Fadwell Cormyr se réajusta une fois de plus sur sa selle. Il appréciait particulièrement les percherons, qui supportaient son poids sans difficultés, mais maudissait la selle qui, comme toutes les autres, se révélait trop petite pour lui. Il n’avait pas eu le temps d’emmener la sienne lorsque Château-Frontière était tombé, et son postérieur l’avait déjà chèrement payé lors de sa fuite vers le couvent. Il aurait certainement pensé que Linak l’avait choisi juste pour le plaisir de prolonger son supplice, s’il ne connaissait pas depuis longtemps le capitaine. Cet homme avait le sens de l’honneur et de la justice, et ne s’abaissait jamais à ce genre de coup mesquin : Jelkine l’avait intégré à l’expédition parce qu’il n’y avait pas de meilleur conseiller que lui. Si la précédente Reine de l’Horizon avait été plus attentive à ses avertissements, elle serait très certainement encore assise sur son trône. Mais peut-être que les choses étaient mieux ainsi : il pouvait dès maintenant orienter l’éducation de la nouvelle reine dans le bon sens et l’extirper des griffes ignorantes de toutes ces bonnes soeurs qui ne connaissaient rien au monde. Bien sûr, il restait la gouvernante, qui semblait en tenir une sacrée couche aussi, mais il n’aurait aucune difficulté à la limiter au rôle de conseillère en couleur de jupon. Il avait l’occasion de former une véritable Reine de l’Horizon, comme la province n’en avait plus connu depuis longtemps, qui gouvernerait avec sagesse et efficacité. Une Reine qui serait respectée par l’ensemble de son peuple, et pas seulement par les gens de la plaine. Pour cela, il fallait l’enseigner sur les différentes tribus formant la province. L’ancienne Reine avait négligé les peuples placés en périphérie de sa contrée, et ils n’avaient rien fait en retour pour lui venir en aide. Il était urgent de les convaincre de rejoindre la bannière de la nouvelle reine. Les gens de la plaine étaient certes les plus nombreux, mais aussi les plus influençables ; les traîtres avaient su en tirer partie. Rallier les tribus de la montagne revenait à s’assurer le contrôle de la Frontière. Fadwell se doutait bien que la véritable destination n’était pas Montrouge, mais les hauts cols et les passes des Pics Sombres : la petite troupe ne fuyait pas, elle entamait déjà la reconquête. Jelkine était bien plus malin que ses silences ne le laissait envisager. Dire qu’un homme d’une telle valeur allait disparaître. Cormyr se laissa aller à un vague sentiment de tristesse sincère, lui qui était plutôt habitué à de sournoises pensées calculatrices. Et bien, puisque les choses devaient se passer ainsi, il ne décevrait pas la confiance que Linak avait placée en lui.
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