Cette nuit-là, je m'en souviens, le ciel était clair et profond, accompagné d'une douce fraîcheur. Je m'offris alors une petite promenade, sans but véritable, juste pour le plaisir de la marche et somme toute histoire de rompre avec cet enfermement que parfois la chaleur de l'été nous impose. J'allais d'ici delà, puis mes pas m'amenèrent au sommet de la ville. Les jeunes bouleaux frémissaient sous une petite brise et les pierres sacrées vibraient de la fraîcheur enfin revenue. L'enclos sacré garde toujours en lui une part de sérénité que ni le froid ni la chaleur ne semble pouvoir altérer. Je me sentais bien, surtout ce soir là.
Je n'avais pas pris garde de cette silhouette dans les ombres, juste une cape perdue dans les racines du vieil arbre. Seul un bruissement léger nous tenait compagnie. Il avait pris la place du harpiste et sortit un instrument, plus petit que ceux dont nous avons usage. La hampe se terminait d'une longue figure à la bouche ouverte.
Peu à peu des ombres se manifestèrent sur la place. Ils y avaient Marie et Ugh des Aubres. Cela me revient à présent. C'est usage ici, en été, que des conteurs où des musiciens viennent offrir leurs talents aux passants, mais à cette époque, je l'ignorais encore. L'homme égrena quelques accords. Puis, tout doucement, sa voix basse et claire s'infiltra dans la nuit prit possession du silence.
Mais place au conteur.
" C'était d'un temps où les pères de nos pères n'étaient point encore nés. Un temps si lointain que seules les pierres peuvent en témoigner.
À cette époque, la terre était jeune. Jeune du regard des hommes. Nulle route ni chemin. Ce n'était que vague sentier et draille de bête courant à flanc de colline.
Tant de chose serait à dire sur ce temps-là. La terre, la nature était semblable à aujourd'hui et à la fois c'était véritablement un autre monde.
Les vallées voyaient couler des rivières sauvages, joyeuses, s'étalant parfois bien au-delà de leur lit pour venir chatouiller les pieds des arbres. Parfois elles s'attardaient et paressaient sous le ciel, laissant des îlots de bouleau ou de peuplier aux grés de leurs humeurs.
Sur leurs rives, roseraies, ajoncs et genets où venaient nicher sarcelles, aigrettes et hérons cendrés.
Les bois n'appartenaient qu'à eux-mêmes, s'éparpillant, se regroupant pour des conseils ou des fêtes sauvages. Parfois ils étaient si nombreux qu'ils formaient un monde à eux tous seul. Pendant des jours, on pouvait hanter leurs sous-bois sans jamais apercevoir le ciel. Mais ainsi sont les arbres qui laissent parfois des clairières et des près pour donner un peu d'aise là à un pré, ici à quelques rochers.
Les bêtes d'alors avaient pour nom : loup et renne, ours et lion des cavernes, mais on croisait aussi des petits chevaux gris souris et des aurochs. Tout poursuivait leurs destins, d'ici delà en quête de nourriture, recherchant les trésors de la terre et l'eau si précieuse. Leurs pires ennemis étaient le feu du ciel, la chaleur du soleil et les orages diluviens.
Au milieu de tout cela les hommes d'alors voyageaient, sans cesse en chemin. Tous leurs trésors étaient dans leurs sacs, un sac parfois plein de malice, mais souvent par trop vide quand la neige persistait. Ses outils étaient en silex, en os et en bois de rennes.
En ce temps-là, l'homme était étonnement et rire mais aussi parfois faim et froidure quant l'hiver s'attardait.
Mais déjà la curiosité le tenaillait, déjà il imaginait. Je veux dire qu'il créait des images, des sons, pour tenter de saisir ce monde qui était le sien. Ils aimaient rêver le soir à la lumière de la lune, donnant un nom aux étoiles et aux étranges dessins qu'elles formaient. La légende raconte que c'est à eux que nous devons le nom de la grande et petite ourse. Mais bien des noms ont été oubliés. Le monde était étrange, il l'est toujours.
En ce temps vint un enfant, on l'appela Mosse. Il vint tous simplement sans guère donner de souffrance à sa mère. Avec déjà un sourire sur les lèvres, prêt à frotter son nez sur son sein pour demander à téter. Un simple enfant.
Il eut de la chance ces premières années, la tribu n'eut pas à craindre la faim. Bien trop vite pour sa mère, il apprit à trotter puis à explorer son monde.
Son premier rêve ? Un rêve étrange, aux couleurs éclatantes, chargé de parfum floral et de vents caressants. Un bosquet de vieux arbres noueux à l'écorce blanchit pliant sous un feuillage abondant, déclinant les verts tendres et les ors. Un sous-bois d'herbe jeune et de fleur qui s'étage de terrasse en terrasse, de murs de pierres sèches en murs de pierres sèches aux courbes féminines. Çà et là des buissons de genet et d'églantier, des lourds rochers décorés de spirales.
Dans son rêve, l'air était doux chargé de flagrance fraîche et légère. La lumière aussi se jouait des ombrages. Dans son rêve, Il y avait des chants et des rires, des mots, lourds de sagesse qui traînaient et volaient dans la brise.
Il y avait un vieil homme qui dormait en souriant entre les racines d'un arbre.
Juste un rêve ! Pourquoi l'enfant qu'il était, y aurait attaché d'importance ?
Bien longtemps il courut plaines et collines, chassant, pêchant, suivant le clan dans sa quête de paysages nouveaux. Tout était objet de curiosité, de paroles et de rire. Il partageait le pain et les soucis de ses semblables.
Il parcourut bien des lieux, mont et vaux. Rencontra bien du monde. Toujours en quête de nouveau savoir et de plaisir partagé. Il apprit, au fil des jours, le rire et la magie du soleil qui se lève, le plaisir du jus des mûres qui s'étalent sur les visages en été et la douceur du feu quant le pays se couvre de blanc. Il apprit les plantes et le pouvoir des fruits de la terre, l'art de tourner l'argile, de tailler le silex. L'art d'assembler les cahutes de bois et de chaumes. L'art de disposer les foyers suivant les dessins du ciel et les affinités du moment. Il apprit à brûler la terre pour de maigre récolte et à récolter les épis d'or et de seigle.
Par-dessus tout, il prit goût aux fêtes, à la danse et aux nuits où les plus jeunes et les anciens se regroupent au tour du feu pour entendre le récit des anciens. Il partageait ses histoires, ses rires et ses larmes, les récits des chemins des morts qui mènent au pays du printemps éternel, les contes et les légendes des sauvagines et le nom des puissances qui se jouent des hommes.
Puis une nuit lui revint le rêve. Il en resta tout pantois. Ce rêve oublié, le voilà qu'il revenait le hanter. Ce rêve si troublant le voilà qu'il l'appelait. Etais-ce la mort qui l'invitait ? Son coeur lui disait non. Ce bosquet d'arbre existait quelque part ? Qui sait ?
Il devait trouver ce lieu. Cela en vérité devait être un lieu de grand pouvoir. Un pouvoir lié à l'essence de la terre, mais aussi relié au ciel. Il devait se trouver sur une hauteur auprès d'une source où peut-être au sein d'une forêt profonde ? Quant aux murs, ils attendaient peut-être des hommes pour les bâtir dans la chair même de la terre. Si un tel lieu pouvait exister ?
Il sourit, le voilà à s'enthousiasmer comme un cabri de l'année. Le temps lui avaient appris que la réalité se joue le plus souvent des hommes.
Quelle importance ?
Alors, il sourit. Et l'idée dans sa tête prit racine.
Et pourquoi pas ?
Il confia son désir à Maheu, la dame du clan des chèvres.
Au temps de leur jeunes années, ils avaient partagé la couche, l'espace d'un printemps. Faut dire qu'elle était belle avec ses trois chèvres naines caracolant toujours dans ses jambes. Sa peau si douce. Ses seins des fruits gorgés de désir et ses hanches si pleines, si rondes. Peu d'hommes, en vérité, ne pouvaient détacher son regard d'elle, quand, dans l'onde, elle se baignait toute nue.
Mais la dame avait du caractère. De ses chèvres, elle avait appris le goût de la liberté et peu osaient la disputer. Mosse en la matière ne pouvait que respecter ce désir. Et puis notre homme buriné par tant de voyage n'était pas peu beau. Sûr de ses gestes, attentionné et rêveur. Ces deux-là devait se rencontrer. C'est ainsi que ce noua leur relation.
Ils bâtirent une maison de pierre sèche au bord d'une terrasse peuplée de châtaigner. Elle planta le blé tendre et le seigle. Les chèvres grimpaient sur leurs maisons...
Un printemps Maheu lui dit de partir. Oups du vent. Un homme, c'est pas fait pour prendre racine.
C'est pas qu'elle ne l'aurait pas gardé, non. C'est juste qu'elle savait qu'il ne pouvait rester. Mosse n'était pas prêt encore à laisser son sac à terre. Elle le savait.
Mais cela avait suffi pour les lier ensemble bien au-delà d'une aventure. Oh ils ne perdirent jamais contact, ils se voyaient de temps en temps histoire de partager la douceur de la chair et le plaisir des âmes complices.
Longuement il lui parla de son rêve, elle l'écouta, ne dit rien. Puis toute seule elle alla consulter la déesse mère, un soir de pleine lune. A son retour, elle ne dit rien. Elle sourit et le laissa partir. Allez ouste.
Que de vallées parcourues, guettant le moindre signe. Pour une telle entreprise, plus que de la volonté c'est une affaire de pouvoir. Et là, l'homme de connaissance se doit d'être roublard : Ecouter le monde, le cajoler, l'inciter à suivre ses intentions sans jamais le brusquer. Se fondre, se perdre en lui, et être surpris quant il se joint à votre rêve. Du moins c'était là ces manières.
Il partit donc. Au hasard des sentiers, des monts et des vallées. Questionnant la terre et les hommes. Il alla de lieu de pouvoir en lieu de pouvoir.
Parfois un simple regard lui suffisait. Le plus souvent, il cherchait une place et se laisser aller à une sieste. Si le lieu suscitait crainte ou peur froide, fatigue ou découragement, il passait son pas sans regret. Mais parfois les lieux lui inspiraient milles et un rêves.
Une petite source lui donna des grands espoirs, le lieu était serein et tendre. Plein de fleurs. Un saule offrait ses ombrages. Il s'installa tout émerveillé, gouttant tous ce débordement de tendresse. Cette nuit-là il s'éveilla au creux de la nuit sentant une présence. Une tendresse dont le besoin avait été si cruel. Une larme lui vint. Un instant l'envie lui vint de rejoindre Maheu. Mais ce n'était point son rêve, il repartit.
Un soir il découvrit un mont de pierre, un lieux ancien, pesant et lourd. Un lieu qui le retint, le força à entendre, à entendre le cri de la terre et du sang. Mais le matin le libéra. Il n'attendit pas son reste.
On dit même qu'il alla jusqu'à une contrée lointaine, où un immense fleuve se soulève chaque jour pour dévorer la terre. Là des animaux grands comme des collines chantent le soir sous la lune.
Bien des récits racontent ses périples. Certains affirment même que l'ensemble des nuits d'un long hiver ne suffirait à tous les évoquer.
Il chemina longtemps, si longtemps, épurant son désir. Puis il devînt un homme courbé, portant hiver comme été un long manteau. Sa raison chancelait. Il évitait les campements, devenant une bête entre les bêtes. On le vit courant dans les bois, on le vit déchirant la chair des bêtes se nourrissant d'entrailles et de tripes de charogne. Toujours il marchait.
C'est le chant de la brise qui l'attira tout d'abord. Un chant discret. Il se pencha, cherchant dans les broussailles un passage, il s'avança à quatre pattes, rampant dans les genêts et puis une trouée, un bosquet de bouleaux tremblant dans la lumière du soleil. Un peu plus haut, une source, exubérante, entre des herbes grasses. Une sente de sauvagines partait plus haut il la suivit et découvrit trois arbres, trois chênes aux troncs blancs et aux feuilles vert amande. Il regarda tous ça. Il caressa les troncs d'une main timide. Il tremblait un peu et vint au creux de l'arbre. Il resta là longtemps, laissant l'astre du jour abandonner cette terre, puis arriver la lune et les champs des étoiles. Il ne fit aucun rêve cette nuit-là.
Au matin, il décida d'aller explorer la contrée, de faire connaissance avec cette terre. Il se mit en exploration, allant deci delà, au petit bonheur la chance. Il vit deux rivières qui s'unissaient et des roseraies. Là, la terre semblait grasse, déjà il voyait un champ de seigle qu'il faudra disputer aux lapins et aux lièvres. La forêt était grande, chantante, insouciante. Les marronniers se disputaient la terre aux chênes. Mais aussi tilleuls et peupliers, coudrier et merisier. Ici la terre avait été ensemencée par des hordes de sangliers. Tout cela était bien bon.
Ce n'est qu'au septième jour qu'il revint sur la colline. Une crainte que la magie des lieux soit parti. Il hésita un instant puis monta. Il se mordit la lèvre, son rêve avait dit vrai. Oui c'était là.
Alors il se dit qu'il convenait de marquer l'instant. Il hésita pensa verser son sang dans la terre. Mais l'idée était troublante et laissait une froidure dans ses os. Une brise se leva dans les ramures faisant chanter les feuilles dans le vent. La source venait en contrepoint. Il regretta sa harpe, puis des mots et des notes vinrent lentement une à une sur ces lèvres, accompagnant la brise, la précédant enfin. Et c'est des larmes qu'il versa.
Au pied de la colline, il construit une hutte de branches de saule, entreprit d'accumuler argile et lin, bois et nourriture pour sa nouvelle vie. Cela lui prit longtemps non pas que la tâche le méritât mais avec eux s'envolaient les vieilles pensées, le souvenir des actes de folie, les dernières chaînes accumulées. Et puis confusément il savait que le moment n'était point encore venu. Il lui fallait ce temps pour reprendre un peu forme humaine.
C'est l'année suivante que Mat le trouva. Mat était un homme de dix-sept printemps. Maheu, l'avait envoyé retrouver Mosse. Qui était Mosse, il ne s'en souvenait guère. Il n'avait dans sa tête que des récits des anciens et quant la mère l'avait appelé et confiait la mission, il comprit que l'homme était bien réel. Sa mission portait un message. " Mon message c'est toi " Avait dit Maheu.
Quant il le découvrit, il le regarda faire. Ce vieil homme était bien étrange en vérité, parlant aux arbres, avec des gestes de tendresse. Le bois de sa maison avait repris racine et bourgeonné en ce printemps. Toujours à bouger, ramassant des pierres, les charriant pour en faire des monticules et des murets informes. Il l'accompagna toujours de loin, s'amusant de le voire marmonner tous seule. Il le regardait, épiant ses gestes et ses humeurs.
Trois jours il l'épia quand un après-midi ; il entendit.
" Alors petit, viens donc auprès du feu. "
Sur l'instant, il fut un peu vexé. Quoi cette vieille chose l'avait repéré, lui ! Mais sa nature était ainsi qu'il prenait les choses comme il venait. Il s'assit auprès de lui.
Trois semaines, il leur fallut pour apprendre à se connaître. Le vieil homme était vraiment étrange. Parlant aux plantes et à la sauvagine, s'excusant de ses actes, choisissant les pierres une à une et les déposants en tas pour qu'elle connaissent la rigueur de l'hiver comme il disait. Mais dans les yeux du vieil homme couvait une paix profonde de celui qui connaît sa place.
Le jeune homme était plein de sève et pourtant son humeur faisait écho à la sagesse des arbres, toujours enclin à prendre son temps et à rêver. Le vieil homme était sans cesse à la tache ne ménageant guère ses dernières années sur terre.
Puis un jour, Mosse invita l'enfant dans l'enclos, il lui montra tout, il lui montra les fondations des murs à venir, les pierres amassées où semblait s'être glissé les ames d'oiseaux ou de sauvagines. Puis il l'invita à écouter les arbres. Ça Mat y trouva son intérêt ma foi il n'était point à refuser une sieste. Mosse le laissa. Quant le soir venu le jeune homme revint au campement des larmes coulaient encore sur sa joue. Ils sourirent tous les deux. Rien n'eut à être dit.
Il resta trois hivers, écoutant le vieil homme, construisant murs et chemins, libérant de la pierre spirales et âmes sauvages. Les jours passaient aux tâches d'approvisionnement et à bâtir les murs de pierres sèches.
Le soir, ils avaient fabriqué des harpes et jouaient sous la lune ou bien ils contemplaient les humeurs de la végétation. Mosse décida alors de raconter aux arbres les hommes à travers mille et un récits. Mat écoutez surprenant parfois les arbres à commenter les histoires. Trois saisons de neiges trois printemps et étés, trois automnes aux couleurs éclatantes passèrent ainsi.
En ce temps-là, les hommes avaient usage de se retrouver tous les sept ans pour des fêtes. C'était l'occasion de partager le pain et le sel, de se retrouver et d'échanger des nouvelles. Les jeunes pouvaient se rencontrer, se découvrir et parfois se lier. Des jeux étaient l'occasion aux jeunes hommes de prouver leurs valeurs. Mat trépignait d'y participer. Cette année-là, la fête se déroulerait dans la grande plaine. La terre là-bas était généreuse en fourrage et en source. La rivière poissonneuse. Quant le printemps fut là, Mat ne pu convaincre le vieil homme de rejoindre la tribu. Il partit rendre compte de sa mission à la mère. Promettant de revenir.
Longtemps Maheu, à présent la mère de la tribu écouta Mat. Elle fut troublée de tout cela. Puisque Mosse ne viendrait pas à elle, elle décida d'aller à lui. Mais cela n'était pas petite affaire que de déplacer le coeur de la tribu. Ce ne fut que l'année suivante qu'elle arriva au pied de la colline. L'automne déjà était bien entamé. Sept ans s'étaient écoulés depuis le départ de Mosse.
Elle monta en haut de la colline, avec comme seule garde ses trois petites chèvres. Elle découvrit un premier muret de pierre qui grimpait le long de la pente. De place en place des dalles de pierre aux figures paisibles. Puis une ouverture, trois marches. Elle arriva enfin à la terrasse. Puis les arbres. Sur l'instant, elle en fut saisie d'une joie douloureuse. Les dieux devaient habiter ici. D'étrange enfant de Dana en vérité qui s'abandonne au simple plaisir de goutter le temps.
Elle découvrit Mosse dormant dans les racines d'un vieil arbre. Tout cela était beau.
Non, à regarder de prêt, l'âme avait quitté son enveloppe de chair. Il était mort en gardant sur les lèvres un sourire mutin.
Suivant la tradition, on le couvrit d'ocre et de cendre, on creusa le ventre de la terre au pied de l'arbre, on fit un berceau de pierre et l'on déposa la dépouille enveloppée de lin avec comme seule offrande des fleurs des champs et une jatte de lait de chèvre.
Maheu resta longtemps cette nuit-là auprès de la tombe. Ces chèvres y avaient déjà élu domicile. Elle cherchait dans les arbres et cette terre si lourde, un écho du vieil homme.
Mais dans la nuit elle senti un vent léger se lever, les arbres chantaient. Un chant lent et joyeux.
- Et bien Maheu te voilà à rêver ?
- C'est toi ?
- Voui.
Mosse apparu, juste un plus jeune, un peu plus serein. Ils restèrent ensemble toute cette nuit-là. Maheu s'abandonnant aux bras de Mosse.
Ce fut tout, en ce temps-là les mots n'étaient point encore si importants.
C'est en descendant de la colline au petit matin que Mat dit. " Je resterai ici ". Ainsi fut fait, il acheva le rêve. C'est lui qui sur les dalles de pierre sculpta les volutes des rêves et puis les figures des anciens, le bonheur simple que nous offre la vie, la grâce des roseaux se penchant sur l'eau, le vol des oies sauvages. Il prit femme et eût des enfants. Tous demeurèrent là et bien d'autres vinrent les rejoindre.
Ainsi naquit notre cité. A la première maison de Mosse en contrebas de l'enclos vint s'ajouter une autre puis une autre. Toujours les hommes vinrent ici, écouter les conteurs et les chants des arbres. On dit que c'est depuis ce temps-là que les morts viennent, cette nuit-là, chaque année. On les appelle les nuits de cendre. Es-ce la beauté du lieu ou la porte qu'a ouverte Mosse avec le monde du Rêve ? Qui le sait ?
Mais me direz-vous point de chat dans votre histoire ? Cela est une autre histoire. Cric crac, l'histoire est finie "
Le conteur se leva, salua l'assistance. Déjà chacun retournait chez lui. Il croisa mon regard et me sourit. On m'appelle Johan Tourviel, vous m'offrirez bien un verre d'eau de prune ? Et voui c'est bien cette nuit-là, où je rencontrai pour la première fois Johan et Marie et bien d'autres encore.
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