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 WA, exercice n° 27 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 29 novembre 2007 à 17:26:17
Nous allons maintenant entrer dans le monde étrange des roublards et des faux-jetons, en un mot, des menteurs. Vous allez écrire une scène ( incluse éventuellement dans l’histoire de votre choix) où l’un des personnages ment à son ou ses interlocuteurs. Il faut que le lecteur comprenne que le personnage ment, mais que le ou les autres personnages le croient, ou n’aient qu’un léger doute. Bien sûr il n’est pas question que ce soit le menteur qui raconte la scène, ni que vous ayez exposé auparavant les faits racontés par le menteur. A vous d’user de toute votre finesse pour que le lecteur se sente plus intelligent que les autres personnages ( il adore ça !). Mythomane, escroc, comédien ou agent secret, tous les coups sont permis !

Vous avez cinq jours, jusqu’au 4 décembre.
Amusez-vous bien !

Narwa Roquen



PS : Vous ne m’avez pas crue, quand même ! Pour de vrai, vous avez deux semaines, jusqu’au jeudi 13 décembre


Narwa Roquen, qui ne ment jamais... sauf par compassion ,ou pour faire plaisir, ou par vengeance, ou... pour le fun!


  
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Réponses à ce message :
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2007-12-08 17:43:06 

 WA - Participation exercice n°27 partie 1 sur 2Détails
Bon, une histoire courte en deux parties. La première plante le décor et l'atmosphère. C'est la stricte vérité!

________________

REDIMERE



« Amenez-le moi ! »

Je consulte mon chrono. Trop de temps perdu. Trop loin de l’objectif. Trop chaud. Trop épuisé pour gueuler. Je jette un coup d’oeil sur ma meute, vautrée près des rochers qui bordent la petite rivière. Je m’attarde surtout sur les trois absences, silhouettes invisibles qui cheminent comme des ombres parmi nous. Les autres parlent peu. La journée fut rude et glauque. Enfer et damnation. Mon bréviaire dans la poche est un maigre réconfort. Nous défendons Dieu et son royaume. Ne sommes-nous pas les légions célestes, apportant la paix et l’amour entre nos mâchoires de fer et sous nos semelles de plomb ? Et moi, qui suis-je ? Rien qu’un archange, à la tête d’une phalange d’assaut, emmenant sa meute sur les collines pelées de cette région paumée de ce monde oublié. Putain, les anges ont une drôle d’allure ces temps-ci !

« Ca vient ? »

Il arrive, entravé et hagard, poussé, bousculé par mes chiens de garde. Ils rigolent quand il tombe. Je souris en les voyant l’aider à se relever à grands coups de bottes dans les reins. Au-dessus de la scène, les lourds nuages couleur opaline ondulent vers l’ouest, striés d’éclairs violacés. Les conditions météo sont franchement limites. Impossible d’établir une liaison avec La Passion, le vaisseau-dieu qui plane en orbite haute. Je connais un des séraphins qui veillent sans relâche sur les opérations de reconquête. Elle a les yeux pâles et les lèvres douces. Mais elle est trop loin derrière ce ciel fermé. Ne pas penser à elle. Mes yeux reviennent sur la prise de l’après-midi.

Il est juste devant moi, crotté et poussiéreux, maintenu debout par l’amicale pression de mes chiens courants. Je prends le temps de le détailler de la tête aux pieds. C’est un homme entre deux âges, un nez long et courbe au-dessus d’une bouche sinueuse. Ses yeux sont étonnamment vifs et profonds, couleur de l’eau dormante, entre vert et terre. Il soutient mon regard malgré la fatigue qui tire ses traits, malgré les coups reçus, malgré la précarité de son sort. La ligne de ses épais sourcils inspire force et détermination. Il a le front haut et noble et son crâne brille au-dessus d’une couronne de cheveux noirs. Il est vêtu d’une longue robe de toile grossière serrée à la ceinture par une simple corde. Ses pieds sont chaussés de sandales artisanales. Je fais confiance à mon flair, c’est une bonne prise. Ce soir, les séraphins seront aux anges ah ah ah !!!! Et moi, j’irai me saouler avec les miens et ruminer sur les voies du Seigneur en me demandant pourquoi elle m’aura encore dit non .

« Bon, tu vas commencer par me dire ton nom et ensuite, quel est ton rôle dans cette histoire. »

Foutu village. Un point sur une carte, un bled sans importance. Quelques pierres déguisées en maisons, des enfants braillards jouant avec une poignée de chiens galeux. Même pas la peine de s’y arrêter pour racheter quoi que ce soit. Qu’ils aillent tous griller en enfer. J’en ai ma claque de crapahuter pour rejoindre l’objectif et ses milliers d’âmes. Nous qui venons du haut des cieux, qui vivons dans la gloire de Dieu, pourquoi là-haut ils refusent de nous déposer directement sur la cible ? J’ai hâte de rentrer chez moi, là où le miel coule comme de l’or liquide, là où aucune ombre ne m’accompagne lorsque je marche dans les vastes prairies élyséennes.

Et l’embuscade. Leurs armes de bric et de broc, leurs arcs hétéroclites et leurs frondes vrombissantes n’ont pas éveillé nos détecteurs. Si fiers dans leurs cuirasses en vermeil, la visière relevée, Sitael et Reiyel sont tombés à mes pieds les premiers, leurs belles faces transpercées par un carreau d’arbalète. J’ai regardé stupidement le sang rouge maculer leurs magnifiques chevelures blondes. Et puis Nanael, le rêveur, le poète, a roulé aussi dans la poussière quand une pierre aiguisée a fracassé son front glorieux. Hélas, sa voix ne se joindra plus au choeur céleste. Il ne chantera plus à la droite de Dieu.

Notre courroux a été terrible. Oeil pour oeil et dent pour dent, au centuple. Quand nous eûmes terminé, tout n'était que ruines et désolation et plus aucune âme à racheter. La terre est calcinée jusqu’à sa racine. Rien ne poussera ici dans les mille ans à venir. C’est en repartant que Lecabel et Damabiah, mes anges gardiens, mes chiens courants, l’ont épinglé alors qu’il se faufilait parmi un glacis de rochers tourmentés. Il y a un quart d’heure.

Il me toise sans rien dire.

« Dépêche-toi de parler, misérable ver de terre! Je ne suis pas un ange de miséricorde entends-tu ? La vengeance crie dans mes veines. As-tu idée de ce que tu as fait ? Aussi vrai que nous sommes descendus sur Terre pour la dernière bataille, aussi vrai que je m’appelle Rémiel, je te sortirai les tripes de mes mains pour t’aider à délier ta langue! »

Je sais que dans ces moments-là, mon apparence est divinement effroyable. Je brûle d’un feu froid et secret qui terrifie mes adversaires, brillant comme une lame chauffée à blanc. Nul ne soutient mon regard sans sentir son coeur se flétrir et son sang refluer de ses membres. Je suis l’alpha et l’oméga, le symbole parfait du courroux de Dieu, l’expression ultime de sa colère. Car je suis Rémiel, le fidèle entre les fidèles et le vrai servant de la Foi.

La meute fait cercle autour de nous. Je suis plus lumineux que l’astre accroché au firmament en cet instant. Je suis immense et ma taille tutoie l’infini. Ma voix est comme la tempête qui ébranle la côte.

« Parle ! »


M

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z653z  Ecrire à z653z

2007-12-11 17:36:13 

 impression bizarreDétails
Des anges qui meurent si facilement et dont le chef semble si "méchant".... j'attends la suite avec impatience (c'est une vieille amie).
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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2007-12-11 19:20:28 

 Wa, exercice n°27, participationDétails
Education nomade







Yarek hésite un peu sur le seuil de la tente de l’Ancien. Il ne sait pas pourquoi il a été convoqué. Il espère que ce n’est pas encore pour cette histoire de chèvres. Dans une lune c’est la fête de Yel, la grande fête du peuple Akinda, et il voudrait bien y participer... Et peut-être aussi qu’il recevra enfin son poignard, il a déjà treize ans, et cela fait un an déjà qu’il devrait le porter à la ceinture... Ses camarades n’osent pas se moquer de lui ouvertement parce qu’il sait bien se battre, mais il les soupçonne d’en rire quand il a le dos tourné.
L’Ancien est assis en tailleur sur les épais tapis qui recouvrent le sol, près d’une table basse, où sont posés un pichet, deux gobelets, et un petit plat d’argent ; d’étranges herbes y brûlent doucement, répandant un parfum doucereux et entêtant. A quelques pas derrière l’Ancien, Tasmina, sa femme, tricote inlassablement.
Le vieil homme sourit.
« Assieds-toi, Yarek. Je suis content de te voir. Tu veux un bol de lait ? »
Il le sert avec des gestes lents et placides. Le jeune garçon se détend un peu.
« Alors raconte-moi, Yarek... Tu as vu un askurt ?
- Oui, Vénérable. C’est pour ça que les chèvres se sont sauvées.
- Et comment était-il ?
- Grand ! Grand comme... un poney, le poil noir et feu, avec des taches, les yeux rouges... et une gueule pleine de crocs pointus... Et son cri... était horrible ! »
Encouragé par le silence, Yarek reprend.
« Je l’aurais bien attaqué, Vénérable, mais comme tu le sais, je n’ai pas encore le couteau.
- Ah ? », s’étonne le vieillard. « Et quel âge as-tu ?
- J’ai déjà treize ans !
- Ah oui... Déjà... Mais rappelle-moi... Pourquoi n’as-tu pas le couteau ? C’est une erreur ? »
L’adolescent baisse la tête et la relève fièrement.
« Ils ont dit que je me battais trop... Et puis ils ne m’ont pas cru quand... Tu te souviens... L’an dernier, quand les chevaux s’étaient échappés... »
L’Ancien sourit d’un air débonnaire.
« Je ne me souviens plus bien... Raconte encore...
- Il y avait une chose volante dans le ciel, une énorme machine qui crachait le feu juste au dessus de moi, et les chevaux ont pris peur, et j’ai lâché les longes, sinon ils m’auraient traîné...
- Eh oui, ils t’auraient traîné.. La machine volante... Et personne ne t’a cru... Mais tu es le seul à l’avoir vue...
- C’est qu’elle a disparu très vite, Vénérable.
- Eh oui... Alors tu as eu beaucoup de chance de la voir ! Mais dis-moi... Je confonds peut-être... Le feu qui a brûlé la tente de Zeltar...
- Ils ont dit que c’était moi parce que je m’étais disputé avec son fils... Mais ce n’était pas moi ! »
L’Ancien opine du chef. Il boit deux longues gorgées de lait de chèvre.
« Tu n’as vraiment pas eu de chance, mon garçon... »
Yarek pousse un soupir à fendre l’âme.
« Ca non, je n’ai pas eu de chance...
- Bien, bien... »
Il sort de sa poche un poignard au manche de bois sculpté. Le coeur de Yarek se met à battre plus fort, ses yeux s’agrandissent de désir.
« Je vais réparer toutes ces injustices. Voilà ton couteau. »
Yarek a déjà posé dessus une main avide, mais rapide comme l’éclair la main de l’Ancien a recouvert la sienne, tandis que ses grands yeux bleus le fixent de toutes leurs forces.
« Tu es un bon garçon, Yarek. C’est pourquoi j’ai décidé de te confier une tâche digne de toi. Je veux que tu instruises le Groupe des Petits, pendant deux ans. Est-ce que tu te souviens encore de la Chanson des Petits ? »
Yarek n’hésite pas une seconde.
« Nous sommes la Pureté et l’Innocence
L’espoir et l’avenir du Peuple Akinda
Nous sommes les enfants du Vent et de la Terre
Par le Dieu Yel et la Déesse Yer
Nous apprenons avec patience et modestie
Obéissant aux règles de nos Pères
La Vérité, le Courage et l’Endurance
Pour devenir un jour de fiers guerriers.
Nous...
- C’est bien, c’est bien. Je vois que tu as une excellente mémoire. Tu leur apprendras ce Chant, pour la Fête de Yel, et tu seras responsable d’eux pendant deux ans. Je crois que ta petite soeur Nilya en fait partie ? »
Yarek ne peut réprimer une grimace.
« Oui, Vénérable, mais...
- Bien sûr si tu ne veux pas de cette charge, je peux la confier à quelqu’un d’autre...
- Oh non, Vénérable, je te remercie, j’accomplirai mon devoir avec... de tout mon coeur !
- C’est bien, c’est bien, tu es un bon garçon. Va, maintenant. »
L’adolescent disparaît derrière le lourd rideau de cuir qui ferme la tente, serrant sur son coeur le poignard tant désiré.
L’Ancien a un petit rire bref, comme font les vieilles personnes qui économisent leur souffle.
« Et tu es fier de toi, Raski ? »
Tasmina n’a pas levé les yeux de son ouvrage.
« Tu crois que j’ai mal agi, Lumière d e mes Yeux ?
- Cet enfant est un menteur, un chenapan, tricheur, bagarreur, présent dans tous les mauvais coups ! Et toi tu fais semblant de le croire, et tu le récompenses !
- Allons, Tasmina... Cela fait trente ans que je mène le Peuple Akinda... Est-ce que tu crois que je suis devenu gâteux ? »
Tasmina pose son tricot et vient s’asseoir près de son mari. Ses yeux bleus rieurs sont entourés de rides profondes que le soleil des steppes a sculptées de son burin étincelant ; mais pour elle ce sont toujours les yeux de son vaillant guerrier, courageux, fidèle... et plus rusé que le Roi des Renards.
« Toi, tu as une idée derrière la tête. Me jugeras-tu digne de la partager ? »
L’Ancien prend la main de sa femme et embrasse la paume calleuse de celle qui a tant fait pour lui et pour ses cinq fils, puis ses lèvres se posent à la naissance du poignet, là où la peau est encore douce comme celle d’une jeune fille – et malgré son âge, Tasmina éprouve le même frisson de désir qu’autrefois...
« Cet enfant est intelligent, courageux, têtu ; il ne manque ni d’aplomb ni d’imagination. D’année en année, ses mensonges s’affinent, se font plus crédibles, plus subtils. Il commence à savoir mélanger habilement le vrai et le faux... C’est vrai qu’il a vu un askurt, nous l’avons tous vu, il y a trois ans, quand Kiaz en ramena la dépouille... Et tandis qu’il parlait, l’image en était très nette dans son esprit... Tasmina, te rends-tu compte ? Une part de lui-même arrive à croire à ses mensonges, voilà une force inestimable !
J’ai fait semblant de le croire, dis-tu. Oui, aujourd’hui, Yarek est persuadé qu’il m’a berné comme un innocent. Mais si Yel et Yer me prêtent vie, il reviendra un jour de son propre chef sous cette même tente pour me dire :
« Vénérable... Vous vous êtes bien moqué de moi ! »
Ce jour là il sera adulte, et crois-moi, le peuple Akinda n’aura pas de guerrier plus loyal...
Est-ce que je l’ai récompensé ? Le couteau... Bah, il a treize ans, on ne pouvait pas attendre plus longtemps... Et s’occuper des Petits, tu sais, Tasmina, je l’ai fait avant lui, ce n’est pas vraiment un cadeau... Mais je suis sûr qu’il s’en tirera très bien. Cet enfant a l’âme d’un chef, tu verras, Tasmina, quand le temps sera venu...
- C’est vrai qu’il me rappelle quelqu’un », lui sourit Tasmina. « Tu te souviens quand tu avais volé le cheval de ton père pour participer à la course des Jeunes Guerriers ? Tu l’avais gagnée, mais bien sûr ils t’avaient disqualifié parce que tu étais trop jeune !
- J’avais dix ans, je m’en souviens ! Quelle course ! Mais ensuite » - L’Ancien manque de s’étouffer d e rire - « quelle correction j’ai reçu ! Et ce jour où j’ai donné une fausse alerte, afin que tous les guerriers quittent le camp...
- J’étais punie sous ma tente. Quand tu es entré, tu m’as dit « la punition est levée, veux-tu venir au bord de la rivière avec moi ? » Tu étais mon héros, je t’aurais suivi au bout de l’horizon !
- Je ne t’avais pas vue depuis deux jours ! J’avais quoi ? quatorze ans ? Et déjà je ne pouvais pas vivre sans toi... Tu sais, je serais prêt à le refaire, pour t’embrasser encore au bord de la rivière...Tu as toujours eu les plus beaux yeux du monde... »
Dans la pénombre claire de la tente, Tasmina rougit un peu.
Narwa Roquen,fille du vent

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2007-12-11 23:23:31 

 WA - Participation exercice n°27 fin Détails
Il ne frissonne même pas. Les commissures de ses lèvres esquissent un sourire sinueux qui ne franchit pourtant pas le seuil de la provocation. Il inspire profondément et me répond, d’une voix basse et étrangement musicale.

« Seigneur, qui suis-je pour intéresser un Ange de Dieu descendu des cieux ? Qui suis-je, à part un pauvre et insignifiant pêcheur qui attend comme ses congénères la Rédemption. Si tu veux mon nom, je réponds à celui de Jon et je vis derrière les collines là-bas » Fait-il en tendant un bras vers la terre qui s’étend au-delà de la rivière, vers l’ouest.

Sa voix est apaisante, comme une eau fraîche qui glisse sur des galets lisses et ronds. Une voix agréable, qui retient l’attention de mes anges de guerre, accroupis ou avachis en cercle autour de nous. Leurs visières d’or baissées sur leurs casques de même métal leur confèrent cette aura si particulière qui a tant frappé l’imagination de ces peuplades primitives lors des opérations d’imprégnation. Je dois faire un léger effort pour me concentrer sur ma colère.

« Ainsi tu t’appelles Jon. Quelle est ta fonction Jon?

- Je suis un petit fonctionnaire de l’Organisation des Nations Unifiées, affecté ici depuis quatre ans déjà comme planificateur écologique de 2ème classe. Enfin, c’était ma fonction avant! Maintenant, je suis au chômage technique!

- Où est ta marque? La marque des Elus. Ton front est vierge. Seuls ceux marqués du signe de Dieu seront sauvés après la dernière bataille. Si tu n’as pas la marque de Dieu, cela veut dire, pour moi, que tu appartiens à la Bête. Tu connais le sort réservé aux serviteurs de la Bête. Réponds!

- Noble Seigneur, je n’appartiens pas à la Bête, je te le jure. Lorsque l’Ange a frappé à ma porte, j’étais cloué au lit par une attaque du H3V5, cette affection chronique due aux parasites biochimiques. La marque ne peut être appliquée en pareil cas. L’Ange a dit qu’il repasserait mais il n’est jamais repassé ! »

Je scrute profondément ses yeux qui ne cillent pas. Il affronte mon regard sans broncher, un masque de candeur innocente irréprochable sur le visage. Il dit vrai. Les symptômes du virus H3V5 entraînent une résistance particulière au marquage de la chair. Et les Anges affectés à cette mission préfèrent de loin aller en découdre avec les légions infernales. Je peux les comprendre. Je secoue la tête, la voix du fonctionnaire endort mes doutes.

« Alors, si tu n’as rien à te reprocher, pourquoi t’enfuyais-tu? Tu as quelque chose à voir avec l’embuscade de tout à l’heure? Je traque les Démons en maraude sur le chemin de Jérusalem. Comme celui qui a insufflé aux humains du village cet acte de pure folie. Peut-être toi? »

- Moi, un Démon Seigneur ? Non, regarde-moi, est-ce qu’un Démon se serait laissé attraper si facilement ? Je ne suis qu’un pauvre humain, terrifié par la démonstration de puissance toute divine qu’il vient de voir. Oui, j’avoue Seigneur, certes je m’enfuyais mais aiguillonné par une peur viscérale et incontrôlable! Je ne connaissais pas ces infidèles! Je suis un simple fonctionnaire onusien attaché à l’étude de la Mer Morte.

- La Mer Morte. Un fonctionnaire écologique. Ton histoire m’intéresse. Dis-moi le nom de cette rivière moribonde qui coule ici.

- Jourdain. Avant, c’était un fleuve. Comme la Mer Morte qu’on continue à appeler ainsi même s’il n’en reste qu’un tout petit lac aux prodigieuses propriétés. Mais Seigneur, il faut que je me hâte pour rejoindre moi aussi Jérusalem, avant la nuit. On dit que la plaine de Judée n’est pas sûre en cette période troublée.

- Jérusalem. Je ne peux te relâcher de la sorte. Jon, je ne parviens pas à lire ton coeur mais je tiens ta vie entre mes mains. Pour te rendre la liberté, il me faut la preuve que ton âme est restée pure et immaculée. Alors je vais te poser trois questions. Comprend bien. Chaque question est en soi une épreuve. Echoue à une seule et tu seras précipité en dessous et ton âme restera mille ans encore prisonnière des ténèbres, jusqu’à la deuxième résurrection. As-tu bien compris Jon? »

Il opine du chef. Par-dessus son épaule, j’interroge silencieusement du regard Lelahel, l’Ange de la Vision Profonde. Il me rassure d’un geste discret, l’homme ne présente aucun signe de possession démoniaque. Dommage que nous ne puissions compter sur les ressources illimitées de La Passion. Ce n’est apparemment pas un Ange Déchu, l’un des nôtres ayant suivi le Meilleur d’Entre Nous au début des Temps.

« Première question. Ecoute bien Jon. Tu n’ignores pas que nous sommes venus pour revendiquer cette Terre et annoncer la Parousie, le Retour Glorieux du Roi du Ciel. Nous combattons la Bête Immonde levée du fond de l’Enfer. Ecoute attentivement. Tu connais les nombres premiers n’est-ce pas? Bien. Alors, si je porte au carré les sept premiers d’entre eux, qu’obtiendrais-je? »

Je le regarde fixement. Il ne donne aucune impression d’inconfort, c’est étonnant. Serait-il un martyr? La question est relativement simple pour un homme de sa condition. Mais la réponse n’est pas évidente. Jon passe une nouvelle fois sa langue lentement sur sa lèvre supérieure. La chaleur danse dans l’air en volutes floues verticales. Un silence de cathédrale s’est abattu sur ce bout de Terre Sainte. Ses narines se pincent, signe impalpable d’une nervosité contenue. Une ombre passe dans son regard, comme un lac qui s’assombrit sous un ciel d’orage.

« Noble Seigneur, ma réponse est celle-ci. Le total de cette opération est exactement égal à l’addition suivante : 9+87+6+543+21. En outre, selon une table gématrique, c’est aussi le nom du Seigneur des Ténèbres et pourtant porteur de Lumière. C’est enfin un nombre d’homme. Mais prononcer ce nombre, c’est appeler l’ombre. Aussi, permets-moi de le taire et pose-moi la seconde question. »

Je ne sens aucune ride à la surface tranquille de l’eau sous l’orage. La réponse est acceptable. Je perçois un murmure dans les bandes haute fréquence du réseau privé de la phalange. Mes Anges sont à la fois décontenancés et terriblement intéressés. Car la réponse ne peut qu’appeler la curiosité.

« Jon. Tu as bien répondu. Le Verbe peut réveiller des puissances ténébreuses plus sûrement que l’invocation de mille Sorcières réunies en cercle au clair de lune. Alors voici la seconde question. Jérusalem est la cité que je vais racheter demain en livrant bataille au pied des murailles millénaires. En face, il y aura Bérith le Centaure Rouge, Duc des Enfers, à la tête de 26 légions, qui revendiquera les âmes de cette cité pour son maître. Alors dis-moi et réponds sans détour. Devrais-je attaquer dos au soleil levant ou plutôt dos au soleil couchant? »

Le fonctionnaire paraît légèrement désarçonné par la question. Un voile brumeux s’est levé sur le lac glacé de ses yeux. Les Anges se sont relevés et se sont approchés. L’écho de la deuxième question semble flotter longuement dans l’air épais et surchauffé de cet après-midi. Canicule d’enfer. L’homme me donne l’impression de chercher prudemment les termes qu’il va employer. Quand il parle, sa voix est toujours égale et musicale, telle la brise d’automne virevoltant entre les arbres couverts d’or et de cuivre.

« Noble Archange, la question est difficile. Je ne sais si ma réponse te satisfera. En cette saison, les aurores sont souvent gâtées par un vent de sable tourbillonnant qui balaie la plaine de l’ouest vers l’est. Si tu te tiens dos au levant, le sable risque de contrarier tes plans et annuler l’avantage de la lumière dans les yeux de ton ennemi. Tu ne pourras répéter la stratégie de Salomon contre Pharaon. Mais Salomon n’était pas un Archange et ne combattait pas à la tête d’une phalange céleste. D’un autre côté, Pharaon n’avait pas les pouvoirs d’un grand prince de l’Enfer. Alors, il ne reste que l’autre proposition. Mais ne dit-on pas que le crépuscule est propice au ballet des Infernaux? »

Lelahel ne dit rien. Il se contente de hocher pensivement la tête. Rien ne l’alerte dans les paroles de cet humain particulièrement sagace. Sa réponse est valable et ne prête pas à confusion, ce penchant auquel ne peuvent résister longtemps les Démons. Il me reste qu’une question. Une dernière question.

« Bien répondu Jon. Voici venir la dernière question. Tu es un homme et en tant que tel, je souhaite connaître ce que tu penses intimement de la Parousie que la Terre est en train de vivre? Entre les Anges et les Démons, entre Dieu et le Diable, finalement entre le Bien et le Mal, qu’opines-tu? »

L’homme chancelle un petit peu et sans l’aide des Anges Gardiens, je crois qu’il aurait perdu l’équilibre. Mais il se ressaisit rapidement. Il me coule un regard torve. Il ne sourit plus vraiment, du moins, c’est mon impression.

« Qu’est-ce que le Bien ou le Mal en ces temps de fin du monde. Vous êtes là pour annoncer le retour du Roi du Ciel, alors j’attendrai l’issue de la dernière bataille. L’attente n’est-elle pas le propre de l’homme. Elle voile les paysages en gris, elle patine de poussière les plus nobles illusions, elle est la parenthèse entre la naissance et la mort. Ce qu’on attend est toujours situé entre le Bien et le Mal n’est-ce pas Seigneur? »’

Les nuages s’amoncellent sur l’occident. Une lumière crue et violente descend en longues nappes au-dessus des collines dénudées. Une lumière jaunâtre et moirée. Une lumière d’apocalypse. Les paroles de l’homme n’ont provoqué aucune réaction de mes instincts angéliques. Ni de la part de Lelahel qui reste muet. Je connais Berith, le Duc Démon que j’affronterai demain. Il revêt volontiers l’apparence d’un jeune soldat vêtu de pourpre, chevauchant un destrier couleur de sang. Le Centaure Rouge. Mon Adversaire sur le vaste échiquier du combat final entre les forces du Bien et celles du Mal. Berith, celui qui voit l’avenir et le passé, le maître des alchimistes, le fléau de Midas, le Menteur Eternel. Est-ce lui qui se tient devant moi?

Le soleil s’enfuit vers l’Occident, allumant un immense incendie sur l’horizon en dardant ses rayons au travers des nuages déchiquetés. Les Anges se pressent à présent, attendant la Divine Providence. Mais seul le silence succède aux paroles du fonctionnaire. Les Cieux restent sourds et je ne parviens pas à discerner la Vérité. Le temps s’écoule inexorablement. Il faut conclure.

«Pars, tu es libre. Mais sache que ton âme n’est pas rachetée. Tu as surmonté cette épreuve mais je ne rachète pas ton âme. Il te faudra encore attendre. C’est sans doute le propre de l’Homme. »

Il détale sans demander son reste et je ne le quitte pas des yeux jusqu’à ce que sa silhouette disparaisse derrière les collines. Je suis fourbu. Les séraphins n’auront pas leur prise. Pourquoi ai-je oublié que le Diable se cache toujours dans les détails ?

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2007-12-12 19:51:21 

 A menteur, menteur et demi...Détails
L'histoire est fondée sur l'apprentissage, le passage vers l'âge adulte d'un petit menteur qui se fait gruger par un plus grand manipulateur.

Tu mélanges habilement deux types de mensonges :

- Le mensonge limite mythomanie utilisé par Yarek pour essayer d'embobiner l'ancien.

- Le mensonge "politique" qui, comme disait John Arbuthnot, est "cet art de convaincre, de faire accroire des faussetés salutaires et cela pour quelque bonne fin". Généralement, c'est l'art réservé au chef ou au dirigeant.

Grâce à ce mensonge, tu restes fidèle aux consignes. Subtil!

Donc, en définitive, une histoire de vent...

M

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z653z  Ecrire à z653z

2007-12-13 22:32:55 

 C'est là qu'on signeDétails
"Bien sûr il n’est pas question que ce soit le menteur qui raconte la scène, ni que vous ayez exposé auparavant les faits racontés par le menteur. A vous d’user de toute votre finesse pour que le lecteur se sente plus intelligent que les autres personnages ( il adore ça !)."

Pour une fois que je trouve que Maedhros respecte plus les consignes que toi :D

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2007-12-14 17:06:28 

 Commentaire Maedhros ex n°27Détails
Je verrais bien la caméra se promener, dans une lumière crépusculaire, sur un champ de bataille d’où montent des râles agonisants, au milieu de ruines encore fumantes ; la musique est un Requiem de Mozart, et le choeur de voix graves répète « redimere, redimere... »
Je pense que cette histoire plairait bien à O. Scott Card.
Un titre en latin, une histoire inspirée d’une Apocalypse en syriaque, des anges qui meurent, un Archange qui rêve de plaisirs charnels... sans oublier un problème de math ! Raton laveur mis à part, c’est sûrement un des meilleurs textes que tu aies écrit sur Faëries. L’ange violent face au démon charmeur, ça donne un tête à tête de haute volée ! Qui plus est, j’ai réussi à te faire écrire un dialogue, et je n’en suis pas peu fière... d’autant qu’il est excellent ! La consigne est non seulement respectée mais magnifiée, sublimée !
C’est un texte fort, dense, subtil, cultivé, intense, intelligent – ah les trois questions façon Sphinx, ah l’influence insidieuse du démon qui se faufile dans les certitudes de l’ange vengeur jusqu’à les diluer dans une confusion totale, ah les « pierres déguisées en maisons », ah le discours sur l’attente...
C’est une pure merveille, et je m’incline pour t’en remercier.






PS : pour ceux qui l’ignorent, « redimere » signifie en latin « racheter ». C’est le même mot en italien, mais vu le contexte biblique, je pense que c’est du latin.
Narwa Roquen,qui préfère quand même le Dieu des Chats

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2007-12-17 13:27:45 

 Miroir, miroir...Détails
On reconnait bien là notre Maedhros, qui joue avec les reflets et les inversions. Excellent texte, et en plus, il est court! Ce qui, pour être contraire à tes habitudes, me ravit. Concis, précis, efficace, l'ambiance et l'univers sont bien posés, la description du "démon" me plait beaucoup, et le dialogue est fort intelligent.

Félicitations!

Elemm', qui fait court, elle aussi (mes participations à la WA sont d'ailleurs plus que courtes, en ce moment... :D)

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2007-12-17 13:31:00 

 :)Détails
Ah, si on avait les moyens, à l'Education Nationale, d'éduquer tous les menteurs comme ça... :)

Elemm', rêveuse, utopiste voire délirante ^^

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-02-06 17:54:44 

 Exercice 27 : Maedhros => CommentaireDétails
Oh, encore un titre mystérieux... On dirait du latin. Après lecture de la nouvelle et enquête sur Google, petit coup de chapeau, c’est joliment trouvé.
Joli contraste entre la beauté supposée du dessein des légions de Dieu et l’horreur de la guerre, mise en relief avec un champ lexical de la bestialité (meute, mâchoires, chien de garde...). Le background m’a furieusement rappelé Stella Inquisitorus, avec les marines de Dieu et du Diable, les vaisseaux spatiaux cathédrales... J’aime assez l’emploi de l’adjectif « sinueux » dans la description du menteur. Après tout le Serpent était le roi des menteurs.
Le personnage de l’archange est intéressant, exilé loin du paradis, dans la boue et la fange, épris de plaisirs terrestres.
Les noms des anges sont parfaits. Ce sont des vrais ?
Violents les serviteurs du Seigneur... Exactement comme je me les imagine, des bouchers qui croient oeuvrer pour le Bien, aussi violents que ceux d’en face mais fanatiques en plus, comme dans les guerres de religion de notre pauvre réalité. « Je suis l’alpha et l’oméga » : bien placée cette réplique.
Le fait que le menteur ne tremble pas quand Rémiel fait son numéro est déjà suspect. Il semble également posséder un sacré pouvoir de suggestion et une intelligence aiguisée. Serait-ce LE menteur en personne ? Le prince du mensonge ? Rémiel ne le reconnaîtrait-il pas ?
« la Bête » : hou, j’adore ce jargon, ça parle à ma fibre sorcière, cabaliste et joueuse d’In nomine satanis !
Eh ben, la guerre sainte a sacrément ravagé la Terre ! « le Meilleur d’Entre Nous » : l’appelerait-il vraiment encore comme ça ? Possible qu’il ait été le meilleur mais il s’est rendu coupable de sacrés péchés par la suite, tout de même !
Drôlement bien formulée la première réponse du menteur. « Porteur de Lumière » : faut avoir une certaine culture pour te suivre, comme d’habitude.
Les questions de l’archange sont curieusement choisies et inattendues. Ca donne un ton vachement mythologique, énigmes et tout ça. Un homme ordinaire, un simple quidam aurait-il su y répondre ? S’agit-il de pièges ? La troisième réponse est extrêmement louche. Il faut que les anges soient troublés pour ne pas le voir. J’aime bien la fin. C’est vraiment une histoire sympathique, j’adore !

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-02-06 17:57:06 

 Exercice 27 : Narwa => CommentaireDétails
Les mots sont curieux. Qu’est-ce qu’un askurt ? « Lumière de mes Yeux » : c’est mignon, ça. Par contre, je ne savais pas qu’il mentait avant que les deux vieux n’en discutent. Donc, soit je suis un peu concon, soit tu ne respectes pas vraiment la consigne.
Il aurait vraiment pu ne pas avoir de chance ce petit. Il aurait fallu montrer son trouble de façon plus nette peut-être. Les deux vieux sont sympas. C’est touristique en plus, tu changes de contexte à chaque fois et tu dois pas mal te documenter. Mais le texte est trop court je trouve, et il se finit un peu brusquement. J’aurais apprécié de mieux connaître les personnages, d’avoir une description du paysage, des costumes...

Est', en pleine lecture.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-02-06 19:01:21 

 Ce sont bien des noms labellisés...Détails
Cette page y est consacrée (c'est le cas de le dire!) :

Les noms des Anges


M

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