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 Wa - exercice n°65 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 15 juillet 2009 à 23:52:48
Je vous propose de vous essayer à un genre particulier: l'uchronie. C'est un genre qui repose sur la réécriture de l'Histoire à partir de la modification d'un évènement du passé; on l'appelle encore "Histoire alternative". En clair, vous allez imaginer ce qui se serait passé si Napoléon avait gagné à Waterloo, ou si Louis XVI avait maté la Révolution... ou à tout autre tournant de l'Histoire. Cela risque de vous obliger à relire un peu... mais la documentation fait partie du travail de l'écrivain...
Bien sûr dans ce contexte uchronique, vous pouvez inventer l'histoire qui vous plaît, dans le style qui vous va, et avec les personnages que vous choisirez en toute liberté .
Vous avez jusqu'au jeudi 20 août, ce qui vous laisse le temps de partir en vacances, de revenir, et d'écrire quand même...
Je voudrais pour cet exercice en appeler aux bonnes volontés des Faëriens: si l'un d'entre vous a des compétences en Histoire et/ou en géopolitique, je lui confierais volontiers la mission de commenter les participations sur le plan de la cohérence. Ce n'est pas pour me défiler, mais je sais reconnaître mes limites!

Je sens que quelques uns frémissent... Pas de panique! Ce n'est qu'un exercice, et l'important c'est que vous preniez plaisir à l'écrire! N'hésitez pas à faire simple, et laissez simplement libre cours à votre imagination...
Bonnes vacances à tous!



Narwa Roquen, l'imagination est plus importante que la connaissance ( Einstein)
Narwa Roquen, l'imagination est plus importante que la connaissance ( Einstein)


  
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Réponses à ce message :

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z653z  Ecrire à z653z

2009-07-21 11:01:33 

 sliders...Détails
... code quantum, demain à la une... quelques exemples de séries télévisées (il y a aussi des films comme l'effet papillon) qui utilisent dans chaque épisode l'uchronie.

Bon courage.

PS : pour un fan de SF, c'est assez dur de faire original vu tout ce qui a déjà été écrit à ce sujet.

Ce message a été lu 6425 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-07-21 17:14:13 

 Et dans Star Trek...Détails
...avec l'épisode 28 de la saison 1 : Contretemps (The City on the Edge of Forever en anglais) : inoubliable !!!
Même si pas mal de choses ont été écrites, rien n'empêche d'en refaire une à sa sauce. Quand tu vois le nombre d'uchronies sur Napoléon ou la victoire des nazis, tu te dis qu'il doit rester des choses à écrire.
Je trouve ce thème très inspirant. Technique sans doute, car il faut maîtriser des tas de notions politiques, historiques et scientifiques pour bien appréhender le point de divergence et ses conséquences.
Je pense que je vais tenter un texte gai et enjoué, pour une fois. Et s'il était dans les temps, ce serait encore mieux mais je me connais...

Est', vers l'infini et au delà.

Ce message a été lu 6554 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-08-09 18:35:10 

 Juste pour dire...Détails
...qu'il pourrait bien y avoir des participants inattendus à ce WA.

Est', qui vivra verra.

Ce message a été lu 6958 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-08-13 14:09:28 

 Ben voilà !Détails
J'ai fini mon texte pour l'exercice 65. Plus qu'à le relire et à le faire relire. Je le dédicacerais bien à Narwa et à Elemm', pour une fois que j'écris un truc pas glauque, hihi !
Par contre, je pars en vacances une semaine donc je ne pourrai pas le poster le 20. Mais le 23 ou le 24, il devrait être en ligne.
C'était un chouette petit sujet, n'empêche.

Est', pou pou pidou.

Ce message a été lu 7139 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-08-17 23:12:24 

 Prolongation du délai : une semaineDétails
... c'est à dire jusqu'au jeudi 27 août . Chuis compleutmaet débeurdaée... Pwint mim le temps deucrir, miyards!
Narwa Roquen, qui rentre d'un voyage chez les ch'tits hommes libres...

Ce message a été lu 7081 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-08-23 13:31:18 

 WA65 : participationDétails
L'ère de résonance







1

“Will the moon still hang in the sky when I die.
When I die, when I'm high, when I die?”
Jefferson airplane


L’engin s’est posé sans un bruit sur le sol poussiéreux. Tout autour, à perte de vue, s’étend un désert de pierres grises. Au loin, on aperçoit de légers reliefs, comme des plateaux de roc nu. Il fait nuit et le ciel est illuminé d’innombrables étoiles. Brillantes, si brillantes. Pas de nuages ici pour les cacher, pas de ville dont les lumières affadiraient leur éclat. La plaine est d’un calme irréel. Pas de vent ici, pas de son, pas de vie. L’engin repose sur ses longues pattes, comme un gigantesque scarabée, doré dans sa partie inférieure, blanc en haut. Un craquement et une voix surgit. Elle est étouffée, si distante qu’elle semble venir du fond des âges :
- Go pour la dépressurisation de la cabine. Go pour la dépressurisation de la cabine.
Une autre voix lui répond, brouillée par des parasites :
- Le panneau est en train de s'ouvrir. Prêt à descendre pour prendre quelques cailloux.
Une silhouette apparaît en haut de l'engin spatial et un homme sort précautionneusement. Il est enfermé dans un scaphandre massif. Il porte dans le dos une volumineuse réserve d'oxygène et son visage est dissimulé par sa visière. La première voix reprend :
- Okay. Nous vous voyons descendre l'échelle.
- Je suis au pied de l'échelle. Le sol a une texture très, très fine, vu de près. C'est presque de la poudre. Je vais descendre de l'appareil à présent. C'est un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l'humanité.

Le cosmonaute fait quelques mètres. Sa démarche est hésitante, gênée par l'équipement et par la faible gravité. Derrière lui, un orbe étincelant est apparu sur la noirceur des cieux. C'est la Terre qui se lève à l'horizon de la Mer de la Tranquillité. Sa couleur tranche sur la grisaille lunaire : bleue, incroyablement bleue. Avec seulement quelques filaments de nuées et un continent ocre, que l'on devine à peine. L'homme se tourne et contemple ce spectacle, sa planète, si belle et si lointaine qu'elle en semble irréelle. Soudain, Neil se crispe. Un objet vient d'apparaître devant lui, surgi de nulle part, un objet qui ne peut être là. Le temps semble se figer et, durant une seconde longue comme une éternité, Neil observe la chose. Ses yeux refusent de croire cette vision de délire. Il cligne à plusieurs reprises mais c'est toujours là. C'est une énorme chenille verte, haute comme un homme, dressée presque verticalement. Elle est entourée d'un léger halo bleuté et porte plusieurs artefacts dans ses multiples pattes. Elle possède six yeux noirs et une bouche entourée de fins tentacules. Neil la fixe, stupéfait, incapable de réagir. Des hurlements explosent dans sa radio :
- Ici Capcom, est-ce que vous voyez ... Coupez la transmission ... ! Coupez ... !! Répondez Eagle...
Des parasites et puis le silence. La radio s'est tue.

Neil tressaille dans son scaphandre. Ses réflexes surentraînés de cosmonaute reprennent le dessus. Il tend les mains, paumes vers le haut en signe de paix, et s'avance lentement. La chenille fait de même. Les deux êtres s'arrêtent à quelques pas l'un de l'autre. La radio crépite et une voix résonne dans le casque, grave et parfaitement nette :
- Mes respectueuses salutations, terrien. Za'k est mon nom. L'étoile que vous connaissez sous le nom de 16 Cygni A est l'endroit dont je suis venu.
La voix est calme et posée, dans un anglais impeccable. Sous les tentacules, la bouche de la chenille n'a pas bougé. Neil inspire profondément et répond :
- Je vous salue Za'k. Je suis Neil Armstrong, commandant de la mission Apollo 11. C'est un grand honneur pour moi de vous rencontrer.
- Votre accueil est grandement apprécié. Vos amis de la base terrienne peuvent nous entendre et nous voir. Cet objet est la raison de ma venue ici.
L'être s'approche encore, en rampant sur son extrémité caudale. Sa chair élastique est parsemée de petites tâches jaunes. Des protubérances rondes saillent au bout de sa queue. Un de ses membres se tend et présente un artefact métallique. Il s'agit d'une sphère dorée, de la grosseur d'une pomme, gravée de multiples motifs géométriques. Elle est entourée d'un anneau plat, doré également, qui la fait ressembler à une miniature de la planète Saturne. L'être penche la tête et ses yeux clignent tous ensemble. Il poursuit :
- C'est un cadeau que ceux de mon espèce souhaitent offrir à la votre. Module de résonance est le nom que vous lui donneriez et...

Maya se détourna brusquement de l’écran et demanda de sa voix aiguë :
- Dis Maman Joan, il va venir pour de vrai le monsieur de l’espace ?
L'enfant était petite et potelée, nue à l'exception d'un collier de coquillages. Elle avait des cheveux carotte et un visage constellé de tâches de rousseur. Elle passait la moitié de sa vie à grimper aux arbres, comme en témoignaient les multiples éraflures de ses genoux. Pour l'heure, elle regardait sa mère avec une moue sérieuse. Celle-ci était installée juste à côté, étendue sur le grand canapé mou, sur une couverture de laine rugueuse. Elle était mince et musclée avec la peau sombre et de longues dread locks. Elle portait une combinaison sarouel en coton et de nombreux colliers faits de graines de baobab. Elle fit un large sourire et répondit d'une voix un peu traînante :
- Bien sûr qu'il va venir, ma chérie. Il va descendre dans son grand vaisseau. Encore quelques heures et nous irons l'attendre.
- Waaah ! Vivement qu'il arrive !
Et la petite fille se mit à sauter joyeusement sur le canapé.

L'enregistrement de la Rencontre continuait sur le vieux lecteur holo, déroulant la scène en noir et blanc et en deux dimensions. Maya se rassit et cala sa tête sous l'épaule de Joan. Za'k donnait rendez-vous à l'espèce humaine dans cent ans jour pour jour et adressait un petit salut à Armstrong qui serrait contre lui le module de résonance. Le film prit fin avec un grésillement, dû à l'usure du cristal maintes fois visionné. Le silence retomba et on n’entendit plus que les craquements des murs de bois. La pièce était un bureau garni de plusieurs bibliothèques. Les volumes s'y entassaient, des livres d'art, des manuels de musique, un traité sur le bouddhisme, le Kama sutra... Il y avait aussi bien sûr les ouvrages du Pr Lovelock : « Gaia, un système vivant global », « Agir pour la planète » et « Résonance pour tous ». Dans un coin, l'unité multicom rutilante occupait un vaste espace. Elle permettait d'accéder à toutes les connaissances de l'humanité et de communiquer avec chacun de ses membres.

La femme et l'enfant restèrent un moment sans parler. Joan tourna la tête vers la fenêtre et respira le parfum de verdure porté par la brise. Au dehors, on apercevait des arbres, un grand potager et une éolienne aux ailes blanches. Et puis, plus loin, s’étendaient les ruines de la ville, immenses squelettes de poutrelles et de béton, attendant d’être récupérés pour construire un hangar ou un atelier. Maya s'étira et se laissa glisser au bas du canapé. Elle fit quelques pas et s'immobilisa brusquement, les bras croisés, l'air buté :
- Moi aussi, je veux toucher le « modu ».
- Tu sais bien que tu es trop jeune...
- M'en fiche ! Je veux parler à Gaia.
- Quand tu auras l'âge pour entrer en résonance, tu lui parleras autant que tu voudras.
- Vivement que je peux !
Et l'enfant se remit à sauter sur place.

2

“I’m going back to Frisco, all my friends are there.
All my friends are there. All my friends are there.”
Janis Joplin


Le groupe s'était rassemblé dans le salon pour prendre le repas du midi. Il faisait très chaud et l’on avait rabattu les persiennes. Le son du sitar de Ravi Shankar planait sur la pièce, accompagné de choeurs hypnotiques et d’étincelantes clochettes. Dans une niche, une statue de Ganesh veillait sur l’assistance, sa grosse trompe de bois repliée sur son ventre. Tout autour, des étagères regorgeaient d’objets divers, pipes, jouets, coupes et bibelots, beaucoup artisanaux, la plupart usagés. Un bâtonnet d’encens déployait ses volutes aromatiques et un mobile d’osier et de faïence tintait dans la brise légère. Sur un guéridon sculpté, reposait le module de résonance, parfaitement à sa place dans ce désordre chamarré. Une vitrine, toutefois, jurait avec le reste. Elle contenait un revolver au long canon chromé, à la crosse noire. On le conservait comme témoignage du passé, afin de ne pas oublier qu’avant il y avait la violence.

Les habitants de la maison s’étaient installés sur des coussins multicolores à même le sol, autour d’une longue table basse. Ils étaient neuf, huit adultes et la petite Maya. Maya était le seul enfant autorisé pour le groupe par le principe de décroissance et, à ce titre, tout le monde s’en occupait et participait à son éducation. Tous les adultes sans exception portaient les cheveux longs mais, hormis cela, ils étaient d’apparences diverses. Tout d’abord, il y avait Gong, assise un peu à l’écart avec sa planche à dessin sur les genoux. Elle avait quinze ans, un visage rond de métisse asiatique et d’épais cheveux blonds. Elle portait une longue jupe brune, une tunique brodée et des arcs-en-ciel étaient tatoués sur ses bras. Rêveuse, elle suçotait un crayon pastel. Sur son dessin, Za'k, la grosse chenille, flottait dans un ciel multicolore entouré d’humains hilares. Taciturne, Gong écoutait la conversation. Thomas parlait du lieu de rendez-vous :
- ...et c’est au sud de l’ancien échangeur de San Francisco. Avec la charrette, j’ai mis deux heures quand je suis allé aider à décorer le site de l’atterrissage. On partira en fin d’après-midi ?

Thomas, avec ses quatre-vingt deux ans, était le doyen de la communauté. Il était expert dans toutes les formes d’artisanat. Il était petit et maigre, avec d’épais favoris et une longue moustache grise, dont un côté remuait quand il parlait. Il était vêtu d’un jean pattes d’éléphant, tout brodé de perles, d’un t-shirt en tye and dye et d’un gilet de peau. Un bandeau décoré de vieilles pièces de monnaie retenait ses cheveux argentés. Joan lui répondit de sa voix traînante :
- Cela me paraît bien si tout le monde est d’accord.
Les autres approuvèrent ou hochèrent du chef. Quelqu'un exhala un profond soupir de contentement :
- Tout cela est si merveilleux ; quelle chance nous avons de vivre ce moment !

La femme qui venait de parler se nommait Anna et était la mère biologique de Maya. Elle était replète, blanche de peau avec une imposante poitrine et deux grosses tresses rousses. Sa tenue était très simple : une longue robe noire, sans ornement, et les pieds nus. Joan se pencha sur elle pour l’embrasser et les deux femmes restèrent enlacées côté à côte.
- Tu as raison, Anna, reprit Thomas, mais j’espère qu’il ne sera pas déçu par nos progrès. Il a cru en nous quand il nous a donné le module. J’espère que notre espèce sera à la hauteur de ses attentes.
Esperanza prit le bras du vieil homme et lui sourit avec malice :
- Il est vrai que n’aurions jamais évolué si nous n’avions pas pu communiquer avec la Terre mère. Mais à présent, notre esprit est profondément altéré. Il verra que nous avons changé, ne t’inquiète pas.
Elle se mit à genoux et commença de distribuer des louches de soupe de lentilles dans des bols en bois. Esperanza était une femme d’âge mûr, les cheveux tressés en fines nattes sous un foulard bariolé, les yeux noirs, une paire de lunettes rondes à verres jaunes au bout du nez. Elle portait un t-shirt violet décoré d’un portrait psychédélique de Crystal Jackie, la nouvelle star country. Elle finit de servir et se rassit en faisant tourner sa cuillère entre ses phalanges. D’un naturel agité, elle bougeait sans arrêt et était toujours à tripoter un objet ou un autre. Elle était la scientifique du groupe et, plusieurs fois par an, elle partait des semaines entières, à pieds, contrôler les écosystèmes de la région.

Pendant un moment, tout le monde se concentra sur la nourriture et l’on n’entendit plus que la musique des percussions indiennes. Tous les visages étaient détendus et amicaux, chacun étant parfaitement à l’aise avec ses voisins. En effet, les membres de la communauté se connaissaient depuis longtemps et vivaient en bonne intelligence, dans une atmosphère de partage et de tolérance. Chacun écoutait les autres avec sympathie et les rares conflits étaient réglés dans le calme. Chacun prenait sa part du labeur commun et apportait ses connaissances et son habileté. L’harmonie régnait sur la maisonnée et chaque jour était porteur de joies simples.

Quand tout le monde eût fini, Thomas se leva et se dirigea vers la cuisine. Il réapparut un instant plus tard avec un grand plat contenant une salade de tomates, maïs, haricots et herbes variées. Presque tous les produits étaient cultivés dans le potager de la maison et ils dégageaient des arômes appétissants. Il fit le service et reprit sa place, s’adossant à un coussin, son bol entre les mains. Pensif, il murmura :
- Nous n’en serions pas là si nous n’avions pas changé...
- Et Gaia aurait continué à souffrir, ajouta une vieille femme assise de l’autre côté de la table. Elle se nommait Rani et était venue d’Inde des années auparavant. Elle était poète et écrivain. Sa peau était brune, creusée d’un faisceau complexe de fines rides. Elle était belle, avec une grande bouche bien dessinée, des membres déliés et gracieux. Elle était vêtue d’un sari fleuri et d’une multitude de bijoux en perles de verre. Elle souriait mais ses yeux étaient tristes. Elle reprit, avec un fort accent qui mettait des trilles sur les r :
- Quand je pense à tout le mal que nous avons fait à notre planète... Quelle horreur ! Nous ne pensions qu’à court terme et seule comptait notre satisfaction du jour. Chacun en voulait plus que son voisin, plus de biens matériels, plus d’enfants, plus de tout... Et des enfants pour leur léguer quoi ? Un monde usé, sali, exsangue.

La tablée était silencieuse, plongée dans ses pensées. Même Maya avait interrompu son jeu pour écouter. Elle se tenait immobile, sur les genoux de Takashi, un métis de noir et d’hawaïen, aux cheveux immensément longs, dont la tenue se limitait à un bermuda en jean et des sandales. Pietro, le dernier membre de la communauté, un solide gaillard chenu en pantalon de toile, chemise à carreaux et gros ceinturons, se grattait la barbe pensivement. Rani continuait :
- Je me souviens, la première fois que je suis allée au temple de résonance. A cette époque, nous n’avions pas encore de module dans chaque communauté. Gaia m’a parlé de l’eau. Elle m’a montré la clarté, la joie de l’eau pure. Elle m’a fait ressentir la pluie et les vagues. J’avais tellement honte que nous ayons pollué tant de siècles et que les océans soient devenus des dépotoirs. Et je ressentais une telle plénitude à parler avec elle...

Le visage de la vieille femme rayonnait à présent. Elle ferma les yeux et éclata d’un rire de joie pure. Gong se joignit à elle et son rire était doux et feutré. Autour de Rani, Takashi et Pietro, ses amants du moment, lui sourirent avec tendresse. Takashi prit la parole. Il était le technologiste du groupe, responsable de l’entretien et de l’amélioration du matériel électronique. Sa voix était grave et posée :
- Il faudra dire à Za’k ou à son descendant à quel point nous sommes reconnaissants pour son cadeau. Et que nous l’avons utilisé pour corriger nos erreurs, et que nous avons grandi et compris que nous faisions fausse route.
- Et il faudra lui montrer les forêts que nous avons replantées ! ajouta Esperanza.
- Et les centrales à fusion propre ! renchérit Joan.
- Nous sommes encore presque un milliard, soupira Thomas. Nous aurions pu faire mieux sur la démographie...
- Tu oublies qu’il y avait des pays sous-développés il y a cent ans ! Il a fallu les aider d’abord.
- C’est vrai.
- Je pense qu’il sera fier de nous. Nous consommons beaucoup moins d’énergie et de biens, nous recyclons tout, nous avons rationalisé la technologie, diminué le gaspillage...
- Il n’y a plus de gouvernements, plus de frontières...
- En fin de compte, ces choses-là ne servaient à rien !
La tablée fut parcourue d’éclats de rire puis, Joan reprit la parole :
- Ayons une pensée pour nos ancêtres, seuls au milieu de la foule, enfermés dans des villes d’acier, pâles, le corps mou, névrosés, stressés, tellement pris par leur course à l’argent et à la carrière qu’ils en perdaient le goût des arts...

Tout le monde compatît et la conversation continua sur ces thèmes. Puis, Takashi alla coucher Maya qui s’était assoupie et Anna servit le dessert, une salade d’oranges au gingembre.

3

“When the moon is in the seventh house and Jupiter aligns with Mars,
Then peace will guide the planets and love will steer the stars.”
Hair


Ils arrivaient de toutes les directions, rejoignant ceux qui étaient déjà là, installés depuis quelques heures ou plusieurs jours. Certains avaient traversé un continent pour venir, d’autres avaient franchi la mer. Voyager était dans leur nature. Le voyage ouvrait l’esprit et permettait de rencontrer des gens et de profiter des beautés de la Terre. D’habitude, le but lui-même importait moins que les découvertes faites en route et les émotions éprouvées. Mais ce but-là était exceptionnel : Za’k allait revenir. On ne savait pas si ce serait lui un siècle après ou un autre de son espèce et cela importait peu. La promesse serait tenue. L’être qui avait offert le plus magnifique présent de son histoire à l’Homme, l’être qui nous avait sauvé de notre propre nature et nous avait ouvert les yeux allait arriver.

Ils venaient des quatre coins du monde, pour commémorer la première Rencontre et pour célébrer la seconde. Ils venaient à pieds, portant un sac de toile sur leur épaule, à vélo, à cheval, montant à cru, les cheveux au vent, en charrette à boeufs, troupe entassée et joyeuse, dans des véhicules solaires aux larges voiles... Il en venait de partout et ils étaient de tous âges, de toutes couleurs, certains par deux, d’autres par dix, portant un enfant ou aidant un vieillard. Et tous souriaient et riaient et chantaient. Une foule bigarrée, chatoyante. Ici, une femme en longue jupe rose, les seins nus peints de motif de fleurs, de longues boucles blondes tombant jusqu’aux reins, jouant du tambourin. Là un homme en tunique brodée, les yeux bridés, les cheveux liés en queue de cheval, une longue barbe tressée, tirant une charrette à bras. Là encore, un vieux noir, pieds nus, la chevelure tissée de lierre, le visage hilare.

Un immense espace avait été ménagé sur la plaine pour l’atterrissage du vaisseau spatial. On l’avait décoré d’un gigantesque symbole rond « peace and love » visible du ciel. Une parabole montée sur une estrade émettait en continu un puissant signal de bienvenue sur une large fréquence. Des techniciens préparaient leur matériel et une provision de cristaux pour enregistrer et retransmettre la Rencontre. Tout autour du site, des tentes étaient dressées. Elles s’alignaient le long du lac de San Andreas, jusque sous les bosquets avoisinants, certaines de simples morceaux de tissu sur des piquets, d’autres de véritables maisons à plusieurs pièces. La vie s’y était organisée en toute simplicité. Les gens partageaient des repas autour de feux de camp et conversaient. On se montrait les cadeaux apportés pour Za’k : plantes en pot, livres, bibelots faits main... Le temps était doux et l’air embaumait du parfum des résineux. Des grillons chantaient et des oiseaux survolaient le lac. Personne ne savait exactement ce qui allait se passer mais tout le monde était confiant et rempli d’impatience. Des fêtes s’improvisaient sous les tentes. On liait connaissance, on écoutait Hendrix sur de vieux enregistrements qui craquaient et sifflaient ou Ma'Watson sur des cristaux audio, on dansait. Des bouteilles passaient de main en main, ainsi que des joints de marie-jeanne. La communauté de Thomas s’était installée sous une futaie de sapins. Les boeufs de trait paissaient paisiblement et tout le monde s’était assis sur une vaste nappe. Maya mangeait un gâteau offert par une personne sur la route.

Les ombres s’allongeaient et le soleil avait disparu derrière les collines. Le crépuscule approchait et le ciel était pourpre et rose. Et puis il y eut un son, si grave qu’il en faisait trembler le sol. Tout le monde se leva et convergea vers le site d’atterrissage. Tous les visages se tendirent vers les nuages. Ce fut d’abord un point noir, puis un rond, et le vaisseau émergea des nuées. C’était un disque d’or, d’une taille fabuleuse, gravé de motifs complexes imbriqués les uns dans les autres. Deux anneaux croisés gravitaient autour de la soucoupe en émettant une puissante vibration. Le vaisseau resta immobile un moment puis commença doucement à descendre. Un murmure enthousiaste parcourut la foule. Tout le monde joignit alors ses mains et un chant de bienvenue s’éleva à l’unisson.

Est', de retour du pays des saucisses.

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-08-25 16:26:21 

 WA65 -ParticpationDétails
Personnal Uchronical Training

Parce que les faits, c'est très surfait
Monsieur Grey, bienvenue dans le programme PUT – Personnal Uchronical Training – et merci d'avoir fait appel à nous pour une demande de renseignements. Je vois dans votre dossier que vous souhaiteriez modifier quelques-unes de vos précédentes décisions, et permettez-moi de vous dire que c'est un choix courageux. Afin d'améliorer la qualité de nos services, cet entretien sera enregistré. Pouvez-vous en quelques mots me décrire ce qui vous a amené à franchir la porte de notre établissement?

- C'est que j'ai l'impression d'avoir pris un mauvais chemin, fait des erreurs de jeunesse, et un ami de la compta m'a parlé de vos prestations en bons termes. Depuis il a quitté sa femme et a trouvé un poste de responsable marketing à Hawaï, alors je me demandais si pour moi... vous ne pouviez pas faire quelque chose.

Je vais vous la changer, votre histoire, et pas qu'un peu. Il suffit de la réécrire, et vous pourrez vous persuader du reste en à peine quelques mois. Je ne devrais pas vous le dire, mais c'est le client qui fait la moitié du travail: l'uchroniqueur personnel n'est ni un magicien, ni un scientifique. Il se met au service de votre histoire en vous proposant une large gamme d'interventions allant du simple rabibochage de contradictions personnelles à notre produit phare: la superbe et inimitable illusion d'avoir eu le choix. Nos procédés? Nous nous appuyons exclusivement sur d'authentiques méthodes de manipulation – à vrai dire vieilles comme le monde – afin de vous garantir une réécriture de votre existence au plus près de votre demande.

Alors pas de pilule rouge et de dimensions parallèles?

Vous avez lu trop de science-fiction. Prenez l'Histoire, celle avec un grand H, et posez-vous quelques questions: qui l'a écrite? Sur quel support? A quel public? Dans quel but? Le piège dans lequel la civilisation s'est engouffrée ces derniers siècles, c'est le postulat des faits. A partir de celui-ci s'est bâtie une Histoire étriquée, rigoriste, tout juste bonne à remplir les manuels d'histoire formatés de nos lycéens. Et bien dans le programme PUT, nous avons pris le biais inverse: comment expliquer autrement les succès persistants du révisionnisme historique, des théories du complot, des uchronies littéraires?

En quoi cela peut-il changer mon histoire?

Cher ami, qui peut le plus peut le moins! Une fois établi que nos civilisations n'ont fait jusqu'à présent que manipuler leur propre Histoire tout en maintenant une valeur symbolique fondamentale aux faits, l'application de ces principes au niveau de votre quotidien et de votre personnalité apparaît soudainement plus tangible. D'aucuns l'ont d'ailleurs déjà touché du doigt: les mythomanes, paranoïaques et autres schizophrènes ont été les pionniers malheureux de nos techniques modernes de réécriture personnalisée d'histoire.

Mais vous pouvez me garantir que je ne risquerai rien?

Pas plus qu'aujourd'hui. Soyez lucides: ne vous est-il jamais arrivé de vous « arranger » avec la réalité, d'interpréter une situation passée d'une manière toute personnelle, de vous voir ou vous imaginer comme une personne que vous n'êtes pas? Allons, allons... Nous passons l'essentiel de notre existence à la réécrire, à la biaiser, à faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Mais nous le faisons instinctivement ou de manière pulsionnelle, en fonction de facteurs que nous ne maîtrisons pas. Ce que nous vous proposons en somme, c'est d'avoir le contrôle sur ces alternatives, d'en connaître et d'en articuler le fonctionnement, de « maîtriser » vos points de divergence et continuer votre existence à partir de ces nouveaux aménagements?

Jusqu'où peut-on aller?

Certainement plus loin que vous n'oseriez l'imaginer. Nous pouvons faire disparaître des sentiments de culpabilité – c'est une demande fréquente dans les cas d'adultère -, transformer un événement passé en l'occultant définitivement ou en changeant radicalement son interprétation, inventer même des personnes ou des histoires dont l'absence de preuves ne nuit absolument pas à votre quotidien. A vrai dire, les possibilités sont infinies, et nos laboratoires travaillent encore à de nouvelles applications. Nous nous considérons comme des chirurgiens esthétiques de votre histoire personnelle. Certaines interventions nécessitent de la consolidation et se renforcent au fil du temps, mais le succès est garanti par la charte des uchroniqueurs personnels que nous vous avons remise à l'accueil. Avez-vous d'autres questions, ou souhaitez-vous d'ores et déjà programmer un entretien?

J'ai encore besoin de réfléchir, mais je vous remercie pour ces renseignements.

Grey descendit les escaliers de l'établissement en trottinant et s'assit sur le parapet d'une fontaine. L'après-midi se terminait et la lune avançait dans une clarté mauve. Il respira quelques instants, observa un groupe de trois enfants en train de se chamailler et se saisit du prospectus froissé qui ne quittait plus sa poche. Il relut attentivement la charte, puis retourna la brochure et parcourut une nouvelle fois l'historique du PUT:

Suite à la découverte en 2009 d'éléments de décor ayant servi aux films des missions Appolo, une crise de défiance parcourut les Etats-Unis et se propagea rapidement dans les principales zones mondiales. L'opinion publique fit pression sur les gouvernements pour l'ouverture des archives nationales et secrètes. En quelques années, des pans entiers de l'Histoire et de la Science s'écroulèrent les uns après les autres. Des commissions d'experts se penchèrent sur les procédés de manipulation de masse ayant été utilisés par les puissances pour permettre l'occultation ou la falsification d'événements majeurs.
En 2030, quelques-uns de ces experts s'éloignent du programme initial en proposant une méthodologie transférable aux individus. Ils fondent l'Uchronical Consortium et développent le programme PUT (Personnal Uchronical Training) à destination d'individus souhaitant modifier leur histoire personnelle. Aujourd'hui, le programme PUT est expérimenté dans 84 pays et concerne plus de 900 millions d'être humains désireux d'offrir à leur existence de meilleures alternatives.

Grey sentit de nouveau un picotement derrière la nuque, comme à chaque fois qu'il se confrontait à son vieux souvenir d'étudiant. Il avait suivi avec espoir l'implémentation du PUT, mais reculait d'année en année l'échéance. Sourdait au fond de lui l'impérieuse nécessité de garder intacts les événements de cet été. Il pensa aux rires de Selenn et à l'enthousiasme de Neil. Seul Grey ne s'était pas suicidé. Il ne savait toujours pas pourquoi mais il s'était tenu debout, toutes ces années, observant silencieusement le monde effectuer sa plus violente révolution. Son poste de relecteur au Las Vegas Tribune lui avait permis de vivre décemment, de rencontrer quelques copines et de payer l'enterrement de ses parents.
En replaçant le prospectus dans sa poche intérieure, Grey effleura la coupure de journal. Il n'avait plus besoin de la sortir. Il avait écrit l'article lui-même, à 19 ans, lors de son premier stage avec Neil et Selenn au journal. Il était daté du 21 août 2009. Il racontait que trois jeunes avait découvert près de la zone 51 des fragments de modules spatiaux ressemblant à ceux utilisés pour les missions lunaires des années 60. Grey avait fait un peu plus que l'écrire. L'été leur semblait long. Dans la continuité des premières commémorations sur l'exploration lunaire, ils avaient fomenté un plan pour occuper leur paresse estivale. Neil rêvait d'être grand reporter, Selenn s'amusait de tout et peut-être Grey avait-il voulu l'impressionner. Ils mirent ensemble le canular au point, Selenn réalisa de bons montages photographiques et il se chargea de rédiger l'article tandis que Neil embobinait le rédacteur en chef pour faire passer le petit flash dans la rubrique intérieure. Les locaux s'amusèrent tant de la nouvelle que la presse nationale s'intéressa à la prétendue découverte. On exhuma la classique théorie de la conspiration, mais cette fois-ci la machine s'emballa, le monde éclata en controverses et plus personne ne songea à vérifier les sources de ce petit article humoristique, tant ce qui fut découvert par la suite mit en pièces les bases de ce qui semblait être l'Histoire des hommes.

Tout avait changé. Radicalement. Profondément. Les dogmes se réinventaient, de nouveaux courants de pensée émergeaient, des percées scientifiques majeures se multipliaient, on offrait aux hommes l'opportunité de manipuler leur histoire. Et lui n'avait toujours pas choisi ce qu'il aurait dû faire cet été 2012. La nuit avait fini par tomber. Grey flânait vers le métro aérien, son regard accrochant aux détours des immeubles une lune rousse de fin d'été.

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-08-26 13:32:39 

 Uchronie: que ta mèreDétails
Clairement pas ma tasse de thé, ce qui a rendu l'exercice d'autant plus intéressant, avec toutefois une tendance au biais de la consigne, comme souvent.

Mes vieilles habitudes de matérialiste historique m'empêchent sans doute de trop m'amuser avec l'uchronie, qui part selon moi d'une vision de l'histoire erronée, en tout cas que je ne partage pas (je suis très "si ça s'est passé ainsi, c'est que ça devait se passer ainisi"). Donc pas de place pour le "et si". Et par ailleurs j'ai toujours trouvé dommage que la thématique de "l'interprétation de l'histoire" soit souvent reléguée en arrière-plan, alors que les potentialités romanesques dans ce registre me semblent intéressantes (ex: écrire plusieurs perceptions différentes, voire contradictoires, d'un même événement).

Au plaisir, bonne rentrée à toutes et à tous.
Maeglin

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-08-26 19:04:59 

 Woh pinaise le jeu de mot !!!Détails
Alors là respect.

Est', sobre.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-08-27 22:25:55 

 WA, exercice n°65, participationDétails
La fille du Loup





« Ah oui, c’est vrai... Je ne sais pas si je vais pouvoir venir...Ca me ferait perdre l’après-midi de travail. Et puis, hein, tu n’as pas besoin de moi, tu as déjà passé tellement d’examens...
- C’est quand même une thèse de doctorat, maman.
- Oui, je sais... Mais était-ce bien nécessaire ? enseigner l’histoire quand on est déjà avocate... Tu aurais mieux gagné ta vie si...
- Nous en avons déjà parlé. C’est mon choix.
- Et tous ces petits diplômes inutiles que tu as accumulés ! Assistante vétérinaire, graphologue, conseil en communication... Et cette licence d’amérindien...
- Ces petits diplômes, comme tu dis, me permettent de ne pas être à ta charge et de payer mes études. Et la licence, c’était bien utile pour lire les documents originaux !
- Mais quelle idée de choisir ce thème, aussi, sur les Indiens ! Ca n’intéresse personne !
- « Napoléon et l’Etat Amérindien », maman : comment la nation amérindienne s’est constituée en Etat autonome, grâce à Napoléon Bonaparte : c’est tout simplement passionnant !
- Si tu le dis...
- C’est vrai que ce n’était pas à la même époque, mais regarde la différence : les Espagnols ont pratiquement détruit les civilisations maya et aztèque, les Anglais ont massacré les Indiens pour leur voler leurs territoires, alors que Napoléon les a certes repoussés vers l’Ouest, mais il leur a laissé toute la terre entre la côte ouest et les Rocheuses et un peu au delà, et il a négocié avec eux, il les a encouragés à s’unir en une nation unique, a jeté les bases de leur Constitution et de leur Code Civil...
- Oui, oui, je sais... »
Elle continuait à faire ses mots croisés tout en répondant distraitement à Eugénie.
« Et puis... nous avons vécu là-bas pendant huit ans, non, jusqu’à la mort de papa...
- Oh, nous étions à la frontière... Mais toujours dans l’Empire, quand même ! »
Eugénie fronça les sourcils.
« C’est drôle, je n’ai aucun souvenir de cette période. Et tu ne m’as jamais montré aucune photo. Je me souviens vaguement d’un petit poney pie...
- La mort de ton père nous a bouleversées toutes les deux, c’est pour ça que je suis partie sur la côte est. Et toutes les photos se sont perdues dans le déménagement, ainsi que bon nombre d’objets...
- Et... il ne me reste pas... des cousins, là-bas, un oncle, quelqu’un...
- Non, non », répondit sa mère en secouant la tête. « Personne. »





Elle démêlait ses longs cheveux noirs quand le manche de la brosse lui resta dans la main. Sa mère était partie travailler depuis longtemps et Eugénie, une fois n’est pas coutume, s’était accordée une longue grasse matinée pour célébrer son premier jour de vacances. Elle achèterait une autre brosse en faisant les commissions pour le repas du soir, mais en attendant... Elle entra dans la chambre de sa mère. Sur sa coiffeuse en bois de rose, elle emprunta la brosse à cheveux à manche de nacre que sa mère gardait jalousement. Autrefois, quand elle était petite fille, toutes les deux se brossaient mutuellement les cheveux, la blonde et la brune... Elle avait toujours trouvé cet objet magnifique. Près de la brosse, il y avait une enveloppe décachetée, banale, dont l’écriture cependant l’interpella. C’était vraiment étrange : on aurait dit la sienne propre ! Amusée et un peu intriguée, elle jeta un coup d’oeil à la lettre qu’elle contenait. Dès les premières lignes, un vertige étourdissant la força à s’asseoir sur le lit, tandis que ses yeux brûlants ne pouvaient se détacher de cette écriture volontaire et passionnée, quoique légèrement tremblée et qui effleurait à peine la feuille, alors qu’avec de telles composantes vitales elle aurait dû griffer le papier.
Pauline chérie,
J’espère que tu vas bien ainsi qu’Eugénie. J’espère aussi que tu n’as pas déménagé et que cette lettre te parviendra. Ma santé décline de jour en jour et tu sais qu’ici on ne nous soigne pas. Je voudrais tant revoir Eugénie une dernière fois avant de mourir ! Ce doit être une belle jeune femme, maintenant, elle est sans doute mariée, peut-être mère. Ca va faire quinze ans que tu ne réponds plus à mes lettres. Je ne te le reproche pas. Tu as dû refaire ta vie et je comprends que tu aies voulu m’en effacer. J’ai mérité ma peine et il n’est pas de jour depuis vingt ans où les remords ne m’accompagnent pas du levant au couchant.
Mais je t’en supplie, au nom de l’amour merveilleux que nous avons partagé pendant quelques années, s’il te reste un peu de pitié pour le criminel que je suis, permets-moi de revoir ma fille. Peut-être refusera-t-elle, mais au moins, dis-lui que je l’attends.
C’est sans doute la dernière lettre que je t’écris. Ne maudis pas mes cendres comme tu m’as maudit de ton vivant. Je sais que j’ai gâché ta vie et celle d’Eugénie. Je te demande une dernière fois pardon
Loup



Le coeur en miettes, elle revint en haut de la page : 12 juin. Cette lettre était arrivée plus de deux semaines auparavant, deux semaines ! Jetée là, sur la coiffeuse, relue peut-être cent fois... ou au contraire regardée avec crainte, avec mépris...
Ses jambes tremblaient. De lourdes larmes noyaient ses yeux, mais ce n’était pas du chagrin. C’était de l’horreur, de la colère, de la haine... et pourtant, et pourtant... presque un soulagement !
Son père était vivant. Pour l’instant. C’était un criminel enfermé depuis vingt ans. Sa mère lui avait menti depuis vingt ans. Depuis vingt ans elle pleurait un père qui n’était pas mort. Elle regarda le cachet de la poste sur l’enveloppe. Siksika, Amerindia. Il était là-bas ! Alors, puisqu’elle lui avait menti pour tout le reste... avaient-ils vraiment vécu à la frontière ? il lui avait semblé, par moments...elle avait rêvé, certaines nuits, de danses sacrées autour d’un feu, de sages et de Sorciers aux longues parures de plumes d’aigle... Et les tambours... elle avait appris la langue deux fois plus vite que ses camarades, c’était comme si elle s’en souvenait. L’avait-elle parlée jusqu’à huit ans ? Et pourquoi tous ses souvenirs avaient-ils disparu ? Est-ce qu’elle pouvait les retrouver ? Sous hypnose, peut-être ?
Elle se leva d’un bond. Une rage indescriptible la transforma en animal sauvage. Elle était adulte ! Sa mère n’avait pas le droit de la traiter comme une enfant ! C’était à elle et à elle seule de décider de sa vie ! Elle balaya d’un revers de main tous les objets qui recouvraient la coiffeuse, puis ramassa la brosse à manche de nacre et l’emporta. Elle la jeta dans un grand sac à bandoulière avec deux denimes et quelques tricots en coton, des chaussures de marche, un exemplaire de sa thèse...
Elle griffonna un mot à la va-vite et le posa sur la lettre dépliée. La ressemblance entre les deux écritures lui serra le coeur. Mais elle n’avait pas de temps à perdre. Elle prendrait le premier avion pour Nampa, la capitale. Et ensuite... elle ne savait pas. Ca n’était pas important. D’une manière ou d’un autre elle ne voulait qu’une chose : la vérité.


Le Trans-Empirien la berçait doucement. Il n’y avait pas d’avion avant le lendemain, et elle voulait partir le plus vite possible. C’était stupide, le voyage en train allait lui prendre un jour et demi, il y avait presque quatre mille kilomètres... Mais c’était aussi beaucoup moins cher, et elle ne savait pas ce que l’avenir lui réservait.
Dire que trois jours auparavant elle avait soutenu sa thèse en pensant qu’elle allait enfin s’installe, avoir une vie régulière, un travail stable et satisfaisant, des loisirs... Est-ce que c’était son destin, de ne jamais se fixer nulle part ?
Par désoeuvrement, elle ouvrit l’exemplaire de sa thèse qu’elle avait emporté, sans bien savoir pourquoi. Pour la montrer à son père ? Mais un père criminel... Elle n’arrivait pas encore à affronter cette idée. D’abord aller là-bas. Réfléchir ensuite.
« Le 2 septembre 1798, Bonaparte, alors Chef des Armées, appareille de Saint-Nazaire avec 33 navires de guerre. Il emmène avec lui ses plus valeureux généraux : Berthier, Murat, Davout, Lannes, Marmont, Duroc, Bessières, Friant, Kléber et Desaix. Certes, la campagne d’Italie a rempli les caisses de l’Etat, mais la gloire qui auréole l’infatigable Petit Caporal agace et inquiète le Directoire. Justement, le président américain John Adams a rompu tous les accords commerciaux avec la France et fait voter l’embargo sur les produits français. Tous les bateaux français qui s’aventurent près de la côte sud sont immanquablement capturés. Bonaparte souhaiterait porter la guerre en Egypte : raison de plus pour l’envoyer aux Amériques, et éloigner peut-être définitivement ce gêneur, plus à l’aise avec l’artillerie que la marine. Barras trouve l’idée stupide, mais Treilhard, Merlin de Douai, Rewbell et La Revellière le font taire.
Bonaparte a flairé le piège, mais il est obligé d’obtempérer. Ce qu’il fait, à sa manière. Il embarque donc avec une flotte conséquente... mais ses navires de transport sont au nombre de 232, et il emmène 32 300 hommes, 2 000 canons, 800 chevaux, et 175 ingénieurs, artistes et savants, dont Monge, Berthollet, et Geoffroy Saint-Hilaire.
A peine a-t-on quitté le port qu’il intime à l’amiral Brueys de changer de cap : direction la côte est ! Les escarmouches navales n’enchantent guère l’ancien artilleur. Ce qu’il aime, c’est du haut d’un promontoire, contempler la plaine où se »s bataillons vont livrer bataille. Les lourds canons, les chevaux rapides, la masse des fantassins... Il joue sur un immense échiquier et il est Maître du Jeu, de la Vie et de la Mort... de la Victoire !
Cela ne fait que 35 ans que les Français ont été chassés d’Amérique – c’était six ans avant sa naissance. Il doit bien rester encore quelques colons qui seraient prêts à prendre leur revanche. Certes, il faut d’abord traverser la moitié du continent... Mais le pâle John Adams n’impressionne pas Bonaparte. Ce n’est pas Washington ! La France le rejette, qu’à cela ne tienne ! Il part à l’assaut du Nouveau Monde, là où personne ne viendra lui reprocher d’être corse – et petit.
Est-ce une folie ? Fortuna audaces juvat. Il croit en son étoile. Il va porter une guerre sauvage, sur un continent encore à demi sauvage, qu’il pourra coloniser, construite, modeler selon son bon vouloir...
Le 4 novembre, il est en vue des côtes de Boston. Le 5, la guerre commence, fulgurante, imprévue, insensée. Les autochtones ont le choix : se soumettre ou mourir. L’immense majorité tient à la vie.
Il faut en premier lieu abattre les dirigeants de chacun des treize Etats, les seuls qui aient vraiment quelque chose à perdre. Bonaparte mise toute sa fortune personnelle sur ce pari inouï : il achète des traîtres, mécontents ou mercenaires. Les quelques embryons d’armée qui arrivent à se constituer dans l’urgence sont balayés comme fétus de paille par la tempête napoléonienne ; John Adams est assassiné le 2 décembre. Bonaparte, qui n’a que faire du consentement du peuple, s’autoproclame Empereur d’Amérique. Et tout en laissant derrière lui, disséminés comme les semences du laboureur, des administrateurs et des scientifiques, il poursuit sa course folle vers l’ouest. Pendant deux ans, il va conquérir les deux tiers de l’Amérique du nord, avec une constance dans la victoire qui relègue César et Alexandre au rang de bandits de grands chemins. Mais voilà qu’il aborde ensuite des terres plus arides dont la population nomade est plus mobile que ses propres troupes, et parfaitement rompue à l’art de l’embuscade et de la guérilla : les Indiens.
Est-ce la fatigue ? L’envie brutale de profiter de ses acquis ? Ou le pressentiment que ces ennemis-là risquent de le vaincre au terme d’une guerre d’usure ? Au fond de lui probablement admire-t-il ces guerriers dont la bravoure n’a d’égale que l’habileté à cheval. Toujours est-il que l’Empereur a une inspiration géniale : pour la première fois de sa vie, il négocie... »


Hypnotiques, les paysages défilaient à sa fenêtre. Villes, plaines, montagnes, lacs, rivières, villes, plaines... Sa mère avait toujours refusé de lui parler du passé.
« Ca me fait trop de peine. Plus tard, peut-être. »
Elle ne souvenait pas d’un seul objet, d’une seule photo qui eût au moins évoqué la présence de son père. La brosse, peut-être. Mais c’était un non-dit de plus. Elle pouvait comprendre. Il était plus facile de dire qu’il était mort. Mais quand cette lettre était arrivée... Et puis qu’avait-il fait ? Assassin, violeur, braqueur... Le crime devait être grave pour que la peine soit si lourde. Elle frissonna d’horreur. Je suis peut-être la fille d’un monstre. Comment pourrais-je le regarder en face ? Comment pourrais-je supporter qu’il soit content de me voir, qu’il me dise qu’il m’aime ? Comment peut-on aimer un père criminel ?
Je me souviens d’une vague silhouette, un homme grand, brun. Elle sursauta. Ce prénom ? Serait-il possible que... Sa mère était blanche. Elle-même avait le teint mat, mais... Le coeur au bord du gouffre elle scruta ses traits dans son petit miroir de poche, en essayant d’être objective. Ces pommettes saillantes... ces cheveux de jais... ces yeux noirs en amande... Oui, elle aurait pu être métisse. Elle soupira. Inutile de tirer des plans sur la comète. Dans deux jours elle pourrait le voir en face. Si elle avait le courage. Si...
Le bercement du train eut raison de ses questionnements. L’arrêt en gare de Saint-Louis la réveilla. Elle s’étira, se trouva raide et courbatue. Un mot résonnait dans sa tête : nâhtona. Qui l’avait appelée « ma fille » ? Il y avait une grande plaine... et une rivière... et une colline aride où les pierres roulaient sous les pieds des chevaux. Et des ombres. Elle était sûre d’avoir vu des visages dans son rêve, mais sa mémoire refusait de les lui montrer. Elle se battit pendant de longues minutes, se concentrant de toutes ses forces comme si sa vie en dépendait... mais le souvenir du rêve se dérobait comme de l’eau entre les doigts. La frustration la réveilla tout à fait. Elle s’aperçut qu’elle avait faim, et soif. Elle n’avait rien pris depuis le matin et déjà la nuit tombait. Elle acheta des petits pains fourrés et une grande bouteille d’eau au wagon-restaurant, puis regagna sa place. Ca ne valait pas une pizza de chez Marco, mais la faim la rendait moins difficile. Et puis elle devait faire attention. Les restaurants, ça serait pour plus tard. Le mot restaurant déclencha une réaction violente. Elle avait rendez-vous avec Laurent ! Ce soir ! Là, maintenant ! Enfin, une heure auparavant... Elle ralluma son portable et écouta ses messages.
« Eugénie, où es-tu ? J’espère que tu n’as pas fait la folie d’aller là-bas. Si... je ne t’ai rien dit c’est... pour ton bien. Ne fais pas l’enfant, rentre. C’est... dangereux. Je t’expliquerai. Ton père... de toute façon tu ne pourras rien faire. Rentre. Nous en parlerons calmement. Je t’embrasse. »
Toujours ce ton placide, presque absent. A peine quelques hésitations. Cela traduisait-il chez sa mère une émotion violente, ou était-elle seulement contrariée ? Elle réalisa qu’elle ne supportait plus ni les « c’est pas grave » ni les « plus tard ». Une bouffée de haine la submergea. Jamais un rire, jamais une colère, toujours atténuer, toujours temporiser, toujours négocier, minimiser, distancier... faire semblant ? On lui avait souvent reproché son tempérament de feu. Mais ce soir elle en était fière. Moi au moins je suis vivante ! Ca fait combien d’années que ma mère est morte ? Vingt ans. Puis une pensée glaçante lui gela le coeur. Est-ce mon père qui l’a tuée ?
« C’est moi. Qu’est-ce que tu fiches, bordel ? Ta mère m’a dit que tu avais disparu, elle se demande si tu n’es pas partie vers l’ouest, mais elle refuse de m’en dire plus. On a rendez-vous dans deux heures au Lilas bleu, tâche d’être à l’heure. »
« Ca fait une heure que je t’attends. Tu te fous de moi ? Tu pourrais au moins répondre au téléphone ! Si tu es vraiment partie, j’attends des explications ! Ta conduite est inqualifiable. A croire que tu es devenue folle ! J’aurais dû m’en douter, avec toutes les pastilles que prend ta mère, que tu finirais comme elle ! T’as intérêt à me rappeler très très vite, et j’attends des excuses ! »
Etrangement, la colère de Laurent la laissa de marbre. Elle murmura « connard » entre ses dents et éteignit son portable. Elle n’avait vraiment rien à lui dire. Ce garçon, tout à coup, lui était complètement indifférent. Sa réaction épidermique, qui plus est, le montrait sous un jour détestable. On devrait tester plus souvent les gens qui disent nous aimer. Rien que pour ça, c’était une bonne idée d’être partie.


Nampa, écrasée de soleil, sentait la poussière et l’essence. Il n’y avait pas de car pour Siksika avant le lendemain. Elle trouva un hôtel minable pour la nuit. Une longue douche la reposa mieux qu’une sieste, et les cheveux encore roulés dans la serviette, à peine vêtue d’une longue cotonnade, elle appela la prison de Siksika.
« Comment vous dites ?
- Durempart. Loup Durempart. Je voudrais ... lui faire une visite, je suis sa...
- Personne de ce nom.
- Ce n’est pas possible ! Il est chez vous depuis vingt ans, il m’a écrit...
- Faites erreur, mam’zelle. Désolé. »
Elle reposa le combiné totalement abasourdie. Tous ces changements, la fatigue, et l’incertitude de l’avenir... Elle explosa en sanglots comme l’orage éclate sur la canicule, pour apaiser les tensions. Sa dernière larme n’était pas essuyée qu’elle se dirigeait à grands pas vers le cybercafé le plus proche. Il ne lui fallut que dix minutes pour trouver ce qu’elle cherchait.


« Amerindia hetoeva, 13 mars 1989
ATTENTAT A NAMPA
Cette nuit à 3 h 45 heure locale une bombe artisanale a partiellement détruit le bâtiment de la Banque Kléber ; le puissant groupe financier empirien, solidement implanté en Amérindie, avait été plusieurs fois l’objet de menaces de la part de l’organisation nationaliste « la Terre au Peuple Libre », qui en avait fait l’emblème de ce qu’ils appelaient « l’invasion douce ».
...
Vers 12 h, le chef déclaré de ce mouvement , Honehe Moohta, s’est présenté de lui-même aux services de police en se déclarant responsable de cet attentat où deux passants, un jeune homme de 15 ans et son père, ont trouvé la mort. Il dormira en prison dès ce soir.
Il semblerait que le chef charismatique de ce mouvement jusque là pacifique et plutôt adepte de le non-violence se soit borné à répéter « Je suis le seul responsable. Je demande pardon aux victimes et à leur famille », sans répondre à aucune question concernant l’attentat et ses probables complices.


Amerindia hetoeva, 22 juin 1991
LE PROCES
Le procès du terroriste Honehe Moohta s’est terminé par sa condamnation à l’emprisonnement à perpétuité. Aucune clémence n’a été accordée à cet homme étrange qui n’a répondu à aucune question, continuant à répéter comme le jour de son arrestation « Je suis le seul responsable. Je demande pardon aux victimes et à leur famille ».
Son avocat commis d’office a été totalement inconsistant, bredouillant, se reprenant sans cesse ; il faut dire que c’était son premier procès.
’L’attitude de Honehe a joué en sa défaveur. Il est apparu aux jurés comme un monstre insensible et méprisant (voir page 4 l’entrevue avec deux d’entre eux).


Eugénie se leva, paya et sortit. Mise au tapis par un direct du gauche. Tête vide, coeur lourd, yeux brûlants. Elle se laissa tomber sur le premier banc qu’elle trouva. Une nausée intense lui souleva le coeur. Cette poussière... La ville lui sembla sale, bruyante, vulgaire. Il y avait presque davantage de Blancs que d’Indiens dans les rues, et sur la chaussée, ils s’affichaient dans de voyantes décapotables tandis que la plupart des Indiens roulaient à vélo. Un sentiment profond de solitude lui coupait les jambes. Pourtant, cet homme qui était aussi son père ne lui semblait plus si monstrueux. Il avait tout fait pour se faire condamner. Pourquoi ? Etait-il vraiment coupable ou protégeait-il quelqu’un ? Elle sourit tristement en pensant que l’espoir était comme le chiendent, on avait du mal à s’en défaire... Tant d’éléments lui manquaient, elle avait tant de questions à poser...mais à qui ?
Sa mémoire mutique lui accorda enfin le nom qu’elle cherchait à tâtons depuis deux jours : Deuxrivières ! C’était là ! C’était là qu’elle avait vécu, et ce n’était pas dans l’Empire, elle en était sûre !
Elle se précipita à nouveau dans le cybercafé, tapa « annuaire ». Elle laissa défiler les noms jusqu’à ce que... Etahpe Nahkohe ! C’était le frère aîné de Papa, tonton Nahkohe, Grand Ours frère de Loup Noir ! Et sa femme s’appelait... Koho, bien sûr, tante Koho...
Des larmes plein les yeux, elle recopia l’adresse et les horaires du bus. Elle partirait le lendemain. Pour savoir.


Une femme âgée, usée, en costume traditionnel, lui ouvrit la porte. Eugénie peina un peu à la reconnaître.
« Tante Koho ?
- Hoesta ! J’étais sûre que tu viendrais ! Comme tu es belle, mon enfant ! Nahkohe, Hoesta est là, le 5 juillet, la prophétie d’Isiwun était juste ! Appelle-le, vite, vite, il faut lui dire... »
Mais son oncle courut à sa rencontre et la serra dans ses bras.
« Il faut que tu nous racontes tout, viens t’asseoir... Comment tu es arrivée ici, ce que tu as fait pendant tout ce temps...
- Mais laisse-là donc respirer ! La pauvre enfant est sûrement morte de faim et de soif. Viens-là ma chérie, vient, tante Koho a préparé des gâteaux de maïs, hier, et j’ai de la citronnade bien fraîche... Et toi, appelle donc Isiwun, qu’est-ce que tu attends ? »


Ils avaient voulu attendre la tombée de la nuit. Ils avaient fait du feu dans la cheminée, poussé les meubles du salon pour faire de la place sur le tapis de laine bouillie. Ils avaient tous revêtu le costume de cérémonie cheyenne, et tante Koho avait passé le mois de juin à coudre et à broder le sien, elle avait tellement confiance en Isiwun, l’Esprit du Bison, le Sorcier... Et, chose encore plus étrange, il lui allait à merveille...
Son oncle s’excusa :
« Autrefois, nous aurions allumé un feu dans la clairière sacrée. Mais depuis que le gouvernement est à la solde de l’Empire, c’est interdit. Petit à petit, ils nous enlèvent tout ce qui fait notre culture et notre identité, pour nous transformer en esclaves dociles, c’est ce que ton père appelait « l’invasion douce. » Ici, l’argent et le pouvoir sont aux mains des Blancs. Nous devons nous contenter des emplois subalternes, ou bien travailler la terre dans nos fermes, sans autre espoir que de survivre, car ici on ne prête qu’aux riches. »
Ils étaient presque une vingtaine, assis en tailleur sur le tapis de laine grossière, probablement tissé par Koho elle-même. Il y avait son oncle, sa tante, Isiwun le Sorcier, son fils Maohoohe Mae, Renard Rouge, qui ne la quittait pas des yeux, et leurs amis les plus proches et les plus fidèles. Elle luttait pour refouler ses larmes : elle avait enfin une famille, et tous ces visages dans les lueurs dansantes du feu étaient empreints de bonté et de sagesse... C’étaient tous de pauvres fermiers, mais leur sourire avait l’innocence des enfants, leur étreinte était sincère, et sans cesse ils lui touchaient la main, le bras, l’épaule... Pour s’assurer de sa réalité, ou pour la rassurer, elle, qui n’avait plus été rassurée depuis si longtemps ?
Quand Isiwun eut fini de prier les Esprits, il fit circuler le calumet. Puis il s’assit et s’adressa à Eugénie.
« Hoesta Soohe... »
C’était son nom. Flamme Dansante. Ce nom, prononcé si gravement et si tendrement, faisait écho jusqu’au plus profond d’elle-même, l’emplissant de confiance et d’amour, redonnant un sens à sa vie...
Elle raconta. Quand elle parla de sa mère, avec colère et ressentiment, elle vit Koho hocher la tête d’un air triste, Koho compatissante et insaisissable comme la pluie dont elle portait le nom. Quand elle récita presque mot pour mot les articles du journal du soir, ce fut Nahkohe qui fronça les sourcils.
« Et, toi, qu’en penses-tu ? », lui demanda doucement Isiwun quand elle eut fini. Mal à l’aise, elle répondit sincèrement :
« Je ne sais plus. Cet attentat était stupide et odieux... Mais vous avez tous l’air de continuer à aimer mon père...
- La famille n’est pas là pour juger, mais pour aimer », déclara Maohoohe d’une voix grave et profonde. « Mais dans ce cas...
- Je vais te dire ce qui s’est passé. Nous sommes peu nombreux à savoir la vérité, et nous avons fait serment, à la demande de ton père, de garder le secret. Mais », reprit Nahkohe, « tu es sans doute la seule personne au monde à qui rien ne doit être caché.
Ton père était bien le chef de notre mouvement, qui s’insurgeait contre « l’invasion douce ». Nous étions pacifistes, et même face à la répression policière, nous n’opposions que la non-violence. Mais deux jeunes gens exaltés ont cru pouvoir faire avancer les choses en posant cette bombe ; c’était la nuit, la banque était déserte. Par malchance, deux passants furent tués. Ton père n’était pas au courant de l’attentat. Il en a assumé toute la responsabilité pour protéger les deux adolescents, estimant qu’il aurait dû mieux canaliser ses troupes pour que ceci n’arrive jamais. »
Nahkohe marqua une pause et une larme silencieuse roula sur sa joue. Sa voix se fit plus rauque.
« L’un des deux jeunes gens était mon fils. Notre Conseil les a bannis d’Amérindie, mais à l’heure actuelle ils sont toujours libres, alors que ton père... Je... me demande depuis vingt ans si j’ai bien fait d’accepter cela ...
- Tu as bien fait, oncle Nahkohe. Plus que de sa liberté, il s’agissait de la dignité de mon père. »
Isiwun se mit à rire en sourdine.
« Par le Grand Manitou, tu parles comme une Cheyenne ! »
Hoesta rougit violemment dans la pénombre, et une flambée de fierté lui embrasa le coeur.
« Ton père demanda à ta mère de t’emmener loin vers l’est », reprit Nahkohe, parce qu’il avait appris qu’un contrat avait été lancé sur vos têtes par la Banque Kléber. Elle a repris son nom de jeune fille, et tu as grandi sous ce nom. Ne sois pas trop sévère avec elle ; elle t’a protégée du mieux qu’elle a pu. »
Hoesta garda le silence.
« Depuis ce jour funeste où la bombe a explosé, les oracles que j’interroge me répondent invariablement : « quand le temps sera venu, la fille du Loup viendra sauver son père et mener son peuple à la victoire » Depuis l’an dernier, ils m’ont révélé la date de ta venue... et ils ne sont pas trompés !
- Mais... qu’est-ce que je peux faire ?
- Demain, je t’accompagnerai à la prison dans la fourgonnette. Tu es avocate, tu diras que tu reprends l’affaire. Moi je suis guérisseur, je l’examinerai et je trouverai le remède. »
Elle se tourna vers Maohoohe.
« Tu t’appelais...Tseske Poeso quand tu étais petit, c’est ça ?
- Le Petit Chat a grandi... Tu te souviens quand on partait à poney sans le dire aux parents ? »
Elle se jeta dans ses bras, et les larmes coulèrent, bienfaisantes comme la pluie d’été. L’oracle annonçait des choses qui lui semblaient largement au dessus de ses forces, mais elle n’était plus seule. Le destin, patiemment, avait tissé sa toile afin que chaque chose reprenne sa place. Elle se sentait tous les courages, et la main de Maohoohe, posée sur la sienne, était plus qu’une promesse.
Narwa Roquen,parce qu'on vient de loin

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z653z  Ecrire à z653z

2009-08-28 13:51:31 

 un scarabée à 4 pattes ?Détails
C'est bien rédigé quoiqu'un peu trop lent.... j'ai attendu vainement un rebondissement (ça doit notre société violente qui m'a conditionné).

a+

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-08-28 14:08:05 

 PapattesDétails
Ouais, t'as raison, c'est louche le coup du scarabée, je corrige.
Merci pour ta lecture ! Ben ouais, je voulais faire un truc planant, pacifique, épanoui, hippie quoi.

Est', choupidou.

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z653z  Ecrire à z653z

2009-08-28 14:29:24 

 Très beau texteDétails
juste deux détails :
"ne quelques mots"
"Neil et Beth au journal" (Selenn ?)

Très bien construit : chaque paragraphe a son importance.

Merci.

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z653z  Ecrire à z653z

2009-08-28 15:49:20 

 Napoléon en Amérique !Détails
Très belle idée de départ.
Le fil de l'histoire se déroule d'une manière très rythmée. Les émotions emportent l'héroïne ; je dirais presque que c'est une de tes marques de fabrique.
Merci.

quelques trucs :
"enfin s’installe"
"où se »s bataillons"
"’L’attitude de Honehe"
"Son avocat commis d’office a été totalement inconsistant, bredouillant, se reprenant sans cesse ; il faut dire que c’était son premier procès." <----- trop gros cliché.
"Mais laisse-là" j'aurais écrit "laisse-la"
"et elle ne savait pas ce que l’avenir lui réservait." <--- peu savent ce que l'avenir leur réserve...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-08-29 14:22:02 

  WA - Participation exercice n°65Détails
En retard. J'ai en tête une histoire assez longue. Je livre au titre de cet exercice ses deux premiers épisodes. J'ai volontairement choisi de ne pas préciser le point où l'issue différente d'un évènement a entrainé la divergence temporelle.

---------------
FRERE JACQUES


1


“Paper late, cried a voice in the crowd
Young girl dies! The note he left was signed old brother Jack,
It seems she’s murdered
Selling England by the pound”



Derrière la vitre de l’Eurostar, la douceur de la campagne anglaise sous la pluie ne parvient pas à calmer le mal de crâne qui me pourrit la vie depuis Paris. Les cachets n’y ont rien fait. C’est ma vieille blessure qui se rappelle à mon bon souvenir. Il n’y a que l’alcool ou les drogues qui finissent par avoir raison de la douleur. Je dois cela aux séquelles d’un shrapnel de l’obus tiré à plus de trente kilomètres de distance. En 89. Vingt ans déjà. La paix était précaire à l’époque, entre les Louisianais et les Californiens. Cette partie du monde était devenue un véritable volcan. Sous le regard goguenard des Etats-Unis, les Louisianais et les Californiens avaient bien failli recourir à leurs derniers jouets de destruction massive. Les trappes des silos déjà ouvertes, les militaires attendaient l’ordre ultime au matin du jour où le monde avait suspendu sa respiration. Quelques heures à peine après ce qui ne devait n’être qu’une banale escarmouche frontalière à l’ouest de Fort Beauharnais. En 89, je me trouvais dans la capitale régionale du Nord-Ouest de la Louisiane, jeune chirurgien affecté à l’hôpital Montcalm. Le énième hôpital Montcalm de Louisiane. J’y suivais un cursus militaire pour payer la fin de mes études. Pour moi qui avait débarqué de ma Dordogne natale, les berges verdoyantes du lac Pépin semblaient sortir tout droit des carnets de route de Jacques Kerouac. En fait, les obus n’auraient pas dû faire la moindre victime. Comme un rite incontournable entre les deux nations, quelques salves inoffensives étaient tirées à intervalles réguliers de part et d’autre de la frontière, visant généralement d’immenses marais inhabités. Malheureusement ce jour-là, le diable s’invita à la partie et les rouages pourtant si parfaitement huilés, se sont grippés l’espace d’un instant. Cela a suffi. « Un fantôme dans la machine », titrèrent plus tard les journaux pour décrire cette véritable tragédie. Une pluie de plomb et de fer s’abattit sur un quartier résidentiel de Fort Beauharnais. On dénombra une trentaine de victimes et une bonne centaine de blessés, plus ou moins graves. Je figurais parmi ces derniers. J’ai survécu mais j’ai dit adieu à ma vocation de chirurgien. Toutefois ceci est une autre histoire. Il vaut mieux laisser dormir le passé, je le sais par expérience : il n’aime pas être réveillé.

La voix dans le haut-parleur met fin à ma rêverie. Le train se prépare à entrer en gare. Hastings Station comme ils disent de ce côté-ci de la Manche. Hastings, une ville célèbre deux fois au cours de l’histoire! Juste avant que le train ne soit avalé par l’immense gare, j’aperçois à travers les superstructures métalliques du pont, une Tamise aux eaux boueuses que domine le Grand Oeil. Terminus, tout le monde descend. Même moi. Les voyageurs s’éveillent de leur étrange langueur et se bousculent pour se diriger vers les portes qui ont coulissé en silence. Je les laisse descendre, j’ai le temps. De l’autre côté de la vitre, sur le quai, fusil automatique en bandoulière, patrouille lentement une escouade de militaires en tenue de camouflage. Des Ecossais. Je reconnais le cerf qui orne leur insigne régimentaire agrafé sur leur treillis. Ils appartiennent au légendaire régiment des Gordon Highlanders. Des spécialistes de la guérilla en milieu urbain, craints et respectés. La capitale anglaise essaie de faire comme s’ils n’étaient pas réellement là. Une façon de vivre qui dure depuis plus de deux siècles. Je viens à Londres pour répondre à l’appel pressant d’un ami que j’avais oublié. Alfred. Il m’avait envoyé un véritable appel à l’aide, confronté à un mystère qu’il ne parvenait pas à résoudre.

Les dernières lignes de sa missive m’avaient intrigué. Le ton désespéré avait fini par emporter ma décision. Si la carrière de chirurgien m’avait été fermée à cause du tremblement intempestif et incontrôlable de ma main droite, j’avais bifurqué vers d’autres études. Plus avant-gardistes, elles m’ont emmené très loin sur les sentiers les plus obscurs de l’âme humaine. Sa rive noire et interdite. La faute en revenait à ce policier de Louisiane avec lequel j’ai partagé pendant quelques semaines la même chambre à l’hôpital. Il voulait présenter un concours d’admission d’une nouvelle école américaine. Il avait entassé à cet effet plusieurs gros ouvrages sur la commode. Mais il n’a pas eu le temps. Il est mort des suites d’une septicémie foudroyante. J’ai gardé les bouquins. J’ai eu le temps de les potasser et j’ai réussi le concours d’entrée peu après être sorti de l’hôpital. J’avais pensé quitter la France pour quatre ans, je suis resté cinq fois plus longtemps aux Etats-Unis.

Le jour suivant, j’ai pris un Concorde à Washington et j’ai atterri hier soir à Paris. Le Concorde ne se pose pas encore à Heathrow même si son nom renvoie à l’amitié proclamée entre la puissance impériale et son ancienne colonie. Je ne doute pas qu’il ne s’agisse que d’une question de temps. Le traité de New-York a été ratifié voici déjà soixante deux ans. Je viens à Londres parce qu’il y a quelque chose qui y vit et que j’ai reconnu. Un mal particulier hante les rues quand la nuit est tombée. Une ombre qui tue. Les signes sont évidents à mes yeux. Ne suis-je pas un expert en la matière ? Alfred a eu raison. Par hasard. Nous n’avons jamais été réellement amis, il était anglais. Mais son histoire m’a sorti d’une torpeur néfaste. Alors je suis venu. Les écoles francophones de lutte contre le crime sont encore trop conventionnelles pour accepter ma façon d’opérer. Finalement, c’est une autre forme de chirurgie, beaucoup plus radicale, destinée à éradiquer une partie nécrosée de la société. En cet art, je suis vraiment le meilleur chirurgien.


2


God is in the houses and God is in my head...
and all the cemeteries in London...
I see God come in my garden, but I don’t know what he said,
For my heart it wasn’t open....
Not open...


Le soleil est encore haut dans le ciel. Je ne veux pas sortir quand la lumière est forte. Trop de monde. Trop de bruit. J’ai tellement peur de me perdre sur Emperor Street, là où les mannequins de cire m’observent dans les vitrines. Ils me rappellent trop d’autres corps immobiles et pâles sous la lune. J’ai tellement peur de sentir sur ma tête l’ombre de la colonne Villeneuve dressée au centre de Trafalgar Square. Alors j’attends. De ma fenêtre, le ciel n’est qu’un vague ruban bleu, sale et sans danger. De ma fenêtre à guillotine, je vois les talons des passants sur le trottoir mouillé derrière la grille qui longe l’immeuble. Il est trop tôt. Je vais attendre la nuit pour me glisser là où Dieu m’appelle, là où il versera Sa force en moi. Il existe un lieu près de l’eau où j’entends réellement Dieu. J’obéis à sa voix comme la brebis obéit à son pasteur. Je serai son humble et indéfectible instrument.

Beaucoup ont oublié. Beaucoup L’ont oublié. Pas moi. Je récite les psaumes consacrés et je sais que je suis dans le vrai et le juste. Qu’importe ce qu’ils écrivent sur moi dans les journaux. Qu’importe ce qu’ils disent sur moi à la télé. Le jour viendra où mon oeuvre sera révélée au monde et tous reconnaîtront alors la force de mon message. Les corps que je laisse derrière moi ne sont que des balises qu’ils doivent déchiffrer. En ce bas monde, rien n’est gratuit. Rien n’est facile. Je laisse des indices et des signes. Ils n’ont qu’à lire. Mais ils ont désappris à lire correctement. Alors je suis comme un maître attentionné. Je dicte les mots lentement, infatigablement. Rien n’est facile et ils ont du mal à suivre la leçon. S’ils se montrent inconstants, je suis bien obligé de me montrer sévère. Sévère et juste. Il n’y a pas meilleure pédagogie que la répétition. Alors je répète la leçon chaque fois que la lune brille d’une certaine façon. Une leçon particulière. Ils apprendront à me lire, coûte que coûte. A suivre ma leçon car je sais qu’ils sont de bons élèves. Je crois fort en eux, en leur capacité à trouver le chemin de la rédemption dans les ténèbres où ils errent sans le savoir.

Car le monde est livré au chaos. Chaque matin apporte son lot de catastrophes. Et ils se repaissent de ça, comme des charognards sur un cadavre. Je suis né pour qu’ils se souviennent. Dieu a soulagé ma peine pour m’investir de cette mission. Car dans la tête, j’entends constamment une vieille comptine française apprise sur les bancs de la petite école. Je hais ces mots qui taraudent mon cerveau du matin au soir. Si je ferme les yeux, je revois les visages des enfants de mon âge qui se moquaient de moi, dans la cour de l’école, à l’heure de la récréation. Ils se tiennent tous par la main et ils tournent autour de moi. Je suis prisonnier au centre de la ronde. Je ne peux faire aucun pas dans aucune direction. Malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à tous les envisager. Les visages se brouillent quand les larmes envahissent mes yeux et se mettent à couler sur mes joues. Cela ne les arrête jamais. Ils n’ont aucune pitié. Les enfants n’ont aucune pitié. Ils continuent de chanter. De plus en plus fort. A emballer la ronde. De plus en plus vite. Leurs visages deviennent grimaçants quand ils chantent à tue-tête en me fixant intensément de leurs petits yeux méchants :

Are you sleeping, Are you sleeping,
Brother John? Brother John?
Morning bells are ringing, Morning bells are ringing.
Ding, dang, dong. Ding, dang, dong.


Ils m’ont traité d’idiot et d’imbécile. Les docteurs aussi. Ils ont dit à mère que j’étais attardé, qu’il fallait qu’elle se fasse une raison, qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Mais comment leur faire comprendre que je ne pouvais me concentrer avec cette comptine qui tournait et tournait dans ma tête, emportant tout le reste ? Ma mère baissait la tête et me coulait un regard où je pouvais lire son immense détresse... sa misérable honte. A cause de moi.

Heureusement j’ai rencontré Dieu là-bas, presque par hasard. Il faisait nuit et le pavé luisait faiblement sous la pâle clarté des étoiles. J’ai entendu Dieu. D’abord, je n’ai pas compris. Sa voix provenait des ténèbres amassées sous un porche profond. Je me suis approché. La voix de Dieu a retenti à nouveau. Plus près. Je ne comprenais toujours pas vraiment mais je sentais qu’Il s’adressait à moi. La comptine dans ma tête semblait reculer, comme effrayée par Son verbe. Quand la voix s’est élevée pour la dernière fois, je savais ce qu'Il attendait de moi. Dieu m’avait choisi entre tous. J’ai obéi à son Ordre. Qui d'autre que Dieu aurait pu comprendre que je n’étais pas Frère Jean? Ce nom qu'ils m'ont donné n'est pas le mien. Je suis à présent Frère Jacques et cela fait toute la différence. Depuis cette nuit, chaque fois que je me soumets à Sa volonté, la comptine dans ma tête s’évanouit. Je suis si bien quand le silence se fait, je ressens une telle plénitude! Car tel est son Pouvoir. Quand tout est fini, quand vient l'aurore, ils trouvent ce que je laisse bien en évidence. La marque de Frère Jacques.

A suivre...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-08-30 17:22:12 

 Commentaire Estellanara, exercice n°65Détails
Voici un texte bien différent de tes productions habituelles, et je m'en réjouis! Ici point de noirceur ni de désespoir, tout est peace and love, dans un futur idyllique où nous aimerions tous vivre... Tes personnages sont bien décrits, l'ambiance pacifique de métissage et de coopération est bien rendue. Le principe de décroissance est tout à fait logique, et les centrales à fusion propre... un voeu pieux? Quant à l'absence de frontière et de gouvernement... c'est sûrement ce qui fait le plus rêver...
Mais je n'ai pas bien compris comment le module de résonance pouvait avoir eu raison de l'égoïsme et de l'ambition humaines; est-ce que ça s'apparente à l'hypnose? Un petit rebondissement vers la fin, un moment un peu plus fort, aurait été salutaire pour la dynamique du texte qui ronronne un peu sur la fin; mais sinon, c'est très agréable à lire!


Quelques bricoles:
- des accents circonflexes en trop: petites tâches jaunes, quand tout le monde eût fini ( c'est un passé antérieur: quand j'eus fini), tout le monde compatît
- et un qui manque: ceux de mon espèce souhaitent offrir à la votre
- notre esprit est profondément altéré: altérer veut dire "changer en mal", ce qui n'est pas du tout ce que tu veux dire
-elle partait des semaines entières, à pieds: à pied ( 2 fois)
- chemise à carreaux et gros ceinturons: plusieurs ceinturons?
- l'être qui nous avait sauvé: sauvés


Merci de nous avoir fait planer un peu, c'est pas si souvent...
Narwa Roquen,c'est une maison bleue...

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-08-30 20:00:21 

 Et merci pour les détailsDétails
Arf... et maintenant tout le monde sait que j'ai changé le nom d'un personnage au milieu du texte...
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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-08-31 14:01:16 

 Peace and loveDétails
Merci pour ta lecture.
Ben ouais, j'ai décidé de faire une perfusion de joie de vivre à ma prose ! Et j'en ai eu marre aussi d'écrire des futurs calamiteux où tout se passe mal.
Concernant le module, je suis partie du principe que l'homme avait un bon fond (même si je ne le crois pas) et qu'il suffisait d'un électro-choc pour provoquer chez lui une prise de conscience. Electro-choc qui survient à une époque déjà influencée par le mouvement hippie. Gaia, la Terre mère, en tant que super entité vivante, doit également bénéficier d'un puissant pouvoir de persuasion.
En effet, le texte est tranquille, voire moumou mais je voulais un truc "calme et volupté". Monsieur Zogrot aurait souhaité que je montre les chenilles qui descendent du vaisseau mais, pour ma part, je voulais absolument conclure sur cette image d'harmonie de l'espèce humaine, de paix.
Heureuse que ça te plaise !

Est', cool la vie.

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dexius

2009-08-31 18:00:26 

 Pax HumanisDétails
Salut,
Alors que dire de cette jolie histoire très (presque trop) gentille, elle est très agréable déjà et se lit avec plaisir. Je l'ai apprécié voir carrément adoré. Cette nouvelle est très rafraichissante, une bouffée d'oxygène et de verdure. J'ai aimé le début que je trouves bien amené et les différents enchainements.
Une remarque quand même: faut aimer l'esprit seventies. J'ai vraiment apprécié cette lecture.
Un dexius enthousiaste.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-08-31 20:58:25 

 Presque trop gentilDétails
Merci d'avoir lu !
Ouais, moi aussi, je me suis demandée si je n'étais pas allée trop loin dans le gentil... hihihi !!
Ça c'est clair que le mec qui serait allergique au bab, il ferait une éruption cutanée en lisant, arf !
Je suis bien contente que ça t'ait plu ! Mais je m'attendais à une critique... euh comment dirais-je... plus critique. Genre "là y a ça qui va pas" ou "tu devrais changer ça". Parce que bon, on va pas prendre des gants entre nous.
Et la tienne de nouvelle, ça avance ?

Est', hop hop hop.
PS : demande à Flad' si tu veux récupérer ton login de l'époque. Je certifierai que t'es bien Le Dexius McWalls, le seul, le poilu.

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dexiusmcwalls  Ecrire à dexiusmcwalls

2009-08-31 22:47:37 

 les plus courtes sont les ...Détails
Grrrmmm arf trucs coincés dans la bouche, haa ça va mieux désolé je viens de grignoter un truc.
Comme le suggere le titre, ta nouvelle n'est pas courte. Du coup, il me faut un peu de temps pour critiquer. Mais si tu tiens à avoir le baton, allons y.

Dans le premier paragraphe, on dit astronaute pour les américains, cosmonaute ceux sont les russes.

L'enchainement entre Neil et la petite Maya est pas satisfaisant, ça me fait un effet de décalage dans l'histoire générale de la nouvelle. Trop coupé net entre les deux histoires qui sont liées l'une à l'autre. Un "et pendant que le film continué, Maya.. " ou quelque chose dans le genre aurait amener une continuité d'histoires. (enfin ça reste du fignolage ça)

Un truc que j'ai pas pigé c'est l'unité multicom rutilante (ha ils ont des super techs ?), elle jure avec le reste du récit et les deux paragraphes autour ou tout est vieillot. Aprés tu developpes sur un retour à la nature et peu (pas) de technologie. Un peu d'éclaircissement sur ce point peut être.

En parlant nature, il y a une scientifique qui se ballade à pieds des semaines sans bagages. l'expression "à pieds" est de trop je penses. On a bien saisi l'idée, pas la peine d'en rajouter.

Pour l'orthographe, oublie, je suis un cancre.
(merci le correcteur auto du site, message perso)
Le style m'a l'air bien, j'ai pas décrocher de la nouvelle, pas eu de confusion en lisant.
Voila, j'ai pas vu grand-chose d'autres qui soit frappant.

Dexius partit ronronner, vu l'heure.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-08-31 23:09:53 

 Commentaire Maeglin, exercice n° 65Détails
Tu ne signerais pas tes textes qu'on les reconnaîtrait à leur élégance, à leur intelligence fine et à cette manière si personnelle que tu as d'enchaîner les pirouettes...
Une ironie un brin désespérée accompagne une réflexion philosophique tout à fait intéressante; et tu as réussi une sacrée quadrature du cercle, puisque, en ajoutant à l'Histoire un évènement presque anodin, tu imagines un monde où l'uchronie est un mode de vie... Ca me rappelle ce film délicieux avec Dustin Hoffman (1 m 58 de génie), "Des hommes d'influence".
Tu vas à l'essentiel, survolant allègrement les détails, mais ce n'est pas très gênant. Si, quand même, on aurait bien aimé savoir ce qui s'est passé pendant l'été 2012: est-ce là que les deux autres se sont suicidés?
Je passe sur ce que z653z a déjà relevé pour pinailler sur quelques bricoles:
- vous pourrez vous persuader du reste en à peine quelques moi: le "en à" accroche un peu
-Sur quel support? A quel public: Pour quel public
-Et bien dans le programme PUT: Eh bien
-à partir de ces nouvaux aménagements? : je pense que le ? est une faute de frappe
-inventer même des personnes ou des histoires dont l'absence de preuves...: déjà, s'il y a absence, c'est preuve. Ensuite, la preuve d'une histoire, oui, mais la preuve d'une personne... C'est l'inconvénient de la concision. Le sens est clair, mais la langue française est une vieille fille revêche...
- faute de frappe: Appolo: Apollo
-de meilleures alternatives: par définition, il n'y a jamais qu'une alternative, c'est le choix contraire
-comme à chaque fois: comme chaque fois


J'ai adoré le passage "Cher ami..."
La façon d'amener l'historique du PUT est tout à fait habile. Le passage du passé au présent dans ce paragraphe est un peu abrupt, mais ça passe.
Comme toujours te lire est un vrai régal et tes points de vue décalés sont très stimulants pour l'intellect!
Narwa Roquen,avec les compliments du jury

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z653z  Ecrire à z653z

2009-09-01 10:35:57 

 Je ne suis pas de nature pinailleuse...Détails
... mais... en fait si :
Dustin Hoffman est petit, certes, mais 1m58.... c'est la taille de Prince.

:p

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-09-01 13:23:04 

 Damned, tu as raison!Détails
Il mesure 1m 66! Ce qui augmente son génie d'autant...
Narwa Roquen,je le savais, faut toujours vérifier ses infos quand z653z est dans les parages, je le savais... z

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-09-01 16:53:00 

 Hop hop hopDétails
Une nouvelle de SF fait en général dans les 30 000 signes. La mienne fait moins de 20 000. Si, elle est donc courte. De plus, je ne te demandais pas de te dépécher mais d'être plus précis. Si tu avais ajouté dans ton post "des détails suivent", je n'aurais rien dit. Mais là, tu avais manifestement fini.
Je n'ai pas dit non plus que je voulais "le baton" mais une critique constructive.

Je n'avais jamais entendu parler de cette différence entre astronaute et cosmonaute. Mon dictionnaire n'en parle pas mais l'usage général a l'air de ton côté. Je vais corriger.

La phrase "Maya se détourna brusquement de l’écran" assure la transition dont tu parles et précise la nature de la césure, à savoir que l'on regardait un film.

Oui, ils ont encore des technologies mais ils en ont éliminé pas mal, qui ne servaient à rien ou pas à grand chose. Comme le précise ma phrase "nous avons rationalisé la technologie". Si tu as bien lu, tu as aussi constaté que Takashi est le "technologiste du groupe, responsable de l’entretien et de l’amélioration du matériel électronique". Cela montre que certaines technos ont quand même été conservées et développées, comme ici les communications, essentielles pour que les connaissances de l'espèce humaine ne se désagrègent pas avec l'éloignement géographique des groupes humains. Par contre, tout le reste des objets est usagé parce que les hommes ont renoncé à remplacer les biens à toute occasion. Ils sont sortis du cycle infernal de l'hyper-consommation où on jette son téléphone portable pour racheter le tout nouveau modèle.

Pour les pieds, ne serais-tu pas en train de chercher la petite bête pour mettre une critique de plus ? Allons, restons de bonne foi...

Est', et hop.

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dexiusmcwalls  Ecrire à dexiusmcwalls

2009-09-01 22:01:51 

 pom pom pomDétails
Désolé pour le titre, j'ai pas résister.

Les termes astronaute et cosmonaute viennent de la guerre froide et de la bataille pour l'espace entre USA et URSS. Voila minute historique finie.

Pour la technologie, le passage que tu cites arrives bien après.
J'ai bien compris le coup de la rationalisation technologique avec une utilisation minimaliste.

En lisant le texte, j'ai eu un mouvement aller-retour entre cette machine et le passage de Takumi justement. J'ai eu une impression d'inversion de causalité, l'effet avant la cause.
Bon, elle passe bien dans le texte même si son explication arrive assez tardivement pour moi. En tout cas, elle se dénote du reste, ce qui était le but recherché.

Oui, pour "à pieds", c'est du pinaillage, c'est vrai.

J'ai oublier de dire un truc aussi, merci pour cette excellente nouvelle, Est.
voili voilou dexius

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2009-09-02 13:08:25 

 OkidokiDétails
Ce que tu veux dire, c'est que la machine rutilante choque au milieu du reste et que j'aurais pu expliquer plus tôt que certaines technologies avaient été conservées ? Et peut-être même expliquer lesquelles et pourquoi ?

De rien ! C'est un plaisir, comme toujours, d'écrire des histoires. Et aussi de recueillir les avis des lecteurs. Même si, ici bas, je déplore que les critiques se limitent si souvent à des "j'ai bien aimé" qui ne m'aident guère à améliorer mes textes.

Est', qui réfléchit au 64.

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dexiusmcwalls  Ecrire à dexiusmcwalls

2009-09-02 17:54:50 

 dacodacDétails
Voila, tu sous-entends que la technologie a été conservée et même encore développée.
La machine rutilante est un point ponctuel qui se dénote.Ce n'est pas grave, juste un point d'interrogation pour le lecteur. Après, ce n'est pas si gênant dans le texte.

On le comprends à rebours, je n'aime pas ce genre là de procédés. Ça m'a laissé perplexe car les paragraphes suivants sont dédiés à l'abandon technologique (celle de la société de consommation). Ce type de procédé : ou l'on pose une chose et on va l'explique après; est risqué car le lecteur peut être embrouiller facilement surtout si on le multiplie.

L'explication (Takashi) arrive très tard après, six paragraphes. Je trouves que c'est loin et que tu survoles cet aspect là de leur société.
Un petit ajout sur leur technologie et son évolution aurait trouvé sa place naturellement juste l'évocation de cette machine par exemple.

Bon ça reste du détail quand même, ne te met pas la rate au cour bouillon. Je vais en rester là.

Dexius, qui va bosser sur son texte.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-09-05 13:38:52 

 L'hier du verseau.Détails
J’ai trouvé ce texte particulièrement bien écrit, au vocabulaire riche et délicatement empreint du plus pur style baba-cool. C’est une histoire verte sur une planète bleue. Le côté utopique des années 60 est fort bien rendu également avec les aspects retour à la nature. Sympa la petite touche indienne exotique (musique, mysticisme...). Le décor est planté près de San Francisco, le berceau du mouvement hippie, well done ! La description de l’alunissage du module lunaire est réussie avec cette apparition extraordinaire qui semble marquer la bifurcation de la société terrienne. Cette scène d’ailleurs m’a fait penser à un passage du roman de Varley « Gens de la Lune » où là aussi le brave astronaute qui croît être le premier homme à poser le pied sur la lune se retrouve nez à nez avec son pote qui apparaît devant lui grâce au miracle d’une technologie abolissant la notion d’espace/temps.

Donc, c’est l’apparition de cet extra-terrestre et son cadeau, le module de résonance, qui vont infléchir la course des évènements et embrasser la cause écologique jusqu’à privilégier la décroissance.

C’est là que, personnellement, j’éprouve quelques difficultés.

- Certaines technologies apparemment employées (cristaux, systèmes holo, véhicules solaires...) semblent nécessiter un haut degré de sophistication et donc une industrie conséquente en arrière-plan.
- Visiblement c’est le module de résonance offert par l’extra-terrestre qui a d’une façon ou d’une autre, modifié peu à peu les comportements. Un seul a été offert mais il semble que les hommes aient réussi à le dupliquer. Comment ?
- Tu aurais sans doute pu approfondir le lien entre Za’K et le côté écolo : après tout il aurait pu s’agir là d’un fameux piège pour permettre une bonne invasion cent ans après. Surtout que l’extra-terrestre, par son apparition, indique que les voyages dans l’espace ne lui sont pas étrangers.
- De prime abord, l’uchronie semble avoir été respectée puisqu’il s’agît d’un évènement passé (l’alunissage d’Eagle en 1969).OK. Mais si demain la même chose se produisait (je ne sais pas, Za’k apparaissant pour parler à Obama par exemple), les conséquences ne seraient-elles pas les mêmes?

Je trouve que ton texte relève plus de la science-fiction tendance écologique utopique (sans connotation péjorative) que de l’uchronie. Celle-ci à mon avis, mais c’est largement débattu, correspond plutôt à une façon d’imaginer où nous en serions aujourd’hui si un évènement significatif s’était déroulé différemment dans le passé.

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-09-05 20:25:51 

 Aérosol Grey MachineDétails
J’ai lu avec grand plaisir cette histoire qui trempe avec malice dans les sillons d’un Philip K. Dick des grands jours. Total Recall est bâti quelque part sur cette même notion de manipulation des faits, le côté schizophrène et déjanté en plus. Comme beaucoup de romans de l’américain d’ailleurs. Dans ton histoire, de jeunes journalistes imaginent que l’alunissage d’Eagle (tiens comme dans le récit d’Est : l’année 69 est une année uchronique !) a été bidonné : une théorie du complot qui a eu ses heures de gloire et beaucoup d’incrédules ont tenté d’expliquer que cet alunissage n’avait pu avoir lieu.

Il y a un article intéressant ici!

Le style est excellent comme à ton habitude. Les paragraphes sont dynamiques et apportent une structuration agréable et une cadence fluide au texte. L’introduction du propos, ce jeu de questions/réponses, est également originale. L’explication de l’origine de cette technique de manipulation historique, est bien amenée. Cette idée de désacralisation du fait historique immuable et les arrangements que cela permet pour la vie de tous les jours sont sacrément bien trouvés!

Cependant, comme pour Est’, j’ai un petit peu de mal à assimiler ce « révisionnisme » à une véritable uchronie. Cela se rapproche plutôt à mes yeux d’une méthode qui permet de plier les faits bien réels selon une volonté de les voir différemment. Rien n'est effectivement changé. Evidemment, grâce à l’effet papillon, le présent s’en trouve affecté au niveau individuel et par propagation, au niveau sociétal. Donc c’est bien une uchronie! Pan sur le bec, monsieur Maedhros. C'est une contradiction! Sauf votre respect votre Honneur, laissez-moi développer ! Ce texte est fort subtil. Si l’on considère que le point de divergence créant l’uchronie est la chirurgie uchronique elle-même, alors ce n’est pas vraiment le passé qui est altéré, c’est uniquement la façon de le percevoir. En lui donnant un autre sens. En informatique, on appelle cela une boucle mal fermée qui empêche la bonne exécution du programme, le faisant tourner en rond.

Oh cela me donne mal au crâne. Je vais donc me replonger dans « Le Maître du Haut-Château ». Dans ce roman, Philip K. Dick, pourtant assez tourmenté comme mec, réécrit normalement l’histoire et respecte les règles : l’Allemagne a remporté la seconde guerre mondiale ! Plus uchronique que ça tu meurs !

Ah oui, PERSONNAL UCHRONICAL TRAINING. Pourquoi tant de haine ?

M

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