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De : Elemmirë  Page web : http://lemondedelemm.canalblog.com Date : Mardi 23 janvier 2007 à 21:14:49 | ||
| Ah, le Prince... J'ai tant étudié les mélodies de son visage, chaque nuit, dans la pâle pénombre de ses appartements... Mon pinceau s'est tant usé à son souffle, qu'il ne sait plus tracer que ses traits, ne sait plus creuser que ses formes, ne sait plus soupirer que ses lignes... "Sssshhhhh...", chante-t-il de sa douce voix de pinceau, sur le grain épais du papier. Écoutez-le vous raconter... "Le Prince commence par un teint mat, parfaitement lisse. La première courbe suit, de la base de ses cheveux, d'abord son front, large et très légèrement bombé, puis le sursaut de son sourcil épais, la fine délicatesse de sa paupière close, que j'ose à peine effleurer, puis le velours de sa pomette haute, et le berceau discret de la joue joliment creusée... Avant de s'en venir détourer le rebond de son menton étroit. De l'autre côté de son visage, je dessine l'ombre douce formée par l'attache de sa mâchoire, fluide mais solide. L'ombre s'étale ensuite dans son cou, et si vous tendez l'oreille, vous l'entendrez ronronner, blottie sur cette place de choix. Pour figurer les reliefs de son paysage, je placerai deux ombres sous les sourcils, profondes, précises; une très légère sous la pomette qui nous fait face, caressant la joue; et celle, délicieuse, qui d'une petite pointe malicieuse entre le nez et la bouche, creuse la réponse à la fossette de son menton." Le Prince, sans doute chatouillé par cette dernière touche, relève un coin de sa bouche, remue son nez, inspire, soupire. Le pinceau attend, suspendu, inquiet d'être surpris. Lorsque le visage du Prince se détend à nouveau tout-à-fait, le pinceau poursuit, soulagé: "Quand la Lune est ronde au-dehors, elle projette sur sa paupière et sur son nez d'infimes lignes bleutées. C'est là que je le préfère... Sur la paupière d'abord, la courbe ronde, docile, du tendre reflet. Un peu plus loin, elle court depuis les derniers accents du sourcil, se raffermit et s'affine, en suivant très exactement, équilibriste, le droit fil de son nez. Elle hésite un instant pour marquer la chute de l'os, puis dégringole jusqu'à se dissoudre au-dessus des narines. Juste en-dessous, contraste fort, deux touches noires et étroites, et l'air de la nuit s'y engouffre. Un peu plus en dessous encore..." Le pinceau, d'émotion, rosit un peu. Cette teinte sera parfaite pour tracer la bouche. "Je... Je ne peux plus décrire, s'agace-t-il. Trop d'ombres légères, d'inachevées lumières, de volumes mouvants... Et cette texture merveilleuse! Je perds pied, je suis ses sentiers à l'aveuglette, longeant ses chemins de chair... Et parfois, si c'est réussi, ... Du fond de ses rêves, il me sourit... J'échoue alors, ravi, à la commissure de ses lèvres, et y rajoute la virgule signant son sourire..." Quelques secondes silencieux, le pinceau chassa la contemplation et se ressaisit. "Allons! Vient l'heure de m'encrer de Chine! J'aime débuter la calligraphie rugueuse par son joli menton, que je pique de courtes notes brunes en virevoltant joyeusement. Au-dessus de sa lèvre, à peine tracés, quelques jeux duveteux. Pour veiller les paupières fragiles, longs et sensibles, les cils. En remontant, à l'orée de son front lisse, les deux massifs, fournis, précis. Enfin, encadrant le tout, la structure épaisse, profonde, emmêlée, de ses cheveux noirs. Sans retenue, je m'y noie, je m'y perds, énergiques et désordonnés tracés. Si une boucle s'échappe et retombe sur son front, je fonds... Recouverts par les touches libres de ses cheveux, restent à dépeindre les complexes parcours de son oreille. Mais voilà! À lui glisser mes "Sssshhhh..." un peu trop près, je crains qu'il ne se réveille. J'aime mieux laisser inachevé, chaque nuit, le portrait du Prince..." Elemm', qui n'aura peut-être pas le temps de finir l'Autre! Ce message a été lu 6409 fois | ||
WA n°9, participation A: Le Prince
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