfaitement les traits de l’homme que j’aime.

Son visage est aussi tranquille qu’une lune qui se mire dans le bassin du château quand la nuit est pure et les étoiles brillantes. Il n’y a aucune cassure, aucune brisure, aucune aspérité qui sont la marque des caractères jaloux, emportés ou ombrageux. Non, le soleil de ma vie m’a réchauffée, moi, la petite provinciale naïve, ignorant tout des rouages mystérieux qui président aux mouvements des corps célestes. Il m’a attirée à lui sans même s’en rendre compte, comme l’astre du jour, indifférent, retient les planètes inférieures en une course circulaire autour de sa splendeur. Durant cet étrange ballet aérien, contre toute attente, le Feu a fini par trouver quelque charme à un petit et obscur satellite. Celui-ci, sans crainte de se consumer en s’approchant trop près de cet auguste amant, a répondu à ses avances. Je n’en rougis pas. Mon amour est sincère et désintéressé.

Alors oui, il a le visage rond. Il ne pourra pas s’en départir, même entre les dents de ces heures cruelles et funestes. Mais son front est large et noble, harmonieusement galbé, doux sous mes baisers. Quand je partage sa couche, j’aime à caresser ses cheveux d’or soyeux, souples et parfumés. Rares sont les moments où il peut se permettre de les laisser ainsi librement flotter. Pourtant ils transfigurent son visage et le rendent plus jeune, moins lointain, plus humain enfin. Telle est la marche de ce siècle où tout doit obéir à des codes contraignants. Bien que je tremble pour lui et pour nous, je forme en secret des voeux pour que le vent de liberté qui souffle aujourd’hui sur le royaume allège le poids des chaînes, visibles ou invisibles, qui mordent nos chevilles et muraillent nos âmes. L’Amour ne nous rend pas forcément aveugle à ce qui nous entoure même si l’objet aimé demeure le centre de notre existence.

Sous des sourcils affirmés, ses yeux ont la couleur du bleu de porcelaine, doux et pâle. Ils ont une douceur alanguie et presque féminine, ce qui a aussi contribué à accréditer la fable que celui que j’aime est faible et dominé par son épouse. Mais je peux à présent révéler ce que je voyais, moi, dans ces yeux, alors que mon destin avance désormais à grands pas. A la lumière chaude des chandelles qui brûlaient au coeur de nos nuits trop courtes, ils s’enténébraient de désir juste avant que le brûlot du plaisir ne les rende plus lumineux qu’un soleil de minuit. Alors ses paupières se refermaient pudiquement sur des vestiges humides.

Son nez est fort et puissant, trait commun à tous les membres de la lignée. Il n’est pas orgueilleux et dominateur comme celui de son quadrisaïeul ou jouisseur et libertin comme celui de son grand-père. Non. Ses lignes sont pleines et ses narines sensuelles. Il apporte un équilibre à la rondeur du visage et l’empêche d’être empreint d’une trop grande mollesse. C’est un arc-boutant autour duquel tout s’organise. La proue majestueuse qui fend les flots devant le navire amiral. Il est à la mesure de la haute stature de mon Amour que tous ses détracteurs s’ingénient à réduire, comme pour mieux peindre une image faussée, cible de toutes les gausseries.

Mais que dire de ses lèvres, ourlées et charnues, qui appellent le baiser ? Sa bouche forme un joli arc de chair parfaitement dessiné qui se pose sur un délicat coussinet. Quand il me sourit, la lumière allume ses yeux et la chaleur inonde mon corps. Quand il me sourit, je crois que je pourrais défaillir sur le champ et si ce n’était l’étiquette, je me précipiterais à son cou pour fondre mes lèvres aux siennes. Le monde alors pourrait vaciller sur son axe, je n’en aurais cure. Ah, la fièvre me fait délirer. Je sais bien où je suis. Je n’ai qu’à rouvrir les yeux pour être à nouveau plongée dans les ténèbres et le froid de ces geôles souterraines où j’ai croupi un temps avec quelques compagnes d’infortune. Car, sans la présence de l’astre de ma vie, j’erre sans but au sein d’étranges parages privés de lumière et de chaleur.

Dans les étages du sinistre temple, ma Reine est toujours prisonnière. Et les enfants ! Les enfants !! Mais elle n’est plus ma rivale à présent. Ma rivale qui ne s’est jamais doutée de rien. L’histoire non plus ne retiendra pas mon nom. Trop insignifiante. La Reine ne l’a pas rendu heureux. Jamais. Elle était trop jeune. Trop avide de pouvoir. Trop éblouie par l’éclat de la Cour. Elle n‘était pas une femme pour lui en ces temps qui changent. Elle ne l’aimait pas. C’était ma maîtresse, j’appartenais à sa maison. Elle m’a donné, comme un paysan donne une tête de bétail, à la princesse italienne de son entourage, celle qu’elle appelait son « cher coeur ». Celle qui connut une fin horrible entre toutes. J’ai vu sa tête hideusement plantée au bout d’une pique et son corps affreusement mutilé traîné sur le pavé. J’ai pleuré ce jour-là car j’ai compris que le monde venait de basculer dans le chaos.

Je ferme les yeux pour ne voir que son visage. Son visage qui resplendit en mon souvenir. Je ferme les yeux car je ne veux pas oublier. Aucun détail. Aucun mot que nous avons échangé. Il était habile de ses doigts et mon corps s’en souvient bien mieux que les horlogers ou les serruriers avec leurs gestes mécaniques. Sentir son corps contre le mien, sa chaleur se propager dans mes veines jusqu’à en rougir de plaisir. Boire à ses lèvres et lire dans ses yeux une totale communion. Mon Amour, mon astre, mon souverain. Il était tout ça et bien plus encore.

J’entends leurs voix vociférer en cette matinée glaciale de janvier. Est-ce vraiment leurs voix qui me parviennent malgré la distance et l’épaisseur des murs? J’étais à son procès et c’était pitié de voir comment tout était joué d’avance. Il n’y avait rien à faire. Plus rien à attendre. J’entends leurs cris de haine, qui retentissent comme des rugissements de bêtes fauves. Ils veulent du sang pour y laver leurs mains. Ils veulent tuer mon Amour et moi que puis-je faire ? Sinon fermer les yeux. J’ai beau me boucher les oreilles, les hurlements résonnent sous mon crâne. Ils deviennent frénétiques. Mon Astre divin n’aura pas brillé bien longtemps au firmament. Son destin ressemble bien plus à cette comète qui a traversé le ciel alors que j’avais à peine 7 ans. Mon père me tira du lit dans la touffeur de juillet et me traînant dans le jardin, me montra le bolide céleste dont la chevelure enflammait la voûte céleste. Elle émerveilla tant ma jeune imagination qu’elle fit naître en moi la passion dévorante de ces objets flamboyants et inaccessibles. Et l’insecte osa regarder une étoile. Mais cette étoile, qui fit le bonheur de mes nuits devint une étoile filante, m’abandonnant au noir et au vide extérieurs. Je ne vois pas Dieu ici ? Ont-ils aussi eu raison à son endroit?

Ah, le silence ! Il est mille fois plus cruel que les cris et les rugissements de la foule hallucinée venue assister au spectacle. Aussi coupant qu’une lame d’acier. C’en est trop. Mon pauvre petit coeur a deviné avant ma raison. Mais je refuse de comprendre. Mes forces m’abandonnent et le néant miséricordieux s’ouvre devant moi. Je ne ressens plus rien, mon corps est glacé comme si toute chaleur l’avait fui. Laissez-moi avec mes fantômes et ma douleur. Laissez-moi...


En poussant un long soupir, elle se renverse, inanimée, contre le dossier d'un méchant fauteuil, troué et mangé par les mites. Son bras heurte l’accoudoir et sa main lâche alors un petit médaillon qu’elle tenait serré tout contre son coeur. Le médaillon roule sur le plancher disjoint de la petite chambre de service où elle se terre depuis des jours. Il roule, roule encore et, rebondissant contre le mur, termine sa course folle dans la poussière accumulée près de la plinthe de bois. Sur le médaillon, les traits d’un homme posant en majesté se devinent encore un peu. Cet homme esquisse un sourire énigmatique et solennel. Il n’aura jamais compris.

Attention, SPOILER (le portrait dans le médaillon)


M


  
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3 Commentaire Maedhros, exercice n°124 - Narwa Roquen (Mar 5 nov 2013 à 23:25)


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