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De : Elemmirë  Ecrire à Elemmirë
Page web : http://lemondedelemm.canalblog.com
Date : Dimanche 18 octobre 2009 à 21:03:27
Pour une fois, hop hop hop, je suis là ^^

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La chance appartient à tout le monde


Douze, pour l’Aveyron, ma terre. Quarante-neuf, mon âge, huit, celui du petit, trente-sept, celui d’Émilie, et seize, celui de mon aîné. Le deux, je ne sais pas pourquoi, je l’ai coché au hasard.


Changer quoi, pour quoi faire ?
Émilie, ses seins chauds et ses petites colères-éclair qui passaient comme des averses. Les enfants, Kévin qui se battait à l’école et Jules qui séchait le lycée. Ma vieille 19 qui tenait le coup, le foot le dimanche après-midi, les vacances à Biscarosse. Ma mère qui m’emmerdait, et celle de ma femme avec sa gentillesse, son coq au vin et ses contes pour les gosses. L’usine, le froid dehors quand je fermais la porte doucement à 5h30 avec juste un café dans le ventre, les copains de galère, la bière, le PMU, les clopes avec ce vieux Gégé qui taxait tout le monde. Les rues en pente de Rodez, putain c’était ça le bonheur mais comment le savoir quand t’as le nez dans la merde... Tu crois que t’as rien parce qu’EDF se gave sur ton dos et que la pintade des infos t’annonce encore une nouvelle taxe. Émilie te dit qu’elle aimerait voir les îles et tu rêves avec elle que c’est ça, le bonheur... Alors qu’il était là, sur ses seins chauds.

12-49-8-37-16, et numéro complémentaire, le 2. J’étais là comme un con au café, et je gueulais pour faire taire les collègues :
« Oh ! Oh ! Putain les gars, j’ai gagné ! J’ai gagné, bordel !
– Ouais, c’est ça, nous aussi on a gagné, on est tous millionnaires...
– Les mecs, je déconne pas, je les ai je vous dis ! ».
Comme une rasade d’alcool, un envol vertigineux, enivrant et en même temps, complètement abstrait. J’étais comme un gosse, j’ai payé le champagne et je me suis dit un moment que si je m’étais planté, Émilie allait sacrément faire la gueule que je boive du champ’ comme un bourgeois le 25 du mois.
Mais je m’étais pas trompé, et Émilie m’a serré fort avant d’appeler les enfants en criant. Elle avait l’air fière quand elle leur a annoncé que papa avait gagné, Kévin a souri en découvrant sa gencive avec un trou à la place des dents de devant, et Jules a fait comme il faisait toujours, il a marmonné « Ah cool » et est retourné dans leur chambre écouter sa musique. Ce soir-là, j’ai fait l’amour à Émy et elle a joui deux fois, comme si le bonheur commençait déjà. En fait, il se finissait.

On a arrêté de travailler tous les deux, j’ai fait un gros pot de départ avec les collègues, foie gras, traiteur, champagne à volonté, je voulais partager ça avec eux, la joie, la fin des galères, mais dans les yeux de certains j’ai vu comme un malaise, la jalousie qui s’installe. Jojo est venu le premier me demander de l’aide. Avec l’arrivée du petit dernier, et Mégane sans boulot, c’était pas facile de joindre les deux bouts. Je lui ai fait un chèque de 2000€, ça me paraissait si dérisoire par rapport à tout ce qu’on avait. Et puis chacun a trouvé une raison, aucun ne mentait vraiment, on va pas à l’usine par plaisir, on était tous dans la même merde, j’y étais avec eux deux semaines avant... Émilie m’a engueulé de signer à tour de bras, elle n’avait pas tort, même ceux qui m’avaient jamais adressé la parole, même Ducade le petit sous-chef venait me lécher les bottes, comme des vautours autour d’un cadavre, et on n’a pas voulu rester la charogne qui se fait dépecer. On a décidé de partir. Après tout, 49 et 37 ans à Rodez, on avait fait le tour. On a laissé la maison à sa mère pour qu’elle fasse la vente. Elle nous a regardés avec un air un peu triste, elle a soupiré et m’a dit « Fais bon usage de cette chance, Michel, l’argent n’est pas un bonheur comme les autres, méfie-toi de lui... ». Je l’ai à peine écoutée et l’ai embrassée plein de joie, aveugle et sourd.

J’ai offert une Ferrari à Émilie, qu’elle n’a jamais conduite ; des manteaux de fourrure, des bijoux, au début elle a porté les diamants et aimé les restaurants et puis un jour, je l’ai vue pleurer. Kévin pissait au lit la nuit, il ne nous parlait presque plus, je pensais qu’il fallait juste du temps pour qu’il s’habitue à notre nouvelle vie mais la maîtresse a demandé une consultation avec la psychologue pour lui, et la psy nous a parlé dans son charabia professionnel, elle nous a dit que le petit était secoué par ses camarades à cause de ses origines modestes et que le mieux était peut-être de le changer d’école. Jules a encore moins fréquenté le lycée de Cannes que celui de Rodez. Il a installé une serrure sur la porte de sa chambre et est devenu incontrôlable. Il n’était presque jamais là, Émilie essayait de lui parler mais ça se soldait toujours par une porte claquée.

Émilie m’a quitté. Elle est repartie avec eux à Rodez. Je l’ai suppliée de me laisser venir avec eux, reprendre notre maison, on la rachèterait à prix fort aux nouveaux occupants, elle s’est remise à pleurer. « Tu n’es plus toi-même, Michel, tu as changé, tu es méconnaissable, regarde-toi, tes montres en or et tes chemises de grand patron et les voitures et cette... cette baraque immense, trois fois trop grande pour nous, on est seuls ici, on est perdus, on n’est pas chez nous, et moi je suis seule sans mon mari qui ne voit plus que par l’argent et sans mes fils qui ne me parlent plus, qui vont mal, qui n’en ont rien à foutre de ton fric ! Je suis comme eux, Michel, je n’ai jamais demandé tout ça, j’aimais notre vie d’avant, j’aimais mon mari d’avant, et je veux retrouver ce qui n’est pas encore perdu avant qu’il soit trop tard... Je ne t’aime plus, Michel, laisse-nous, laisse-nous vivre comme... comme des pauvres gens mais des gens honnêtes, qui méritent le peu qu’ils ont, qui se serrent les coudes dans les coups durs, qui n’ont pas besoin d’acheter et acheter et acheter encore ! Je ne suis pas moi dans les fourrures, dans la soie, dans le grand vin et dans la cuisine immense, quand je fais un gâteau ça sent même pas dans la maison, ça sent même pas dans la cuisine tellement elle est trop grande, je veux une vie à taille humaine, tu comprends... Laisse-nous partir. »

J’ai mis du temps à comprendre que c’était vraiment fini. J’ai pensé tout donner à une association humanitaire, mais j’ai pas pu, je voyais encore les possibilités qu’offrait cet argent, je me disais que je l’avais mal utilisé mais qu’il était un don du Ciel et que j’allais apprendre à en tirer du bon. J’ai essayé de reprendre contact avec les copains de l’usine, ceux qui ne me claquaient pas la porte au nez me réclamaient le prix à payer pour leur pardon. J’ai reçu des lettres d’anciennes connaissances, des camarades d’école pas vus depuis vingt ans, et toujours la même demande. J’ai rencontré d’autres femmes, et dans leurs sourires je ne voyais que la cupidité. Peut-être qu’une d’entre elles était sincère, je ne sais pas, je suis devenu méfiant, jaloux, suspicieux, le monde entier ne me voyait que comme une fontaine à fric et je n’étais plus que ça. J’ai payé des femmes, des prostituées de luxe. J’ai chialé dans leurs bras comme un orphelin, elles n’avaient même pas pitié de moi, elles se dégageaient avec froideur et demandaient la facture. Je me suis saoûlé au Château Margaux. J’ai passé mes nuits blanches seul, seul comme un chien, mais dans la chaleur tamisée d’un loft de 300m2. J’ai envié les chiens errants, les chiens galeux, qui crèvent de faim et de froid mais contre le flanc de leur femelle.

Et puis ce matin, ma mère est morte. Sans avoir accepté de me parler depuis trois ans, depuis que je l’ai laissée tomber, depuis que je l’ai méprisée avec ses petits maux de vieille râleuse. Quand je suis arrivé à l’hôpital où elle résidait, j’ai essuyé les regards accusateurs des soignants à qui elle avait dû rabâcher mon histoire. J’ai vu son vieux corps décharné sur le lit. À côté d’elle, ses mains autour de la main glacée de ma mère morte, Émilie. Elle portait un gros pull en laine, usé, déformé, et dessous, ses deux seins chauds que j’ai perdu.




Elemm', ben quoi, y se suicide pas! Vous avez demandé du bonheur, ne quittez pas...


  
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Réponses à ce message :
Netra  Ecrire à Netra

2009-10-18 21:18:00 

 Ben tu vois, quand tu t'y mets...Détails
T'écris pas mal du tout !!! J'aimerai bien que tu participes plus souvent, avec tes histoires souvent moins tordues et moins "hard" que la moyenne faërienne, mais pas moins sympathiques pour autant !!!

Bref, une histoire chouette, qui respecte la consigne sans avoir pour autant la happy-end désirée par Narwa, et nous parle d'un rêve qui tourne vite au cauchemar, comme quoi tout n'est pas toujours chibisounours dans le monde d'Elemm'...
Netra, toi aussi t'as sauté dans l'eau ???

Ce message a été lu 6805 fois
z653z  Ecrire à z653z

2009-10-20 12:56:45 

 trucsDétails
"J’ai offert une Ferrari à Émilie, qu’elle n’a jamais conduite ; des manteaux de fourrure, des bijoux, au début elle a porté les diamants et aimé les restaurants et puis un jour, je l’ai vue pleurer." -- Il manque un point quelque part.

"on est seuls ici, on est perdus" -- sans s

"J’ai pensé tout donner à une association humanitaire, mais j’ai pas pu, je voyais encore les possibilités qu’offrait cet argent, je me disais que je l’avais mal utilisé mais qu’il était un don du Ciel et que j’allais apprendre à en tirer du bon." -- Phrase un peu trop longue.

"seins chauds que j’ai perdu." -- avec s

Sinon, cette histoire agréable se lit rapidement et le ton est bien trouvé.

Ce message a été lu 6771 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-11-05 21:40:47 

 Commentaire Elemmirë, exercice n°69Détails
Voilà un récit rondement mené, sans temps mort. Tu es vraiment dans le style de la nouvelle, concis, précis, alerte, allant à l'essentiel.
Le thème est classique, mais il est traité avec justesse, réalisme et acuité. La présentation des personnages, intriquée avec le début de l'action, est astucieuse. Mention spéciale pour la manière dont tu fais parler ton narrateur, à croire que tu as passé ton enfance à Rodez dans l'arrière-salle d'un bistrot... Ou alors, c'est de l'empathie à l'état pur, une grande qualité pour un auteur.
Tu décris bien la progression de la tentative d'adaptation à l'état de nouveau riche. L'homme qui se coupe petit à petit de sa vie d'avant, le regrette mais ne peut pas revenir en arrière, la femme qui, comme toujours ou presque, privilégie sa famille et n'hésite pas à renoncer à la facilité de l'argent.
Deux points sont un peu surprenants sur le plan de la cohérence:
- 300 m²: et pas de personnel de maison?
- l'adolescent suit sa mère sans discuter alors que la veille encore il lui fermait la porte au nez. Pourquoi pas, mais une petite phrase d'explication serait la bienvenue.


OK, je chipote. C'est un texte excellent: un autre! Un autre!
Narwa Roquen,clap clap clap!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-11-14 18:27:51 

 Le syndrôme de Midas.Détails
Comme ce roi mythologique l’a cruellement éprouvé, l’or n’est pas le meilleur véhicule pour les amours simples et le bonheur quotidien. Incapable de gérer cette soudaine abondance, le couple naguère uni et heureux s’est déchiré jusqu’à la rupture.

Les consignes sont parfaitement respectées.

Le récit est vivant, dense, sans temps mort, nourri de nombreux petits détails qui renforcent la précision du propos (le choix des numéros du loto, les évènements prosaïques, les réactions de l’entourage, les mirages de l’omnipermission, l’incapacité à dépasser une condition initiale, la culpabilité jusqu’à cette morale qui emballe tout le propos : l’argent ne fait pas le bonheur et celui-ci se révèle souvent dans le rétroviseur. Le texte a parfois des accents très « zoliens », si cela se dit, comme un polaroïd de la condition ouvrière.

J’ai l’impression également que tu as quelques fois laissé filer ta plume, emportée par le fil d’une idée. Je connais ça.

« Le petit sous-chef venait me lécher les bottes, comme des vautours autour d’un cadavre, et on n’a pas voulu rester la charogne qui se fait dépecer » : on comprend ce que tu as voulu dire mais ainsi formulé cela coince un petit peu !

«... seul comme un chien (...). J’ai envié les chiens errants (...)qui crèvent de faim et de froid mais contre le flanc de leur femelle... » : là aussi, la juxtaposition des 2 phrases souligne leur apparente contradiction.

Au rayon des bricoles :
- « Elle avait l’air fière... » : elle avait l’air fier.


M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-01-06 16:48:29 

 Exercice 69 : Elemm’ => CommentaireDétails
Indubitablement mon texte préféré pour cette consigne. Consigne que tu exploites parfaitement, d'ailleurs. L’histoire du gars qui gagne à la loterie et découvre que l’argent ne fait pas le bonheur peut sembler éculée mais tu t’en tires magistralement grâce à ta façon de raconter qui fleure bon le vécu. Tes personnages sont crédibles. On s'y croirait.
Ton premier paragraphe est un modèle du genre : tu résumes la vie simple de ton héros tout en démarrant l'histoire. C'est efficace.
Mention spéciale pour les « seins chauds » qui ouvrent et cloturent ton récit.
Tout s’enchaine avec logique, crédibilité. Le style est simple et vivant. En effet, comme le dit Netra, pas besoin d'empoigner les alambics pour écrire un bon texte, agréable à lire.
J'ai trouvé la descente un rien brutale. On ne voit le comportement du héros que dans le discours de sa femme quand elle le quitte. L'a-t-il délaissée ? A-t-il vraiment changé ? J'aurais bien aimé un paragraphe de plus à ce moment-là.
Joli « les chiens galeux, qui crèvent de faim et de froid mais contre le flanc de leur femelle ».

Est', rentrée littéraire.

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