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De : Onirian Page web : http://oneira.net Date : Jeudi 24 juin 2010 à 17:45:15 | ||
Ici, pas de prise de tête. Des gentils, des méchants, des neutres, et c'est parti. Une bière ? -- Il est des héros ayant une grande destinée, dont la vie est contée maintes et maintes fois dans mille et une prophéties. Il est des êtres plus doués que les autres, des gens bénis des dieux ou maudits par les démons des enfers, des personnages si grands que l'évocation seule de leur nom fait chavirer les coeurs, trembler les rois et gronder les cités oppressées. Et puis il y a moi. Moi, je m'appelle Rufiant, et je suis, enfin, j'étais, apprenti-forgeron. J'aimerai pouvoir vous dire que j'avais un talent particulier, que les armes forgés par mes mains étaient plus résistantes, plus belles, plus tranchantes, mais à dire vrai, je n'ai jamais forgé d'arme. Mon truc, c'était plutôt les clous. Je sais faire de grands clous, capables de maintenir soudées deux poutres pour soutenir une charpente, ou des petits clous, parfaits pour ferrer un cheval, mais, n'en déplaise au destin, c'est à peu près tout. L'histoire commence vers la fin de l'hiver, aux premières journées presque chaudes qui prédisent le retour du printemps sans l'annoncer vraiment. J'étais parti pourfendre une compagnie d'orcs en forêt à la recherche d'un trésor perdu (comprendre : je devais aller chercher des fagots de Malhorn parce que, parait-il, ils brûlent mieux), et pour rentre l'opération palpitante (disons... légèrement moins rébarbative) je m'inventais des histoires. Mais cette fois là, je n'eus pas besoin d'inventer longtemps, parce que soudain, au détour d'un chemin peu fréquenté, j'aperçu une vieille dame qui, loin d'être mal en point, assoiffée ou bossue comme dans les contes, m'apostropha de la sorte : - Eh bien, ce n'est pas trop tôt ! Cela fait deux jours que je t'attends ! Je restais coi devant tant de violence. A ma décharge, n'oublions pas le fait que je ne savais pas ce qui se passait à Vaira Kruz. - Mais comment ça une grève des transports ? Ce n'est pas possible ! Je suis le Héros, vous m'entendez ? Le Héros ! - Ben oué, mais moi, j'suis charretier, et notre bon seigneur vient de lever une taxe sur les routes, et si on le laisse faire, il finira par ôter le blé de la bouche de nos marmots, alors non, on ne dégagera pas la route. - C'est inadmissible ! Ma vie a été contée maintes et maintes fois dans mille et une prophéties, je suis béni des dieux, et je fais chavirer les coeurs ! - Ben oué, mais mois, j'suis charretier, et notre bon seigneur vient de lever une taxe sur les routes, et si on le laisse faire, il finira par voler le lait maternel de la bouche de nos marmots, alors non, on ne dégagera pas la route. - Alors, repris la vieille, tu ne sais pas qui je suis ? Je suis la gentille Dame Blanche, un Être de Bien et je dois te charger d'une mission périlleuse, avec l'honneur pour unique récompense. Seul ton triomphe pourra protéger le monde des hordes infernales. Assurément, elle était vieille. Ses rides semblaient tracer une toile d'araignée sur sa peau et, je ne peux pas le nier non plus, elle était vêtue d'une grande tunique blanche, sans fioriture. Bref, une authentique vieille Dame Blanche, hélas pour elle, j'avais décroché à l'évocation des hordes infernales. Ces gens-là ne sont pas fréquentables, ils pillent, tuent, violent, et ne disent jamais merci. D'ailleurs, je lui en fis aussitôt la remarque. - Les hordes infernales ? Je ne côtoie point ces gens-là. Ils ne sont pas fréquentables, ils pillent, tuent, violent, et ne disent jamais merci. Ce fut à son tour de rester coite. L'ayant ainsi mouché, pas peu fier de moi, je continuais ma route. Oh bien sûr, j'ai entendu quelques grognements, voire quelques grommellements suggérant que de nos jours, les héros n'étaient plus ce qu'ils étaient jadis. Il m'a même semblé distinguer un ou deux jurons, mais les trucs de héros, justement, c'est pas mon truc. Quelques lieues plus avant, je fis une autre rencontre, tout aussi insolite. Un homme, dans la force de l'âge, tout vêtu de noir, il riait d'un rire que je devinais sombre et maléfique. - Ha ha ! Oh, toi, tu tombes bien. Tu es probablement l'agent du mal que j'attends. - euh... Bonjour, lui répondis-je, sans grande conviction. - Tu as l'air étonné, c'est probablement à cause de mon rire sombre et maléfique. Je viens d'apprendre grâce à mon scarabée espion (ce sont toujours les méchants qui ont les gadgets les plus rigolos), que mon ennemie de toujours, la vieille mais non dénuée de ressource Dame Blanche, a mal choisi son héros, celui-ci s'est débiné ! Ha ha ! J'en rie encore maléfiquement ! - En effet, et j'ajouterai même sombrement, si vous me le permettez. - Oh oh, un cynique ! Parfait, ce sont les meilleurs. Et ce déguisement, un apprenti forgeron mal dégrossi, même pas une épée au coté. Très fort, je sens la ruse en toi. Bien, va dans la grotte situé un peu plus en contrebas, et affronte les quinze épreuves, de courage, force, ténacité, virilité, puissance, connaissance, intelligence, agilité, ruse, coquinerie, plongée en apnée, combat, tetris, et courage à nouveau. Alors et alors seulement, tu auras ta récompense ! Mais sois sans crainte, sans Agent du Bien pour se dresser devant toi, cela sera un véritable jeu d'enfant. Allez savoir pourquoi, je suis descendu dans la direction indiquée, sans doute que le destin avait quand même besoin de quelqu'un. C'est que je ne savais toujours pas ce qu'il se passait à Vaira Kruz. - Si vous continuez je vais vous égorger ! - Et vous irez en prison. - Mais non, je suis le Méchant, celui dont la vie est contée maintes et maintes fois dans mille et une prophéties. J'ai été maudit par les démons des enfers, et l'évocation seule de mon nom fait trembler les rois. - Ben oué, mais mois, j'suis charretier, et notre bon seigneur vient de lever une taxe sur les routes, et si on le laisse faire, il finira par voler le gruau au miel de la bouche de nos marmots, alors non, on ne dégagera pas la route. Et il mourut (en vrai, il n'était pas très gentil ce charretier là, alors ce n'est pas si grave). Ainsi que sa mule (qui était très méchante aussi). Et la route ne se dégagea pas. J'entrai donc dans la grotte. Me demandant bien ce que pourrait être ma récompense si je réussissais toutes les épreuves. Je vis une petite créature, à peine plus grande qu'un gobelin, toute verte, un peu comme une grenouille géante. - Bienvenue, tu es venu passer les épreuves, je le sais. Non, ne dis rien, les prophéties ont parlé pour toi. D'ailleurs, les prophéties, qui ne se trompent jamais, ont dit que tu les réussirais toutes. - C'est plutôt une bonne nouvelle, non ? - Une bonne nouvelle ? Une bonne nouvelle !? Et quand les rochers tombent, qui doit les remettre en place pour le clampin suivant ? C’est bibi ! Et quand les dix milles flèches empoissonnées ont été tirées, qui doit réarmer tous les mécanismes ? Retailler toutes les flèches qui ont été cassées ? Retremper toutes les pointes dans une marmite pleine de poison ? Et qui a du la préparer cette marmite ? C'est encore et toujours bibi ! Alors non, moi quand je vois un héros se pointer, j'ai envie de lui mettre mon pied où je pense et lui dire d'aller se faire voir. En plus, si c'est le gentil, il est sage et n'utilise pas le pouvoir suprême des hordes démoniaques et quand c'est le méchant, il se fait tuer par le gentil juste avant d'utiliser le pouvoir suprême des hordes démoniaques. Boulot de chiotte. - Humm, j'ai une idée. Et si je ne passais les quinze épreuves ? De toute manière, je vais les réussir, alors autant s'épargner des soucis. La créature, mélange de bleu et de jaune (verte quoi), me regarda, interloquée. Je vis l'idée traverser son esprit, se faire maltraiter par des millénaires de traditions, lutter pour survivre, passer une bonne quinzaine d'épreuves (de courage, de ... enfin, vous savez quoi), et finalement, un éclair de fainéantise aigüe vint détruire le reste de conscience professionnelle de Bob (nom dont je venais de l'affubler de manière parfaitement arbitraire). C'est ainsi que je repartis avec le Sceptre de Bulzateraz le Maléfique. A vrai dire, il ressemblait à... un sceptre en or, avec des pierres précieuses et tout ce qui transforme un vulgaire bout de métal en arme puissante capable d'invoquer les hordes infernales (les fameuses). En repartant vers la clairière où se trouvait le vieux bonhomme en noir, quelque chose me dérangeait pourtant. Ce sceptre me semblait... comment dire... étrange. Au début, je me dis que c'était normal, qu'il était magique, mais... non, quelque chose ne collait pas. Puis j'eus l'idée. - J'en ai marre d'attendre. - Moi aussi. - Vous voulez allez où ? - Dans la forêt magique et enchantée. - Oh, quelle heureuse coïncidence, moi aussi ! - Quel est votre nom ? - Uriel, Agent du Bien et vous ? - Mechiel, Agent du Mal. - Mais alors, je dois vous tuer non ? - J'imagine, mais je dois vous avouer que cette perspective ne m'enchante guère. Et puis, c'est toujours les gentils qui gagnent. - A vrai dire, la semaine dernière, j'étais moi aussi Agent du Mal, c'était aux Sources de Kerdon la Maléfique, un endroit charmant, j'ai tout de même réussi à empécher que l'Agent du Bien local détruise de façon définitive mon maître du moment. - C'est une performance tout à fait honorable. - Oui, c'est ce qui ma valu ma promotion. - Au fait, vous savez pourquoi ces gens manifestent ? - C'est parti d'un seigneur qui enlevait les pommes de terre de la bouche des marmots, mais une contre grève à propos de l'insécurité a été déclenchée par un meurtre sournois. - Désolé. Tandis que, rusé, je m'approchais à pas de loup de la clairière, je vis la vieille Dame et le vieux bonhomme entrain de s'insulter copieusement. Visiblement, pleine de ressources, l'élue du Bien avait décidé d'affronter elle même tous les dangers pour sauver le monde, tandis que le maléfique Tom (Oui, Tom, et pourquoi pas d'abord !) tentait de contrer ses plans. - Eh, Tom ! Et vous aussi... euh... Scylla, comment allez vous ? - Tom ? C'est moi que vous appelez Tom ? - Je trouve Scylla plutôt joli en fait... - Tom, ça ne fait pas peur ! Comment vais-je pouvoir devenir maitre du monde avec un nom pareil ? - Taisez-vous, j'ai le sceptre ! Et là, royal, tandis que je brandissais le sceptre, le silence fut assourdissant. Tom souriait, persuadé que j'allais lui rendre, mais quand il comprit qu'il n'en serait rien, son visage se teinta d'une absence parfaite de couleur. - Depuis combien de temps vous battez vous ? Allez, ne soyez pas modeste. - Je ne dirais rien, vous êtes un traitre ! Rugit Tom. - Cinq mille ans, dis la prêtresse (j'avais conclu, sans doute un peu hâtivement, mais qu'importe, que sa longue robe blanche était celle d'une prêtresse. Une mage aurait été plus voyante, une voleuse plus sexy, et une guerrière plus musclée). - Cinq mille ans ? CINQ MILLE ANS ? - Oui, nous sommes immortels. Et crois moi, j'irai cracher sur ta tombe, vil traitre ! - En attendant, c'est moi qui aie le sceptre (nananère, n'ajoutais-je pas). Et effectivement, c'est bien moi qui avait le sceptre. Je connaissais bien peu de chose sur les luttes ancestrales, mis à part une chose. Aucun camp ne pourra jamais prendre le dessus. Ceci étant, il y a plusieurs manières d'établir un statu quo. - Je suis près à vous donner le sceptre, mais pas à n'importe quelles conditions. - Parle, dit Tom, Parle, je te promets tout ce que tu veux ! - Ne l'écoute pas ! Donne le moi ! Je le remettrai en sécurité ! - Dame, dites-moi, existe-il une promesse inviolable, ou quelque chose du genre ? - Oui... nous pouvons promettre sur notre âme. Ce serment-là ne pourra être bafoué, sous peine de mourir. - Alors... Je donnerai ce sceptre à celui qui m'en fait la demande, mais à une condition. Il ne devra se battre contre l'Autre, qu’à l'aide ce celui-ci, à l'exclusion de toutes autres armes ! Evidement, Scylla hésita, pour l'Elue du Bien, se battre à coups de hordes démoniaques, cela fait un peu contre-emploi. En revanche, Tom, jubilant, fit sa promesse sans même réfléchir. - Sur mon âme, je Promets ! - Alors il est à toi ! Et je lui lançais. Ceci étant fait, plutôt fier de moi, je repartis à la recherche de mon petits bois de malhorn pour le feu, craignant déjà pour les remontrances qu'allait occasionner mon retard. Oh, vous voulez savoir si le monde sombra, en proie aux flammes des enfers, piétiné par des hordes démoniaques ? En fait, non. Le truc, c'est le poids. Tous les métaux ont un poids, et l'or n'y fait pas exception. Or, ce sceptre était bien trop léger. Je suis donc revenu voir la grenouille pour lui tirer les vers du nez. Effectivement, lors d'une des quêtes passée du temps jadis (enfin, avant quoi), le véritable sceptre avait été détruit. Craignant pour son emploi, il en avait fabriqué un autre, plaqué or évidement, parce qu'il n'était pas très riche, et avec des diamants de pacotille. Ceci étant, Tom, tout maléfique qu'il était, avait promis de ne se battre qu'avec ce vieux bout de métal inutile. Et voici comment disparurent les guerres qui ravageaient nos contrées. The end. - Ca claque non ? - Oui, et au moins, on ne sera plus soumis à ces règles d'honneurs stupides. - Bof, en tant qu'agent du mal je n'y étais pas soumis de toute manière. - D'un autre coté, tu étais obligé de perdre. - C'est pas faux. - Une bière ? - C'est parti. -- Onirian, léger. Ce message a été lu 8090 fois | ||
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3 Exercice 78 : Onirian => Commentaire - Estellanara (Jeu 7 oct 2010 à 17:38) 3 Commentaire Onirian, exercice n°78 - Narwa Roquen (Ven 2 jul 2010 à 22:17) |