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La dernière feuille de Fladrif

Fladrif avait suivi le déroulement des combats. A ces pieds, l'Isengard était tombée. Des centaines des siens étaient sortis de la forêt et avait mis un terme à la Main Blanche. Ainsi donc il avait été vengé. Plus rien maintenant ne le retenais sur cette colline. Il n'avait plus d'appréhension pour les jeunes bouleaux qui l'entouraient.

Cependant... quelque chose lui revenait...

La vision des siens attaquant l'Isengard en masse avait ranimé des vieux souvenirs... Il se mit à penser aux Femmes-Ents, à la longue marche qu'ils avaient entrepris pour les retrouver, lorsqu'ils avaient traversé le fleuve. Il était plus vif alors et il se déplaçait aisément. Quelque chose avait été oubliée, et elle le narguait du fond de sa mémoire, le mettant au défi de la découvrir. Un nom de Femme-Ent peut être... ou une chanson. Lentement il se força à se rappeler les temps Anciens...

Il leva les yeux vers un arbre bien plus imposant que lui. Il se demanda s'il serait un jour aussi grand que lui. Ce dont il était sur, c'est qu'il verrait bien plus de Terre et d'herbe que cet arbre. Il était un Ent, enfin, un Enture plutôt, il ne resterait pas à la même place pendant sa courte vie.

Cela n'avait aucun sens... finalement il était là, aussi immobile que l'arbre de son enfance. Et pourquoi avait-il vécu aussi longtemps ? Dans son souvenir il n'aurait pas du...

Les Elfes étaient repartis, une grande bataille se livrait à l'Est. Ils avaient appris aux Ents leur langue et ils étaient différents des Hommes. Ils faisaient toujours attention de ne pas briser une branche, même lorsque l'arbre n'était pas un Ent, leurs pieds sur la mousse étaient comme une caresse, aussi léger qu'un envol d'oiseau. Les Ents étaient inquiets pour les Femmes-Ents car ils n'avaient pas de nouvelles d'elles. Les Femmes-Ents... il se souvenait de certaines maintenant. De la fraîcheur de leur ombrage et du doux bruissement de leur voix.

Des perles de rosée coulaient le long des vieilles branches meurtries de Fladrif. Yavanna lui envoyait des larmes de pluie pour accompagner ses pensées. Il essaya de bouger... et lutta pour arracher une racine de Terre. Cela lui faisait mal... mais il fallait qui rejoigne les siens, il se souvenait maintenant...

Au commencement les Ents et les Femmes-Ents étaient réunis. Yavanna avait demandé à Manwe de donner aux arbres et aux plantes des représentants en Terre du Milieu. Elle pressentit que les Hommes et les Nains allaient abattre de nombreux arbres pour leurs constructions, et que ceux ci ne pourraient pas se défendre. Ainsi Eru accéda à la demande de Manwe et donna la conscience aux Ents. Ceux ci pourraient se déplacer et plaider la cause des arbres. Les premiers Elfes que les Ents rencontrèrent riaient et parlaient entre eux. Les Ents n'avaient jusque là besoin d'aucune parole pour exprimer que le vent soufflait dans leurs branches ou que la pluie tombait. Eru les avaient fait curieux, et ils se montrèrent aux Elfes. Ils ne furent pas effrayés, et enseignèrent leur langue aux Ents, qui se révélèrent habile dans l'art d'apprendre et parler. Très vite, ils se forgèrent une autre langue à eux, ressemblant aux vrais bruits de la nature et pouvant être comprises des arbres eux-mêmes. Dès lors, les Elfes venaient assez souvent dans la forêt. Les Ents avaient une grande sagesse mais ils ne s'intéressaient guère aux conflits opposant les Elfes, les Humains, les Nains ou les Orcs.

Puis les Elfes repartirent, et les Ents restèrent dans la forêt. A cette époque, tout était différent. Les Ents et les Femmes-Ents étaient ensemble, et les Ents et les arbres vivaient et mouraient à la même vitesse.

Les forêts étaient pleines d'Entures qui jouaient avec vitalité. Au cours des années les centres d'intérêt les Ents et les Femmes-Ents s'éloignèrent. Ils préféraient marcher sous l'ombrage des arbres, alors qu'elles passaient leur journée dans les clairières et les abords de la Forêt. Elles aimaient les jardins qu'elles faisaient et les herbes courtes.

Bien vite les Ents et les Femmes-Ents se séparèrent pour vivre chacun de leur coté. Ils étaient chacun persuadés que leur mode de vie était le meilleur. Il ne faut pas croire cependant qu'ils ne s'aimaient plus. Ils se rendaient visite et se voyaient souvent. Quand ils étaient ensemble, les oiseaux et les petits animaux de la forêt savaient éloigner les indiscrets et la forêt semblait revivre comme le premier jour du printemps.

Puis les Femmes-Ents partir un peu plus loin parce que leur jardin aux abords de la forêt était terminé et qu'elles voulaient voir les plantes dont les Elfes leur avaient parlés. Les Ents leur rendirent visite moins souvent, mais avec régularité.

Loin de là, le Seigneur Ténébreux, le serviteur de Morgoth, lançait une attaque contre une forteresse des Hommes. Il arriva à ses fins et brûla l'Arbre Blanc, symbole de la présence des Valars sur la Terre du Milieu. Les larmes de Yavanna coulèrent sur la Forêt des Ents pendant de nombreuses nuits, et chacun s'accorda à dire qu'une chose terrible se passait.

La Forêt était très étendue, et certains Ents étaient partis faire de longues promenades. Le Conseil des Ents se mit d'accord pour partir à la recherche des Femmes-Ents. Ils réunirent tous les Ents de la Forêt, mais les alentours étaient agités car la guerre se préparait et ils durent rester afin d'empêcher les Hommes de brûler des arbres pour les armées. Quand ils furent surs qu'aucun arbre ne risquait plus rien, ils partirent en laissant quelques Ents derrière eux. Ils traversèrent le plateau de Rohan, ainsi que l'Anduin. Passés quelques collines, ils arrivèrent sur le lieu où les Femmes-Ents étaient la dernière fois.

Autour d'eux, il y avait plus d'hommes qu'ils n'en avaient jamais vu. Mais presque tous étaient morts. Des armes, arcs, haches ou épées jonchaient le sol comme un tapis d'aiguilles de sapin. Aucune Femme-Ent n'était visible et les Ents connurent une grande tristesse. Ils posèrent des questions aux rares Hommes hagards qu'ils rencontraient, mais personne n'avais vu les Femmes-Ents. Cette terre était dévastée, et la tristesse des Ents était si grande que Yavanna la perçue et se jura de ne rien faire repousser sur cette Terre, afin qu'elle soit le témoin de la tristesse des Ents. Elle demanda à Manwe où étaient passé les Femmes-Ents, mais ce qu'il lui dit lui mit encore plus de tristesse au coeur. Ce fut des larmes acides qui tombèrent sur le pays de Dagorlad et sur l'Emyn Muil. Ce pays qui deviendrait plus tard le Marais des Morts ne porterais plus jamais d'arbre.

Les Ents rentrèrent chez eux, accablés. Ils ne savaient que faire. Alors ils envoyèrent les moins désespérés à la recherche des Femmes-Ents, dans toutes les directions. Mais aucun ne revint.

Puis les premiers Ents se mirent à mourir. Les Entures les plus jeunes étaient devenus adultes, et ils prirent peur de disparaître. Le Conseil des Ents se réunit à nouveau, mais ils ne trouvèrent aucune solution. Le Conseil se prolongea car il était interdit de quitter le Conseil tant qu'une solution n'avait pas été trouvée. Les arbres n'étaient plus protégés, et certains Hommes osaient à nouveaux les abattre.

A l'Ouest, Yavanna comprenait également quel sort attendait les Ents avec la perte des Femmes-Ents. La tristesse faisait maintenant place à une colère impuissante. Des arbres étaient abattus chaque jour, et les Ents parlaient et réfléchissaient au Conseil Sans Fin. Elle alla trouver Manwe une fois de plus et lui expliqua ce qu'il se passait.

Fladrif trembla. Le froid l'envahissait. Plus personne ne se souvenait de cette histoire parmi les Ents. Le passé l'avait effacé car elle était liée à la disparition des Femmes-Ents. Et personne ne la connaîtrait jamais.

Yavanna vit que le Conseil Sans Fin était dissous. Les Ents avaient donc trouvé une solution. Les plantes prirent quelques centimètres en quelques minutes ce jour là tel le soulagement de Yavanna était grand. Bien sur, cela resta inaperçu, à part pour les Ents. Mais toutes les nouvelles plantes moururent juste après quand Yavanna appris quelle solution avait trouvé Eru. Elle vit ses Ents si vigoureux se déplacer lentement sur la terre, comme s'ils étaient accablés de toutes les guerres et de toutes les erreurs des Hommes. Elle les vit s'arrêter de mourir, et vivre au ralenti, repoussant la mort chaque jour. Un sursis.

Pas loin d'Isengard, sur une vieille colline abandonnée plantée de bouleaux, un vieil Ent souriait. Il ne portait presque plus de feuilles, mais il avait retrouvé son histoire, et savait que Yavanna l'aimait et que c'était elle qui lui avait permis de vivre aussi longtemps. La dernière feuille de Fladrif s'envola avec le vent, et il est dit que Yavanna lui interdit de toucher le sol en hommage à un vieil Ent qui seul de tout son peuple s'est rappelé son histoire.

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© Fladnag



Publication : 10 juillet 2003
Dernière modification : 07 novembre 2006


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