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 WA, exercice n°33 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 6 mars 2008 à 17:31:30
Il y a mille et une façons d’écrire une histoire...
Si vous voulez bien, nous allons en explorer une nouvelle. Cette histoire ( dont le thème est libre) sera racontée uniquement à l’aide de lettres que deux ( ou plusieurs ) personnages échangeront. En fonction du contexte, il peut s’agir bien entendu aussi de mails, voire de SMS... Ce procédé serait lassant pour un roman (encore qu’il me semble que cela a déjà été fait (avis aux Googlophiles...), mais il convient bien à une nouvelle. Un des écueils que vous aurez à surmonter sera la présentation des personnages. Ils peuvent se rencontrer entre deux courriers, mais le lecteur ne peut l’apprendre que dans une lettre.
Creusez-vous bien la tête, vous avez toute ma confiance... et deux semaines, jusqu’au jeudi 20 mars.
Avec toute mon amitié
Narwa Roquen, qui aime les belles lettres...


  
Ce message a été lu 20472 fois

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Réponses à ce message :

Pages suivantes : 1 - 2
Liette  Ecrire à Liette

2008-03-06 22:32:02 

 Belles lettresDétails
Sans être Googlophile, je ne peux qu'évoquer les Liaisons dangereuses ! Bon, il y a plus que deux personnages, mais tout le roman n'est que lettres qu'ils s'écrivent les uns aux autres, sans que cela soit lassant pour autant !

Mais je vais m'atteler à la rédaction de ce nouvel exercice...

Ce message a été lu 6587 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-07 14:00:49 

 Roman épistolaireDétails
Rhôôô le beau sujet !!!
Mon préféré est Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Un pur chez d'oeuvre.
Citons aussi Dracula de Bram Stoker.

Est', même pas besoin de Google.

Ce message a été lu 6499 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-07 14:12:45 

 Complètement bienvenue !Détails
Je vois que nous avons déjà un point commun, celui d'avoir succombé au charme sulfureux du Vicomte de Valmont. Il faut dire qu'il a un style tout à fait inimitable, surtout dans la lettre à la Présidente où il utilise ce pupitre si particulier.

Je me présente, Estellanara, biologiste informaticienne dans ce monde et elfe aux cheveux violets dans l'autre. Rôliste, chélonophile, lectrice assidue et écrivain amateur, fan de mangas, de SF, de Bollywood et de toutes sortes de choses encore.

Je vois que tu as participé à la WA. Je ne manquerai pas de te lire et de te commenter dès que j'aurai rattrappé mon retard (oups).
D'ici là, je te souhaite un excellent séjour ici bas.

Est', bientôt en week end.

Ce message a été lu 6653 fois
Liette  Ecrire à Liette

2008-03-07 14:22:57 

 Merci !Détails
Merci de cet cet accueil chaleureux !
Moi dans la vraie vie, je suis étudiante à Sciences-po Toulouse et j'aime les chevaux, le dessin, la peinture... Et les beaux textes !

Je n'ai jamais compris comment ce cher Vicomte avait d'ailleurs pu écrire sur un support si moelleux... Mais passons ^^

De mon côté, le retard est énorme, puisque je me plonge dans les textes écrits par les Faëriens, au petit bonheur la chance... Je m'en vais lire un des tiens puisque c'est comme ça !

Liette, déjà en week-end.

Ce message a été lu 6952 fois
Netra  Ecrire à Netra

2008-03-08 10:47:45 

 Dracula...Détails
Ah, pardonne-moi de ce petit purisme, Est', mais je me permets de préciser que ce chef d'oeuvre de la littérature irlandaise n'est que partiellement épistolaire : l'essentiel du texte est composé des journaux plus ou moins intimes des différents protagonistes, seul un passage relate la correspondance entre les deux héroïnes (et oui, y'a pas beaucoup de filles...) Mina et Lucy. Y'a aussi un article de journal, en y repensant...
Et dans les autres romans épistolaires, je citerai volontiers Les Lettres Persanes de Montesquieu, histoire de taper un peu dans l'autodérision.
MorgaNetra, chibi blue warrior juste rentré de vacances qui reprend illico du service

Ce message a été lu 6668 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-09 12:08:59 

 PurismeDétails
Bon t'as raison mais je pense qu'on peut élargir un peu le roman épistolaire aux autres documents proches (journeaux intimes, articles...), le but de ce style restant de donner au lecteur l'impression qu'il s'agit de sources réelles. On pourrait sûrement en trouver plein d'autres d'exemples mais je n'ai cité que les deux qui me venaient spontanément à l'esprit. A une époque, ce style était très à la mode.

Est', le sang est la vie !

Ce message a été lu 6578 fois
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-03-17 22:44:09 

  WA - Participation exercice n°33Détails
PONY EXPRESS



Jackson, le 11/04

Cher ami,

Reprendrions-nous le fil de notre vieille conversation? La découverte de ton petit message griffonné sur le journal d’hier m’a plongé dans une grande perplexité Cela faisait un bout de temps que je n’avais plus reçu de nouvelles de ta part. Tu es si près et pourtant si inaccessible mon vieil ami! Tes quelques mots ont arrêté le temps et je me suis assis pour m’imprégner de chacun d’entre eux.

Ainsi, tu es toujours en vie! J’avais presque oublié que tu es un des rares à s’intéresser à moi. J’ai eu beaucoup à faire ces temps derniers. Des histoires compliquées qui m’ont tant accaparé que j’en ai oublié tout le reste. Je crois que mon domicile le plus stable ces derniers mois a été un siège au fond de ces trains de nuit qui relient dans le noir les îlots de lumière.

Tu ne peux pas imaginer comment est le monde vu d’une plateforme qui sépare les wagons. La plupart du temps je dors, les portes coulissantes fermées. La nuit, j’ouvre une porte et je m’assieds, les jambes ballantes au dessus du ballast. J’adore respirer l’air nocturne. Il y a quelque chose de pur et de vierge, même quand il pleut. Surtout quand il pleut. J’ai parcouru le pays de gare en gare, en écoutant David Bowie sur un vieux walkman trouvé près d’un entrepôt de triage. Tu connais David Bowie? J’avais piqué des cassettes dans un drugstore et sur une, il y avait cette chanson qui raconte le retour du Mince Duc Blanc... J’ai bien aimé ce nom et j’ai pris l’habitude de signer ainsi toutes mes lettres. Le Mince Duc Blanc. C’est comme ça qu’on me connaît à présent.

Aujourd’hui, j’ai été au bord de la rivière où j’ai écouté les paroles du vent dans les branches des grands arbres. A en croire le ciel, demain le vent sera encore plus violent. Quand je regarde vers l’ouest, la rivière se teinte de rouge en plongeant dans le soleil couchant. Tu vois, quand je t’écris, j’ai l’impression d’être libre de dire certaines choses. Des choses intimes, des choses personnelles. J’ai un travail à accomplir, une mission à remplir sur Terre. Il y a une voix dans ma tête qui me dit où aller et ce qu’il faut faire. Tiens, j’ai trouvé un jeu tout cabossé au fond d’une banquette la semaine dernière. Il a dû être abandonné là depuis longtemps, coincé entre la paroi et le fauteuil. C’est un jeu de l’oie. Il ne reste que le plateau. Ni pion, ni dé. Juste un vieux plateau aux cases à demi effacées. Tu me crois si je te dis que je peux rester des heures à contempler le chemin qui s’enroule jusqu’à la dernière case? Un jour, quand j’ai levé enfin les yeux du plateau, il faisait presque jour.

Voilà, je suis fatigué et lutter contre le sommeil devient difficile. J’espère que tu liras ce mot et que tu me répondras!

The Thin White Duke.




Monroe, le 19 avril

Bonjour “Vôtre excellence”,

J’ai reçu ta lettre. Elle était posée en évidence sur le bord du comptoir. Mon nom dessus comme d’habitude. J’ai reconnu ton écriture, serrée et courbée. Tu as raison quand tu dis que nous sommes proches. J’ai l’impression que nos vies sont tellement semblables. Différentes bien sûr mais par certains côtés parallèles. C’est ça, parallèles. Un peu comme les rails d’une ligne de chemin de fer. Tu dois être un rail et moi l’autre, toujours fuyant dans la même direction mais sans jamais se rencontrer. Pourtant j’ai quelques fois le sentiment de ressentir ce que tu ressens. D’être dans la pièce juste à côté de celle où tu te trouves. Un sentiment de proximité indéfinissable.

Quand j’y réfléchis, c’est assez terrifiant non? Je ne connais pas David Bowie, d’ailleurs, je n’aime pas trop cette musique. Trop européenne à mon goût. Je préfère la country. Je n’écoute que ça sur mon vieux Sony à cassettes. Hank Williams, ça c’est un chanteur qui te prend les tripes. Il n’y en a plus des comme lui maintenant. Que de la frime et du bruit. De la frime et du bruit.

Je suis content que tu aies apprécié mon petit mot. J’espérais bien que tu passerais par là. Je m’étais levé avec cette idée. Après, elle ne m’a plus quitté jusqu’à ce que je me décide à griffonner ce papier. Faut dire que j’ai du temps. Mon boulot ne va pas fort ces temps-ci. Je ne supporte plus de voir mes collègues avec leur satané uniforme de l’US Postal. J’ai horreur des uniformes. Mais c’était ce job ou toucher l’allocation chômage de misère. Alors, j’ai signé au bas du formulaire et j’ai pris le job. Au moins, je ne suis plus sur les statistiques de l’Oncle Sam. Et l’avantage, c’est les voyages. C’est d’ailleurs pour ça que je l’ai pris. Un job où je serais planté 9-12 14-17, du lundi au vendredi, au même endroit, très peu pour moi. J’ai le gène de la bougeotte dans le sang. Depuis tout petit. Je suis comme les requins. J’ai lu quelque part que si un requin s’arrête de nager, il meurt. Tout comme moi. Si j’arrête de bouger, je meurs aussi!

Tiens, tu dis que tu veux qu’on t’appelle à présent le Mince Duc Blanc. Quelles sont ces lettres, je ne comprends pas bien? Mais je vais faire comme toi! Appelle-moi maintenant le « photographe ». C’est ça, j’aime bien la photographie. J’ai eu dans le temps un vieil appareil photo. Même pas un réflex. Un tout automatique avec une focale fixe et juste un levier à actionner. Tout plastique évidemment, mais c’était fait aux USA. J’ai tout jeté. Les photos, elles sont dans ma tête. Les verts surtout. Ma couleur préférée.

Tout à l’heure, un gars du FBI est venu au bureau de poste pour demander si nous avions remarqué quelque chose de bizarre. Le chef a répondu qu’il n’avait rien remarqué. C’est vrai que la disparition de la jeune Jenna a secoué tout le monde ici. Ses parents ont lancé un message sur la chaîne d’infos locale, en pleurs, surtout la mère, qui n’arrivait pas à endiguer le flot des larmes. Avant de repartir, le flic du FBI m’a regardé un petit moment derrière ses ray-ban noires. Il a écrit sur son petit calepin qu’il a refermé doucement et est finalement sorti. Il n’est pas revenu.

Cette foutue pendule me rendra fou. Ses grandes aiguilles m’emprisonnent comme dans une prison. A partir de quatre heures, le temps ne passe plus. Le dernier client parti, on attend cinq heures pour sortir. J’ai l’impression que cette horloge se fout de moi. J’ai hâte de quitter cette ville, ce bureau de poste minable. Demain sera un autre jour, dans un autre endroit...il y a un postier à remplacer dans le sud. Mon baluchon est prêt. Je pars par le train de nuit...

Le photographe





Shreveport, le 30 avril

Bonjour,

J’ai reçu ta lettre ce matin. Elle était jetée sur un tabouret isolé dans la voiture bar et j’ai failli la manquer. Elle était froissée comme si la mère Lizzie s’était roulée dessus avec ses cent cinquante kilos. Tu as connu Lizzie la coquine? Non, bien sur.

J’ignorais que tu avais des dons de photographe. Photographier, c’est peindre avec la lumière non? J’aime bien cette idée de modeler la lumière, la courber à son désir. Moi, si je devais photographier, je mettrais sur l'objectif un filtre rouge. Et jamais je ne l’enlèverais. Les couleurs naturelles ne m’intéressent pas. A quoi bon capturer ce qu’un oeil peut voir? La dernière chose que j’ai vue en partant l’autre jour, c’était une rivière de sang... sur un ciel indigo. Il y avait une case sur le jeu craquelé, une case où un pendu semblait me sourire. Son corps se balançait au-dessus d’une rivière. Comme celle où j’ai nettoyé mes mains toutes rouges. Parmi les joncs et les saules. Une rivière paresseuse du Sud comme on les imagine. Dans mes oreilles, David murmurait :

I wish you could swim
Like the dolphins
Like dolphins can swim


Mais la princesse ne savait pas nager. Non. Pourtant elle était si jolie avec son beau tablier. Mon petit chaperon rouge...

Il m’est arrivé une chose étonnante. A côté de ta lettre, il y avait une autre enveloppe, sans rien dessus. Je ne sais pourquoi mais quelque chose m’a dit qu’elle avait un lien avec moi...avec nous... Alors, je l’ai ouverte. Elle contenait une grande page arrachée à un cahier d’écolier. Un cahier à dessins. La page était pliée en quatre. Mes mains tremblaient quand je l’ai dépliée. C’était un dessin d’enfant. Une petite classe. Tu sais, ces dessins que nous faisait faire la maîtresse. Cela représentait deux personnages. Il y avait un géant, ou un ogre, bariolé de noir et de rouge, qui écartait des bras se terminant par des griffes. Pas des mains mais des griffes comme celles de Freddy. Le trait était rageur, violent... Et sous la menace de ces griffes, il y avait une petite silhouette, un enfant sans doute, avec un rond pour le visage et des bâtons pour les bras et les jambes. Très stylisé. Cela transpirait l’angoisse, je pouvais quasiment la ressentir... Ce qui m’a frappé, c’est que ce dessin était déséquilibré. Je ne sais pas, une forme d’absence, quelque chose qui manquait, une pièce importante. Je savais ça mais impossible de dire quoi. Alors, j’ai soigneusement replié le dessin et je l’ai glissé avec tes lettres.

Je suis content que tu aies pu sortir de ce bled. Moi, je ne regarde plus les panneaux. Avant oui. Maintenant plus. De toutes façons, il fait toujours nuit quand le train entre en gare. Et les gares sont partout les mêmes. Alors quelle différence que la ville porte un autre nom? Le jour, je dors dans un des wagons vides stationnés à l’écart. Je me sens comme l’un d’eux. Un wagon perdu qui rouille inutile sur une voie de garage. Je ne fais plus partie du convoi. Les voyageurs patientent sur le quai. Je peux les voir lire le journal ou discuter entre eux. Et puis, il y a toujours une tache rouge qui finit par attirer mon attention, qui me fait mal aux yeux tellement elle s'imprime sur mes rétines ... Alors, je ne parviens plus à penser à autre chose. Qu’à cette tache rouge qui m’obsède... Il n’y a plus qu’elle dans ma tête. Une tache rouge! Il me la faut!

Je crois bien que j’ai croisé aussi ton type aux lunettes noires. Il était sur le quai hier. Il cherche quelque chose. Je sens qu’il faut que je reste hors de sa vue. Personne n’aime les vagabonds. Alors, je me fais tout petit et j’attends. A bien y penser, il était aussi dans la gare précédente, et puis dans celle d’avant...si je me concentre bien, je suis sûr qu’il n’est jamais bien loin de moi!

Bon, mes mains ont séché et elles sont aussi propres que celles d’un nouveau-né. Je les lave toujours dans les toilettes publiques, au bout du quai. Je savonne encore et encore dans le lavabo de faïence. L’eau rouge s’écoule en longues spirales qui disparaissent dans le siphon. Je te quitte, il faut que je retourne dans le wagon. J’espère que tu te portes bien !

The Thin White Duke.





Longview, le 10 mai


J’ai trouvé ta lettre sur la pile du sac postal qui dégueulait sur le long bureau. J’ai appris que Forest Whitaker, l’acteur, était né ici. Je suis descendu dans l’American Best Value Inn, ses chambres à 25 dollars et sa vue imprenable sur l’autoroute. Quand j’ai été prendre un café dans le self en face, il y avait sur le mur, derrière le comptoir, une photo de Forest dédicacée. Le patron a suivi mon regard et a débité son couplet sur l’enfant du pays.

Ta lettre n’était pas gaie. Elle m’a même foutu le cafard. Un peu la frousse aussi. Le gars du FBI a rappliqué avant-hier. Enfin, pas le même, ils se ressemblent tous avec leur costume gris anthracite et leurs têtes de premiers de la classe. Il est entré dans le bureau de poste à l’improviste. Je l’ai vu mais lui non, j’étais dans l’autre pièce. Le chef et lui sont restés un petit peu à parler à voix basse. Sûrement des disparitions, celles de ces enfants qui défraient la chronique. Les journaux publient leurs photos en première page. Ils se ressemblent tant. Un prénom, une ville, une date et un numéro à appeler. J’en frissonne.

Je me suis aperçu que les disparitions jalonnent les villes où je suis passé. C’est troublant. J’ai acheté une carte et j’ai marqué au feutre rouge les lieux et au feutre noir les dates. Tout coïncide. On dirait que le tueur met ses pas dans les miens. Une ombre dans mon dos. Depuis que j’ai fait cette découverte, j’ai du mal à m’endormir. J’ai beau me creuser la tête, je n’arrive pas à comprendre.

Et puis, il est arrivé une chose surprenante. Cette nuit, j’ai entendu quelqu’un pleurer dans la chambre d’à côté. Il n’arrêtait pas. A minuit, à bout de nerf, j’ai été réveiller le gardien de nuit. D’abord, il m’a affirmé que la chambre était vide. Pour preuve, il m’a montré la clé qui pendait sur le présentoir. Devant mon insistance, je n’avais pas rêvé, il a pris son passe et m’a suivi. Quand nous sommes arrivés devant la chambre, on entendait plus rien. Il a ouvert la porte et effectivement, il n’y avait personne. Juste un placard vide qui baillait dans l’obscurité. Je ne sais pas ce qui m’a pris mais j’ai franchi la distance qui m’en séparait et je l’ai refermé si violemment que les parois en ont tremblé. Quand je me suis recouché, à peine avais-je éteint que les sanglots ont repris de plus belle. J’ai cru devenir fou et j’ai enfoncé ma tête sous l’oreiller.

Au matin, quand je me suis réveillé, c’est comme si un train entier m’était passé entre les oreilles. J’étais en sueur, avec un mal de crâne effroyable. Devant moi, punaisée au mur, la carte annotée en rouge et noir me regardait... J’ai bien réfléchi. Ce n’est pas normal.

J’espère que ce ne sont pas les dernières lignes que tu liras de moi mais ma décision est prise. Ce matin, je me rends au bureau du FBI. Ce que j’ai remarqué peut leur être utile. On verra. En passant devant la chambre d’à côté, j’ai jeté un coup d’oeil à travers la fenêtre. Le placard était ouvert...

Le photographe



M

Ce message a été lu 6316 fois
Eltanïn  Ecrire à Eltanïn

2008-03-19 17:45:22 

 WA, exercice 33- Participation, 1re partieDétails
Lettres cosmiques


21 AC 0013

Vaisseau XX39V
Galaxie 1, système 1
Espace



Cher Darmix
Ca y est, me voilà parti. Là où je suis maintenant, on ne peut plus m'atteindre. Dans mes prochains messages, je ne te donnerai pas aussi précisément mes coordonnées. Je te fais confiance, bien sûr, mais il y a toujours des risques que ce soit intercepté. Je ne veux pas qu'ils me poursuivent. D'ailleurs, la première chose que j'ai fait en montant sur le vaisseau, c'est d'enlever les espions du vaisseau. Je me suis rendu compte que rien n'avait trop changé depuis l'époque de mes études, et que je me rappelai d'encore assez de choses pour faire ça proprement.
Je sais que tu aurais voulu que j'aille te dire au revoir de vive voix. Mais tu comprends bien que je ne pouvais pas, puisque ta maison est sous écoute. Il fallait que je sois le plus discret possible, puisque officiellement, je ne suis pas sensé quitter mon secteur, et encore moins la planète. Je me demande combien de temps ils mettront avant de s'apercevoir de mon départ. A ton avis ?
Détruis bien ce message lorsque tu l'auras lu. Je ne veux pas te compromettre avec moi. Cela vaut mieux. Ne réponds pas non plus. Je préfère réduire au minimum les échanges entre mon vaisseau et le Monde. Ca vaut mieux pour moi comme pour toi. Mais je n'ai pas pu résister à l'envie de t'écrire. Je n'espère pas revenir. J'ai caché une copie de mes écrits près de la porte est, sous une des dalles branlantes de la galerie, la deuxième en partant de la gauche. Tu vois où je veux dire ? C'est pour toi. Si jamais tu les veux, bien sûr.
Je te fais confiance pour garder tout cela pour toi. Tu seras bien le seul être à me manquer dans mon exil. Promis, je te réécrirai bientôt.

Zull




21 AC 0013
Message spécial à l'attention du général G2A, au ServiceSpécialdeSécurité

Mon général,
le citoyen Zull dissident de classe 1 a quitté la planète ce matin à bord du vaisseau XX39V. Vous trouverez ci-joint le message qu'il a envoyé.
J'attends vos instructions.

Agent spécial ZWO



21 AC 0013

Ne répondez pas. Allez chercher les écrits. Soyez discret.

Général G2A




49 AC 0013

Vaisseau XX39V
Espace


Mon cher Darmix. Comment vas-tu ?
Le voyage est une vraie merveille et s'écoule sans aucun des problèmes que j'aurai pu craindre : pas un signe du monde, pas un seul message de menace, pas de vaisseau derrière moi ! Je suis enfin libre, Darmix, libre ! Et l'espace est d'une telle beauté ! Il y a tant de chose à voir, d'ici. Rien à voir avec les pâles simulations qu'on nous faisait vivre à l'école. Les étoiles sont tellement brillantes ! et le vide tellement noir à leur côté ! J'aurais dû te donner des nouvelles plus tôt, mais j'étais trop occupé à écrire. J'ai commencé un poème, que je t'enverrai lorsque je l'aurai terminé. Mais la vérité, c'est qu'il me manque des mots pour exprimer mon ravissement. Mais j'ai le temps, maintenant ? J'ai des années pour laisser libre cours à mes sentiments. Je voudrais tant que tu sois avec moi ! Tu verrais à quel point c'est bon de se laisser aller, de n'entendre personne donner des ordres à longueur de journée. Je n'ai pas d'autres contraintes que celles que je m'impose ! C'est délicieux, cette liberté complète. Cette vie me convient vraiment plus que tout au monde, et je ne regrette absolument rien du Monde.

Zull




49 AC 0013
Message spécial à l'attention du général G2A, au ServiceSpécialdeSécurité

Mon général,
voici des nouvelles du dissident Zull de classe 1 dans le message que j'ai joint.
J'attends vos instructions.

Agent spécial ZWO



50 AC 0013
Message spécial à l'attention du général G2A, au ServiceSpécialdeSécurité

Envoyez une réponse, contenant les éléments suivants :
- nous avons lancé des vaisseaux à sa recherche, dans le but de le détruire,
- vous avez terminé de lire tous ses écrits et le félicitez,
- vous enviez sa pseudo-liberté.

Général G2A




51 AC 0013

Mon cher Zull, ça me fait plaisir de recevoir de tes nouvelles. Je sais bien que tu préfèrerais que je ne réponde pas, mais je ne peux pas m'en empêcher. Ce que tu me décris m'a l'air tellement fantastique ! Si j'avais seulement la moitié du courage que tu as, je me sauverai moi aussi.
Mais je voudrais quand même que tu sois sur tes gardes. Les agents du SSS sont venus et ont fouillés les alentours. Je crois savoir qu'ils ont envoyé des vaisseaux derrière toi, et qu'ils n'hésiteront pas à te détruire s'ils te trouvent. Je t'en prie, sois prudent.
Je viens de finir de lire tes textes. Je ne savais pas que tu ne me montrais pas tout ! Mais je ne t'en veux pas. J'adore vraiment ta façon d'écrire. N'hésite pas à m'envoyer les nouvelles choses que tu écriras dans ton vaisseau.
Donne-moi vite des nouvelles !

Darmix




25 AF 0014

Vaisseau XX39V


-------------


Mon cher Darmix.Ca fait bien longtemps que je ne t'ai pas écrit. J'espère que tu ne t'es pas fais trop de souci pour moi.
Ca ne va pas fort ici. J'ai eu de gros problèmes techniques et j'ai dû me poser pour faire mes réparations. Quelle planète affreuse ! Désertique et brûlée, la terre en était rouge et noire. Des vents brûlants apportaient du sable et de la poussière dans tous les recoins. Impossible de s'en protéger ! Je suis sûr qu'il s'en est infiltré à l'intérieur de la coque, et que c'est cela qui a endommagé mes cartes informatiques. Je suis définitivement perdu au milieu de l'univers. Et puis, pour ne rien arranger, je suis malade. Je suis certain que c'est à cause de cette maudite planète. Il devait y avoir dans l'air quelque chose de mauvais : parfois, le vent avait une odeur infecte. Je vais un peu mieux maintenant, mais je suis encore bien mal, et j'arrive à peine à avaler quelque chose. D'ailleurs, la nourriture du bord me répugne. Des conserves répugnantes, de la poudre insipide, c'est tout ce que je mange depuis plus d'un an ! Tout cela a aussi peu de goût, je suis certain, que ce qu'o mangeait sur le Monde. Peut-être même est-ce encore pire ! Et puis, s'il n'y avait que ça ! Je m'ennuie, mon cher Darmix, je m'ennuie au-delà de tut ce que l'on peut imaginer. Je n'ai rien à faire de mes journées. J'ai bien essayé d'écrire, mais je n'y arrive plus. Ecrire sur quoi d'ailleurs, au milieu de ce grand rien ? Il y a longtemps que la lumière des étoiles m'a lassé, et que je suis indifférent à tout ce qui m'entoure. Tout ce que j'écris est d'une telle platitude que je m'arrête bien souvent à la troisième phrase. Je me demande bien maintenant, ce que je suis venu chercher ici. Et je me demande surtout comment cela a pu un jour me plaire. Je ne sais plus désormais si je préfère l'ennui de l'espace aux règles strictes du monde. Je voudrais te voir.
Je n'ai plus qu'à espérer trouver bientôt une planète habitable. Ce serait l'occasion de sortir un peu de ce vaisseau nauséabond. Si ce n'est pas ça, l'ironie du sort ! Lorsque je partais du Monde, c'était avec l'espoir de ne plus jamais retomber sur le sol et maintenant c'est un de mes plus grands désirs ! Je suis entré il y a peu dans un nouveau système solaire, mais sans mes cartes, je suis bien incapable de savoir où je suis.

Z




26 AF 0014
Message spécial à l'attention du général G2A, au ServiceSpécialdeSécurité

Mon général,
Vous trouverez dans le message ci-joint des nouvelles du dissident de classe 1 Zull.
J'attends vos instructions.

Agent spécial ZWO




26 AF 0014

Ne répondez pas. Attendez de nouvelles informations.

]Général G2A


Eltanïn, de retour en Faerie

Ce message a été lu 6146 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-03-19 19:18:48 

 Wa n°33, participationDétails
Adolescence






Chère grand-mère,
Ouf ! Maman est enfin partie au marché vendre ses herbes. Elle voulait m’emmener, mais j’ai dit que j’avais du travail pour l’école. C’est faux, bien sûr, j’ai tout... Ah ! Ces plumes anti-mensonge sont insupportables ! Bon, j’ai presque tout fini, là ! Mais il fallait absolument que je t’écrive, et la dernière fois quand j’ai brûlé ta lettre elle m’a surprise et m’a demandé ce que je faisais... Je n’aime pas trop ment... Zut ! C’est vrai qu’il m’arrive de mentir, mais si je veux qu’elle me croie, il ne faut pas que ce soit trop fréquent...
Bref elle est partie avec Tobias qui hurlait parce qu’il voulait rester avec moi... Bon débarras !
Donc il faut que je te dise : nous avons un nouveau chien. Il est arrivé mardi matin. Pivoine s’est jetée sur lui pour le chasser, mais il s’est couché sur le dos, alors elle lui a léché le museau. Il m’a escortée sur le chemin de l’école, comme s’il voulait me protéger, et le soir il m’attendait ! Quand je suis allée rentrer les vaches, il a regardé comment faisait Pivoine et il l’a aidée. Du coup Pivoine l’a laissé faire, ça la fatigue, maintenant, de courir.
Quand papa a porté la gamelle à Pivoine, il en a mise une aussi devant le chien.
« Tu m’as l’air d’un bon chien et tu apprends vite », lui a-t-il dit. « Je veux bien te nourrir si tu protèges ma famille et que tu nous aides. »
Le chien a aboyé une fois comme pour dire oui, et il s’est jeté sur la nourriture. Papa l’a appelé Noiraud, parce qu’il est tout noir avec une tache blanche au milieu du front. Moi j’aurais préféré Esprit, ou Bob, mais papa n’a rien voulu savoir, et c’est lui qui commande.
Or figure–toi que ce chien... Bon il est très doux et très gentil, il nous suit partout, il supporte même Tobias ! Mais en plus... c’est un passe muraille ! Je t’assure ! La preuve : la plume n’a rien dit !
Hier j’étais au fond du jardin, je désherbais les fraisiers. Ca ne m’amuse pas, mais j’adore la confiture de fraises, surtout quand on la mange en hiver... Tu te souviens du petit mur du fond ? J’arrache assez souvent les mauvaises herbes pour t’affirmer qu’il est intact. Pas le moindre trou ni la moindre fissure. Eh bien Esprit était couché près de moi, et à un moment il a aboyé comme pour répondre à quelqu’un. Il a trottiné vers le mur... et l’a traversé comme si c’était une porte ouverte ! Je suis allée voir, j’ai touché le mur partout, et il était solide. Je n’ai rien compris ! Je me demande si je pourrais le traverser moi aussi, peut-être en passant avec lui... Qu’est-ce que tu en penses ? Je meurs d’envie de savoir ce qu’il y a de l’autre côté. Et ne me dis pas « le champ de la Grive », j’ai escaladé le mur assez souvent. Non, il y a forcément un autre monde ! Après je suis rentrée, et le chien m’attendait devant la maison. Donc il n’y a pas de danger, tu vois ! La prochaine fois j’essaierai de passer moi aussi.
Je te laisse, je vais aller aider papa à rentrer le foin, il dit qu’il va pleuvoir demain, et il ne se trompe jamais. Ca le mettra de bonne humeur, des fois que maman me fasse la tête parce que je ne suis pas venue au marché.
Gros bisous
Nina





Ma chère Nina,
Ça ne me plaît pas trop que tu mentes à ta mère. Je sais qu’elle t’aime beaucoup et si elle ne veut pas que tu m’écrives c’est seulement pour te protéger. Elle a eu beaucoup de peine quand le démon Aboth m’a terrassée, et elle ne voudrait pas que l’exercice de la magie te mette en danger – surtout à ton jeune âge. Je t’en prie, écoute-la et écoute-moi. Il n’y a jamais eu de passage au fond du jardin, donc celui-là est récent. Je vais me renseigner auprès de mes amis Esprits, mais d’ici là, surtout, n’essaie pas de traverser ! Ce chien est sûrement très gentil, mais on ne sait jamais. Je ne prolonge pas de peur que tu ne t’époumones à me lire.
Je t’embrasse bien fort
Grand-mère Grégorine



Chère Grand-mère,
Tu es bien gentille de défendre maman. Bien sûr, c’est ta fille, mais tu ne te rends pas compte ! Elle me surveille sans arrêt ! Elle n’a pas le droit de m’interdire la magie ! Qu’elle y ait renoncé par peur, c’est son choix. Mais moi je suis libre de décider de ma vie, et si je veux la risquer ça ne regarde que moi. J’ai douze ans, je ne suis plus une petite fille ! Et puis si elle veut me protéger, ce n’est pas en me laissant dans l’ignorance qu’elle m’aidera à combattre les démons ! Moi ce que je pense, et je ne peux le dire qu’à toi parce que tu es la seule à me comprendre, c’est qu’elle est jalouse, parce qu’elle sait que je deviendrai une sorcière beaucoup plus puissante qu’elle. Raison de plus pour que j’y arrive et que je lui prouve qu’elle avait tort de ne pas me faire confiance. Ah si tu savais comme tu me manques ! Heureusement qu’il y a ces lettres ! Tiens, tu ne sais pas la dernière de ta fille ? Elle veut que je nettoie le carreau de ma fenêtre au vinaigre, sous prétexte qu’il y a des traces. Au vinaigre ! Et comment je ferai pour lire tes lettres, après ? Ah je pourrai toujours souffler dessus pour les faire apparaître ! J’ai dit « oui oui », mais je vais continuer à le laver à l’eau de source, et l’essuyer avec le même chiffon violet qui ne sert qu’à cet usage. Esprit (Noiraud pour papa) va bien. Pour l’instant il ne s’approche plus du mur. Je me demande pourquoi.
Plein de gros bisous
Nina



Ma petite Nina,
Cela me fait de la peine que tu ne t’entendes pas avec ta mère. J’ai l’impression que tu ne lui fais pas assez confiance. Ce serait bien que tu prennes le temps de discuter avec elle. Pourquoi n’en parles-tu pas à ton père ? C’est un homme bon et pondéré. Je suis sûre qu’il pourrait t’aider.
Je t’embrasse

Grand-mère Grégorine


Chère Grand-mère,
Papa est très occupé en ce moment avec les moissons et en plus, je le connais, il prendrait la défense de maman, comme toujours. Et puis la sorcellerie, ce n’est pas son affaire, ce n’est qu’un homme, après tout. A propos, est-ce que tu peux me rappeler la formule pour y voir la nuit ? Je l’avais notée quelque part et je n’arrive plus à remettre la main dessus.
Gros bisous
Nina


Ma chère Nina,
Voici la formule :
« Yeux de chat, yeux de hibou,
Yeux de hibou, yeux de chat,
Que je voie tout comme vous
Par ma science et par ma foi. »
Tu ne me dis rien de ton chien. A-t-il encore passé le mur ? A ce jour je n’ai pas obtenu de renseignement fiable. Sois patiente ! Révise tes exercices de concentration et de centrage, entraîne-toi à déplacer des objets légers et éventuellement à faire venir à toi de petits animaux (des moineaux, par exemple). Mais ne va pas plus loin pour l’instant, je t’en prie...
Bons baisers
Grand-mère Grégorine



Chère Grand-mère,
Je connais tous ces exercices par coeur ! J’arrive à déplacer une assiette, hier j’ai téléporté un verre plein d’eau, sans en verser une goutte ! Et hier soir un rossignol est venu chanter dans ma main ! C’est plus facile quand on y voit bien la nuit... Mais les journées sont longues depuis qu’il n’y a plus école, Tobias est vraiment collant, et j’ai si peu de temps à moi ! Pour faire du feu, je te dis pas ! Ma dernière lettre j’ai dû l’envoyer du fond du jardin, quand tout le monde dormait, en l’enflammant au fond d’une vieille casserole pour ne pas incendier le jardin ! Mais je vois que tu l’as reçue, tout va bien. Ecris-moi vite, je m’ennuie.
Gros gros bisous
Nina



Chère Nina,
Je suis très fière de tes progrès et je te félicite de ta prudence. Est-ce que tu as essayé d’immobiliser une mouche ? Ensuite essaie avec une souris, et plus tard un lapin. Mais ne fais jamais ça sur un être humain, n’est-ce pas ? Je te fais confiance et je t’embrasse bien fort
Grand-mère Grégorine



Maman chérie,
Tu avais raison, je crois que c’est pour bientôt. L’idée du chien était excellente ! Et Virgile s’est bien débrouillé aussi. Je ne te cache pas que je suis un peu émue... Je te remercie en tout cas d’avoir aidé Nina pendant tout ce temps, bien mieux que je n’aurais pu le faire.
Je t’embrasse de tout mon coeur
Véra


Chère Grand-mère,
Je suis un peu fatiguée... mais il faut absolument que je te raconte ! Je ne peux le dire à personne d’autre !
Cet après-midi, je lisais sous le poirier. Esprit arrive. Il marche la truffe au sol, comme s’il suivait une piste. Il va jusqu’au mur du fond, et là il s’arrête et se retourne. Je me lève, mais avant que j’aie pu le rejoindre, je vois Tobias qui court d’une traite jusqu’à lui. Le chien jappe, et traverse le mur... et attends ! Tobias le suit ! J’ai couru derrière eux, en espérant passer aussi, je ne pouvais pas laisser Tobias tout seul, il a quatre ans ! J’étais vraiment décidée, je n’ai même pas mis les mains devant, je te dis pas la bosse si je m’étais cognée ! Mais j’ai traversé ! C’est formidable ! C’est comme de s’enfoncer dans un linge humide, une espèce de brouillard consistant, c’est frais, ça colle... Tu ne vois que du gris et puis ça s’en va et le soleil revient. Tobias courait toujours après le chien, et c’était... Je n’ai même jamais rêvé d’un monde pareil ! C’était un grand jardin, avec de l’herbe bleue, des arbres jaunes, et à leurs branches pendaient des tartines, des gâteaux, et des bonbons de toutes les couleurs... Tobias cueillait tout ce qui se trouvait à sa portée, et il riait...
Quatre lapins sont venus vers moi. L’un d’eux m’a parlé.
« Es-tu une sorcière ? Si tu n’es pas une sorcière, tu n’as rien à faire ici.
- Mais je...
- Il y a des dangers dont tu ne te doutes même pas, et quand tu comprendras, il sera trop tard ! »
Ils ont fait demi-tour et d’un bond ils ont disparu, sûrement dans un terrier magique.
J’ai appelé Tobias, mais il s’éloignait de plus en plus ; le chien était près de lui. J’ai couru plus vite, je lui ai barré la route et je l’ai menacé.
« Rentre tout de suite ou je vais me fâcher très fort. »
Il a soupiré, et il est revenu sur ses pas tout en se remplissant les poches de bonbons.
Alors j’ai entendu un croassement sinistre, et je me suis retournée. Un immense corbeau aux yeux rouges battait des ailes juste devant moi.
« Croâ ! Croâ ! Ce monde est interdit aux humains ! C’est mon domaine ! Ma vengeance sera terrible ! »
J’ai crié à Tobias de traverser le mur, vite, et il est passé.
J’ai fait face au corbeau, je me suis concentrée, et j’ai essayé de l’immobiliser, mais ça n’a pas marché. Alors j’ai déplacé les bonbons pour le frapper, mais il les esquivait facilement en ricanant. Pourtant j’y allais de toutes mes forces, c’était fatigant ! En même temps j’essayais de reculer vers le mur, et je me demandais comment j’allais faire... C’est alors qu’Esprit m’a parlé.
« C’est un démon, Nina. Comme tous les démons, il a horreur des miroirs.
- Mais je n’ai pas de miroir !
- Ah non ? Ta grand-mère ne t’a pas offert un miroir ?
- Si mais... Il est dans ma chambre !
- Tsk tsk ! Cet objet t’appartient. Il est là où tu veux qu’il soit.
- Mais je...
- Tu es une sorcière, nom d’un os, ou une petite fille ? »
Ce chien me regardait comme papa quand j’ai fait une bêtise, et je te jure, Grand-mère, que j’avais presque aussi peur de lui que du corbeau ! J’ai fermé les yeux – centrage, concentration -, j’ai pensé à ce petit miroir au cadre en argent ciselé que tu m’avais offert, j’ai tendu les mains... Et le miroir était là ! Je ne savais pas que je pouvais !
« Bien », a dit Esprit. « Et puis ?
- Et puis... Euh... »
Je n’avais jamais chassé de démon, moi ! Quand je te disais que maman aurait dû m’apprendre !
« Répète : Par la clarté du miroir
Et la pureté de mon âme
Par la foi du juste savoir
Et la force de la juste flamme
Disparais !
- Par la clarté du miroir... »
Il y a eu un grand coup de tonnerre, et le corbeau a disparu. Mais aussitôt il a fait nuit noire !
« Esprit ! Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?
- Maintenant... On file ! »
« Yeux de chat, yeux de hibou... »
Je n’ai jamais couru aussi vite ! Heureusement, je voyais le mur. J’ai plongé dedans, le chien à mes côtés. Je suis tombée dans l’herbe, chez moi, chez nous, au soleil... Ouf ! Je tremblais de tous mes membres ! Le chien m’a léché le visage gentiment.
« Va te reposer un peu avant le dîner. Tu es toute pâle !
- Toi... Tu n’es pas seulement un chien, n’est-ce pas ?
- Exact ! », m’a-t-il répondu fièrement. « Je suis un Assemblage.
- Un quoi ?
- Mais tu ne sais vraiment rien ! Il arrive qu’on confie à un Esprit une mission pour laquelle il a besoin du corps d’un homme ou d’un animal. Ca s’appelle un Assemblage.
- Ah...
- Allez... Tu te sentiras mieux après une petite sieste. »
Voilà. Je voulais juste te raconter tout ça. Je vais dormir un peu, je n’en peux plus. Je te l’enverrai tout à l’heure. Bisous
Nina


Ma chérie,
J’ai envoyé ta lettre à ta grand-mère hier soir. Je n’ai pas voulu te réveiller, tu dormais si bien ! Quand tu te lèveras, viens vite nous rejoindre au salon. Papa et moi t’attendons. Nous sommes très fiers tous les deux que tu aies réussi ton Epreuve. Aujourd’hui tu vas recevoir ta Pierre, symbole de ton appartenance à la Confrérie des Sorcières, et ton Nom Secret. Mais oui, ton père est au courant, c’est un Assembleur. C’est grâce à lui que le gnome Terlinn a pu se glisser dans le corps de Noiraud. Tu ne te souviens pas de Terlinn, il est mort peu après ta naissance. Mais c’était ton parrain en Magie, et il avait juré de t’aider...
Ah, au fait, Tobias ne doit rien savoir. Ce que tu as vu dans le jardin n’était qu’un hologramme...
Descends vite, nous aurons tout le temps de t’expliquer ça en détail – et de répondre aussi à toutes les questions que tu te poses.
Je t’aime, ma grande chérie
Maman



Narwa Roquen
Narwa Roquen, qui aime bien les histoires de sorcières

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-20 13:58:13 

 WA 33 : participationDétails
Avertissement !!!
Texte explicite. Lecteurs sensibles, s'abstenir !
Ceci est une histoire de fiction et ne constitue en aucune façon une apologie du suicide ou un encouragement au suicide


Bon, c'est pas complètement épistolaire mais c'est le même genre.
Je n'en finis plus de remonter les cadavres en draguant les eaux noirâtres de mon inconscient...

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Dans les bras du néant



Mercredi 31 mai :

Je suis finalement revenue à la maison. Encore. J’ai dans les bras les trous des perfusions et sur la peau la colle des pansements. C’est ma cinquième TS. Je pense que je recommencerai. Quand je ne pourrai de nouveau plus supporter tout ça, quand j’aurai trop mal. Peut-être qu’un jour, je ne reviendrai pas. Quelle importance ? Tout le monde s’en fout.
Je n’ai pas vu la lumière. Quand j’étais morte et que je me détachais progressivement du monde, je n’ai rien vu. Ils disent que j’aurais du entendre de la musique et que des gens morts auraient du me sourire. Ma grand-mère ou quelqu'un comme ça. Mais je n’ai vu personne. Il n’y avait que l’obscurité. La lumière, c’est seulement dans les films.
Et il n’y avait pas d’anges non plus. De toutes façons, je ne crois plus en Dieu depuis le cathé. Le monde est tellement moche. La vie, quoi. Si Dieu existe et permet tout ça, il doit être sacrément moche lui aussi. J’ai pas besoin de lui. Je n’ai besoin que d’une chose, c’est qu’on me foute la paix.
Mon beau-père m’a obligé à venir manger avec les autres. Je n’avais pas faim, je lui ai dit mais il a levé la main et je suis allée m’asseoir. Son connard de fils ricanait tout le temps en me regardant. Il s’amusait bien. Il aurait voulu que je crève, ça je le sais. Il me l’a dit tellement souvent. Ma mère a servi les pâtes. Elle n’osait pas me regarder. Elle s’est assise en silence, recroquevillée sur son siège comme elle fait toujours. Mon beau-père lui a jeté un regard méchant et il a dit : « Elle rate toujours tout, ta fille. Elle a même raté sa mort. »
Ma mère est devenue toute blanche et elle se tordait les mains. Le fils a éclaté de rire, comme à une bonne blague. Je lui ai balancé mes spaghettis à la figure et je me suis enfermée dans ma chambre. Je l’ai écouté rugir à travers la porte pendant que son père lui disait de la fermer parce qu’il n’entendait pas le match. Ma mère est venue elle aussi et avec sa petite voix, elle m’a demandé de dire pardon à mon frère. « C’est pas mon frère ! », je lui ai balancé sans ouvrir la porte.
Ensuite, j’ai pris des somnifères. Les médecins m’ont dit que je n’avais pas le droit et ma mère a jeté mes cachets mais j’en avais planqué un peu partout. Le sommeil me gagne. Mes sentiments s’estompent. La colère me semble bien loin. Je flotte dans un brouillard douillet. Bientôt, je sombrerai dans l’oubli total. Jusqu’à demain. C’est drôle. D’être morte si souvent donne des sensations bizarres. A chaque nouvelle tentative, c’est plus fort. Je me sens de plus en plus détachée de la réalité. Comme si je la voyais de loin. Que j’observais une fille qui n’est pas vraiment moi...

Jeudi 1er juin :

Ma mère voulait que je reste à la maison quelques jours pour me reposer. Mais à la maison, il y a l’autre connard qui glande toute la journée devant sa console. Je préfère aller au bahut.
Et puis, au lycée, il y a Gaëlle. Elle ne m’a pas posé de questions. Elle ne m’a pas demandé si j’allais bien, elle. Elle sait que je ne vais pas bien. Elle est comme moi, Gaëlle : bousillée. Elle avait l’air encore plus fragile, encore plus pâle qu’avant. « J’ai encore perdu deux kilos... » elle m’a dit. Et dans sa voix, il y avait comme une victoire. J’aurais voulu l’aider, lui dire « Ne fais pas ça. » mais je n’arrive déjà pas à m’aider moi-même. Souvent, les yeux dans le vague, elle me parle et ses mots sont des brûlures, des plaies à vif. Elle dit : « Tout cela, c’est inéluctable, Florence. Le flux d’information est de plus en plus dense et les relations humaines de plus en plus diffuses. La pression qu’on nous impose est si forte qu’elle nous asphyxie. Il faut qu’on soit beaux, qu’on soit en bonne santé, minces, bronzés. Et puis riches aussi, et célèbres. Il en faut toujours plus. On ne s’arrête jamais. Et pour nos parents, il faut qu’on aie de bonnes notes, qu’on réussisse ce qu’ils n’ont pas réussi eux. Il faut qu’on se trouve, qu’on soit heureux. On veut nous obliger à être heureux.
Et tout ça pourquoi ? Il n’y a pas de travail, les banlieues brûlent, le Proche-Orient croule sous les bombes, la Terre est polluée... On me pousse, on me contraint. A quoi bon ? Je ne vais nulle part. Il n’y a aucun avenir pour nous. C’est la fuite en avant, je ne possède rien, je ne maîtrise rien. A part mon propre corps... »
Je pense à ce qu’elle a dit en regardant tomber la pluie. Pourquoi son père ne fait-il rien ? Ne voit-il pas sa fille en train de se détruire ? Peut-être qu’il ne sait pas quoi faire. Je presse mon visage contre la fenêtre de ma chambre. Les gouttes rebondissent sur le balcon, à quinze étages au dessus du sol. La ville pleure sa grisaille et sa laideur.

Mardi 6 juin :

Je me suis enfermée dans la salle de bain avec mon journal et mes cachets. J’ai serré mes mains l’une contre l’autre pour qu’elles s’arrêtent de trembler. Il est parti maintenant. Acheter du vin. Sur le carrelage, des gouttes de sang. Je suis hypnotisée par leur couleur. C’est mon sang ? Je ne me souviens plus bien de ce qui s’est passé. Il m’a frappée. Plusieurs fois. Je dois m’en souvenir. Je dois me souvenir de tout ce qu’il me fait. Il le paiera. Ecrire pour me souvenir.
Mon beau-père. Il voulait que je lui amène de l’alcool. Mais il n’y en avait pas. Il avait déjà tout bu. Il m’a insultée et puis, il a levé son énorme bras au dessus de moi. Toute la figure me brûle. Il m’a attrapée par les épaules et il m’a balancée contre le mur. Après, je ne sais plus. Une tâche de sang sur mon journal. Merde ! Ca fait mal, les larmes sur ma figure. Je ne vois même plus ce que j’écris. Que quelqu'un m’aide. Que quelqu'un vienne m’aider. Pitié. Que quelqu'un m’aide. Que quelqu'un m’aide...

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là-dedans. Je crois que j’ai du devenir folle un moment. Je me balançais d’avant en arrière en répétant la même phrase. Et puis, j’ai émergé. Et je l’ai vu.
C’était dans le coin de la pièce. Comme une ombre mais en plus épais. Comme un brouillard noir. Noir comme l’oubli. Sombre comme la désespérance. Et ça avait des yeux comme des trous de lumière, comme quand on regarde le soleil du fond d’un puit. Ca n’avait pas vraiment de forme, des contours vagues et mouvants. Une tête large et deux grands bras peut-être. Mais ça changeait d’apparence, comme de la fumée qui rampe sur le sol. Je pouvais voir au travers. Et ça me regardait.
J’ai fermé les yeux mais je sentais toujours que ça m’observait. Je percevais une présence. Je me suis détournée. J’avais la trouille. Ca ne pouvait pas être vrai. C’était mes yeux qui me jouaient un tour. J’avais pris un coup trop fort sur la tête. Je me suis penchée au dessus du lavabo et j’ai regardé dans le miroir. Mon visage était tout violet. Du sang caillé encroûtait mes cheveux d’un côté. « Il ne m’a pas ratée », j’ai dit. Ma voix m’a parue étrange. J’ai louché sur le côté du miroir et c’était encore là, un amas obscur qui semblait émerger du mur. Et je sentais ce regard posé sur moi, lourd. Je me suis forcée à ne pas regarder.
J’ai désinfecté ma figure et je suis allée dans ma chambre. J’avais toujours cette impression, comme une chair de poule, la nuque qui vous démange, l’envie de se retourner pour vérifier. Mais pour vérifier quoi ? Ce n’est pas possible. Ca n’existe pas. La douleur m’aura fait délirer. Je me suis quand même retournée et il n’y avait rien. La peur me crispait le ventre. J’ai enlevé mes vêtements pour mettre mon pyjama et à travers le tissu, j’éprouvais la sensation d’être observée. Je me suis cachée sous les couvertures mais ça me voyait au travers. J’ai allumé toutes les lumières sans rien trouver. Je respirais vite et mes yeux cherchaient dans les coins à toute vitesse.
C’est parti à présent. Je me suis levée pour écrire. Je ne sais pas ce que c’était. Etait-ce réel ?

Dimanche 11 juin :

C’est revenu aujourd’hui. J’étais au fond du trou. Vraiment mal. Assise par terre contre le mur, je regardais le papier peint, fixement. Je me sentais vide de tout à part de la souffrance. Je n'avais envie de rien à part que ça s'arrête. J'aurais voulu me claquer la tête dans le mur, assez fort pour être assommée. Quelques heures de répit... si seulement ! J'entendais les cris stridents de ma mère pendant que mon beau-père la tabassait. Et ses grognements à lui et les insultes dont il l'inondait. Et la musique à fond dans la chambre de l’autre connard.
Prostrée sur la moquette, je me demandais s'il me restait suffisamment de somnifères pour m'endormir pour toujours. Et être libérée de tout ça. Je me sentais atrocement seule. La douleur était insupportable. Au delà des larmes. Au delà même des cris. Je regardais mes bras nus, couturés de cicatrices parallèles. Je regardais l'ange aux ailes noires sur le poster et je le suppliais silencieusement de m'aider.
Soudain, comme un nuage qui cache le soleil, comme un filet d'eau glacée qui descend le long du dos, c'était là. Ca s'est détaché des ombres de la pièce et ça a rampé vers moi. Ca paraissait plus solide que la première fois et il y avait comme un courant sous la surface obscure. Les contours en étaient plus nets. Ca se rapprochait doucement en me fixant de ses yeux sans regard. J'ai reculé le long du mur. Je ne voulais pas que ça me touche. J'ai essayé de crier mais je n'avais plus de voix. La terreur m'a sapé le peu de forces qui me restaient. Je me suis effondrée sur le sol. Je ne pouvais plus bouger. Et je pleurais.
Ca a avancé un bras vers moi et ça m'a effleuré la jambe. J’ai sursauté, anticipant la douleur. Mais c'était doux. Comme du coton ou un léger courant d'air. Et tout à coup, je n'avais plus mal. Je ne ressentais plus ni la tristesse, ni la fatigue, ni le désespoir. Je ne ressentais plus rien. Le néant. Et c'était bon. J'avais oublié ce que ça fait quand on ne souffre pas. J'avais l'impression de respirer librement après qu'on m'a maintenu longtemps la tête sous l'eau. Tous mes muscles se sont détendus et je ne savais même pas qu'ils étaient contractés. J'ai poussé un soupir. C'était toujours là, comme une brume noire et ça m'observait. "Merci", j'ai dit à l'ombre. Ca semblait si étrange de lui parler. Pendant un instant, j'ai eu l'impression que ça souriait, même si ça n'avait pas de bouche. A présent que j’écris, je me demande si j’ai rêvé tout cela.

Mardi 13 juin :

Je suis allée voir Gaëlle chez elle, aujourd'hui. Elle est devenue trop faible pour venir au lycée. Je ne lui ai pas parlé de l'ombre. Je ne sais pas pourquoi. Elle avait du mal à respirer et souvent, des spasmes la secouaient. Elle m'a pris la main et elle m'a dit qu'elle espérait que ce ne serait plus long à présent. Elle a dit que nous ne nous reverrons pas. Nous nous sommes regardées longuement. J'aurais voulu lui dire plein de choses mais les mots sont restés coincés. Ce n'est pas grave. Gaëlle est ma soeur d'âme. Elle sait tout ce que je pense.
Quand je suis rentrée, je pensais sans cesse à elle. Pendant la nuit, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour qu'elle ne souffre plus. Qu'elle soit apaisée. Alors, j'ai pensé à lui. Et à comment il m'avait touchée. Presque aussitôt, j'ai senti qu'il était là. Ca ne me fait plus peur. C'est une présence amicale, rassurante. Il vient quand j'ai besoin de lui. Il est là pour moi. Et il est le seul. Cela fait-il de lui mon ami ? En ce moment, il se tient dans le coin du mur, énorme et sombre, pareil à un gros nuage d'orage. Ses yeux regardent à l'intérieur de moi. "Aide mon amie," je lui dis "Je t'en prie".

Mercredi 14 juin :

Quand je suis arrivée au lycée, il y avait un pion qui m'attendait à l'entrée de la salle. Les abrutis de la classe me regardaient en parlant tout bas. Je leur ai fait un doigt d'honneur et puis, j'ai suivi le pion. Il m'a emmenée chez la psychologue scolaire. Je me suis demandée ce qu'elle me voulait. Je l'avais déjà vue souvent. Une petite vieille dodue, bien habillée, avec du vernis à ongle rouge et un sourire stupide. Je la méprisais. Elle n'avait jamais été capable d'aider personne. Elle ne savait rien de ce qu'on vivait. Quand elle était jeune, ce n'était pas du tout pareil. Elle avait essayé de me convaincre que la vie était belle et que tout s'arrangerait. Jusqu'à ce que je la menace avec une lame de rasoir. J'avais été exclue une semaine. Mais je ne l'avais plus revue. Et voilà qu'elle me convoquait.
Je suis entrée dans son bureau et je me suis assise. Sur la table, il y avait une boule à neige. Une putain de boule à neige ! La psy me regardait avec un petit air gêné. Elle aurait voulu être à mille lieues et ça se voyait. Je n'ai rien dit. De toutes façons, je ne parlais plus à personne. Elle a commencé un discours sur la vie, les choses qui arrivent. Sa voix tremblait. Elle s'est tue pendant plusieurs minutes. Et puis, elle a dit que Gaëlle était morte. Comme je gardais toujours le silence, elle a ajouté que ça s'était passé cette nuit, pendant qu'elle dormait et qu'elle n'avait pas souffert. "Oh si, elle a souffert," j'ai pensé "des années".
Gaëlle c'est une fée à laquelle ce putain de monde a arraché les ailes. Je ne m'inquiète plus pour elle à présent. L'ombre l'a emmenée dans un endroit où elle n'a plus mal.

Vendredi 16 juin :

J’ai frappé un mec ce midi. Un collègue de bahut. Il avait ce sourire crétin scotché aux lèvres. Je ne l’ai pas supporté. Il n’y a vraiment pas de quoi sourire. Je l’ai frappé jusqu’à ce qu’il arrête de le faire. La vue de son sang m’a fait du bien.
On m’a renvoyée chez moi. Je ne voulais pas rentrer. Alors, j’ai traîné dans les rues toute l’après-midi. Et je suis rentrée comme s’il ne s’était rien passé. Il n’y avait personne à la maison. Ma mère devait faire des courses et les hommes la tournée des bars. Quand mon beau-père apprendra ce que j’ai fait, il me mettra une sacrée correction. Mais pour le moment, je m’en fous. Je me sens comme détachée, de plus en plus loin du monde réel.
L’ombre est là, avec moi. Je sens sa présence qui m’enveloppe. Il est parfaitement tangible à présent. Je ne vois plus à travers son corps massif. Il me tend les bras. Où m’emmènerait-il si je décidais de le suivre ? Qu'est-ce qui me retient ici ? Ma mère s'en sortira aussi bien sans moi. Je n'ai rien à attendre de cette vie. Je ne vais nulle part de toutes façons. J'avance comme dans du goudron, engluée, écrasée au sol par le poids de mes problèmes. Si je suis l’ombre, je sais que je ne reviendrai pas.

Samedi 17 juin :

Mon beau-père a su, pour hier. Mon oeil gauche est complètement fermé. Je sens ma joue qui enfle. Et la douleur qui pulse comme un deuxième coeur sous la peau. La douleur physique, on s'y fait. A la fin, ça tient compagnie. Ca aide à oublier l'autre douleur, celle qui est dans la tête et qui rend dingue. Contre celle-là, on ne peut rien. Il n'y a que lui qui arrive à la faire disparaître. Il est là, immobile. Sa noirceur flotte au dessus de la moquette. Il ne projette pas d'ombre. On dirait qu'il aspire toute la lumière autour. Il m'observe comme à son habitude. Il attend. Plus je le regarde, mieux j'ai l'impression de voir sa forme. Il devient de plus en plus net tandis que ce qui l'entoure est de plus en plus flou.
Mon beau-père s'est mis à crier. D'une voix épaisse, déformée par l'alcool. Et puis ma mère aussi a crié. Il passe sa colère sur elle, encore. Ce n'est pas un homme, c'est une sale bête. Il n'y a que de la méchanceté en lui. Je voudrais qu'il crève. L'ombre a tourné la tête. Il a fixé sur le mur ses yeux pareils à des trous de lumière. Et puis, sa masse obscure a glissé vers la paroi et l'a traversée, exactement comme si il n'y avait rien. Un gros bruit dans le salon. Il faut que j'aille voir.

Il l'a tué. J'ai voulu qu'il meure et il l'a tué pour moi. Quand je suis arrivée dans le salon, le beau-père était allongée par terre, les yeux grands ouverts, exorbités, fixés sur le vide. Sa tête avait heurté le coin de la table basse et il y avait du sang sur le tapis. Une bouteille de vin échappée de sa main se vidait lentement. L'ombre n'était pas en vue. D'abord, j'ai eu peur. Une boule glacée s'est formée dans mon estomac. Et puis, j'ai commencé à comprendre. Il ne me frapperait plus. Il ne frapperait plus ma mère. Un immense sentiment de triomphe a grandi en moi. Et j'ai éclaté de rire. Je n'avais pas ri depuis tellement longtemps que je ne me souvenais plus du bruit que ça faisait.
Ma mère regardait le cadavre, toute blanche, les deux mains pressées sur la bouche. Un tic nerveux faisait tressauter son coude. J'ai tendu la main vers elle en riant toujours mais elle ne me voyait pas. Et puis, l'odeur du sang m'est soudain arrivée aux narines et je suis tombée à genoux en vomissant. Je me suis relevée doucement en titubant. Ma mère m'a alors vue et elle s'est jetée sur moi. Elle me griffait, elle me tirait les cheveux, elle hurlait des phrases que je ne comprenais pas. Une vraie folle. Je me suis enfuie. Dans le couloir, j’ai croisé l’autre connard. Il m’a jeté un regard niais et a refermé sa porte.
Dans ma chambre, l'ombre m'attendait. Il était devant la fenêtre ouverte, dans les rayons du crépuscule. Les rideaux volaient. Quinze étages plus bas, la ville se préparait à s'endormir. Je lui ai souri. J'ai regardé sa surface de brume, noire comme le néant. A nouveau, il a tendu les bras et j'ai décidé de le suivre.
J'en ai marre de ce monde, marre de ces gens. Maintenant que Gaëlle n'est plus là, il ne me reste personne. Je ne veux pas souffrir à nouveau. Je n'ai rien à espérer. Personne ne se soucie de moi, à part lui. Personne ne peut m'aider à part lui. C'est mon ami. Je ne sais pas où il m’emmène mais je me fie à lui. Au revoir maman. Je m'en vais à présent.


Est', c'était moins une.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-03-20 15:58:37 

 Commentaire Maedhros, exercice n°33Détails
Entre nous, tu exagères ! Perseverare diabolicum ! Ben, oui, justement... Le problème c’est que ceux qui n’ont pas lu tes textes précédents risquent d’être encore plus perdus que d’habitude...
A part ça et la petite répétition ( « m’emprisonnent comme dans une prison »), due vraisemblablement à une distraction passagère, c’est bien écrit. Le style poétique alterne avec le mystérieux, l’inquiétant et l’obsessionnel... L’idée du train est bien trouvée : symbolique des rails parallèles, traversée de la vie sans point d’ancrage, correspondances qui s’opposent – musique, couleurs - , va et vient entre ce qui rapproche et ce qui sépare... On a tous le souvenir d’un voyage en train, la nuit, où l’on est suspendu hors du temps et de l’espace, coincé dans l’état de « voyage », terriblement séparé et en même temps libéré momentanément... Et l’air frais de la nuit qui vient rappeler qu’au dehors il y a un monde, avec des gens qui continuent à vivre... Enfin, pas tous...
Je me demande s’il est encore utile que tu signes tes textes...
Je te propose un challenge personnel : pour le prochain exercice, fais-moi quelque chose de ... différent !
Narwa Roquen, qui a ouvert la porte du placard (brrr)

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-03-21 17:09:31 

 Commentaire Eltanïn, exercice n°33Détails
Dès le titre, on est dans l’ambiance. L’atmosphère SF est bien rendue, l’histoire se déroule bien. Le changement d’état d’esprit du héros, avec le temps qui passe, est bien rendu, en même temps que nos sentiments vis-à-vis de lui changent dès qu’on le devine menacé, et que le suspens se fait plus fort... Vivement la suite !
Par contre, relis-toi mieux ! Il y a des répétitions (vaisseau p 1, monde p 2, répugne/répugnant p 4) ; des fautes d’orthographe ( « je me rappelai de » pour « je me rappelais », sans de, c’est un verbe transitif, contrairement à « se souvenir » ; « je ne suis pas sensé » pour « censé » ; « des problèmes que j’aurai pu craindre » pour « j’aurais » ; « tant de chose » pour « choses » ; « ont fouillés » pour « fouillé »).
Il y a aussi des maladresses :
- « je me suis rendu compte que rien n’avait trop changé ... et que je me rappelais d’encore assez de choses pour faire ça (quoi ?) proprement ». J’aurais préféré (mais ce n’est qu’une suggestion) : « je me suis rendu compte qu’il y avait eu peu de changements à bord des vaisseaux depuis mes études, et que j’avais assez de souvenirs pour manoeuvrer correctement ».
- « sous écoute » : d’habitude on dit « sur écoute »

Ne laisse pas ces petits détails gâcher ton plaisir – et le nôtre. L’intrigue est intéressante et, chose rare de nos jours, tu as parfaitement respecté la contrainte de la consigne ! J’attends la suite !
Narwa Roquen, qui se trouve plutôt bien sur la petite planète bleue...

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Eltanïn  Ecrire à Eltanïn

2008-03-21 18:52:28 

 WA, exercice 33- Participation, 2eme partieDétails
Voilà la suite, voilà la fin de cette petite histoire.

04 AG 0014

Vaisseau XX39V
-------------


Mon cher Darmix,
j'ai des nouvelles formidables à t'annoncer. Je me suis posé hier sur une planète qui me semble habitée. Pour l'instant, je n'ai vu personne, mais j'espère rencontrer bientôt des êtres. C'est magnifique ici. Je suis au milieu d'une grande prairie verte et libre. Je n'ai jamais vu ça, Darmix, tu devrais voir comme c'est beau ! Pas un seul bloc de béton ou d'acier à des kilomètres ! Et puis, c'est tellement bon d'être dehors après cette longue année d'enfermement. Le vent, le soleil... j'ai l'impression d'avoir oublié tout ça ! Je me sens libre ici ! Vraiment libre, enfin ! Rien ni personne ne pourra m'empêcher de bouger maintenant.
J'hésite encore à m'éloigner de mon vaisseau. Des autochtones l'ont sûrement vu se poser et je préfère attendre qu'ils viennent eux-mêmes. Je ne veux pas qu'ils aient l'impression que je les envahis. Surtout que s'ils ont si bien préservé leur environnement, c'est que ce doit être un peuple encore peu évolué. J'espère que mon grand vaisseau de métal ne les effraiera pas ! Je veux apprendre à les découvrir, sans pourtant jamais les avoir vu !

Zull, être libre




04 AG 0014
Message spécial à l'attention du général G2A, au ServiceSpécialdeSécurité

Mon général,
Voici d'excellentes nouvelles dans l'affaire du dissident Zull.
J'attends vos instructions

Agent spécial ZWO




05 AG 0014

Ne répondez pas. Prévenez-moi dès que vous en saurez plus. Restez discrets.

Général G2A





07 AG 0014

Vaisseau XX39V
-------------


Mon cher Darmix,
j'ai très peur. Je suis barricadé dans mon vaisseau. Les êtres de cette planète que je voulais tant rencontrer ne m'ont pas accueilli comme je l'espérais. Ils sont arrivés hier dans des engins volants qui faisaient un bruit d'enfer. Je me suis demandé ce qu'il se passait quand je les ai entendus ! Ils se sont posés, et quelques êtres en sont sortis. Enfin, quand je dis des êtres... Ils sont tous petits ! et ils ont la peau pâle, presque blanche. En fait, je ne suis pas sûr. J'en ai vu deux au milieu qui avaient la peau plus foncée. C'est à n'y rien comprendre. Et puis, tu verrais leur allure ! Il m'a semblé qu'ils n'avaient pas de queue, et qu'ils ne se déplaçaient que sur leurs deux jambes. Cela leur donnait d'ailleurs une démarche très étrange.
Mais enfin, ils peuvent bien être bizarres, ça ne me dérangeait pas, moi ! Seulement eux, je crois bien qu'ils ont eu peur. Ils portaient tous des étranges bâtons noirs que certains pointaient sur moi, en le portant curieusement devant leurs yeux. Il y en avait un qui criait dans une langue incompréhensible. Je crois bien qu'ils m'ont parlé à un moment, mais je n'ai rien compris ! Alors j'ai battu l'air de ma queue, en signe de paix, mais ça n'a pas paru leur plaire. Ils ont lancé des projectiles en l'air avec leurs grands bâtons, et puis comme je ne bougeais pas, parce que je ne voulais pas les effrayer plus, ils ont commencé à avancer. Je ne sais pas pourquoi j'ai eu si peur, mais il y avait quelque chose d'effrayant dans leur attitude. Du coup, je suis rentré dans mon vaisseau et j'ai verrouillé les portes. Je ne suis pas sorti depuis. Les êtres sont restés là et ils observent la coque. Ils font des rondes autour, c'est affreux ! Je me sens plus observé que si j'étais au beau milieu du siège central du SSS. Je ne sais pas quoi faire, Darmix ! Pourquoi est-ce que ça se passe toujours mal quand je rencontre des êtres, et ce depuis que je suis tout petit ? Il n'y a qu'avec toi que je n'ai jamais eu de problème.
Je ne sais pas ce qu'il va m'arriver. Je t'écris pour que tu saches que tu ne recevras peut-être plus jamais de nouvelles de moi. Si je m'en sors, promis, je t'écrirai.

Zull




04 AG 0014
Message spécial à l'attention du général G2A, au ServiceSpécialdeSécurité

Mon général,
Voici enfin les nouvelles que nous espérions.
J'attends vos instructions

Agent spécial ZWO




06 AG 0014
Citoyen Darmix,
Suite au succès de votre mission en temps qu'agent ZWO, vous êtes convié à une réception au siège central du SSS. Nous avons pu localiser la position du dissident de classe 1 Zull grâce aux capteurs ancrés dans la coque de son vaisseau. Nous n'avons donc désormais plus besoin de lui. Au cours de la réception, vous serez invité à commander l'explosion du vaisseau XX39V.
De plus, vous participerez à la découverte de cette planète inconnue.

Général G2A


Eltanïn, de retour en Faerie

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Eltanïn  Ecrire à Eltanïn

2008-03-21 18:55:39 

 Je suis impardonnableDétails
pour toutes ces fautes. C'est vrai que je ne m'étais pas relu. Je l'ai fait pour la fin, j'espère qu'il n'y en aura pas.
Merci pour tes encouragements.
Eltanïn, de retour en Faerie

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-03-22 12:10:56 

 Commentaire Eltanïn, exercice n°33, 2° partieDétails
Ah, je m’en doutais un peu... Tant pis ! L’histoire est quand même agréable, alternant espoirs et tristesses, surprises et annonces discrètes du futur (« pourquoi est-ce que ça se passe toujours mal... » J’adore la surprise que tu nous fais, en décrivant ces indigènes, qui sont en fait des humains, alors que notre héros est un E.T.! Ca, c’est très astucieux ! Le dernier paragraphe est excellent.
Allez, encore quelques corrections !
«J’espère rencontrer des êtres ». Le mot « être », tout seul, est trop flou, et en fin de phrase, il sonne mal. Tu peux ajouter « vivants », ça passera mieux.
« Restez discrets » : « restez discret » ; c’est un pluriel de politesse, mais on ne s’adresse qu’à une seule personne.
« Ce qu’il se passait... », « ce qu’il va m’arriver » : « ce qui se passait », « ce qui va m’arriver ».
« Ils sont tous petits » : « tout petits » ; ici, « tout » est un adverbe.
Bon ! Ne lâche pas le morceau, tu as des idées ; le reste n’est qu’une affaire d’entraînement... A bientôt !
Narwa Roquen, on est toujours l'E.T. de quelqu'un d'autre!

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-03-22 12:12:44 

 Commentaire Estellanara, exercice n°33Détails
« Ce n’est pas complètement épistolaire mais c’est le même genre. »
Le même genre... mais pas la même chose. La lettre suppose un échange, une relation à l’autre, un Autre. Cette dimension-là est totalement absente. Je dois dire loyalement que ça n’aurait pas du tout convenu à cette histoire, qui est celle d’une solitude extrême. Mais il y a d’autres histoires...
Donc c’est le portrait hyperréaliste d’une adolescente dépressive, dans un contexte socio familial difficile, et qui, à la suite d’une rencontre avec un être imaginaire – ou une hallucination - finit par se défénestrer.
L’ensemble est parfaitement cohérent, le langage de l’adolescente est bien rendu, la situation plausible. La technique est parfaitement maîtrisée. L’ambiance est, je l’ai dit, hyperréaliste, sans fioritures. C’est l’horreur quotidienne disséquée sans concession. Pas la moindre lueur d’espoir, pas le moindre projet souriant, tout tourne autour d’une vie mortifère et d’une mort libératoire. Même « l’ami » ectoplasmique, pour apaisant qu’il soit, est vecteur de mort. L’apparition progressive et de plus en plus précise de ce dernier est bien décrite.
Cependant mon impression d’ensemble est plutôt mitigée ; en tant que lecteur lambda, je trouve le texte pénible, de par son extrême violence à laquelle je ne trouve pas de justification. Par ailleurs, sur un site comme celui-ci, où les lecteurs sont en majorité jeunes, je suis assez réticente devant ce qui peut être interprété comme une apologie du suicide. Le format « nouvelle » ne laisse aucune place à l’explication, à l’élaboration, à la réflexion – et donc au détachement. On prend un coup de poing dans le ventre, c’est efficace, ça fait mal, d’accord, mais ma question est : à quoi ça sert ? Le lecteur ne peut même pas se retrancher derrière la satisfaction intellectuelle du petit intermède fantastique (ce n’est pas de la fantasy), parce que le contexte est trop prégnant, ni derrière l’esthétisme du langage puisque c’est du langage parlé, réaliste.
Nous parlons ici de littérature. Alors je te demande : que voulais-tu dire au lecteur ?
Narwa Roquen, perplexe

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-22 19:13:17 

 Explications, attention spoiler !Détails
Dans l'article de Wikipedia sur le roman épistolaire était cité Le journal d'Anne Frank. Ce pourquoi je disais que j'étais quand même à peu près dans le thème. Je pense que l'important dans le roman épistolaire n'est pas la dimension échange mais bien le caractère réaliste que procure ce style.

Ce texte se veut fantastique. J'ai laissé un doute sur l'interprétation possible de la créature. Existe-t-elle réellement ? Est-elle un fantasme ? Gaëlle est-elle simplement morte ou la créature a-t-elle emmené son âme dans un monde où elle pourra enfin déployer ses ailes ? Comme le texte était à dominante réaliste, j'ai renforcé l'existence de la créature en lui faisant tuer le beau-père, qui n'a aucune raison "réaliste" de mourir à ce moment-là. Je suis surprise que tu n'aies pris en considération que le côté fantasme de la créature. Florence ne s'est pas forcément défenestrée. Rien ne dit que l'ombre n'existe pas et ne l'a pas emmenée dans une dimension plus agréable. La créature n'est donc pas obligatoirement "vecteur de mort".

La violence de mon texte se voulait porteuse d'un message, qu'apparemment tu n'as pas perçu. Il ne devait donc pas être clair. Flûte ! Figure-toi que j'ai visité à La Villette une exposition sur le suicide. J'ai été frappée que le nombre de suicides de jeunes soient aussi important en France et que personne ne s'en préoccuppe, de même pour l'anorexie qui est une maladie courante. Où est la prise en charge de cette jeunesse qui souffre ? Qui s'en soucie ? Chacun d'entre nous est confronté à cette réalité mais les pouvoirs publics ne semblent pas prêts à agir. Ce que je voulais, c'est attirer l'attention là-dessus, poser la question "mais qu'y a-t-il de si pourri dans notre société pour qu'autant de gens, et de jeunes, se suicident?" et que pouvons-nous y faire ?
Je ne sais trop comment corriger ce défaut de mon récit...

Les lecteurs ici sont jeunes mais à ma connaissance tous majeurs ou proches de l'être. Je n'ai donc pas de scrupules à proposer des textes violents ou un peu sexy. Sans compter que je travaille en ce moment les aspects émotionnels de mon style. De plus, chaque classe de lycée contient au moins une personne dépressive ou anorexique. Les jeunes sont donc déjà confrontés à cette réalité dans la vraie vie.

J'avais craint, effectivement, que cela passe pour une apologie du suicide. Ce n'est absolument pas le cas. J'y suis totalement opposée. Je considère que la vie est tout ce que nous avons et qu'il faut essayer absolument tout ce qui est possible de thérapie avant de songer à y mettre fin. C'est d'ailleurs un débat d'actualité.
Je ne sais pas comment modifier mon texte pour que cette impression disparaisse mais si quelqun a des idées, je prends.

Je suis désolée que tu n'aies pas perçu d'avantage la dimension fantastique. J'ai pourtant fait mon possible. Peut-être pourrais-je renforcer certaines scènes. Faire apparaître Gaëlle dans un rêve de Florence ? Non, ce n'est pas de la fantasy mais bien du fantastique, dans toute la définition du terme.

Même si le langage de la jeune fille était simple, j'ai quand même essayé de mettre quelques images.
J'espère t'avoir répondu sur ce que je voulais dire au lecteur. Je suis étonnée à nouveau que tu t'acharnes à vouloir me faire produire des textes à contenu, à message. Spécialement quand d'autres auteurs ici ne le font pas.
De la même façon, les remarques de Madame Plus me sont souvent destinées. Pourquoi moi ? Qu'il soit bien entendu que ça ne me déplait pas mais ça me met une pression d'enfer :o/

Je suis navrée en tous cas que ça ne t'aie pas plus. En encore d'avantage que cela puisse passer pour une apologie du suicide. Je vais réfléchir à une façon de corriger ça.

Est', glauque attitude.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-03-22 19:28:34 

 Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas où vous voulez?Détails
C’est une histoire très sixties que celle-ci, hommage à l’âge d’or de la science-fiction qui plongeait sa plume dans des couleurs souvent pastel pour parcourir les champs de l’infini en surfant sur les peurs de l’époque : la menace soviétique, la guerre froide, les évasions libératrices, la paranoïa des sociétés carcérales où l’individu se sent emprisonné ou aliéné...

Ton récit décrit les affres de ce héros qui rompt ses chaînes et qui essaie de s’enfuir loin du monde pour retrouver un espace de liberté. Or c’est tout le contraire, et il atterrit finalement sur une planète où il se retrouve tout aussi emprisonné mais cette fois-ci dans une prison beaucoup plus petite. La pirouette de conclusion, tord la perspective par une mise en abyme assez intéressante.

En fait, tu décris assez peu la morphologie de ton héros, sauf qu'il a une queue et le fait qu’il marche sur plusieurs pattes. Je ne sais pas si c’est comme ça que tu l’avais imaginé, mais il m’a semblé que c’était un chien, évoquant le souvenir d’un livre de Simak qui s’intitulait « Demain les chiens ». Ce roman écrit dans les années 40, racontait la fin de la civilisation humaine et l’essor de la culture canine.

Un petit bémol, n’est-il pas étonnant que Dramix parvienne à envoyer un message à Zull, bien que celui-ci lui ait dit qu’il ne lui donnerait pas ses coordonnées? Et j’espère que, si ce sont bien des chiens, ils ont des extrémités préhensibles! La fin est sans espoir. Pour moi, cela ne peut pas être mauvais!

Sur la forme, bon, je dirais simplement qu’elle aurait pu mieux soutenir les bonnes idées que tu as eues. A cet égard, Narwa a déjà souligné l’essentiel. Tu as en tous cas respecté les consignes même de façon électronique. Le titre est-il un jeu de mots sur « l’être cosmique » et « lettres cosmiques » auquel cas c’est bien trouvé?

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-03-22 20:24:48 

 Les bonbons du démon.Détails
Miroir et initiation. Est-ce que l’herbe est plus verte de l’autre côté du mur? Ne t’étonne pas si j’ai fait une lecture très lacanienne de cette histoire. Tu sais, le fameux stade du miroir!

Mais il ne fallait pas agiter devant moi justement un miroir! Tu n’ignores pas que c’est comme un chiffon rouge agité devant un taureau ! Donc, attache ta ceinture et accroche-toi bien !

Ce récit décrit un passage, le passage d’un état à un autre, une sorte de sublimation, avec ce qui est au-dessus de la surface et ce qui est en-dessous.

Au-dessus, il y a le soleil, la ferme bien tranquille, une quiétude qu’on imagine indolente, hors du temps, extérieure au monde, juste en marge. Il y a une petite fille qui écrit à sa grand-mère et qui ne s’étonne pas d’être une sorcière avec des talents qu’elle domestique... C'est la description d'un rite du passage... Ca, c'est la face visible, l’image bien lisse renvoyée par le miroir quand il est à l’endroit, une forme de surnaturel apprivoisé, policé et éduqué. C’est une magie blanche et bienveillante, un peu « Ségolène » quelques fois, mais bon... je n’irai pas jusqu’à la magitude, c’est promis! A bien y voir, il n'y a nul danger, juste une illusion, un jeu sous surveillance.

Et puis, il y a ce qui se cache sous la surface. Je préfère de loin ces ombres qui évoluent sous l’eau, cette ivresse de la transgression, la sensation d'un nouveau sang, ces envies centrifuges qui rompent l'ordre douillet du cercle familial. La petite fille étend son champ de perception au-delà de l’univers enfantin où elle a grandi jusque là. Elle veut voir ce qu’il y a derrière ce mur et refuse de se contenter du champ de grives, elle en veut plus. L’image du linge humide est à cet titre édifiant, comme cette envie de voir le démon, n’est-ce pas suavement pervers?

J’ai cherché un petit moment pour trouver la signification de ce corbeau et de ce champ d’arbres à bonbons. Savais-tu que le corbeau, autrefois oiseau blanc, devint noir parce qu’il avait mal surveillé une princesse aimée d’Apollon qui en profita pour tromper le dieu. Celui-ci jaloux la tua et maudit le corbeau.

Et qui accorde plus de douceurs, les si tentants fruits du péché, que le démon? Et la boucle est bouclée car le miroir est cet instrument qui saisit le moment ou l'état durant lequel l'enfant devient adolescente. C'est l'image moins nette renvoyée à l'envers par le miroir, où à trop y regarder, on risque de voir sourire le diable.

Je t’avais promis une analyse au plus près du corps.

M

In girum imus nocte et consumimur igni

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-03-23 12:49:36 

 Famille, je vous aime!Détails
White trash... bon sang, c’est une histoire, que dis-je, c’est un reportage caméra à l’épaule qui dissèque au laser et sans anesthésie une cellule familiale gangrenée.

Il y a d’abord le pire visage de la famille recomposée : une mère dominée, un beau-père alcolo, brutal et bestial , un fils à l’image du père et cette jeune fille paumée. C’est la misère morale et sociale qui est déballée sous nos yeux, avec toute cette désespérance qui annihile la moindre velléité positive. L’histoire ne se met pas en perspective et il n’existe aucune piste pour déterminer les différents parcours. C’est une « tranche de vie » qui n’offre aucun espoir de salut.

Bon, il est vrai que c’est un journal tenu par une adolescente qui perd ses repères, et aligne les TS comme d’autres les timbres poste. Elle broie tellement du noir que, finalement, elle parvient à en projeter en dehors d’elle, le rendant consistant et le pliant inconsciemment à ses désirs. Ce qu’elle écrit est donc peut-être beaucoup plus glauque que ce qu’elle vit réellement. En fait, elle tourne en rond au fond de sa propre dépression, jusqu’à la schizophrénie qui se déclare quand se déchire le seul lien qui la maintenait au-dessus de la ligne, son amie Gaelle meurt. La caméra est forcément subjective, crue, sans fard.

C’est une terrible description d’une âme perdue, d’une enfance perdue : no future. Cette créature noire, si on écarte le symptôme schizophrénique clairement identifiable sur un plan strictement clinique, est une force que la jeune fille expulse inconsciemment pour en faire cet allié qui lui a toujours manqué, ce soutien et ce défenseur qui lui a tant fait défaut. D’après ce qu’elle ressent, elle est entourée au mieux d’étrangers au pire d’ennemis qui ne la comprennent pas mais qui la jugent sans relâche. Or, cette mystérieuse ombre noire ne parle pas, ne la condamne pas et semble la comprendre au contraire. J’aime bien la façon dont elle l’invite à la fin à s’élever mais le fait qu’elle ait tué l’affreux beau-père affaiblit la scène finale. Elle n’ouvre pas vraiment vers une possibilité de salut fantastique mais accrédite l’hypothèse que cette force noire n’est que le néant qui, après avoir frappé, l’attend en paiement du prix du sang.

Sur la forme, le style colle au contexte et aux sentiments qui animent la jeune fille, proche du langage ordinaire, avec des griffes et des crocs. Il n’y pas vraiment d’échange, aucune réponse. Mais cela renforce l’impression d’enfermement. Oui, tu as écrit là avec une plume acérée qui ne laisse pas de place à la moindre trace d'éclaircie.

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-23 21:23:35 

 Explications : attention spoiler (bis)Détails
"mais le fait qu’elle ait tué l’affreux beau-père affaiblit la scène finale. Elle n’ouvre pas vraiment vers une possibilité de salut fantastique mais accrédite l’hypothèse que cette force noire n’est que le néant qui, après avoir frappé, l’attend en paiement du prix du sang.
"

Dans mon esprit, cette créature est un élémentaire de mort en quelques sortes. Mais la mort a plusieurs visages, douce et libératrice pour Gaëlle, elle est peut-être un passage vers un autre état. Violente et douloureuse pour le beau-père, elle est juste la fin de la vie. Car la demande de Florence n'était pas la même : "apaise-là" et "je veux qu'il crève".
L'ombre n'attend aucun paiement de rien. Il proposait déjà à Florence de partir avec lui avant de tuer le beau-père. Il est venu sur l'invocation de la jeune fille "que quelqun m'aide". Il exauce ses prières. D'ailleurs, elle n'est pas obligée de le suivre. Il propose, c'est tout.
Pour moi, cet esprit est totalement neutre. Il appartient à une dimension qui est en quelque sorte la mort. Le fait que Florence est tenté de se tuer plein de fois fait qu'elle s'est détachée de la réalité et rapprochée de cette dimension. Et rend possible le fait qu'elle voie l'esprit. L'intensité avec laquelle elle aspire à la mort rend possible le contact avec l'esprit. Il vient la chercher.
Et si il lui tendait les bras dès avant la mort de Gaëlle, cela dissiperait le doute sur les "intentions" de l'esprit ?

Bon, et sinon, qu'as-tu pensé du texte ? Tu aimes bien ou pas top ?

Est', à fond dedans.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-03-24 15:28:09 

 Réponse au spoiler bisDétails
J'ai lu tes deux spoilers et effectivement, tu apportes quelques éléments qui éclairent sans doute différemment cette histoire.

Mais je ne pense pas que l'on puisse empêcher le lecteur d'avoir sa propre perspective de l'histoire. Chacun y apporte ce qui le rend si différent de tous les autres, son affect, sa culture, sa proximité ou sa distance, sa propre histoire. Au bout du compte, le lecteur trouvera l'histoire émouvante ou insipide, intelligente ou prétentieuse, intéressante ou inutile... etc.. etc... et ça, l'auteur n'y peut rien. Une fois qu'il l'a rendue publique, l'histoire ne lui appartient plus vraiment. Et tous les ingrédients qu'il a mélangés pour apposer le point final au bout de la dernière ligne seront reconnus ou non. Certains lecteurs relèveront plutôt tel aspect, d'autres tel autre et ils laisseront peut-être celui qui était le plus évident pour l'auteur. On n'y peut rien!

Pour ce récit, l'accumulation de faits réalistes, hyper-réalistes même, ne me conduisait qu'à deux hypothèses :

a) la folie qui se déclenche et qui emporte à la fin la jeune fille qui n'arrive plus à équilibrer ses tensions internes. Elle présente bien les symptômes d'une schizophrénie. Mais cette option est forcément réductrice même si elle est très plausible.

b) Cette brume noire est une manifestation de type "poltergeist " puisée dans la souffrance aigue de la jeune fille, répondant à ses désirs refoulés. Et pourquoi, après avoir agi avec une belle efficacité sur le réel (fin apaisée de sa camarade, élimination radicale de son beau-père..), l'ombre l'invite-t-elle à quitter ce monde changé? Pourquoi la jeune fille voudrait mourir après ça? J'ai compris (ou voulu comprendre) qu'en échange de son action, l'ombre réclamait autre chose (tu la qualifies d'élément relevant de la mort).


J'ai apprécié ta maîtrise de la narration, écorchée et tailladée, qui colle bien au sujet. Le style correspond à l'état émotionnel de l'héroïne (sans jeu de mot) et traduit son errance et sa perdition. Et c'est peut-être le revers de la médaille, il n'y a rien dans l'histoire qui permet une distanciation avec la réalité (ou la folie).

S'il paraît que les lecteurs du site sont en majorité jeunes ou de jeunes adultes, j'appartiens à l'exception qui confirme la règle.

M

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Eltanïn  Ecrire à Eltanïn

2008-03-24 18:02:42 

 Pas toujours, mais qu'importe ?Détails
Un chien ? Non, j'imaginais plutôt un humanoïde, mais qui s'appuierait sur une queue comme balancier, un peu comme un kangourou.

Il est certes étrange que Darmix puisse répondre à son message, mais puisque le SSS détient les coordonnées du vaisseau et ordonne de répondre... J'aurais dû les transmettre dans le message du général, mais je n'avais pas assez réfléchi à la question.

Pour la forme, je travaillerai plus la prochaine fois, promis.
Et pour le titre... ce n'était pas voulu. Je n'avais pas réalisé, d'ailleurs :)
Eltanïn

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2008-03-24 20:08:26 

 Mon impression sur ton texteDétails
J'ai trouv" la forme formidablement cohérente, réaliste, efficace. C'est noir, noir, noir, c'est crédible, c'est un bout de vie désespérée et sombre, et, comme le fait remarquer Maedhros, le problème du coup est que rien ne permet de s'en distancier.
L'ombre peut être interprétée comme une simple projection de la jeune fille: le décès de son amie après son souhait n'est alors qu'une coïncidence, qui vient renforcer la pensée magique associée à cet être imaginaire, et elle peut très bien avoir tué son beau-père elle-même, alors qu'elle se croit encore dans la pièce à côté. Ce qui expliquerait que sa mère se jette sur elle avec agressivité.

J'ai ressenti comme 'Roquen, sur le fond du texte, une apologie du suicide: la mort est la seule porte de sortie, tant pour Gaëlle que pour Florence. Quant à la mort du beau-père, elle est libératrice aussi en quelque sorte, pour la mère par exemple. Elle aurait pu l'être aussi pour Florence, mais malgré ça, elle se suicide (j'ai du mal à comprendre la fin autrement que comme une défenestration moi aussi). En plus, cette défenestration est attendue: la gamine suicidaire qui vit au 15ème étage et fait des TS aux médocs et aux rasoirs, le jour où elle ne veut pas se rater, la fenêtre est l'évidence même.

Je pense que si ton texte appelle un sens, contrairement à ceux d'autres auteurs, c'est qu'il touche à des sujets sensibles et traite de thèmes qui font débat: la mort libératrice, la folie, le suicide, la dépression, la misère sociale, la souffrance, ... Difficile de rester neutre quand on traite ces thèmes, donc forcément, on attend une prise de position. Plus, par exemple, que quand on traite de la vie des cafards ou des farces d'un lutin murphysien ;)
Je tourne et retourne le texte dans ma tête (personnellement, je ne me sens pas capable de le relire, il est très dur et ça n'a pas été une partie de plaisir), et je cherche ce qui manque pour créer la distanciation. L'ombre devrait pouvoir être plus clairement définie comme un élément fantastique, et non une projection de l'esprit de la jeune fille: j'en sais rien, déplacer des objets, téléporter la gosse, etc, des trucs que clairement elle ne pourrait pas réaliser elle-même. Et la fin devrait pouvoir être interprétée autrement: des ailes blanches qui lui poussent, un réveil en sursaut après, que sais-je... Ici, la mort est perçue comme la seule solution possible. Et ça, c'est dérangeant.

Concernant les lecteurs, il me semble que ton texte, tel quel, mériterait au moins deux avertissements préliminaires: 1) Lecteurs sensibles, s'abstenir; 2) L'auteur précise que les points de vue développés dans ce texte ne sont pas les siens, et précise ne pas défendre personnellement le suicide (ou quelque chose du genre, enfin tu formulerais ça mieux que moi).
Ou alors, il faudrait changer la fin et faire un happy end.

Pour résumer, je dirais que le point positif est que tu parviens très très bien à toucher le lecteur. Ton écriture est parfaite de ce côté-là. Mais maintenant que tu sais atteindre le lecteur, reste à mesurer tes coups portés pour éviter de le blesser trop grièvement. Pour aussi bon que soit ton texte sur le plan formel, je ne le relirais pas une seconde fois... J'espère que tu comprends mon point de vue, je veux dire, on est là pour faire de la littérature, l'imaginaire qui fait du bien, qui transporte ailleurs, qui provoque des émotions, qui joue à nous faire peur, qui nous angoisse et nous bouleverse. Mais quand on ferme le livre, on doit pouvoir se dire "Ouf, c'est juste une histoire". Ici, rien ne nous permet de distancier. Ta plume est très bien aiguisée, prends soin de ne blesser personne avec...

En espérant que nos remarques ne te blesseront pas, toi,
Elemm'

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z653z  Ecrire à z653z

2008-03-25 13:02:50 

 petits petits petitsDétails
Eltanïn a peut-être voulu écrire tous (sans exception) petits... mais j'en doute :p

z653z qui chipote

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z653z  Ecrire à z653z

2008-03-25 13:22:58 

 çaDétails
"D'ailleurs, la première chose que j'ai fait en montant sur le vaisseau, c'est d'enlever les espions du vaisseau. Je me suis rendu compte que rien n'avait trop changé depuis l'époque de mes études, et que je me rappelai d'encore assez de choses pour faire ça proprement."

Pour moi, le "ça" faisait référence à "enlever les espions du vaisseau".

Me trompe-je ? :)

PS : à part ça j'ai bien aimé la space adventure ;)

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z653z  Ecrire à z653z

2008-03-25 15:13:24 

 distanciationDétails
Désolé si je réponds à plusieurs personnes dans ce message, mais je n'ai pas envie de disperser mes impressions.

puits prend un s à la fin.

Texte très bien rythmé.
Ton texte se rapproche de certaines nouvelles de Stephen King qui raconte des horreurs de la vie courante et c'est souvent classé dans le fantastique.

La psychologue scolaire ne ressemble pas à "l'image" que j'ai des psychologues. Trop gentille et propre sur elle. Bref, trop caricaturale. Je la vois plus comme une conseillère principale d'éducation (si le poste existe toujours).

Je trouve ton anorexique un peu trop désespérée. Je les imagine plus accrochés à leur besoin de contrôle et à leur vie.

Je m'attendais à ce que le beau-père s'en prenne aussi au fils. Il aurait pu être une menace potentielle pour le beau-père. Mais ça se tient dans l'hypothèse qu'il serait "seulement" misogyne.
D'ailleurs le fils ne semble pas avoir de réaction particulière à la mort de son père, c'est étrange.

Personne ne remarque les plaies de Florence au lycée vu qu'elle y retourne très rapidement pour échapper à sa famille.

"De plus, chaque classe de lycée contient au moins une personne dépressive ou anorexique. Les jeunes sont donc déjà confrontés à cette réalité dans la vraie vie." -- Personnellement, je ne me posais pas la question s'il y avait des personnes dépressives ou anorexiques dans ma classe, je voyais des gens qui n'avaient pas le moral mais de là à les croire malades. Mais, c'est vrai qu'avec le nombre hallucinants d'articles et de reportages sur ces sujets dans les médias, c'est dur d'y échapper.

"Et pourquoi, après avoir agi avec une belle efficacité sur le réel (fin apaisée de sa camarade, élimination radicale de son beau-père..), l'ombre l'invite-t-elle à quitter ce monde changé? Pourquoi la jeune fille voudrait mourir après ça?"
"elle peut très bien avoir tué son beau-père elle-même, alors qu'elle se croit encore dans la pièce à côté. Ce qui expliquerait que sa mère se jette sur elle avec agressivité." -- Je préfère cette interprétation et ça expliquerait les vomissements (vu qu'elle supporte très bien l'odeur de son sang et celui de son collègue).

"Ou alors, il faudrait changer la fin et faire un happy end." -- Mieux vaut une fin encore pire que l'histoire principale et qui permettrait de s'en détacher tout en la préservant.

"Ouf, c'est juste une histoire" -- Pour moi c'en est une vu que la fin laisse libre cours à l'imagination du lecteur.

z653z qui fait long et qui a aimé :)

PS : il y aurait probablement eu "apologie du suicide" s'il n'y avait pas eu la "présence" de cet "élémentaire de mort".

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-27 17:13:52 

 DistanciationDétails
Je suis bien d'accord qu'on ne peut empêcher le lecteur d'avoir sa propre interprétation mais j'aimerais tout de même modifier le texte pour qu'il ne puisse pas passer pour une apologie du suicide...

Le monde a changé après les deux morts mais pas en mieux. L'unique amie de Florence a disparu et, même si le beau-père haï a disparu lui aussi, cela ne résoud pas le mal être profond (et sans doute inné) de Florence. De plus, sa mère lui impute la mort de son mari et la déteste.

L'absence de distanciation est intentionnelle et je ne vois pas en quoi cette absence constitue un problème. En effet, une distance aurait affadi le propos qui est de pousser un cri d'alarme sur une jeunesse qui souffre et se laisse mourir.
Il n'y a pas de distance à prendre. Cette souffrance existe dans le réel; chacun y est confronté. Je décris des faits certes imaginaires mais de tels faits se produisent tous les jours, sous nos yeux.
Je vais prendre un exemple.
Je ne sais pas si vous connaissez le film Le tombeau des lucioles. Loin de moi l'idée de me comparer en aucune façon à ce grand cinéaste ! Je le résume pour ceux qui ne connaissent pas. Deux enfants de 3 et 9 ans environ vivent au japon à l'époque de la seconde guerre mondiale. Ils se retrouvent orphelins suite à un bombardement. Ils essayent de survivre seuls, livrés à eux-même.
Ce fil décrit une situation très réaliste, sans aucune concession. On voit les gosses souffrir de la faim, de maladies, connaître la peur, la solitude, le désespoir... On reste collés à eux, à leur malheur.
Il n'y a là non plus aucune distance. On souffre avec eux. Le film est incroyablement dur. On en ressort pas indemne. J'ai pleuré deux seaux pendant ce film et je ne me sens pas la force de le revoir. Pourtant, je suis solide ! Est-ce là une faiblesse de ce film ? Au contraire, il est incroyablement fort. Je ne suis pas prête d'oublier cette évocation de l'horreur de la guerre. Cette réalité, cette absence de distance fait la puissance de ce film et son pouvoir sur le spectateur. Le message "plus jamais ça" vous frappe en plein coeur et ne vous quittera plus jamais.
Comprends-tu ce que je veux dire ? La distanciation n'est pas systématique ni obligatoire. On peut choisir de ne pas en mettre dans un but particulier.

De plus, écrire un texte choquant est peut-être aussi une façon de céder à la facilité. Je reprochais à mes textes précédants leur manque de contenu émotionnel. J'avais résolu de toucher mon lecteur. Et il est plus facile de le faire avec du glauque et de l'horrible qu'avec de bons sentiments. Il faudra que je m'attaque sans tarder aux sentiments positifs.

Estellanara, qui a du mal à s'expliquer.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-27 17:28:41 

 Distanciation 2Détails
Déjà, merci pour les compliments.

Ensuite, sur le problème de la distanciation, j'ai répondu à Maedhros. j'espère avoir réussi à m'expliquer.

J'aime bien ton interprétation de la mort du beau-père. Oui, c'est peut-être ce qui s'est passé.
La défenestration est l'une des deux hypothèses que je voulais donner au lecteur. Bon, je suis un peu passée à côté sur ce coup-là.

Ah, ça c'est sûr qu'avec les cafards, je ne me prenais pas la tête :o)

Ah ouais, tu me donnes une idée ! Pour que le lecteur envisage la possibilité que l'ombre existe, il faut que je rajoute un truc.
Et si Florence regardait l'heure juste avant de souhaiter que Gaëlle soit apaisée et si la psy lui disait que c'est à cette heure-là qu'elle est morte ? Ca viendrait appuyer l'existence du monstre, non ?

Le problème est que je ne peux pas décrire "l'envol" de Florence car c'est elle qui écrit l'histoire dans on journal. Comment écrirait-elle ça ?
Peut-être pourrait-elle voir une lumière derrière l'ombre, une couleur particulière qui dirait que la dimension s'ouvre à son intention ?

S'il est encore temps pour éditer le texte, je vais suivre tes conseils d'avertissement.

Impossible de faire un happy end !! Cela ne finit pas bien dans la vraie vie.

Je ne suis pas d'accord avec ton point de vue sur la littérature. Tu recherches des lectures distrayantes, dépaysantes et positives et c'est ton droit le plus strict. Mais la littérature peut aussi servir à dénoncer, à militer.
Et non, certains livres ne sont pas que des histoires. Et ça peut être leur intéret. As-tu lu Le journal d'Anne Frank ?
J'espère ne pas t'avoir blessée avec ma plume et si c'est le cas, je m'en excuse.
Je ne prends pas mal tes remarques. Elles sont intelligentes et argumentées. No souci !! Au contraire, je suis ravie d'avoir ton avis, qui est fort intéressant.

Est', auteur contrarié.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-03-27 17:45:57 

 YouplaboumDétails
Stephen King ? Tiens c'est marrant, j'en ai lu y a pas longtemps. Cela m'aurait-il influencé ?

Connais-tu des psychologues scolaires ? Il s'agit d'une espèce à part, bien loin des "vrais" psy...
Celles que j'ai connues étaient amateurs et profondément inefficaces, comme d'ailleurs les conseillers d'orientation qui ne connaissent pour la plupart rien du marché du travail. Je voulais dénoncer le manque de moyens mis en oeuvre dans l'encadrement scolaire.

J'ai connu de près plusieurs anorexiques. Elles étaient/sont très différentes l'une de l'autre mais l'une d'elles était comme ça.

Je pars du principe que le père ne martyrise pas le fils car c'est un double de lui. Le gamin est à son image.

Le fils est dans sa chambre quand son père meurt. Il a bien entendu des cris mais c'est habituel dans cette maison. Il s'en fout, il n'est pas allé voir. Il n'est tout simplement pas au courant que son père est mort.

Tout le monde au lycée sait que Florence est dépressive et suicidaire. Ses collègues l'évitent car elle est agressive. Certains lui ont demandé si elle allait bien et elle les a méchamment rembarrés, comme c'est suggéré dans le texte.

Tu faisais peut-être partie d'un bahut bien protégé. Mais dans mon lycée, il y a eu des suicides. Et il y avait une fille qui pesait 38 kg. Difficile d'ignorer qu'elle était malade...

"Pour moi c'en est une vu que la fin laisse libre cours à l'imagination du lecteur." Ah merci !!!!! Enfin un qui m'a comprise !
Merci Z, je commençais à déprimer, moi aussi !!! Hihihi !

Est', auteur rassuré.

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