Dix heures. Les lumières ont vacillé puis se sont éteintes. Le silence et l'obscurité se sont emparés de la Cité de l'Ordre. Une brève plainte s'élève quelque part derrière les poubelles. Un éclair comme un lambeau d'argent tranche le fil d'une vie. Nul ne brave impunément les obscurités silencieuses lorsque le Chaos règne. Là existent les Maraudeurs. Chaque nuit, il y a un numéro gagnant pour mille numéros joués. Les probabilités sont sourdes et aveugles.
Car ce qui ne sert pas doit être éliminé.
N'est-ce pas le premier enseignement de l'Ordre? Celui que chaque enfant doit savoir énoncer avant " maman " ou " papa ". Lorsque les richesses naturelles s'épuisent, il faut bien en trouver ailleurs. Apologie du circuit fermé.
Pourtant Prospero est seul dans le noir après que les Veilleurs eurent refermé hermétiquement les sas des palais du sommeil. Il lui faudra attendre le matin à présent. Jusque là, il devra défendre sa peau comme jamais. Et l'aube est si loin. En fait, il ne lui faudra pas l'attendre mais l'espérer. Dans les ténèbres, survivre devient une question de foi.
Dans l'ultime société aseptisée, planifiée et parfumée, le risque n'existe plus. Ni le danger. Le principe de précaution l'a emporté il y a longtemps. Comment faire autrement quand toute ressource est pesée et soupesée au gramme près? Alors les ténèbres ont enfanté les Maraudeurs et leur donnèrent la nuit comme royaume. Malheur à celui qui transgresse la frontière lorsque l'astre moribond disparaît derrière l'horizon! Dans le ciel en feu s'élèvent les prières assourdissantes des muezzins juchés au sommet des vertigineux minarets qui jaillissent bien au-dessus des nuages de monoxyde d'azote. Ils tournent leurs visages et tendent leurs mains vers l'ouest, vers le point où l'astre a disparu. Leurs prières hurlées demandent au Seigneur le miracle, l'aumône d'une autre journée. Depuis des siècles, ces chants fiévreux accompagnent la fermeture des grandes portes qui marque l'avènement des ténèbres. En tendant bien l'oreille, dans le souffle des pneumatiques hermétiquement scellés, se devine l'obscure réponse comme un murmure moqueur : " priez, priez... pour que le soleil se lève demain...priez pour une nouvelle aube... ".
Mais Prospero est là parce qu'il l'a voulu. C'est différent. Il a lu récemment un très vieux texte tiré d'un texte encore plus ancien. Une transcription. Une interprétation. Une évocation sans doute. Cela a remué quelque chose au fond de lui. Excitant certaines inductions nerveuses, éveillant des liaisons synaptiques singulières. Le texte parlait d'un temps oublié, d'un peuple oublié, d'une fuite devant un oppresseur, d'un élu montrant le chemin sur des plaines désertiques. Cela parlait d'une foi perdue parce que la terre promise était trop loin au-delà d'un immense désert brûlant. Cela parlait de celui qui quitta les siens pour gravir le flanc de la montagne, ayant perdu la foi en celui qui dirigeait son peuple. Mais quand il se retourna, il s'aperçut que d'autres, comme lui désespérés, l'avaient suivi. Et ils l'ont désigné comme leur guide, leur nouvel élu, à sa plus grande consternation. Prospero a laissé les portes se refermer dans son dos. Nul n'a cherché à le retenir.
Une poubelle roule sur sa gauche. Prospero bande ses muscles mais l'attaque ne vient pas. Nul n'est mieux armé que lui pour affronter les ténèbres. Le silence se reforme et l'écho du bruit se noie comme le cri d'un homme pris dans des sables mouvants. La pression artérielle de Prospero se calme progressivement.
La musique semble naître de nulle part. C'est incompréhensible car aucune énergie n'est disponible en période nocturne. Les machines grondantes se sont tues au fond des puits. Les roues crantées se sont arrêtées. Les leviers ont été abaissés pour que les barres de contrôle puissent descendre dans les coeurs interrompant la fission nucléaire. La Vie tourne au ralenti. Les dormeurs derrière les sceaux respirent mal au sein de leur sommeil sur commande, transpirant sous les grands ventilateurs arrêtés. La climatisation est suspendue, économie d'énergie. La violence de la musique désarçonne Prospero. Renvoyée par les murs, elle tourbillonne en volutes métalliques et grinçantes, barbelées et cinglantes. Cela évoque des scènes barbares, des jeux sauvages et sanglants. Un goût de fer envahit sa bouche.
Puis subtilement, le thème central de ce maelstrom sonore se modifie et les images changent. Devant Prospero se dresse une créature cauchemardesque, au corps lourd et difforme, hérissé de griffes et de pointes, caparaçonné d'écailles, surmonté d'une tête serpentine infiniment cruelle. Malgré l'obscurité, Prospero perçoit tous ces détails. Quelque chose lui souffle que c'est un Maraudeur. Il en est persuadé ! La mélopée devient synthétique et répétitive. Une sombre et sourde mélopée des âges de fer. Aucune réelle harmonie. De longues envolées heurtées, brisées, dissonantes dès que Prospero commence à en appréhender le thème.
Il sent une douleur de plus en plus aigue sous son crâne et les battements de son coeur ralentissent à moins de quarante pulsations par minute. Une pensée autonome fulgure alors dans une petite zone génétiquement modifiée de son lobe pariétal. Il est victime d'une attaque psychique. In extremis, il élève une digue mentale sur laquelle les vagues musicales viennent se briser, impuissantes. Avouant sa défaite, la mélopée décroît en force pour devenir un sillage sonore et brumeux s'évaporant lentement. Prospero remercie le Premier Théorème d'être né Ingénieur Psychothérapeute. Sans cette qualification pré-natale, il n'aurait survécu qu'une poignée de minutes après le coucher du soleil. Comme tant d'autres.
Mais n'est-ce pas la fonction du Seiri d'éliminer tout ce qui ne sert pas?
A ce stade, l'euphorie est synonyme de danger. Prospero se force à réfréner ce sentiment de victoire. Qui peut crier victoire quand le match vient juste de débuter? Il lui faut réfléchir. Ce qu'il vient de vivre met à mal ses conceptions les plus élémentaires sur ce qu'il pense être la réalité. Les maraudeurs semblent maîtriser leur environnement d'une manière insoupçonnée, faisant appel à des technologies noires. Les technologies du chaos. Prospero a lu les mémos consacrés à ses légendes urbaines. Elucubrations d'esprits malades, avait-t-il conclu en éteignant l'hologramme. La nuit, rien n'existe. L'ordre est diurne, comme le soleil. La parenthèse nocturne n'appartient plus à l'humanité. Ou à ce qu'il en reste. N'est-ce pas ? Elle appartient pleinement aux maraudeurs. Si le contraire de l'Ordre est le Chaos, alors la nuit est le domaine du Chaos. Tel est le credo de la dernière société humaine : la réalité est diurne.
La menace prend alors une autre forme. L'ombre s'est reformée. Totale. Prospero respire profondément, dégageant au maximum son potentiel émotionnel. Il essaie de percer les ténèbres. Aucun repère. En longeant les murs, il sera moins vulnérable. Il conclut qu'il ne lui faut rester immobile à aucun prix. Une cible mouvante est plus difficile à atteindre. Un peu. Autosuggestion.
Il tend la main droite dans le prolongement de ses épaules. Il avance à pas glissés dans un noir absolu. Il compte dix quand il touche enfin la muraille. Derrière, à moins de vingt centimètres, il y a la paix et le repos. Pourtant, à cet instant, Prospero pourrait en être éloigné de mille années lumière. Derrière les murs protecteurs, ils dorment tous. Sauf les veilleurs postés à l'entrée de chaque dortoir, l'épaisse visière de plomb abaissée devant leurs yeux. Au-dessous de la ceinture, leurs corps droits et immobiles fusionnent peu à peu avec le métal et se terminent en câbles torsadés qui s'enfoncent sous les grilles des coursives.
Plaquant les deux mains contre la surface rugueuse, Prospero commence à se déplacer sur sa gauche. Il ne peut s'orienter selon les bons vieux points cardinaux.
En s'étendant pour ne pas mourir, la cité-monde a englouti les intervalles. Il ne faut pas la considérer comme un alignement d'avenues, de rues et de bâtiments. Non. Son mode de développement a depuis longtemps dépassé ce stade primitif pour investir les dimensions parallèles et contiguës, encore et encore. Faute de se projeter entre les étoiles, l'humanité a dû réinventer l'art d'occuper le moindre espace disponible de sa planète natale. Un espace qui s'est réduit irrémédiablement. La cité a englouti banlieue, région, pays, continents pour devenir cité-monde. Il n'y a pas de vide ou de plein entre les éléments qui la composent dans une continuité sans faille. Seul leur état, actif ou inactif, ouvert ou fermé, les différencie selon le maillage défini en temps réel par les architectes des profondeurs. La topographie de la Cité se résume à une variable transitoire où la distance qui sépare deux points choisis au hasard varie entre zéro et l'infini. Les déplacements durant la période diurne obéissent aux principes d'hyper vélocité en environnement fractal instable. Mais la nuit tombée, ces règles s'évanouissent quand le Chaos revendique son royaume.
Toutefois, si les circonstances l'exigent, Prospero peut translater. Ceci fait toute la différence.
Il marche depuis deux heures selon son décompte temporel. Le temps artificiel est suspendu durant la période nocturne. Son écoulement se fait sur d'autres rythmes, d'autres cadences. Aucun satellite géostationnaire n'a pu établir une corrélation adéquate. De l'esaoce, les mesures sont systématiquement normales. Au sol, rien n'est moins sûr. Les sondes sont systématiquement détruites par les Maraudeurs. Les rares survivants parlent d'un temps qui se dilate au-delà du rationnel. Ou au contraire qui se contracte à se réduire à un battement de coeur. Le Chaos règne en maître absolu.
" Hé...ho...quelqu'un m'entend ? "
La voix s'élève quelque part dans l'obscurité. Prospero se recroqueville en posture de défense.
" Ohé...Ohé... " La voix se rapproche sensiblement. L'écho rebondit autour de Prospero, l'enfermant dans une poche de résonance particulière. Les trains d'ondes sonores semblent subir des perturbations, comme brouillées ou déviées. Prospero n'écarte par la possibilité que cette voix provient peut-être de très loin, en avant ou en arrière. Ces phénomènes acoustiques sont assez courants. Les services de l'Ordre en usent et en abusent. Les Maraudeurs s'en servent également. Ceci est connu.
" Personne ne t'entend! "
Une seconde voix a jailli. Prospero sursaute. Il jurerait que celui qui a parlé est juste à ses côtés. Mais quand il a exploré de son bras tendu, il n'a rencontré que le vide. L'écho virevolte curieusement. Il s'éloigne et se rapproche, cascade ou s'élève bien au-dessus de Prospero. L'accent qui appuie sur certaines toniques est différent selon l'angle de perception. Prospero reconnaît bien la langue commune de la Cité mais la prononciation diverge exagérément.
" Les salauds ! " murmure la première voix, à l'oreille de Prospero.
" T'en fais pas, il n'y a personne à part nous! " répond la seconde, distante et pourtant parfaitement audible, laissant traîner un écho aux sonorités métalliques. Comme une voix synthétisée. Prospero balance un petit moment avant de répondre. Le Chaos est friand de pièges subtils.
" Je vous entends. Où êtes-vous ? " se décide-t-il.
Aucune réponse. Pas étonnant. Les deux autres sont plongés dans le même dilemme.
" Je ne suis pas un Maraudeur " se hasarde-t-il. Avant de se traiter intérieurement de triple buse.
" Comment pourrions-nous le vérifier ? " La voix a jailli, instinctive.
" Juste. " admet Prospero. " Vous devez avoir confiance, je suis dans le même cas que vous ! "
" Encore une autre de leurs satanées expériences ! " maugrée l'autre voix.
" Ecoutez, je m'appelle Prospero et je suis un IL ! "
" Un Ingénieur Lumineux, comment vous êtes-vous retrouvé ici, sacré nom de nom ? "
" Je ne suis pas certain de bien le comprendre moi-même ! "
" Nous sommes deux techniciens des sas. Des salauds nous ont piégés dehors après la fermeture des portes ! "
L'accusation est grave. Très grave. La sentence est sans doute pire que la mort. C'est la déchéance de tous les droits et privilèges de la caste à laquelle le condamné appartient. Il devient invisible aux yeux de la société. Il est interdit de lui parler, de lui donner du travail, de le loger ou de le défendre, même des chiens qui chassent en meute. Sa vie ne vaut guère mieux que celle d'une mouche sur l'autoroute, attendant un pare-brise.
" Où êtes-vous par rapport à moi ? " demande Prospero.
" Impossible de le dire ! Nous sommes attachés ensemble avec nos ceintures et pourtant, à en juger par l'écho de nos voix, nous devrions nous trouver loin l'un de l'autre, lui en haut et moi en bas. "
" Pour moi, vous êtes, l'un en avant et l'autre juste à côté de moi ! " dit Prospero.
" Pour moi, vous êtes entre lui et moi ! " lui répond la même voix, mais lui parvenant d'un autre azimut " Comment faire pour nous rapprocher ? "
" A quel sas étiez-vous en poste ? " lance Prospero
" Huitième ! "
" Avez-vous bougé depuis ? "
" Pas d'un pas mais le sas oui ! "
" Comment ça, le sas a bougé ? " interroge Prospero, interloqué.
" Maintenant derrière nous, il n'y a que le vide ! "
Cette révélation ébranle les certitudes de Prospero. Manipuler les sons est une chose. Manipuler la matière en est une autre. Cela fait appel aux mêmes forces utilisées par l'Ordre pour son organisation territoriale. Une technologie basée sur l'instabilité quantique et sur des concepts encore plus hermétiques aboutissant à une acception différente du réel. L'alterréalité. Les maraudeurs manipulent leur environnement aussi bien que les servants de l'Ordre. Prospero sent une sueur froide couler au creux de son dos, qui colle sa chemise. Un signal de danger retentit sous son crâne. Rester calme. A tout prix.
" Vous êtes toujours là ? "
Il attend mais la réponse de vient pas.
" Hé... "
Un vent furieux se lève soudain. Pour Prospero, un vent fou au sein d'une nuit noire est la pire chose qui soit. Les rafales sont à la fois glaciales et brûlantes. Une température anormale, le point où l'extrême froid et l'extrême chaud se rejoignent. Danger. Danger.
Translater !
Un feulement rauque brise le silence. Il y a toujours ce vent qui déforme les sensations. Prospero tend encore une fois le bras, s'attendant à rencontrer uniquement le vide, mais le mur est bel et bien là.
La bête s'approche. Son halètement devient plus perceptible à chaque seconde. Prospero n'éprouve aucune peur. Ses qualifications psychologiques lui confèrent un indéniable avantage. Les fantasmes n'ont pas prise sur lui. Déstabiliser l'équilibre psychologique d'un citoyen est chose relativement aisée. Des circonstances propices, une étude professionnelle du profil psy et quelques tours de passe-passe mental. Cela suffit dans la majorité des cas. Seulement Prospero n'a jamais fait partie d'aucune majorité. Il a toujours appartenu à la minorité récalcitrante. A l'instar de tous ses frères cyborgs. Comme tous les IL.
La bête est toute proche. Prospero perçoit le crissement de ses griffes sur le béton.
" Une belle bête ! " pense-t-il " Un g-lion ou mieux, un g-tigre ! "
Toutefois il reste lucide. Aucun taux anormal d'adrénaline ou d'autres toxines n'est relevé dans ses flux internes. Beaucoup, à ce stade, auraient déjà flanché. L'épreuve est nettement au-dessus du potentiel moyen des citoyens habitués au confort ouaté de l'ultime société. La sociéterminale.
Le silence. L'attente devient palpable. Prospero imagine sans peine le gigantesque félin replié sur lui-même, prêt à bondir, toutes griffes dehors. Des griffes plus coupantes que le diamant, plus acérées que la grande lame de la Faucheuse. Le silence peut être mortel. Juste une fraction de seconde, étirée à l'infini, le long des vertèbres cervicales, surchargeant les neurones de messages contradictoires, dans le tsunami d'adrénaline qui emporte tout et vient cascader sur ses reins mouillés.
Ses défenses biochimiques cèdent peu à peu. Prospero vacille derrière ses remparts. Situation d'urgence. Procédure automatique. Ses centres perceptifs sont isolés un à un. Premier stade de la catalepsie.
La résistance humaine n'a pas de limite. Chacun les définit à sa façon. Celui qui repousse toute idée de limite est proche de la plénitude.
Prospero murmure son credo. Les forces prédatrices desserrent leur étreinte. Elles refluent à regret, promettant de revenir. Plus tard. Prospero souffle en s'appuyant contre le mur. La défaite était toute proche. Est-il trop présomptueux ? Un cyborg ne démissionne jamais. Ce concept ne fait pas partie de sa programmation. Tout simplement. Il sait que la seule chose à faire est d'attendre la prochaine épreuve. Il se surprend à espérer l'aube, lui qui a osé défier la nuit. Mais l'aube est devenue mythique. Dans le noir le plus absolu, comment imaginer la lumière?
Un rire joyeux retentit derrière Prospero qui fait une volte-face éclair. Une faible lueur accroche son regard. Une petite lumière au coeur d'une immense détresse. Tous les mythes du feu surgissent du plus profond de ses banques mémorielles. La lueur se précise, comme un fanal qui grossit. Elle vacille et son halo lumineux est jaunâtre.
" Une bougie ou une lanterne ! " Cette pensée fuse, référence à un vocabulaire périmé. Toutes les connotations relatives à ces termes nés du passé s'ajoutent en surimpression, conférant à la scène une patine anachronique. Toujours la vieille rengaine. Illusion ou réalité ?
Avant que Prospero ne puisse trancher, le nain semble naître du néant. Sa face est blafarde. Son habit ne correspond pas aux normes actuelles. Longue tunique verte à gros boutons en cuivre, serrée à la taille par une large ceinture de cuir épais. Grandes oreilles, long nez. Regard naïf. Sourire niais.
" Salut Voyageur ! " le salue l'étrange personnage. " Où mène ta route ? "
" Nulle part je le crains " répond Prospero. " Peut-être au même endroit que toi !? "
" Que moi ? Je ne crois pas. Là où je me rends, tu ne peux me suivre. "
" Qui es-tu ? "
" C'est une longue histoire. Je lui ai toujours répété que tout finirait mal et que son plan serait foireux ! "
" Qui est-il ? Quel Plan ? " demande Prospero.
" Comment ? Vous ne savez pas ? "
" Heu...non...je suis nouveau par ici! " Prospero échafaude ses répliques à toute vitesse, ne voulant prendre le risque de ne pas exploiter cette curieuse rencontre.
" Mais...mais...il est presque mat ! "
" Mais qui à la fin ! " Prospero se contient difficilement.
" Ben, Polar ! "
" Polar ? "
" Oui, Polar. Nul n'ignore qui est Polar. Bon, il faut que je parte. Au revoir. Essayez de repasser une de ces nuits ! "
Le nain s'éloigne. Prospero tente bien de le retenir mais aucun de ses muscles ne répond à ses sollicitations. Il reste cloué sur place, la lueur disparaissant dans les ténèbres. La nuit revient étendre ses ailes noires. L'aube est encore loin. Prospero est planté là, aussi impuissant que le plus humble des Asservis
Polar ?
Selon les références extraites de ses banques mémorielles, cela signifie " polaire " dans une langue morte. Polaire, qui a un rapport avec les pôles. Un pôle, c'est l'intersection de l'axe de rotation d'une planète et de sa surface. Et alors ? C'est aussi l'extrémité d'un aimant où se manifeste une attraction pour le fer. Et alors ? ET ALORS ? Prospero ne trouve aucun lien, aucune piste. L'étymologie est vaine.
Soudain, une lumière crue et brutale surprend Prospero qui ferme instinctivement les paupières pour protéger ses yeux de cyborg. Quand il les rouvre prudemment, il se tient au milieu d'une vaste esplanade de terre battue, circulaire, aux limites indistinctes. Cela ressemble à une immense arène. Anachronisme, ne peut s'empêcher de rectifier l'hémisphère droit du cyborg.
Il se dresse devant Prospero sans que celui-ci ne l'ait vu s'approcher. L'instant d'avant, il n'était pas là, l'instant suivant, il occupe tout son champ visuel. Belle fumisterie que ses dons cyborgs en pareille situation.
Grand. Très grand. Peut-être deux mètres cinquante. Peut-être plus. Musclé. Très musclé. Caparaçonné dans une armure du plus pur style héroïc-fantasy. Débauche d'or, d'argent, de pierres précieuses. Couleurs féeriques. Métal poli réfléchissant cruellement la lumière. Une épée démesurée à la main, large comme la cuisse d'un homme, courbée comme un cimeterre, tranchante comme un rasoir. De l'autre côté, un lourd bouclier incrusté d'airain et d'or, haut et large, où se contorsionne un dragon de jade. Derrière lui, une créature de rêve est à demi-allongée sur une litière à courtines tendue d'étoffes somptueuses et rares. Vêtue comme une princesse des Mille et une Nuits, elle cache son visage derrière un éventail de plumes multicolores. Seuls ses yeux, aussi verts que l'espoir, fixent Prospero. Sur le côté, un gigantesque esclave qui ne cède en rien à son maître. D'un noir d'ébène, ceint uniquement d'un pagne tissé, il tient en laisse deux magnifiques bêtes, des tigres des neiges, à la parure claire et soyeuse.
Prospero doit à ses inépuisables banques mémorielles d'appréhender tous les éléments de ce groupe et de pouvoir les replacer dans un contexte compréhensible.
" Je suis Polar ! "
Il ne fait qu'asséner une évidence pour Prospero. Qui peut-il être autrement ?
" Vous êtes un Maraudeur ? "
Le géant éclate de rire, un rire tonitruant. La princesse s'évente lentement en ébauchant un demi-sourire.
" Moi un Maraudeur? C'est la meilleure plaisanterie que j'ai eu le plaisir d'entendre depuis au moins deux cycles! "
Prospero n'a pas la moindre idée de ce qu'est un cycle. Une division du temps sans doute, mais qu'il ne connaît pas.
" Alors qui êtes-vous ? "
" Polar. " La voix se fait menaçante. " Polar, pour te servir étranger! Contrairement aux apparences, je suis comme toi un prisonnier des Maraudeurs. En un sens. "
Prospero s'aperçoit alors une étrange canne en bois, toute simple, posée à terre près de la litière. Les trois-quarts sont d'une couleur bleue assez soutenue tandis que le reste est rouge profond.
" En fait, quel que soit le voyage qui t'a mené jusqu'ici, sache que tu vas mourir, étranger. " continue Polar, le regardant droit dans les yeux.
Prospero se recule légèrement.
" Pourquoi. ? "
" Je vais te conter une étrange histoire, étranger. " répond Polar. "Ecoute-moi attentivement car elle est difficile à croire ou même à imaginer. Mais pour moi, c'est simplement la réalité !
Je suis un Prince. Mais pas dans ce monde, non ! Mon royaume appartient à une autre Terre, une Terre étrangère et lointaine, à la fois dans le temps et dans l'espace. Un matin, je suis parti chasser le Dragon qui ravageait la contrée. Je l'ai poursuivi longtemps, distançant mes plus fidèles compagnons, les chasseurs les plus émérites, les pisteurs les plus pugnaces. Seul est resté près de moi Loon, mon esclave et frère. Nous avons dévalé des collines, peiné dans des combes noyées d'ombres, gravi les crêts écrasés de soleil, longé des fleuves inconnus. Nous parvînmes en un lieu où nul n'avait entendu parler de mon royaume. Et plus je galopais, plus l'excitation de la chasse m'envahissait. Je ne pensais qu'à ça et au diable femme, enfants, palais et richesses. Il me fallait ce dragon, le dernier dragon. La chasse dura des mois, des années... mais nous le débusquâmes et nous le contraignîmes à reculer vers sa grotte, parant les traits de feu qu'il nous décochait, évitant sa queue qu'il abattait comme une masse d'arme de démon. Le combat dura trois longs jours. Il se fatigua peu à peu. La fureur se lisait toujours dans son oeil mais son souffle devenait vapeur tiède et quand le crépuscule s'étendit alentour, il s'allongea finalement sur le flanc. J'ai lu une sombre résignation dans son regard. As-tu déjà plongé tes regards dans l'oeil ambre et reptilien du Dragon ? Non bien sûr. Pour toi, ce n'est qu'une légende. C'est comme contempler l'enfer debout au bord du monde. Je me suis approché. Plus près. Trop près. J'ai baissé ma garde le temps d'un battement de coeur. Mais ce fut suffisant. La lueur maléfique de son dernier regard nous enveloppa dans un halo scintillant et chamarré.
Je me retrouvai ici, avec Loon, sur ce monde étrange où rien ne se passe comme ailleurs. Une grande magie est à l'oeuvre, invisible et omniprésente. La canne que tu as remarquée était à mes pieds, entièrement pourpre. Lorsque j'ai invoqué les Dieux afin qu'ils viennent à mon secours, une voix céleste s'est fait entendre. Elle parla peu :
" Tu es désormais le Gardien et ton rôle est de tuer quiconque se présentera à toi. C'est le prix de ta délivrance. Voici Gaia, ta compagne et les tigres qui formeront avec ton esclave, ta garde personnelle. "
Tu vois, peu de mots. J'ai appris. Ici, le temps n'existe pas vraiment. Depuis, j'erre dans ce labyrinthe et je tue. Petit à petit, le bâton vire au bleu. Je suppose que lorsqu'il sera totalement de cette couleur, je serai libre de regagner ma véritable patrie. Je ne te hais pas. Je ne veux même pas te connaître. Tu dois mourir. "
Prospero active ses circuits cyborgs et lance une diversion :
" J'ai rencontré le Nain ! "
" Ah, tu l'as rencontré. C'est un messager, comme beaucoup de créatures ici. Que t'a-t-il dit ? "
" Que tu étais presque mat ! "
"Je ne comprends pas ! "
" C'est un terme d'échec ! "
" Je ne comprends toujours pas ! "
" Les échecs, c'est un jeu ! "
" Je ne connais pas ce jeu ! "
" Tu parles pourtant ma langue ! "
" Quand je suis arrivé ici, je la connaissais ! Sorcellerie ! Mais tu poses trop de questions ! De toutes façons, tu vas mourir maintenant ! "
" Attends ! Une dernière ! Pourquoi y a-t-il de la lumière ? "
" Où je me trouve, il y a de la lumière ! "
" Et quand le jour se lève ? "
" Comment peut se lever un jour si la nuit n'existe pas où je suis ? Je n'ai jamais vu le soleil passer au-dessus de l'horizon. Prépare-toi à comparaître devant ton créateur."
Sans autre avertissement, Polar abat son cimeterre. Prospero n'est déjà plus là. Ses réflexes cyborgs ont anticipé le coup. Le combat est inégal. Polar n'a aucune chance. Les cyborgs peuvent se transformer en machines à tuer. La programmation adéquate est disponible. Même sans arme, Prospero va vaincre sans gloire. Il a déjà désarmé Polar. Le cimeterre est tordu, inutilisable. La peau des cyborgs n'a pas la même texture que celle du commun des mortels.
" Tus es un sorcier ! " murmure Polar, la mine vaguement inquiète. " Loon et ses deux tigres auront raison de toi ! "
D'un coup soigneusement appliqué, faisant brièvement appel à l'hyper vélocité musculaire, Prospero exécute Loon. La blessure n'est pas visible. Mais les dégâts infligés sont effroyables. Les ondes de choc ont dévasté nombre de ses organes internes, les réduisant en bouillie. Loon s'écroule en avant, le sang jaillissant de ses narines, de ses oreilles et de sa bouche. Les tigres grondent en s'approchant de part et d'autre. Paire de tueurs habitués à travailler ensemble. Ils ne sont pourtant pas assez rapides. Ils sont bientôt étendus à terre, les reins brisés.
" Tu es un démon ! " Hurle Polar. " Mais je vais avoir raison de toi ! "
Polar est tellement surexcité que Prospero ne peut parer efficacement l'assaut aveugle du géant et son étreinte se referme autour de son torse. La colère et la rage déforment le visage du prince, décuplant ses forces au-delà du naturel. Il est en état d'amok! Malgré toutes ses facultés, Prospero ne peut rien tandis que Polar l'écrase inexorablement. La prise est mortellement efficace. Déjà, un voile noir descend devant ses yeux. Ses côtes compriment douloureusement ses poumons. Polar rit doucement, maintenant sa prise, renforçant son étreinte.
" Tu vas payer pour ce que tu as fait. Tu vas souffrir ! "
Prospero voit la Mort s'approcher de lui à petits pas gourmands.
Alors il translate.
Il se retrouve derrière Polar. Il fouette l'air d'une manchette imparable. Le prince géantin s'écroule comme une masse, la nuque brisée. Le cyborg vacille et chute à son tour, parfaitement lucide mais incapable d'esquisser le moindre mouvement. La translation l'a complètement épuisé. Il aperçoit distinctement la sublime princesse mettre un pied, chaussé d'une mule délicatement tournée, sur le sol inégal. Elle s'avance vers lui, vêtue d'un sarouel quasi transparent, simplement serti d'un camaïeu de pierres précieuses là où les regards trop insistants pourraient heurter sa pudeur. Une bien mince pudeur !
Elle disparaît un temps de son champ de vision. Puis elle s'agenouille devant Prospero qui, malgré la paralysie qui le laisse sans défense, s'émeut du spectacle qu'elle lui offre. Prospero ne peut croire que tout est vraiment fini ! La main de la princesse est une caresse vaporeuse sur son front. Il sombre dans des ténèbres pour une fois accueillantes.
Quand il ouvre les yeux, la lumière est toujours aussi violente, comme un voile lumineux et impalpable, plus lourd que l'air, plus léger que l'eau qui oppose une résistance ténue mais bien réelle. Prospero ignore le laps de temps qui s'est écoulé depuis qu'il a perdu connaissance. La translation est une arme redoutable et à double tranchant. Elle mobilise tant les ressources d'un cyborg qu'elle le laisse invariablement vulnérable après le saut quantique. Mais entre une mort assurée et la promesse d'une survie incertaine, les routines implémentées dans les hélices ADN du cyborg ont autorisé la canalisation des flux d'énergie interne vers les points de Kreuz-Leptiski situés sur chaque lobe temporal pour les focaliser idéalement dans la structure du continuum spatio-temporel. La translation.
" Au même point ! "
Prospero ne peut réprimer cette exclamation de dépit. Il est toujours planté là, entre les griffes du Chaos, à la merci des Maraudeurs. La translation a échoué à le réinsérer derrière les murs. La plus sophistiquée des technologies diurnes a failli. Le Chaos a triomphé.
" Je suis encore là ! "
Il est sur une plage de sable blond. Devant lui s'étend jusqu'à l'horizon un océan immobile, d'un bleu profond. Aucune vague n'assaille la grève. L'eau paraît figée, artificielle, éternelle. Prospero songe à un ancien poème qui parle d'un voyage vers une mystérieuse Cythère :
Cythère est si loin. Comment la rejoindre quand la mer elle-même est une chimère? Un trompe oeil ? Une illusion ? Il n'a aucune prise sur le cours des évènements. Il se redresse lentement. Il est vêtu de la même façon, un justaucorps noir et argent, un éclair stylisé cousu sur le coeur. Aucune arme. En posséder aurait signifié une destruction immédiate après la fermeture des portes. Si la Nuit relâche parfois quelques survivants aux souvenirs altérés, elle rend toujours les cadavres. Ils sont invariablement allongés devant les sas quand ils s'ouvrent à l'aube Ceci aussi est noté dans les mémos.
Son conditionnement se lézarde. Ses certitudes sont battues en brèche.
" Seigneur-Gardien ! "
C'est une voix douce, chaude et caressante. Une voix féminine. Il se retourne et la découvre. La princesse. Une merveilleuse apparition. Elle est confortablement allongée dans la litière à courtines. Nul porteur n'est visible. Elle sourit quand il s'approche.
"Où sommes-nous ? " demande Prospero.
" Sur une plage. Ne le vois-tu donc pas ? "
" Ce genre de plage n'existe pas."
" Pas ici, cher Seigneur-Gardien ! " Elle l'affuble encore de ce qualificatif saugrenu.
" Il fait jour ! "
" Non, le jour n'est pas levé. C'est quelque chose de différent. "
" Qui es-tu à la fin ? "
La princesse écarte une mèche sombre d'une main attentionnée. Elle s'applique tout en ne quittant pas Prospero du regard. Elle rectifie aussi les plis du sarouel le long d'une jambe négligemment dénudée.
" Tu t'es trompé tout à l'heure ! " finit-elle par dire.
" J'ai fait tant d'erreurs cette nuit que cela ne m'aide pas beaucoup! "
" Tu t'es trompé, reprend-elle aimablement, quand tu as demandé à Polar s'il était un maraudeur ! "
" Je sais, il me l'a dit ! "
" Tu ne t'es pas adressé à la bonne personne, c'est tout ! "
La princesse le regarde intensément. Prospero comprend. Il y avait bien un Maraudeur, tout à l'heure, dans l'arène.
" Tu es une... un Maraudeur ? "
" C'est le nom que les diurnes nous donnent. Un nom bien curieux. Nous ne sommes ni vagabonds, ni manants, encore moins marauds ! Et nous n'avons aucun lien, de quelque nature que se soit, avec la race féline. "
Prospero a atteint le but qu'il s'était fixé. Que sa guilde lui avait assigné et inscrit dans ses gènes et ses routines cybernétiques, bien avant sa naissance. Il a devant lui un représentant de la faction rivale. Il reste exceptionnellement calme et inspire profondément, libérant la tension qui se tord en noeuds le long de son système nerveux sympathique. Il sent la lente élévation des niveaux des catécholamines, de l'adrénaline et de dopamine. Il sait qu'il va obéir, sans pouvoir opposer son libre-arbitre, à une compulsion automatique induite par son cortex profond.
L'euphorie caractéristique l'avertit de l'imminence de la compulsion. Il va exécuter ce pour quoi il a été créé dans les couveuses de la guilde. Puis... rien. Il ressent l'amertume d'une jouissance refusée. Il interroge d'un regard la princesse qui n'a pas esquissé le moindre geste. Elle sourit et sa bouche est une cerise pulpeuse et flamboyante.
" Que croyais-tu ? Que tu allais pavaner devant moi ? Il n'y a rien ici qui puisse être affecté par tes petits gris-gris cyborgs. Rien. Je ne dirai mot sur les théories du Chaos mais je vais te mettre sur la voie. Ta voie. Tu a été élu pour succéder à Polar que tu as, d'une certaine façon, libéré. Tu as été choisi pour tes capacités et cette épreuve est la dernière de ton parcours. Elle est placée sous le signe de la rigueur. Cette rigueur est indispensable pour conserver la qualité nécessaire à maintenir l'équilibre entre le jour et la nuit, l'ordre et le chaos. Maintenir étanches les murs qui séparent les dimensions entre lesquelles la Cité s'est étendue. Tu es un parmi des beaucoup d'autres, des milliers d'autres, des millions d'autres car notre planète, devenue trop petite pour contenir les rêves d'expansion d'une humanité frustrée de ne pouvoir s'élancer entre les étoiles, s'est étirée dans les espaces contigus. Il fait toujours jour sur l'Empire des Hommes et toujours nuit aussi. La période diurne est la période laborieuse où les hommes travaillent pour le bien de l'Empire. La période nocturne est un espace qui n'existe pas vraiment, une dimension onirique où certains dormeurs se réfugient quand ils rêvent. "
"Je rêve en ce moment ? "
"Bien sûr ! Que croyais-tu ? Le rêve est l'unique porte qui donne accès à cette dimension. "
" Alors, je suis...mon corps est toujours derrière les murs? Ce que je vois, ce que je vis, tout n'est donc qu'illusion? Alors, le mythe des portes et des sas?"
"La cité s'étend entre les intervalles et s'affranchit des dimensions. Il ne peut exister d'espace qui ne soit pas occupé sur un plan ou un autre par la Cité, et ce sur une infinité de dimensions parallèles. Seule, une dimension échappe aux règles de l'hyper vélocité. La dimension onirique. Celle où nous régnons."
" Mais qui êtes-vous vraiment ? "
" Une construction imaginaire. Un décalage intempestif. L'esquisse d'un mouvement dans le tableau. Une génération spontanée non programmée au coeur d'un système quantique. Une pensée hétérodoxe éjaculée par un concepteur capricieux. En fait, nous sommes, tout simplement. Comme l'ombre est attachée à la lumière. Ni plus laids ni plus beaux que vous. La période diurne nous est interdite mais par contre, lorsque vous rêvez, vous parvenez à vous glissez dans des interstices, des intervalles entre les intervalles, qui mènent ici. Or, l'équilibre est précaire, comme la matière ne fait pas bon ménage avec l'anti-matière. Au-delà d'un certain niveau, la présence d'un grand nombre de rêveurs s'avèrerait dangereuse pour le rêve lui-même. Pour nous en fait ! "
" Régulation? "
" Les seigneurs-gardiens remplissent cette fonction. Prend ce bâton et fais ton office ! " dit-elle en lui tendant la même canne qu'il avait remarquée avant de terrasser Polar. A la différence près que le bâton qu'elle lui offre est uniformément rouge.
Elle continue :
" Je t'ai parlé de rigueur. En effet, si tu n'agis pas avec la plus grande rigueur, à l'instar de tous les autres seigneurs-gardiens, les rêveurs reviendront chaque nuit plus nombreux, mettant peu à peu en péril l'équilibre des deux sphères. Tel est ton futur. Tu erreras sur des chemins poussiéreux et tortueux sur lesquels tu rencontreras des rêveurs évoluant sur le même plan onirique que toi. Tu devras les défaire. Telle est ta charge. Lorsque ce bâton sera entièrement bleu, tu seras libéré . Tu pourras réintégrer les dimensions diurnes. Si tu es tué, tu seras quitte aussi, mais n'espère pas te retrouver debout et vivant au lever du soleil. "
" Et toi ? Tu seras à mes côtés ? "
" Bien sûr. Je laverai tes pieds et tu dormiras près de moi sur cette couche. Je t'aimerai comme aucune femme ne t'a jamais aimé. Je serai ta courtisane ! "
Dans la Cité-Monde, aucune femme ne l'a jamais aimé. Dans la Cité-monde, aucune femme ne l'aimera jamais. Car l'amour physique n'existe plus dans la Cité où seules les pollutions nocturnes témoignent de la fièvre tumultueuse et passagère des trop courtes bouffées de rêves ataviques. Elle l'aimera comme il l'a imaginé au cours de ses lectures anachroniques. Alors que demander de plus, se dit-il en se mettant en chasse...
Fladnag | Apparence | ||
Maedhros | La cinquième forme de l'ordre | ||
Narwa Roquen | Changements | ||
Citadelle |
le 30-01-2009 à 14h21 | Ordre et chaos, Maedhros : commentaire archi en retard | |
Chouette titre. Ca m’interpelle direct. Seiri ? OK, les 5S japonais : trier, ordonner, nettoyer, standardiser, continuer. Le cinquième est donc celui sur la discipline. Excellente idée que d’exploiter ce concept peu connu, et le rapport à l’ordre et au chaos est évident. « Car ce qui ne sert pas doit être éliminé. » : interprétation intéressante du premier S. Les mots curieux laissent devine... | ||
le 17-09-2008 à 21h11 | Le chaos temporel... | |
En relisant, j'ai vu des errements temporels inquiétants que j'ai corrigés en même temps que quelques tournures qui étaient perfectibles. M | ||
le 16-09-2008 à 17h05 | Eblouissante divagation onirique aux accents shakespeariens... | |
On est en pleine tempête, et le héros devra faire appel à tous ses dons pour s’en sortir… Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce texte est sans limite. Il enchevêtre SF, Fantasy et mythologie, avec la complicité de Baudelaire et des sous-titres en japonais… Ca ressemble à un immense délire… mais c’est merveilleusement orchestré, les fondations sont en béton armé, la structure est hypersolide... |