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De : Onirian Page web : http://oneira.net Date : Mardi 14 avril 2009 à 17:52:27 | ||
L'idée est partie d'une scène de panique, mais la description ne porte pas vraiment dessus. Au temps pour les consignes. Attention tout de même âme sensible s'abstenir, quelques mots pourraient heurter la sensibilité des plus jeunes. -- Je suis une cicatrice. Vous savez, ce morceau de chair boursoufflé, reconstruit par le temps, mais bancal. Si votre corps porte ce genre de stigmate, passez votre index dessus. Vous sentirez bien le doigt se poser sur votre peau, mais la sensation reste absente. Le contact est là, mais pas la caresse. Je lève les yeux vers le Centre de Reprogrammation Chirurgicale, un immense bâtiment de verre, la fine fleur de la technologie mnémonique. "Le crime est une malformation du cerveau", c'est leur slogan. Une petite ablation et le loup devient agneau. La haine fait moins d'un centimètre cube. N'est-ce pas épatant ? En tout cas, c'est efficace. La société existe depuis une vingtaine d'année. Criminalité divisée par deux la première année, et encore par deux la suivante, et ça, dix ans de suite, avant de se stabiliser à un niveau si bas que seuls les fous se laissent encore aller. En moins de deux décennies le crime à quasiment disparu. Le taux de rechute est proche du nul pour les crimes mineurs, et inexistant pour les homicides. A chaque malfrat sa petite zone. Quand on se fait attraper, on ne prend plus trois ans ferme, on perd juste quelque grammes et on est aussitôt relâché. Moins de trois jours et vous avez payé votre dette à la société. Efficacité avant tout. Et puis, qui préfère une prison à un centre commercial ? Je crois que devrai être heureux. Avec l'ancienne législation, c'est la peine de mort qui m'attendait, pour au moins cinq motifs : tentative de sabotage du CRC, blasphème gouvernemental, appel à l'insurrection, vol d'armement, refus de me soumettre... Peine capitale : huit ponctions et un peu plus de trois centimètres cubes, voila ma sentence, et je n'ai plus envie de lutter contre le gouvernement. J'ai encore le souvenir, un peu vague, d'il y a trois jours ; l'exaltation d'avoir réussi à diffuser un message radio prônant la lutte ; la saveur de la peur quand ils m'ont attrapé ; la terreur pure quand ils m'ont amené devant ce bâtiment. Mais la différence est la même qu'entre une photo et une personne vivante. Je ne ressens plus rien. Ni peur, ni joie, ni tristesse, néant. Quoique... Si, un grand vide. Probablement comme les aveugles, quand on ne voit plus rien, on voit du noir. Je suis une cicatrice. Peut-être que si je vis quelque chose d'assez fort, je ressentirai un petit quelque chose, une preuve que je suis encore vivant. Ma main se resserre sur la crosse de mon Desert Eagle amélioré. Les armes subsoniques tuent avec nettement plus d'efficacité, mais tous les Cops ont des brouilleurs. Non, contre cette antiquité, ils ne sauront rien faire. Plus personne ne sait gérer ce genre de vieillerie. Seul le chargeur est moderne. Un décompresseur de matière trafiqué pour générer des balles. J'ai cinq milles morts potentiels dans ma main. Et pas le moindre sentiment de puissance. C'est la faille de leur système. Je suis techniquement inoffensif, je n'en veux à personne, pas même à ceux qui m'ont retaillé les idées. Ils n'ont même pas pris la peine de fouiller ma maison. L'arme est à moi, je l'ai achetée chez un receleur d'antiquité. Le chargeur vient d'une usine d'extraction de minerai et à été modifié par mes soins... Avant. J'ai également un brouilleur, le même modèle que les Cops, mais amplifié pour annuler jusqu'à vingt décharges simultanées. Je repense à tous ces objets, comment je les ai obtenus, le travail méticuleux pour les transformer en merveilles. Je guette la pointe de fierté qui devrait normalement venir... en vain, une fois de plus. La grande horloge holographique indique midi. Ils vont sortir comme tous les jours. Je vais les tuer. Eux, les employés de CRC, et le Baron aussi, dévoué président de la société qui à changé le monde. En d'autres temps, on aurait crié à la vengeance. Mais ce n'est pas le cas. Je ne leur en veux pas, je me souviens à peine qu'il faudrait que ce soit le cas. La vérité, c'est que leurs vies ou leurs morts ne m'importent absolument pas, ils y ont veillé. Mais peut-être que les tuer eux plutôt que des inconnus déclenchera en moi... je ne sais pas... une espèce de satisfaction ? J'aimai tellement la vie avant... Enfin, je crois. Les deux grandes portes s'ouvrent. J'ai fait des simulations, pour en tuer un maximum, je dois attendre dix secondes après que le premier employé ait franchi la porte. J'attends. Maintenant. Je lève mon arme, vise la tête du premier, et tire. Une détonation assourdissante, il s'effondre. Des morceaux de cervelle ont éclaboussés les blouses blanches de ses collègues. Je vois des yeux s'écarquiller, et d'autres rester ternes. Combien ont été reformatés ? Je tire à nouveau, sur le voisin de droite. La même détonation, une gerbe de sang, un mort de plus. Je cherche en moi le sentiment de culpabilité pour avoir tué des innocents, ou la jouissance de défier le système, ou l'horreur de ma folie, mais rien. Troisième tir. Ils commencent à s'agiter. Des cris, des hurlements ils courent tous, dans tous les sens, certains se ruent dans ma direction, je les tue également. Voulaient-ils mourir ? Les gardes sortent à leurs tours du bâtiment, me mettent en joue, activent leurs onduleurs, et... néant. Pas d'évanouissement, j'ai fait du bon boulot avec le brouilleur. Je cherche une pointe de satisfaction ? Peine perdue. Je les tue à leur tour. Dois-je continuer ? C'est un échec sur toute la ligne. Je regarde ces pantins évoluer. Il y a ceux qui regardent la scène, qui ne sont pas concernés, ceux qui fuient. J'entends des "Oh mon dieu", des "Au secours", la place se vide, mais malgré les coups de feu, le flot régulier de blouses blanches sortant du bâtiment de verre ne tarit pas. Les rigueurs de l'habitude sans doute. Je croise un regard. Un homme, intrigué, il ne comprend pas pourquoi je fais ca. Est-ce qu'il n'a véritablement aucune peur ou est-ce moi qui ne suis plus capable de la lire ? Ce doit être lui, j'identifie facilement ceux qui ont peur. J'aperçois finalement le Baron, facilement reconnaissable, c'est le seul qui est habillé en gris. Il est encore dans le building, debout sur quelque chose pour observer la scène. Je tire et le touche au bras, il tombe de son piédestal, je ne le vois plus. J'hésite un instant, j'ai faim, forcément, il est midi. Est-ce que je continue, ou est-ce que je vais manger ? Sur ma langue le goût existe. Ce n'est ni bon ni mauvais, mais il y a un goût. Pile ou face. Je vise un autre employé, celui aux yeux interrogateurs, si je le touche, je poursuis le baron, sinon, je vais manger. Il meurt, je m'élance. Au loin, les sirènes de l'armée. Ils ne vont pas tarder. Etre dans leurs rangs signifie l'ablation gratuite et automatique de la zone de peur. Ils me maitriseront, c'est mathématique. Et après ? La peine de mort n'existe plus, les prisons ont été démantelée, et j'ai déjà reçu la peine capitale. Je suis probablement le premier reformaté qui tue. Mes anciens camarades en seront fiers, je crois. J'ai retrouvé le Baron. Il est devant moi. Je vois la peur sans ses yeux. Il transpire en se tenant le bras, salement amoché d'ailleurs. Je comprends pourquoi on à interdit la possession de ce genre d'arme. Une idée : la torture. Est-ce que ca peut marcher ? Je lui tire dans le pied, il hurle. Non, rien de plus. Que fait-il ? Une seringue. Il s'injecte quelque chose. Probablement des nanites. Mes derniers vols de documents en parlaient. S'ils disaient vrai, dans moins d'une minute l'hémorragie sera stoppée et dans un mois, il aura récupéré son pied. - P..pp... pourquoi ? Comment ? Il veut savoir pourquoi je fais ca. Je ne comprends pas sa question. Est-ce qu'il ne devrait pas plutôt me demander de l'épargner ? Je plonge dans mes souvenirs pour tenter de trouver une situation similaire, comment aurais-je réagi ? Personne ne m'a jamais tiré dans le pied, dommage. - Je voulais ressentir quelque chose. Et il me semblait plus probable que ca fonctionne mieux si je tue des gens à qui je devrai en vouloir, ou des gens que je devrai aimer. Mes parents sont déjà morts, alors c'est vous que je tue. Mais ca ne marche pas. Cette terreur qu'il semble ressentir... Est-ce qu'il joue la comédie ? Non, je ne crois pas. A quoi bon continuer, j'aurai du aller manger, ca ne fonctionne pas. - Il... il y a une solution, tire toi dans la tête, tu ressentiras quelque chose ! Me tirer dans la tête. Oui, j'y ai pensé, évidement. Mais si ca ne marche pas, je serai mort avant d'avoir ressenti quelque chose à nouveau. Il s'y connait en ablation, c'est lui qui a inventé la méthode. Comment savoir s'il ment... Il faudrait que je puisse essayer avant. Je dirige mon pistolet sur sa tête, j'attends trois secondes. Oui, il est vraiment paniqué, c'est donc que ça doit être efficace. Une nouvelle détonation. Les nanites ne pourront pas réparer ce genre de dégâts. Pour guérir d'une blessure à la tête, il faut une tête. Je pose le canon sur ma tempe. Rien. J'appuis. -- Onirian, pas de panique. Ce message a été lu 6542 fois | ||
Réponses à ce message : |
3 superbe texte - z653z (Jeu 16 avr 2009 à 17:49) 3 Commentaire Onirian, exercice n°15 - Narwa Roquen (Jeu 16 avr 2009 à 16:30) 3 Comm Onirian WA n°15 - Elemmirë (Mar 14 avr 2009 à 23:51) |