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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Vendredi 16 janvier 2015 à 23:12:56
La prière à Oromë






Cette tirade est extraite de « Narwa Roquen », pièce en cinq actes. Il s’agit de cinéthéâtre, c'est-à-dire que les scènes de combat ou celles en extérieur sont filmées et projetées sur un écran géant au fond du plateau. On peut envisager de tout jouer en direct mais alors il faut un théâtre en plein air, type unegrande arène... et le budget n’est pas le même.
Cinq actes : acte I, les débuts ; acte II : Radagast ; acte III : Rolanya ; acte IV : Maedlin ; acte V : Après. La fin de l’acte IV correspond à « L’enfant du Bois Blanc », in Concours « Echec et mat ». Le début de l’acte V correspond à « Un autre monde », in
Concours « Terre de Lumière »
A la fin de l’acte IV on voit sur l’écran brûler le Bois Blanc, et Narwa Roquen repartir à cheval.
Dans la scène 1 de l’acte V, alors que le jour tombe, on voit Radagast et Gandalf expliquer la situation aux habitants d’Atta Echtele. Les Orques arrivent, et le combat aura lieu le lendemain à l’aube.

Scène 2


Radagast, Narwa Roquen.
Narwa Roquen est assise côté cour. Elle fixe les cendres d’un feu, immobile. Frère Loup est couché près d’elle. Sur la branche d’un arbre, on devine la silhouette immobile de Kyo. Il fait nuit. Un pâle rayon de lune éclaire Narwa Roquen et Radagast qui vient près d’elle.

RADAGAST : ‘Roquen, tu ne dors pas ? La journée sera dure,
Demain. Les Orques attaqueront, tu sais. Sois sûre
Que ce sommeil perdu tu le regretteras.
NARWA ROQUEN : Demain je dormirai. Je ne me battrai pas.
R : Mais, ‘Roquen, tu le dois ! Gandalf et moi ne sommes
Pas suffisants à deux pour sauver tous ces hommes
Qui préfèrent mourir que de vivre soumis...
Ils sont tous innocents ! Et je suis ton ami...
NR : Un ami qui pourtant préféra Saroumane !
R : Ah je te reconnais bien là, tout feu tout flamme !
L’Ardente Cavalière à qui le feu sourit !
NR : Sans doute... Mais ce jour, le feu m’a tout repris...
R : Pardonne ! J’ai eu tort, cent fois tort, je l’avoue.
Frappe-moi, maudis-moi, traîne-moi dans la boue...
Mais nous avons besoin de toi !
NR :soupire Je sais. Avant
De dormir il me faut prier... certain Puissant...


Radagast consent d’un signe de tête. Il s’apprête à repartir, mais s’arrête quand il voit Narwa Roquen se lever, s’entourer de trois cercles de feu pour le garder à distance, et tendre son poing vers le ciel. Au début du monologue, il va tenter de protester, de dissoudre le sortilège du feu pour l’interrompre. Puis, le visage inquiet, il se résignera à l’écouter sans rien dire.
NR : Oromë ! Dieu cruel ! Qui m’a, sur cette terre,
Jetée de Valinor pour combattre et me taire !
Tuer, tuer, tuer, sur ton ordre impérieux
Telle était la mission et le rôle odieux
Pour lesquels ton divin orgueil m’avait choisie.
J’ai tué, combattu au péril de ma vie.
D’ailleurs, quelle importance ? On ne demande pas
Au chien qu’on a dressé d’apprécier le combat.

Elle baisse le bras, met les mains dans ses poches, regarde au sol.
La dernière des six, des six la moins puissante,
Raillée ou détestée, méprisée mais vaillante,
Je n’ai jamais failli au respect du devoir,
Et je n’ai jamais abusé de mon pouvoir.
Fatiguée, harassée, affamée, solitaire,
J’ai pourchassé partout les Orques sur la terre.
Les Orques ! Créatures issues d’un noir projet !
Ils courent et ils ont peur ; je cours et je me tais.
Ils ont peur de Sauron, et je te suis loyale
A m’en époumoner pour ta gloire royale.
Je cours pour les tuer, et que j’aie peur ou non,
Quelle est la différence entre eux et moi, au fond ?
Tu es comme Sauron avide de puissance
Et la mort sur mes pas ne t’est que jouissance !
J’ai vu mourir ces ennemis difformes, laids,
Dans la même douleur que les héros parfaits,
Et dans le même râle affreux de l’agonie,
Des humains que jamais n’avait comblés la vie.
Des femmes, des enfants, des gens simples et bons,
Je les ai vus partir en murmurant mon nom.
Seule ainsi tu me veux, esclave disponible,
Abattant des armées au-delà du crédible !
Passe, notre devoir est de sauver Arda.
Mais cette chair humaine que tu m’accordas
Tu la méprises donc comme bien négligeable ?
Et tous les exploits fous dont tu m’as vue capable
Ne m’ont pas accordé de mérite à tes yeux ?
J’avais trouvé quelqu’un – un Elfe, pas un gueux
Qui pour me soutenir acceptait ma contrainte
D’avoir froid, d’avoir faim, de tuer, et qui maintes
Et maintes fois encor fut mon dernier secours :
Fallait-il que tu sois jaloux de cet amour ?
Tu l’as laissé mourir – tu l’as tué, peut-être?
Et avec lui l’Enfant ! Et son peuple ! Mon maître,
Tu as cassé le jouet que tu avais créé.

Elle s’assied à nouveau devant le feu éteint.
Il ne te reste plus qu’un corps déshabité
Que plus rien ne soutient et plus rien ne tourmente,
Qui se traîne sans but, sans foi et sans attente.
Rien ne peut m’émouvoir, rien ne peut me toucher.
La mort est le seul soin qui peut me soulager.
Je me battrai demain, juste pour qu’elle me prenne,
Pour échapper enfin à la douleur pérenne
Qui seule me rappelle que je vis encor.
Je tuerai. Je ne protègerai pas ce corps
Qui m’est devenu un fardeau insupportable.
Je ne parerai pas les coups. Joie innommable,
La Mort que j'ai si bien servie, jour après jour,
Me rendra à jamais libre de mes amours.
Et toi, Dieu sans pitié, il te faudra entendre
Chanter les mille voix de mes amis si tendres
D’Arnor et de Rohan, de Gondor, de Lorien :
«C’est d’amour que périt l’Istar Narwa Roquen. »

R(à part) Je la protègerai. J’userai de l’Emprise
Puisqu’elle n’entend rien. Ma décision est prise.
Et elle m’en voudra ! Tu peux rire, Oromë,
Mais ‘Roquen a raison : tu n’es que cruauté. »


Radagast lève la main vers Narwa Roquen et à reculons, il l’attire vers la sortie. Hypnotisée, les yeux hagards, elle le suit sans un mot.
Rideau.

Narwa Roquen, le retour


  
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Réponses à ce message :
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-01-18 19:23:03 

 Clin d'oeil...Détails
l'amour est triste, il n'a pas pris son pied. Faut-il y remédier?


M

Ce message a été lu 6707 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-01-22 15:22:03 

 Edité ce jourDétails
Merci! J'en ai profité pour supprimer une répétition.
Narwa Roquen, cent fois sur le métier...

Ce message a été lu 6829 fois
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2015-02-04 07:43:51 

 Commentaire RoquenDétails
Woaow, ça a vraiment de la gueule, y'a pas à dire!

Bon, moi je n'ai pas la subtilité de Maedhros pour le commentaire, mais j'en ai compté 13 ici :
"Tu as cassé le jouet que tu avais créé.".
C'est dommage parce que c'est une "fin qui claque"! (c'est comme quand dans ma chorale, certains oublient que c'est la fin et continuent à chanter, ça gâche un peu l'effet ^^).

Non vraiment, sinon, dis-moi où et quand passe cette pièce, j'y vais avec les copains! :-)

Elemm', qui travaille doucement à la WA 138, si le temps n'avance pas trop vite...

Ce message a été lu 7127 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-02-05 22:36:27 

 Synérèse!Détails
Il y a deux manières de lire "jouet". En diérèse: jou - et. Ou en synérèse: jouet ( 1 pied). Et donc...
Quant à la pièce, d'abord il faut que je l'écrive, ce qui n'est pas le plus difficile, car après il faut trouver un producteur... Mais, promis, je te tiens au courant...
Narwa Roquen, les pieds... dans la neige

Ce message a été lu 6972 fois
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-02-08 19:51:59 

 Lignes de frontDétails
Evidemment, les notes de contexte, qui replacent la tirade dans le cycle des concours (et des WA, me semble-t-il) représentent une vraie valeur ajoutée car elles permettent de situer l’action dans le temps et dans la pièce. Le recours aux techniques audiovisuelles (le concept du cinéthéatre) devrait conférer une véritable dimension épique à la dramaturgie.

Grâce à ce background, la tirade coule plus naturellement, suite logique des aventures vécues par la sixième Istar qui semble être parvenue à un carrefour de sa vie.

Le cinquième acte est l’acte final. C’est là où toute l’histoire se dénoue. A son terme, le rideau tombera et les acteurs reviendront sur la scène saluer le public. C’est donc une tirade cruciale qui illustre l’état d’esprit de l’héroïne de la pièce, cette Istar dont l’abnégation et l’obéissance aux Valar ont été jusque là totales.

Les dialogues pré et post tirade donnent une meilleure visibilité à la scène qu’on peut ainsi plus aisément imaginer. Bien vu !
Evidemment, les Terres du Milieu sont un terreau fertile qui fait croître de bien belles fleurs ! Evidemment, il est difficile de rester totalement objectif devant l’évocation de ces paysages et de ces personnages légendaires si fascinants !

Ceux qui n’ont pas suivi les pérégrinations de Narwa Roquen dans les multiples histoires précédentes n’auront pas forcément toutes les clés pour comprendre l’interrogation tragique de l’Istar à la veille de la bataille. Ceux qui ne connaissent pas cette guerrière altruiste et généreuse, pourraient se méprendre sur cette remise en question qui la tenaille férocement. Bien sûr. On les excusera. Il y a tant d’autres belles choses à voir.

Cette tirade est très expressive et très forte émotionnellement. C’est un cri poignant et déchirant qui s’élève dans la nuit. C’est une question, une blessure, une douleur. Les doutes assaillent non pas la fière Istar, mais la femme au destin quelquefois trop grand pour elle. Une femme qui revendique le droit au bonheur. Mais ce bonheur, par construction, lui est refusé. L’Elfe qu’elle a aimé lui a été ôté. Elle, qui est aussi une guérisseuse, répand la mort autour d’elle et elle s’aperçoit que tout ce sang, coulant de veines amies ou ennemies, a toujours la même couleur ! Aussi, elle remet en question la légitimité de sa quête et la loyauté à son Maître. Voudra-t-elle demeurer l’instrument aveugle d’Oromë, le Vala Chasseur ? Il en a fait une guerrière indomptable mais celle-ci a bridé trop longtemps ses sentiments qui rejaillissent en force. Son ami, l’Istar Brun, se résout à la maîtriser grâce à l’emprise. A la fin de la scène, le suspens est à son comble.

Techniquement, la métrique alexandrine est sans faille. Tes constructions sont plus naturelles, moins académiques : tu utilises beaucoup mieux que moi les licences propres à la rime théâtrale, preuve d’une plus grande maîtrise. C’est une très belle tirade, à la tonalité très féminine. Très très bien joué ! J’espère que le dénouement de cette pièce trouvera un écho dans les WA futures !

J’ai bien aimé :

D’ailleurs, quelle importance ? On ne demande pas
Au chien qu’on a dressé d’apprécier le combat.

Et

Tu as cassé le jouet que tu avais créé.
Il ne te reste plus qu’un corps déshabité

Et

La Mort que j'ai si bien servie, jour après jour,
Me rendra à jamais libre de mes amours.
(là, je ne suis pas pour rien !!)

M

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