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 WA, exercice n°81 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 15 juillet 2010 à 22:30:43
Et voici le grand challenge de l'été, ta ta tam! Vous allez jouer avec l'ambiguïté. Personnages ambigus, situations ambigues... Laissez le lecteur perplexe et le pari sera gagné. Attention! Il ne s'agit pas d'omettre, il s'agit de proposer des interprétations contradictoires. Et, cerise sur le gâteau, tout en restant parfaitement cohérent... Un conseil? Evitez le narrateur-sujet. Employez le "il" (ou "elle", ou bien servez-vous du récit à plusieurs voix: chacun ayant sa vérité, ça peut brouiller les pistes...
Bonne prise de tête! Vous avez jusqu'au jeudi 2 septembre, ce qui vous laisse le temps de partir en vacances, d'en revenir, et de vous y mettre, frais et dispos... Bon été à tous!
Narwa Roquen,peut-être que oui, et peut-être que non...


  
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Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-09-02 23:25:18 

 WA, exercice n°81, participationDétails
SINGULIER PLURIEL





« Le tyran est mort ! »
La foule surexcitée se mit à hurler sa joie devant le palais. Ce fut comme une immense vague qui souleva le peuple de Mora. Nous étions tous heureux, délivrés, libres ! Un homme avait crié au balcon, et le soleil était plus lumineux, les arbres plus verts, l’air plus pur. La vie reprenait ses droits, le Mal était terrassé, la mort d’un seul homme avait changé le monde ! Qu’importait à présent la richesse ou la pauvreté, la jeunesse ou l’âge mûr, nous étions tous frères dans le bonheur. Les gens s’embrassaient, se congratulaient, parlaient haut et fort, s’invitaient mutuellement pour fêter l’évènement. Les voisins qui se détestaient depuis des lustres projetaient de marier leurs enfants. Les frères ennemis voulaient travailler ensemble, les patrons donnaient congé aux ouvriers avec une pièce pour aller boire... Plus de rancune, plus de haine, plus de mépris, c’était un vrai miracle ! Comme si les Dieux pris de pitié pour nos longues souffrances avaient déversé sur nous des torrents d’amour et de bonté. Nous étions fiers d’appartenir à la nation de Latinia qui avait triomphé d’une longue lignée de despotes et offert la gouvernance à ses citoyens. Un monde nouveau s’ouvrait à nous, où nous serions tous libres et égaux, maîtres de notre destin, debout et unis quoi qu’il arrive. Plus de privilège, plus de prison, un impôt juste et des dirigeants issus du peuple et au service du peuple. Plus d’un solide gaillard en avait les larmes aux yeux.
Un gamin me tira par la manche.
« C’est toi Xérias le Poète ? Monte au palais. Béotius veut te voir. »
Je me frayai non sans peine un chemin à travers la foule bruyante. Béotius était encore au balcon, acclamé sans relâche. Dans la pièce, au pied d’un simple fauteuil en bois, gisait encore la dépouille ensanglantée du Roy, une épée grossière plantée dans la poitrine. Je ne lui jetai qu’un bref regard, n’ayant guère d’attirance pour le sang, et quelque chose me sembla étrange sans que je discerne quoi. Je n’avais guère le temps d’y réfléchir.
« Xérias ! Tu es bien poète ?
- Tel est mon métier.
- Je veux que tu écrives une Ode à la Liberté, qui sera chantée et colportée dans tout l’univers civilisé, et qui traversera les âges... pour... »
Je réalisai qu’un homme de petite taille, humblement vêtu de gris, lui soufflait les mots à l’oreille.
« ... pour qu’on célèbre à travers les siècles... la grandeur de Latinia, qui la première entre toutes les Nations... a immolé l’injuste pouvoir sur l’autel de la ... Liberté... pour que son... peuple soit à jamais souverain ! »
Béotius me regardait, très fier de lui. Je bredouillai :
« Merci... Merci... Grand Béotius. Je m’acquitterai de cette noble tâche avec toute mon énergie. Sois remercié pour ce grand jour que tu as offert au Peuple. Je chanterai ton courage et ta force, pour ta plus grande gloire !
- C’est bien, c’est bien. »
Il se tourna à nouveau vers la foule qui ne se lassait pas de l’applaudir. Quelqu’un murmura près de moi :
« Mon gars, ta fortune est faite ! »


Ma fortune était peut-être faite, mais je ne savais pas par où commencer. Les idées se bousculaient dans mon esprit troublé. Mon Maître Dargon de Massila m’avait toujours répété : « Ecris selon ton coeur, mon garçon, mais si tu parles de faits, vérifie-les un par un. Il nous faut parfois mener une véritable enquête avant de commencer à écrire, mais c’est la dignité de notre profession. Nous devons servir la vérité, jusque dans les moindres détails. Nous pouvons faire s’envoler les métaphores les plus emphatiques, mais nous n’avons pas le droit de mentir ! »
Il me fallait un plan.
Commencer par la scène du meurtre – non, de l’exécution. Non, de la justice. Des mots forts, bien choisis, qui marquent les esprits. Puis montrer la foule en liesse, j’y étais, ça serait facile. Et après ? Le récit des longues années d’oppression. Je les avais connues. Par scrupule extrême, interroger quelques habitants de Mora, commerçants, ouvriers... Un couplet patriotique pour finir et le tour était joué.


Mais tout de même il me fallait parler de Béotius, l’homme qui avait porté le coup fatal. Et si je ne voulais pas mentir, je devrais au moins omettre ce que chacun savait, qu’il ne savait pas aligner deux phrases, que son intellect était lent comme la plus lourde des péniches, et qu’il n’avait sûrement pas été l’instigateur de la révolte. Au dernier moment, on avait dû lui mettre une épée entre les mains... Or sans une préparation soigneuse et des complicités internes, personne n’aurait pu s’introduire dans le château, et a fortiori assassiner le Roy de bon matin... Sans compter que l’organisation du nouveau gouvernement – on en parlait sur le marché, ce matin-là – semblait se mettre en place très vite, comme si elle avait été prévue de longue date. Devais-je laisser dans l’ombre les véritables auteurs de notre libération ? Cela aurait été malhonnête, et pire, injuste. Où avaient pu s’ourdir des plans tortueux et des complots secrets ? Dans les ruelles du quartier chaud, à n’en pas douter, dans les tavernes et les tripots, dans les arrière-salles obscures embrumées de fumée de tabac et empestant la bière renversée. Ce serait amusant de retracer l’historique du mouvement. Et peut-être une occasion de se faire offrir à boire... Ce soir-là je m’endormis enthousiaste comme si le monde m’appartenait. J’avais vingt-cinq ans. Au plus tard dans un an je serais riche et célèbre... Quel homme pouvait rêver d’une meilleure vie ?


En parcourant les rues de Mora, la capitale du royaume, je commençai machinalement à chercher mes premiers vers.
« Il faut bien commencer », disait mon Maître Dargon, « mais tu verras que souvent tu réécriras le début après avoir achevé ton dernier vers... »
«Béni soit ce jour-là, auréolé de gloire,
Où le peuple damné recouvra son bonheur...
»
Ce n’était pas bon. « Ce jour-là», ça sentait le pied manquant. « Ce matin» ? Mais c’est toute la journée qui avait été glorieuse, et... Je devais me calmer. Trop d’impatience, comme toujours. Allons, si je voulais écrire un chef-d’oeuvre, je devais garder la sérénité de l’esprit.
Démétrius le boulanger était dans sa boutique.
« Tiens, poète, goûte-moi ce pain au sésame : divin, n’est-ce pas ? La liberté me donne du génie ! Puisse l’âme maudite d’Altérius brûler dans les Sept Cercles des Enfers pour toute l’éternité ! Il nous a piétinés, affamés, terrifiés ! Il faisait des sacrifices humains, à chaque nouvelle lune, pour se concilier les Dieux ! De jeunes vierges, immolées comme des animaux, dont il buvait le sang encore tiède... C’est mon cousin qui me l’a dit, il le tenait de la femme d’un soldat, avec qui il avait... un certain commerce... Et tu l’as vu, à la moindre rébellion, que dis-je, au moindre soupir de travers, ses soldats tranchaient les têtes, violaient les femmes, incendiaient les maisons... On raconte même qu’ils ôtaient leurs uniformes pour aller piller des villages et faire croire à l’oeuvre de brigands... Qui ? Mais tout le monde le sait, demande autour de toi, tiens, demande à Martius le boucher, demande à Angus le cordonnier... Il y a deux ans, tu t’en souviens, l’année de la grande sécheresse... Ah, tu étais à Massila ? Ici le bétail mourait de soif, les récoltes séchaient sur pied, les puits étaient à sec, et le Roy s’était fait remplir deux piscines, dont il changeait l’eau tous les jours... Ca ne s’invente pas ! Il menait ses chasses à travers les champs de blé, avant la moisson, avec une véritable armée pour escorte, et quand le pauvre paysan ne pouvait pas payer l’impôt, il lui faisait couper le bras droit ! Si je l’ai vu ? C’est arrivé au père du meilleur ami de mon neveu, à Perséa ! Et l’hiver du Grand Gel, il y a quatre ans, quand le peuple mourait de froid et de faim... »
Un homme massif comme une montagne, vêtu d’un grand tablier bleu, entra dans la boutique.
« Tiens, justement... Dis-lui, toi, Martius, tu t’en souviens, il y a quatre ans...
- Ah oui », répondit le colosse à la figure rougeaude en serrant des poings capables d’assommer un boeuf, « l’année du Grand Gel ! Le Roy nourrissait ses chiens de viande fraîche, et faisait chauffer ses écuries avec trois grands poêles, quand les gens se battaient pour une branche morte ou un bout de lard, et que les enfants mouraient dans leur sommeil...
- Demande aux mères dont il a enlevé les filles pour les jeter en pâture à ses soudards », reprit Démétrius, « demande aux fils dont il a fait tuer les pères parce qu’en vieillissant ils n’étaient plus utiles ! Demande... »


« Oui, ma fille, ma petite Soria. Ils l’ont enlevée... Je ne l’ai jamais revue... »
« Mon père s’était foulé la cheville. Un soldat l’a vu boiter et lui a tranché la gorge. Et j’ai... j’ai dû le remercier de m’avoir ôté cette charge... J’ai été lâche, Xérias, mais j’avais ma famille à nourrir... que serait devenue ma femme sans moi ? Et mes quatre enfants ? »
« Maudit ! »
« Maudit ! »
« Maudit ! »


Je rentrai chez moi la tête bourdonnante comme une ruche, le coeur soulevé par toutes les horreurs que j’avais entendues, l’esprit agité par le flot de haine que j’avais vu déferler dans tous ces yeux quand j’avais évoqué la mémoire d’Altérius. J’avais connaissance de certaines rumeurs, mais c’est vrai que j’avais été absent de Mora pendant cinq ans, tandis que je suivais l’enseignement de mon Maître Dargon. Ce qu’on m’avait raconté dépassait en horreur tous les ragots les plus fous. Les gens avaient rompu la loi du silence. Ce qui s’était jusqu’alors murmuré sous le manteau dans la terreur de représailles sanglantes était à présent hurlé au grand jour par des survivants dont la haine enfin libérée devenait plus forte que la douleur. Etait-ce le bon chemin pour retrouver la paix de l’âme ? Je n’en savais rien. Il ne m’appartenait pas de juger. J’étais trop jeune pour avoir l’expérience de la nature humaine. J’imaginais que, le temps aidant, l’apaisement viendrait. Mais sans doute jamais le pardon.




Au matin, dans la demi brume du réveil, je repensai à tous ces témoignages unanimes sur la cruauté du tyran. Sa mort avait indiscutablement été une bonne chose et l’avenir s’annonçait radieux. Radieux... Tout à coup une image me frappa et je me dressai d’un bond, en proie à une émotion violente. L’image du Roy mort était aussi nette dans mon esprit que si je l’avais eu devant mes yeux. Et ce qui m’avait paru étrange sur le moment m’étreignait maintenant à la gorge : radieux ! Il était radieux, il avait une expression de bonheur extrême, comme si... comme si... Je dus me forcer à terminer ma pensée, tellement celle-ci était absurde : comme si c’était le plus beau jour de sa vie !
Je paniquai un instant. Je m’étais trompé, ce n’était pas possible... Ah, pourquoi étais-je si jeune et si peu expérimenté !
« La vérité, Xérias, la vérité... »
Cette tâche était trop lourde, je n’y arriverais jamais...
Je regardai le soleil se lever, confus et accablé. Quand son premier rayon me toucha, une idée me vint, sans nul doute un message d’Apollon que je priais chaque jour.
« Va voir la Reine. »
Et je suivis cet ordre sur le champ.


Dans son étroit cachot de la Tour Maudite, je fus autorisé à parler à la Reine déchue. Elle attendait la mort, digne et courageuse, en contemplant par la minuscule fenêtre un infime coin de ciel où passaient quelques rares oiseaux.
« Vous écrivez un poème ? Vanité ! Mon époux est mort, le pays est livré à des hordes sanguinaires, et vous écrivez un poème ! Que voulez-vous savoir ? Le Roy ? Vous allez déformer mes propos, vous allez insulter sa mémoire, je le sais ! Je ne serai pas complice de cette infamie !
Non... C’était un bon époux, respectueux, tendre, fidèle. Il... Je ne salirai pas sa mémoire. Mais ce que je dirai, n’est-ce pas... Tant de gens le haïssent encore, même après sa mort. Il n’a pas voulu d’enfant. J’ai pensé d’abord que mes charmes étaient insuffisants... Puis, l’ayant fait espionner et ayant appris que je n’avais aucune rivale... Je l’avoue, j’ai soupçonné que son attirance fût pour le sexe masculin. Mais ce n’était pas le cas. Nous avons été mariés selon la volonté de nos parents. Personne n’attendait de nous que nous nous aimions. Pour ma part, je devins bien vite amoureuse de ses grands yeux sombres, de son visage osseux, de ce grand corps maigre et maladroit... de cette force inouïe qui se dégageait de lui quand il restait assis devant la cheminée, silencieux et seul, pendant des nuits entières... Je ne saurais vous dire s’il m’aima un peu. Une nuit, s’éveillant à mes côtés après de chastes baisers, il hurla :
« Je mettrai un terme à tout cela. J’en mourrai, s’il le faut ! »
Effrayée, je rallumai la lampe. Ses yeux étaient pleins de larmes.
« Pardon, ma douce et tendre. J’ai fait un cauchemar. »
Il se blottit contre moi et sanglota comme un enfant.
« Il faudra que vous soyez courageuse. Il faudra que vous me pardonniez. Sans le vouloir il se peut que je vous fasse du mal. Mais je dois sauver ma patrie... et pour aussi incroyable que cela puisse être... Je suis prisonnier, Marvélia, prisonnier d’une caste, d’une Cour corrompue et avide, de Conseillers véreux dont je suis le fantoche... C’est un vrai nid de vipères... Une immense toile d’araignée, dont les ramifications s’étendent bien au-delà de nos frontières... Je vaincrai, ma douce. Vous serez fière de moi. Enfin... Pour le moins, n’ayez pas de haine envers moi, je vous en supplie, pardonnez-moi. »
Je ne comprenais rien à son discours, je pensais qu’il délirait. Je l’ai bercé longtemps sur mon coeur. A l’aube il se leva, comme à son habitude. Il ne m’en a jamais reparlé.
A dire vrai, j’ai l’impression de ne pas l’avoir connu. Vous dites qu’il était un tyran cruel. Moi je le voyais comme un être torturé et sensible.
Je sais que la mort m’attend. Ils me feront payer pour la haine qu’il leur a inspirée. Je n’ai pas peur. Je vais le rejoindre. Nous serons en paix, enfin. Mais je ne comprends pas. Je n’ai jamais été sa confidente. Et c’est la seule chose, à ce jour, que je regrette vraiment. »


On dit que les gens ne mentent pas quand ils savent qu’ils vont mourir. Mais la Reine, confinée dans son palais doré, savait-elle vraiment ce qui se passait à l’extérieur ? Elle était sûrement tenue à l’écart des affaires du royaume. Et on a vu d’autres hommes cruels adorer leur épouse... Et puis quelle foi accorder au témoignage d’une femme amoureuse ? Et comment le Roy aurait-il pu être prisonnier ? Si son entourage lui déplaisait, il n’avait qu’à s’en défaire, il avait tous les pouvoirs, il était le Roy...
Je me cherchais des arguments mais mon coeur était troublé, tant le portrait dressé par la Reine différait de celui que nous connaissions tous.
Alors que je regagnais ma petite maison en ressassant mes doutes et mes interrogations, je dus m’écarter pour laisser passer une grande procession qui traversait les rues de la ville. Les gens chantaient et dansaient en escortant une charrette où était entassée une pile de cadavres, jetés là pêle-mêle comme des rats crevés. Je me renseignai auprès d’un passant.
« Tu devrais te tenir au courant, jeune homme ! Tu es un homme libre, maintenant, et l’avenir de la Nation repose aussi sur ton opinion ! Regarde bien ces morts, et réjouis-toi : ils ne nous feront plus de mal. Il y a là le Grand Intendant, le Grand Chancelier, le Capitaine de la Garde, le Comte des Ecuries... et toute la tripotée de dignitaires qui ont si bien servi le Roy ! Ah et je crois bien que tout au fond, il doit y avoir le Roy lui-même. On va les brûler sur la place du Couronnement, rebaptisée place de la Libération ! Et demain, le Conseil des Sept commencera à gouverner.
- Le Conseil des Sept ?
- Ben oui, c’est ce que Béotius et ses deux lieutenants, Arnius et Melnon, ont décidé ce matin... Ca a été crié dans toutes les rues pendant au moins deux heures ! Où étais-tu ? Tu dormais ? »
Il me jeta un regard méprisant et se hâta pour rattraper le cortège. Bien sûr, c’était dans l’ordre des choses. Comme pendant une guerre, les ennemis avaient été tués. Mais moi que la violence a toujours rebuté, je ne pouvais m’empêcher de penser que même si la vengeance était juste, à la mort des uns s’ajoutait la mort des autres, toujours la mort, toujours la haine, toujours le pouvoir exercé jusqu’à l’extrémité fatale. Je n’assistai pas au bûcher funéraire autour duquel les gens festoieraient sûrement toute la nuit.



Je dormis mal cette nuit-là. Je rêvai de champs de bataille, de charniers putrides survolés d’infâmes corbeaux au bec sanguinolent, de fillettes hurlant de terreur et d’ombres fugitives au ricanement sardonique. M’éveillant en sueur, je m’efforçai de retrouver mon calme en composant quelques vers. Sur Béotius, par exemple.
« Le bras de Béotius porta le coup fatal.
Soutenu par l’élan de la nation entière,
Il s’avança sans peur, droit, fier et magistral
Rendant à Latinia l’espoir et la lumière.
O Liberté...
»
J’aurais dû en écrire un peu plus sur Béotius, notre Libérateur, mais il ne m’inspirait guère. Alors que le personnage du Roy, malgré tout ce que j’avais pu entendre, m’attirait irrésistiblement... Et ce sourire béat, tellement chaleureux, tellement lumineux... et tellement improbable ! J’avais dû mal voir, j’avais imaginé, j’avais rêvé... Il y avait tant de joie dans cette pièce et dans toute la ville, que j’avais confondu les images... Mais le cerveau peut toujours raisonner, quand le coeur a une certitude, il n’en démord pas.
J’avais eu le temps de consulter la Biographie Officielle à la Bibliothèque Royale. Comme tous les Princes, Altérius avait suivi l’enseignement d’un Maître hors du Royaume, pour acquérir culture et connaissances et se former au mieux à sa future tâche – telle était la coutume en Latinia. Son Maître était peut-être encore en vie... ou bien, en me rendant à Durbask, en Crévonie, je trouverais des contemporains, qui sait, un ancien camarade... Quatre jours de cheval en forçant un peu l’allure, cinq au pire... Béotius m’avait fait porter une bourse pleine d’écus pour m’encourager. J’étais un peu gêné que cela vienne de lui, mais après tout je travaillais pour le Peuple et tout travail mérite salaire : pendant que j’écrivais je n’avais plus le temps d’aller glaner quelques piécettes en déclamant des vers dans les foires ou les tavernes. Je pouvais faire quelques provisions et me mettre en chemin. Le temps était clément et je pourrais dormir à la belle étoile. J’espérais seulement ne pas avoir de souci à la frontière. Comment savoir si la nouvelle s’était répandue dans les pays voisins ? Et quelle serait la réaction des autres Roys, puisque, dans tout le monde civilisé, nous étions les seuls dans l’Histoire à avoir commis le crime majeur, le régicide, non pas au profit d’un homme qui se serait proclamé roi, ou chef suprême, mais dans le but d’abolir à jamais la royauté et l’exercice du pouvoir par un homme seul. J’envisageais que logiquement ce nouveau mode de gouvernement pouvait représenter un exemple dangereux, menaçant leur propre autorité. Cependant j’étais Poète, et les Poètes étaient par tradition bien accueillis partout. Je décidai donc de tenter ma chance.


« Oui... Je l’ai bien connu... C’était il y a longtemps, nous étions si jeunes ! Nous avions encore le visage lisse comme des jeunes filles, la voix fluette et le mollet maigrichon ! Pourquoi voulez-vous que je vous parle d’Altérius ? »
Maître Lucilus était un Mage au faîte de sa puissance. Il avait des mains fines aux longs doigts agiles, une prestance qui forçait le respect et surtout un regard gris d’acier qui semblait pouvoir transpercer le moindre de mes secrets. En quelques mots je lui fis part des évènements récents à Mora. Il m’écouta en silence et son visage s’assombrit d’une tristesse sincère.
« Mon pauvre ami... Mais pourquoi ? Je n’avais plus de nouvelle depuis cinq ans... »
Je lui narrai les témoignages que j’avais recueillis, omettant à dessein les rumeurs dont je n’avais pas confirmation. Il hochait la tête, écarquillait les yeux, se pressait les mains.
« Ce n’est pas possible », répétait-il à voix basse. « Pas possible... entendez-moi bien, jeune homme », commença-t-il quand j’eus fini mon récit. « Je vous crois. Je suis sûr que vous n’avez pas fait tout ce chemin pour venir me dire du mal de mon plus cher ami, alors que vous cherchez justement à en savoir plus sur son compte... Mais ce que vous m’apprenez est tellement... étrange ! Je sais que les hommes peuvent changer, que le pouvoir les corrompt et les déshumanise... Mais Altérius... C’est peu de dire que je ne comprends pas ! Tout mon être s’insurge contre votre vérité, comme si vous me disiez à l’instant que cette table de bois est en marbre, ou que ce verre de vin n’est que de l’eau... Altérius...
Oui, je l’ai bien connu, et je suis sûr de l’avoir bien connu. C’était un être singulier, c’est cela, c’est exactement cela, singulier. A la fois solitaire, unique en son genre et parfaitement original... différent... à la limite de l’étrange. Pourtant des choses étranges, croyez-moi, mon jeune ami, j’en ai vues... Nous étions étudiants chez Maître Sartorius, un vieux savant qui connaissait aussi bien l’astrologie, la prophétie, la poésie, la psychologie, la médecine... que la magie. C’était un Mage, en fait, mais un Mage érudit, que le pouvoir n’attirait pas. Il avait fondé une petite école où il recevait pour quelques années des fils de bonne famille, pour parfaire leur éducation. Altérius et moi avions le même âge. J’étais venu étudier la médecine, selon le désir de mes parents... Et puis j’ai découvert que j’avais un don pour la magie. Maître Sartorius m’a pris comme apprenti, je suis resté avec lui jusqu’à sa mort. Ce furent des années... merveilleuses. Même sur son lit de mort, il était encore curieux de tout, il s’enthousiasmait de tout, il se dégageait de lui une... luminosité joyeuse, comme si la vie, malgré toutes les horreurs et toutes les peines, était sans cesse une occasion de se réjouir. Altérius... Il n’est resté que sept ans. Puis sa famille l’a rappelé, son père se faisait vieux, il voulait l’initier aux secrets du Royaume pour qu’il lui succède dignement. Il m’a écrit pendant de longues années. Il appréhendait la lourdeur de sa tâche mais il voulait changer les choses, abolir les privilèges, améliorer le sort des pauvres gens... Altérius, un despote, un tyran sanguinaire ? Comment cela serait-il possible ? Il ne m’aurait pas menti, et d’ailleurs pour quoi faire ? Je suis persuadé qu’il a toujours été sincère avec moi. Il était souvent silencieux, mais il n’était pas hautain. J’ai mis des mois à l’apprivoiser, à gagner sa confiance, mais ensuite... Il n’avait pas de secret pour moi...
Je me souviens... Il était longiligne, presque maigre, et il pouvait rester debout pendant des heures à contempler un arbre, une fleur ou une étoile. Et puis il se tournait vers moi, l’oeil enflammé, et il se mettait à parler... Et alors, c’était comme un oiseau qui s’envole, majestueux dans le ciel clair. Je l’avais surnommé le Héron. Altérius le Héron. C’est tellement beau, un héron en plein vol, sa large envergure fendant l’azur avec une grâce divine... Alors que c’est tellement maigre, perché sur une patte, avec ce cou stupide... C’était vraiment lui...
Il était fasciné par la mort. Avait-il rêvé qu’à force d’étudier un jour il pourrait la vaincre ? Il était brillant, très brillant, d’une intelligence pure, intuitive, flamboyante... Et une mémoire... Mais il n’était jamais satisfait de lui-même, il voulait toujours faire mieux, apprendre plus vite, comme si le temps lui avait été compté... Comment disait-il, déjà ? « Je ne dois pas mourir avant d’avoir accompli ma tâche.
- Tu seras un grand Roy », lui répondais-je alors, mais il secouait la tête.
- Non, non, ce n’est pas ce que je veux être. Il y a une force en moi qui me pousse... Cela m’effraie parfois... Tout ce que je sais, c’est que j’ai une mission à remplir, et que la Mort sera ma compagne... »


Mon cheval est repassé au pas et je n’ai pas eu le coeur de le relancer. Je suis bien dans ce balancement chaloupé qui me réconforte. Le pas d’un cheval, c’est comme le bercement d’une mère, dévoué, chaleureux, vivant... Nous ne remercierons jamais assez nos chevaux pour le soin qu’ils prennent de nous, pour leur gentillesse, pour leur générosité... Je suis troublé, mon cheval le sent, il me donne l’occasion de réfléchir, il me porte. Humble compagnon fidèle, il me donne ce qu’il peut pour soulager ma peine. Je gratte son garrot de trois doigts reconnaissants, et il se contente de cette marque de gratitude, alors qu’il est sur les routes depuis presque une semaine, talonné par mon impatience égoïste. Quel humain, même ami, sera aussi prévenant, aussi altruiste ?
Je me sens petit, stupide, sans valeur. Je suis perdu. Toutes ces pensées contradictoires... Mais qui était donc Altérius ? Qui dois-je croire ? Pourtant, sa tyrannie, sa cruauté, j’y ai assisté, c’est une réalité ! Quelque chose me dérange et je ne sais pas quoi. Sa femme, son ami... ils ont pu être abusés, il aurait pu mentir, il aurait pu changer... J’essaie de me persuader que le blanc est blanc et que le noir est noir. Et j’ai comme l’impression de me mentir à moi-même.
Très bien. Je ne vais pas devenir fou à me poser des questions sans réponse. Prenons le problème sous un autre angle. La révolte. Comment est-elle née ? Qui en fut l’artisan ? Je sais bien que ce n’est pas Béotius.
La ville basse. Ses tripots, ses ruelles sombres. Sa population trouble et fuyante. C’est là que je vais chercher des certitudes. Au pays des joueurs, des menteurs et des escrocs. Peut-être suis-je vraiment en train de devenir fou.


« Je peux t’en parler, maintenant, poète. Tu écriras tout cela, n’est-ce pas ? Nous avons si longtemps vécu dans le silence ! Je ne suis qu’un vieil ivrogne, mais j’ai tout vu, tout entendu. Qui se méfierait d’un pochard endormi sur une table ? Le début... C’était il y a cinq ans, l’année des sauterelles... Un étranger vêtu de noir est arrivé un soir. Il a commencé à parler à voix basse, à chacun d’entre nous... Il avait de l’argent, mais ceux qui ont tenté de le voler en ont été pour leurs frais ! Il savait se battre. Il nous disait de nous unir, que nous pouvions résister, que nous pouvions vaincre... Un soir, je m’en souviens, il fut pris dans une rixe, et quelqu’un lui arracha le capuchon qui dissimulait son visage. Par les Dieux ! Nous avons tous reculé, horrifiés ! C’était le visage du Roy !
Il nous a confié son terrible secret : il était le frère jumeau du Roy, confié à sa naissance par son père au Capitaine de la Garde, pour qu’il le fasse disparaître. Un seul héritier était suffisant. Mais le soldat, pris de pitié, l’amena chez des paysans, près de la frontière. Sur son lit de mort, son père adoptif lui révéla son étrange destin.
C’était un homme étrange. Il était intelligent et persuasif. Il avait été élevé par des paysans, mais il parlait comme personne ! Il prêchait la révolte et la liberté, mais il ne voulait pas prendre le pouvoir. Il nous insufflait le courage et la volonté, il savait rassembler les hommes, donner des ordres, choisir ses lieutenants, mais il restait dans l’ombre. Il nous avait dit que lorsque nous serions prêts à renverser le Roy pour nous gouverner nous-mêmes, il disparaîtrait. Et c’est ce qu’il a fait.
- Comment s’appelait-il ?
- Son père le Roy ne l’avait pas nommé, nous disait-il. Nous, on l’appelait « l’Ombre ». Tu devrais aller voir Lilia, la serveuse. Je crois bien qu’ensemble ils ne parlaient pas que de révolution, si tu vois ce que je veux dire... »
Il appuya son allusion d’un clin d’oeil grivois.


D’abord méfiante, Lilia accepta enfin de me parler quand elle sut que j’écrivais un poème à la gloire de la Liberté. Il me sembla qu’elle avait les yeux bien brillants.
« Il avait dit qu’il partirait... Et il est parti... L’Ombre... Il disait qu’il n’avait pas de nom, parce que son père le lui avait refusé. Qu’il aurait dû être mort, de toute façon. Que la mort était sa compagne fidèle et sa seule amante. Ca... ce n’était pas tout à fait vrai. C’était un homme étrange... singulier... silencieux, comme habité par un feu qui le dévorait... Un homme d’une grande douceur, généreux, respectueux, tendre... Mais on aurait dit que la tendresse lui coûtait... comme s’il se l’interdisait, par pudeur... ou par crainte, peut-être... comme si elle pouvait le mettre en danger. Il y avait chez lui une immense solitude, comme une charge lourde à porter, un secret effrayant... J’aurais... »
Lilia fondit en sanglots convulsifs.
« J’aurais... donné n’importe quoi pour le garder... »
Je la pris dans mes bras, comme un grand frère, et je la laissai longtemps déverser sa peine liquide sur mon épaule. Puis le patron l’appela, et elle se détacha de moi à contrecoeur, me sourit à travers ses larmes et retourna travailler en reniflant.



Je n’étais pas plus avancé qu’avant. Bien au contraire, le mystère s’épaississait, grâce à ce nouveau personnage que je doutais fort de pouvoir jamais retrouver. Sa mission accomplie, il avait tenu parole, et en homme calculateur et intelligent, il avait dû trouver une retraite impossible à découvrir.
Il me restait à rimailler une histoire sur une révolution agencée par un inconnu énigmatique et disparu, portée à son terme par une brute épaisse et stupide, révolte qui avait déchu et assassiné un roi tyrannique et cruel, que certaines personnes décrivaient néanmoins comme un être sensible et généreux, quoiqu’un peu singulier.
Singulier. Ce mot-là me trottait dans la tête. Lui aussi avait un double sens, une double perspective, une ambiguïté trouble, comme tous les personnages de mon poème, que j’aurais voulu dithyrambique et lumineux, clair comme un chant de trompette... Au lieu de ça, j’étais dans les accords complexes d’une harpe nordique, à la limite de la dissonance...



Pour ajouter encore à mon trouble, alors qu’assis sur le pas de ma porte je raturais, déchirais et griffonnais encore l’improbable début de l’oeuvre de ma vie, je fus interrompu par la visite d’une femme très âgée, appuyée sur une canne. Vêtue de noir du fichu aux bottines, elle était presque penchée en deux et marchait à petits pas timorés. Arrivée devant moi, elle releva la tête, et si son visage était parcheminé de rides profondes et innombrables, ses yeux verts avaient gardé leur éclat et leur vitalité.
« C’est toi le poète ? », demanda sa voix fatiguée, presque rauque.
« C’est moi. Xérias, pour te servir. Que puis-je faire pour toi ?
- J’ai à te parler. »
Je la fis entrer dans la maison, lui offris mon fauteuil le moins délabré et un verre de limonade qu’elle sirota à petites gorgées en faisant des mines comme une petite fille.
« On dit que tu écris un poème sur la révolution ?
- C’est vrai.
- Est-ce que tu parles du Roy ?
- Un peu... Oui, bien sûr... Quand même...
- Les Dieux gardent son âme, pauvre Altérius... et bien entendu tu dis que c’était un tyran, et qu’il a bien mérité son sort ?
- Je suis poète, je n’ai pas à juger. Mais nous avons tous vécu sous le joug de ses brutalités, de ses injustices... »
Elle haussa les épaules d’un air agacé.
« Tu ne sais rien. Il ne faut pas écouter les gens. Il y a eu des soldats cruels, des intendants cupides, des serviteurs malhonnêtes... »
Je n’en croyais pas mes oreilles.
« Tu n’es pas en train de me dire que le Roy n’était responsable de rien, tout de même !
- Non, non, je n’ai pas dit ça. Mais, jeune homme, ce que tu dois savoir, c’est que j’ai passé ma vie au service des Roys. J’avais trente ans quand Altérius est né, je l’ai nourri, je l’ai élevé... et puis quand mon corps n’a plus été capable de servir, il m’a laissée garder ma petite chambre, au même étage que lui. Il venait tous les jours, et encore la veille de sa mort, vois-tu... Il posait sa tête sur mes genoux, il me disait qu’il m’aimait. Mes propres enfants m’ont oubliée, mais Altérius était là tous les jours, il veillait à ce que je ne manque de rien, et il y avait toujours des fleurs fraîches dans ma chambre. Il me disait « Alma, je sais que les gens disent du mal de moi. Je ne veux pas que ça te fasse de la peine. J’ai été obligé de faire... certaines choses... mais c’est pour leur bien...Je n’ai pas trouvé d’autre moyen pour qu’ils comprennent... Mais tu verras, il y aura une fin heureuse... »
Mille idées se bousculaient dans ma tête, mille questions contradictoires. Quand tout à coup un mot parmi d’autres dans le discours de l’aïeule fit écho dans ma mémoire.
« Nourri ? Tu l’as nourri ? Tu étais sa nourrice ? Tu étais là à sa naissance ?
- Oui, bien sûr. J’ai été la première à le toucher, à le porter, à lui sourire.
- Et le jumeau ? Raconte-moi ! Comment ça s’est passé ? Son père le Roy l’a confié au Capitaine des Gardes, c’est ça ?
- Un jumeau ? Quel jumeau ? Altérius n’a jamais eu de jumeau !
- Mais si ! Tu as dû oublier ! »
Les yeux verts se plantèrent dans les miens.
« Jeune homme, mon dos est en ruines et mes jambes ne valent guère mieux, mais j’ai encore toute ma tête. Je te dis qu’Altérius était fils unique. Mais c’est vrai que quand il était enfant, il s’était inventé un frère imaginaire, qui le conseillait, qui n’avait jamais peur de rien, qui le rassurait... Mais un jumeau, non, jamais ! »


J’ai posé mes feuilles sur la table et rempli mon encrier. Je m’en veux un peu de ne pas avoir deviné tout seul. Mais cette vérité est tellement... singulière ! Quand j’aurai fini d’écrire, je serai probablement banni. La prise du pouvoir par le peuple est trop récente pour que nos nouveaux dirigeants soient dans le calme et la sérénité. Ils m’ont commandé un poème épique à leur gloire et je vais leur servir la réhabilitation d’Altérius ! Adieu honneurs, adieu fortune ! Cela me fait sourire. Que vaut la vanité humaine face au flamboiement sublime de la Vérité ?
J’irai chanter mon poème sur les routes. Pour qu’Altérius repose en paix.

Je chante le combat d’un héros singulier,
Un homme courageux, consumé par la flamme
Sacrée qui le mena, sans peur, à sacrifier
Son bonheur et sa vie, avec pour oriflamme
La bannière éclatante de la Liberté !
Hommes ! En son honneur, posez genou à terre,
Glorifiez sa mémoire et ceints d’humilité,
Ecoutez en silence son histoire entière :
Altérius fut son nom. Il aurait pu régner,
Egoïste et puissant, comme le fut son père.
Mais généreux et droit, il choisit de lutter
Dans le plus grand secret, dans l’ombre et le silence,
Se condamnant lui-même à être détesté
Pourvu que Latinia ose la dissidence !
Il est mort. Pour nous tous. Et pour nous enseigner
Que la démocratie est la seule exigence
Et que l’homme de Bien n’a pas à justifier
Ses actes quand il a l’aval de sa Conscience !
Hommes, n’oubliez pas.On a pu l’accuser
De cruauté, de tyrannie ou de démence :
Mais Altérius vous a offert la Liberté !



La lune est haute dans le ciel. Les oiseaux se sont tus. La nuit est profonde, je suis peut-être le seul encore à veiller, dans cette ville ignare qui se réjouit à contresens et se délecte d’une haine qui devrait n’être que reconnaissance. Comprendront-ils jamais ? Je me battrai pour ça, pauvre Héron, sublime Héron, dont la générosité me laisse émerveillé et ravi. Altérius, je suis ton disciple, ton ami, ton parent. Tu m’as donné la chance de pouvoir consacrer ma vie à la plus juste cause qui soit : la Vérité.
Narwa Roquen,plongée dans le grand feuilleton de l'été de Vous-savez-qui, un challenge à écrire, un challenge à commenter...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-09-08 12:28:28 

 WA - Participation exercice n°81 edit 1Détails
Un texte court et qui prend des libertés avec la consigne...

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Même une pendule cassée est juste deux fois par jour



Huit heures. La pendule croassa péniblement huit borborygmes. Depuis bien longtemps, le synthétiseur de sons qu’elle abritait dans son ventre rebondi avait rendu l’âme. Il fixa cette maudite pendule. Huit heures. Les aiguilles étaient bien à leur place. La petite pointait gaillardement vers le 8 tandis que la grande paresseuse, légèrement faussée, tutoyait le 12. Le mécanisme refusait de s’avouer vaincu et malgré tout ce qui s’était passé, son tic-tac égrenait régulièrement la mesure du temps. Toutefois, l’or qui recouvrait naguère les chiffres romains s’écaillait lamentablement, révélant un gris mat et plombé. Un chiffre apparaissait dans une petite fenêtre ouverte entre deux jalons. Sept pour sept septembre. Le premier jour de la fin du monde n’était pas encore achevé. Il secoua la tête avec désespoir. Huit heures. Oui, il était huit heures. Mais cela ne répondait pas à sa question. Il s’assit, le dos appuyé contre le mur qui faisait face à celui où était accrochée la pendule. Ne pas se laisser aller. Surtout pas. Nonchalamment, la fine aiguille des secondes continuait sa course sans faiblir.

Il avait placé le porte-pastille entre ses jambes tendues. La petite boîte était toute blanche, toute simple, toute légère, à peine cabossée. Il savait ce qu’elle contenait. Une petite gélule au ton pastel. A la couleur bleue appétissante. C’était fait exprès. Il connaissait par coeur sa composition et sa posologie. N’importe qui s’en serait sorti sans difficulté. Le gouvernement territorial avait largement informé la population depuis que les signes précurseurs de la crise avaient été détectés. Le principe de précaution était rentré depuis belle lurette dans les moeurs et plus personne n’en contestait le bien-fondé. Tous les médias, radios, télévisions, internet, avaient participé activement aux gigantesques campagnes d’information payées sur les fonds publics.

Il savait tout ça. N’avait-il pas été justement appointé par un organisme subventionné par les fonds européens pour organiser des sessions de formation de formateurs. Ensuite, ces formateurs, essaimant dans toute la région, avaient décliné leur tout nouveau savoir dans les associations de quartiers, les préfectures, les collectivités, les entreprises, bref dans toutes les organisations socio-économiques, grandes ou petites. Aucune n’était passée au travers des mailles du filet.

Il fallait simplement avaler une petite gélule. Ce n’était pas une question d’eau. Quand il avait repris conscience, il avait constaté les dégâts. Quand il avait ouvert le robinet de la salle d’eau à l’autre bout du couloir, le jet avait donné des signes évidents de faiblesse. En soulevant le capot des réservoirs, il s’était aperçu qu’une fuite les vidait irrémédiablement. Il avait réussi à récupérer de justesse quelques litres qu’il avait transvasés dans un bidon de plastique. Non, avaler la gélule n’était pas en soi un problème. Et puis, en imaginant à l’extrême qu’il n’y avait pas d’eau, il se serait débrouillé pour l’ingurgiter, cette minuscule pastille. Il avait la technique. En fait le problème, c’est qu’il n’y avait qu’une gélule. Là résidait le casse-tête qu’il ne parvenait pas à résoudre. Il y avait une seule gélule dans la boîte.

S’il y en avait eu deux, cela n’aurait pas été pareil. Pas du tout. Deux, c’était le nombre magique. Deux, c’était le nombre parfait. Divisible. Qui donnait prise sur le concret. Deux. Comme le ying et le yang, le bien et le mal, le oui et le non. Oui, deux, c’était le nombre d’origine, le nombre qui attestait que rien n’était compromis. Avec deux pastilles, il maîtrisait le temps. Il était sauvé. Avec deux pastilles. Mais avec une seule, c’était le chaos. Une pastille signifiait que le cycle avait commencé. Que rien ne pouvait plus être comme avant. Un était un nombre funeste. Le dernier des Mohicans. C’était un nombre disgracieux, déséquilibré, impair en fait. Avec une pastille, là, au pied de cette pendule, il était mort.

Non, c’était un peu plus compliqué que ça. Il était vivant donc il était mort s’il ne trouvait pas la réponse avant dix minutes. La trotteuse le narguait en poursuivant sa promenade autour du cadran.

Ce n’était pas non plus une question de couleur. Il connaissait le bon ordre. D’abord la jaune. Puis la bleue. C’était écrit en tout petits mais lisibles caractères sur le fond de la boîte. En plus, il y avait deux disques sur le couvercle. Un jaune et un bleu. A l’intérieur de chaque disque était peint en noir un chiffre très voyant. Dans le jaune, le numéro un. Dans le bleu, le numéro deux. Forcément.

Quand il avait rouvert les yeux, il avait exulté. Il avait perdu connaissance bien sûr, pendant un laps de temps qu’il lui avait été impossible de déterminer, mais il était bel et bien vivant. Le tremblement de terre l’avait drôlement secoué. Les monstrueuses vagues telluriques venues d’en dessous l’avaient fait valdinguer comme un pantin de son désarticulé. Ses derniers souvenirs avaient été les lumières qui s’éteignaient d’un coup comme on souffle une chandelle, le sol qui s’était mis à onduler frénétiquement sous ses pieds et le violent coup de poing asséné dans le noir qui l’avait plongé dans l’oubli. Après, il ne se souvenait de rien.

Son abri avait souffert plus qu’il ne l’avait prévu. Les dégâts étaient sévères. Une partie du tunnel d’accès menant au puits s’était effondrée et quelques jours de travail seraient nécessaires pour dégager les gravats et accéder au puits proprement dit afin de rejoindre la surface. Les générateurs étaient silencieux, projetés hors de leurs berceaux et fracassés, définitivement hors service si bien que l’éclairage de secours, alimenté par quelques batteries, ne durerait pas longtemps. Il avait estimé qu’il pourrait tenir une dizaine de jours en se rationnant raisonnablement. Le temps lui était compté mais il l’avait tout d’abord jugé suffisant. Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive du reste.

Selon les statistiques qui circulaient sous le manteau avant le déclenchement de la guerre, il y avait une chance sur deux de rester en vie après que les missiles aient frappé le sol. Certains chanceux et certains privilégiés avaient été regroupés dans des bunkers souterrains ultra-sécurisés, creusés au coeur des plus hautes montagnes où ils étaient assurés de survivre aux frappes extra-terrestres. Mais les délais avaient été si courts que seule une infime partie de la population avait pu ainsi être protégée. Il suffisait d’être soit très riche soit l’heureux détenteur d’un ticket gagnant des loteries de fin du monde mises en place pour éviter que les manifestations populaires ne plongent les sociétés dans le chaos trop rapidement.

A tous les autres, enfin à tous ceux qui auraient survécu aux frappes nucléaires, aux frappes incendiaires et à toute la panoplie destructrice des fanatiques d’outre espace, les petites boîtes blanches avaient été distribuées. Les deux gélules qu’elles contenaient renfermaient un cocktail inédit de molécules surpuissantes capables de mettre en échec toutes les armes biologiques développées par les laboratoires de guerre des conglomérats martiens rebelles. Elles protégeaient également des terribles radiations et retombées atomiques. La seule information qu’avaient passée sous silence le gouvernement central et les gouvernements locaux, c’était que les laboratoires civils et militaires n’avaient pas pu réunir assez de principes actifs pour produire suffisamment de doses pour les onze milliards d’individus que comptait la population humaine, modulo les quelques centaines de milliers d’élus abrités au fond des mines. En conséquence, un nombre non négligeable, voire très conséquent de gélules n’étaient en fait que des placebo. Si tu le crois, le miracle peut avoir lieu.

C’était un risque à courir et au fond peut-être, l’espoir que cet holocauste inévitable offrirait quelques dizaines d’années supplémentaires à la Terre moribonde qui n’arrivait plus à subvenir à toutes ces bouches qui réclamaient toujours plus. Un mal pour un bien en quelque sorte. Une cure d’amaigrissement. D’ailleurs assez sélective mais qui s’en plaindrait ?

Ses fonctions et ses relations, même si elles avaient été impuissantes à lui fournir le précieux sésame pour obtenir une place dans un bunker, lui avaient néanmoins attribué une boîte dont les gélules n’étaient pas des placebo mais bien des principes actifs. Quand les sirènes avaient entonné leurs lugubres plaintes, c’était la nuit de ce côté-ci du globe. Heureusement, il était un homme méticuleux et organisé. Il avait étudié de longues heures toutes les solutions envisageables. Les autoroutes seraient bondées et saturées et constitueraient vite des nasses mortelles. Les caves et le métro étaient également des pièges à éviter. Alors, il avait mis la main sur de très vieux plans de la ville et avait réussi à dénicher un endroit qui lui était apparu idéal. C’était un ancien puits creusé sous le nouveau théâtre. Un puits occulté et oublié depuis qu’il avait été fermé quelques vingt années en arrière.

Il avait été repérer les lieux discrètement. Tout était poussiéreux mais la poussière était propre et recluse. L’ascenseur ne marchait plus mais l’étroit et vertigineux escalier en colimaçon demeurait solide. Pour le reste, tout s’était remis à fonctionner quand il avait relancé les générateurs géothermiques. Du matériel allemand bien sûr. Il avait purgé les circuits et reconstitué un petit stock de vivres et d’eau. Il fallait survivre aux bombardements et aux jours immédiatement suivants. Il avait travaillé plusieurs semaines sans se faire remarquer. Un soir, tout fut prêt à l’accueillir quand la guerre éclaterait.

Et ce moment était arrivé. Entre le six et le sept septembre. Cette nuit-là, il avait rejoint le théâtre à pied, les mains dans les poches, fendant les cohortes automobiles qui fuyaient au pas vers les autoroutes déjà saturées et les piétons qui se pressaient affolés pour gagner les abris municipaux. Il ne les avait pas enviés. Leur taux de survie à H+10 minutes était pitoyable. Il s’était félicité par contre de n’avoir ni femme ni enfant qui l’auraient inutilement encombré. A ses yeux, la ville de province se vidait de ses habitants comme le sang s’échappe du corps d’un agonisant par de multiples plaies.

Selon les estimations officielles, tant que les sirènes hurleraient à la mort, il n’y avait à redouter aucun danger imminent. Elles avertissaient que les diplomates et les négociateurs n’avaient pas réussi à trouver un compromis acceptable par les deux belligérants et par conséquent, que la flotte martienne avait commencé le bombardement à partir d’une altitude suborbitale compatible.

En revanche, dès qu’elles se tairaient, démarrerait alors le compte à rebours de la fin du monde. Il durerait quinze minutes. Le temps que mettraient les missiles à descendre des nuages vers la surface. Cela signifiait aussi qu’ils arrivaient droit sur vous !

Il jeta un nouveau coup d’oeil vers la pendule. Elle indiquait huit heures cinq. Il ne disposait plus que cinq petites minutes. Il ne se donna pas la peine de consulter son chronographe ultra perfectionné qu’il portait au poignet et qui marquait toujours minuit vingt cinq. L’heure à laquelle il s’était arrêté de fonctionner. Peu après avoir repris ses esprits, il avait découvert horrifié son verre minéral brisé et sa coque enfoncée. Une autre conséquence du tremblement de terre. Le seul instrument de mesure du temps dans tout l’abri souterrain encore en état de marche était cette pendule antédiluvienne dont il avait changé les piles sans s’imaginer un seul instant qu’elle serait la source de son insupportable supplice.

Il s’en voulut rétrospectivement d’avoir sacrifié à la mode en vogue pour assouvir ses pulsions sexuelles. Pour complaire à ses conquêtes, il avait comme beaucoup d’hommes, renoncé à toute pilosité corporelle et ce, de façon définitive. Ah, qu’aurait-il donné en cet instant pour pouvoir caresser une barbe naissante! Mais non, son menton et ses joues étaient doux et glabres, aussi lisses que les fesses d’un nourrisson.

Il se revoyait gober la pilule jaune dès qu’il avait entendu chanter les sirènes. Il avait scrupuleusement respecté la posologie. La première pilule devait être prise au moment précis où retentiraient les sirènes. Il avait posé la gélule sur le bout de sa langue et avait bu un verre d’eau. Il était pile minuit. Ensuite, sans se presser, il avait rejoint le théâtre distant de quelques centaines de mètres à peine de son domicile.

Et maintenant, il avait cinq minutes pour décider s’il devait avaler la pilule bleue. Car sur ce point, la posologie était formelle. La pilule bleue devait être prise huit heures après la jaune, avec une marge de plus ou moins dix minutes pour que la séquence complète, c’est à dire l’ingestion des deux gélules, garantisse une immunité optimale. Ce délai passé, le degré de protection se dégradait de façon exponentielle. Et si la gélule bleue était avalée plus de dix-huit heures après la jaune, elle devenait un poison mortel qui emportait sa victime au bout d’une longue et douloureuse agonie.

Trois choix s’offraient donc à lui.

Il avait en effet écarté la possibilité de rester là et attendre la mort dans le silence et les ténèbres. Trop terrifiant.

S’il n’ingurgitait pas la gélule, il serait exposé aux radiations ou aux armes biologiques encore actives lorsqu’il remonterait à la surface. Neuf chances sur dix selon les autorités car les fanatiques martiens avaient juré d’employer tous les moyens pour éradiquer leurs ennemis de la surface de la Terre. S’il ingurgitait cette foutue gélule, il avait une chance sur deux de périr dans d’atroces souffrances. En fait, toutes choses étant égales par ailleurs, il avait une chance sur trois de réchapper à une mort plus ou moins lente. C’était bien peu à ses yeux. Et cela le rendait fou.

Les termes de ce problème tournaient inlassablement dans sa tête. Il essaya une nouvelle fois de faire le vide et de réfléchir calmement. Mais c’était inutile car son esprit était balayé par les vents furieux du chaos et de la confusion. A bien y regarder, la question était pourtant des plus simples : était-il huit heures du matin ou huit heures du soir ?



M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-09-12 22:07:39 

 Commentaire Maedhros,exercice n°81Détails
Ce texte joue avec le paradoxe, le dilemme et le suspense, sur un background de pure SF post apocalyptique. J'avoue qu'à la première lecture j'ai été un peu déboussolée, mais en y revenant je te concède que la consigne est respectée: il suffit juste de changer de héros... Car l'horloge, en tant que personnage central, est effectivement complètement ambiguë... Telle un bon politicien, elle dit la vérité sans que cela soit d'aucune utilité...
Par ailleurs l'idée est originale, le récit est bien mené, tu nous distilles les informations à débit constant (c'est bien agréable!) et la fin tombe comme un couperet, savoureuse, sardonique et sans issue... Bon sang mais c'est bien sûr, nous exclamons-nous après nous être interrogés sur le titre, avoir haussé les épaules sur le détail insignifiant de l'épilation et soupiré d'agacement sur les longues modalités d'ingestion des pilules... Le puzzle est complet, c'est construit comme un bon polar, et la fin est aussi désespérée pour le héros que jubilatoire pour le lecteur. Je pense qu'Agatha Christie aurait adoré! Mention spéciale pour ce délicieux paradoxe: "il était vivant donc il était mort..."


Bricoles:
- modulo: pour ceux qui comme moi ne sont pas des as en mathématiques modulaires... Et en plus, c'est drôle!
- "il avait été repérer": "il était aller repérer" ou simplement "il avait repéré" seraient mieux
- posologie signifie dose; tu l'emploies dans le sens de: horaire d'administration; je n'ai pas trouvé de mot plus spécifique pour désigner cela. Ca a un rapport avec la chronobiologie, mais ce terme là ne convient pas non plus. On pourrait vaguement dire "recommandations"


Merci pour ce bon moment ludique et délassant. Après avoir bien galéré sur le feuilleton de l'été, j'apprécie!
Narwa Roquen, ah, le temps qui passe...
Narwa Roquen,vulnerant omnes...

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-09-27 12:06:13 

 WA 81 - Commentaire Narwa Roquen.Détails
L'histoire est plaisante, elle se lit bien et on arrive au bout doucement, sans s'en rendre vraiment compte. Le décor est simple, mais suffisant, l'ambiance est présente et ne demande guère plus.

Par contre, on n'arrive pas à croire à la méchanceté du Roy, dès le départ ou presque, j'ai compris qu'il avait fait le mal pour un bien plus grand, une forme de suicide.
Alors je ne sais pas si c'est moi qui suis familier de cette idée (j'ai quelques histoires non écrites sur ce thème là précisément dans mes manches) ou si l'évidence est véritablement apparente, mais indéniablement, c'est le principal défaut du texte.

Une mention spéciale cependant, parce que tenter d'écrire le poème d'un poète qui écrit l'oeuvre de sa vie, ca exige un certain courage ;-)

--
Onirian, qui n'arrive pas à écrire son texte ambigu.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-09-27 14:59:20 

 De l'inconvénient...Détails
... d'avoir des lecteurs trop intelligents! On est percé à jour tout de suite, impossible de les berner! Je n'ai sans doute pas l'esprit assez retors... Et puis j'ai tellement aimé ce personnage que ça a dû transparaître...
Narwa Roquen,l'ambiguïté, c'est pas mon truc!

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-09-29 14:11:24 

 WA 81 - Commentaire Maedhros.Détails
Est-ce que la consigne est respectée ? Tu as joué avec. Vu la difficulté du thème, je ne peux pas t'en vouloir.
Le texte quand à lui a ce je-ne-sais-quoi de génial, de jubilatoire. Ce doit être la fin, qui en une phrase éclaire d'un jour nouveau l'intégralité du texte, au point de se rendre compte que tout était écrit noir sur blanc (enfin, noir sur mauve) dès le titre.
C'est simple, précis, conci, et ça touche droit au but, bref, j'ai adoré.

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Onirian, sans montre.

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-10-20 17:35:00 

 WA-Exercice 81 - ambiguïtéDétails
J'ai eu bien du mal avec ce texte là. J'ai trois ou quatre embryons de texte inachevé, rien qui ne me plaisait ou qui fonctionnait. Alors j'ai fini par tricher et prendre une idée qui n'est pas la mienne.
Voici un texte directement inspiré du personnage d'Hannibal Lecter.

Promis, pour le suivant, ce sera mes idées rien qu'a moi ^_^.
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- Tu es vraiment sûre de vouloir le faire ?
- Je n'ai pas le choix... Il est le seul à savoir où sont cachées les filles...
- Mais c'est un menteur né ! Que dis-je un menteur... un manipulateur ! On raconte qu'avant de se faire placer en isolement total, huit de ses voisins de cellule se sont suicidés. Huit ! Juste avec des mots ! Non mais tu te rends compte ?
- Je sais tout ça ! Et qu'est-ce que tu veux que je fasse, hein ? Laisser ces gamines se faire violer par un pervers parce que je n'aurai pas eu le cran d'aller interroger un psychopathe ? Ferme-là. J'y vais. Messieurs, ouvrez la porte, et refermez-la derrière moi, je veux lui parler seule. J'ai une autorisation spéciale du procureur.
- Je t'aurai prévenu... Ouvrez.

Le couloir ne fait que quelques pas, mais il me semble interminable. Juste un couloir, avec en point de mire une porte blindée. Un des gardes me l'ouvre. J'entre.
La cellule est sombre, mon hôte préfère visiblement l'obscurité à la lueur blafarde qu'offrent les néons.
- Bonjour.
Sa voix est douce, suave... Mielleuse ? Pas exactement... Il y a presque une trace de bienveillance dans son salut, dans ce son chaud... Une voix rassurante. Puis d'un coup, la prise de conscience. Merde, en un mot ce gars a réussi à me faire oublier les vingt-sept assassinats qu'il a commis, son absence totale de scrupule. Ce type est un monstre, bordel. Un monstre !
- Bonjour.
Ma voix est sèche, avec une pointe de violence. J'ai déjà trahi ma peur. J'ai perdu le premier duel. Je le sais, et lui aussi.

- Que me vaut la visite d'une si charmante demoiselle ?
- Je suis venue vous poser quelques questions.
- Oh... Je vois. Eh bien, je vous en prie, asseyez-vous. C'est avec plaisir que je répondrais à votre demande.
- C'est à propos James Futterin.
- Oh James... Oui, je l'ai bien connu. Mais dites-moi, vous semblez effrayée ? Vous aurait-on raconté des... choses, à mon sujet ?
- Ce n'est pas la question, je viens pour...
- Mais si, bien sûr, évidement ! La question est là : pourquoi parlerai-je à quelqu'un qui ne me croit pas ?

Eh merde... Evidemment, ce serait trop simple. Il ne va pas me livrer ses informations, juste comme ça, sur un battement de cil. Je n'ai quasiment aucune marge de manoeuvre. Rien que je puisse lui proposer... Un repas meilleur qu'à l'accoutumé, un verre de vin ? Il ne fume même pas... Et quelle valeur cela peut-il avoir ?

- Vous ne dîtes rien... Votre voix est pourtant très jolie... Elle me rappelle celle de Jasmine, en moins stridente.
- Fumier !

J'ai crié. Jasmine... Septième meurtre, retrouvée étranglée et dépecée dans son appartement. Durant l'interrogatoire, il aurait déclaré qu'elle avait manqué de respect à un chien passant devant elle, lui disant quelque chose comme "dégage, sale cabot" en plus vulgaire.

- Allons... Allons, un peu de tenue... Je vois que vous avez lu mon dossier. Fort bien. Savez vous que j'ai eu l'insigne honneur de le lire moi aussi ? Lire sa propre biographie écrite par des analphabètes, c'est troublant. Mais je dois avouer que j'y ai trouvé des choses fascinantes.
- Comment... ? Non, vous mentez, ce n’est pas possible.
- Ah oui, ce chapitre excellent sur ma propension au mensonge, à l'exagération, au détournement. Je vais vous livrer un des mes plus grands secrets. Je ne mens presque jamais. C'est inutile, personne ne me croit de toute manière.

Je perds pied... C'est lui qui tient la conversation. Ne pas me laisser emporter. Julie et Léa, je dois les sauver. Il est le seul qui puisse m'aider.

- Que savez-vous de James Futterin ?
- Oh bien des choses... J'ai été son psychanalyste vous savez ? Oui, bien sûr que vous savez, vous ne seriez pas ici sinon. Que dire d'autre... Que vous n'avez pas répondu à ma question ?

Sa question ? Quelle question ? Oh, ce qu'on m'a dit sur lui.

- J'ai lu votre dossier, je vous l'ai déjà dit.
- Oh... En fait non, vous ne l'avez pas dit, je l'ai deviné. Et puis les dossiers parlent, chacun le sait, ils colportent des ragots, exagèrent, déforment. D'eux nait la rumeur vous savez ?
- Merde, qu'est ce que vous voulez entendre ? Que mon boss m'a quasiment interdit de venir vous parler ? Qu'il pense qu'il faudrait rétablir la peine de mort juste pour se débarrasser de vous ? Qu'il est convaincu que si vous nous indiquez un lieu, ses hommes en mourront ?
- Ah, vous voyez, on progresse. Dites-moi, d'où vous vient ce sentiment d'infériorité ? Pourquoi cherchez-vous tellement à faire vos preuves ?

Julie et Léa, Julie et Léa, Julie et Léa. Je vais buter ce type. Non mais de quel droit il se permet de me juger ?
Trois respirations... Ressaisis-toi, bordel. Il te manipule, ne te laisse pas faire. Recentre la conversation.

- Que savez-vous de James Futterin ?
- Lui aussi avait un complexe d'infériorité. Bien plus développé que le votre cela va sans dire. Il lui venait de son père. Un homme qui se prétendait ferme en éducation, mais qui n'était bon qu’à étouffer toute forme de développement personnel. C'était un bigot qui répétait de mémoire l'apocalypse selon saint Jean à son fils, tous les soirs, pour l'endormir.
- Savez-vous où pourrait être sa planque ?
- Permettez-moi une hypothèse. Vous avez un frère. Deux ? Non, un seul, et vous l'admirez. Non, vous le jalousez. Ce n'est pas très sympathique comme sentiment. Que fait-il dans la vie ? Je vous demanderais bien son nom mais vous risquez encore de rouler des yeux en m'insultant mentalement, et je ne trouve pas cela très seyant, et rien ne m’est plus insupportable qu’une beauté gâchée.

Le con, il vise bien. Et d'où il sait que j'avais un frère ?
- Thomas. Il s'appelait Thomas.
- Une mort héroïque j'imagine ?

Je reste coite. Comment est-ce que j'en suis arrivé là ? Je suis venu lui poser une question bien précise. Je veux connaître la planque d'un gars qu'il a eu en psychanalyse, et j'en suis à causer de mon frère, mort quand j'avais dix ans, parce que j'ai traversé la route, et qu'il s'est jeté devant la voiture pour encaisser le choc à ma place.

- Quelle tragédie dans vos yeux. Vous êtes donc responsable de sa mort ? Forcément... Et vos preuves, vous voulez sauver ces deux fillettes pour racheter sa mort à lui. Cela ne suffira pas vous savez ?
- Mais comment vous faite ? Je... Je n'ai pas parlé des... de Julie et Léa et mon frère... Comment savez-vous ?
- Le grand fléau de ce monde, c'est le manque d'attention. Vous avez bougé vos lèvres, trois fois, quasiment une psalmodie. Je vous avais sciemment mis en difficulté, vous m'avez livré la raison de votre venue. J'avais un doute sur le second nom, Léa ou Tara ? Mais je connais James, c'était forcément des fillettes. Quand à votre frère, il y a quelque chose de masculin en vous. Vos yeux, que vous avez fort beau d'ailleurs, m'ont murmuré le reste.
- Allez-vous m'aider ?
- Enfin, vous êtes honnête... Que pensez-vous de moi ?
- Je... Je ne vous comprends pas. Pourquoi... Jouer avec moi ? Il s'agit de sauver deux fillettes, cela ne compte pas à vos yeux ?
- Oh, le bien, le mal vous savez... Et puis, elles finiront par mourir. Je sais où elles sont. Mais si je vous le dis, vous ne viendrez plus, or, j'ai beaucoup à vous apprendre sur vous-même. D'autant plus que les journées sont longues et que mes gardiens peu loquaces.
- Je reviendrai ! Dites-moi où elles sont... Dites-le moi, je vous en prie, et je reviendrai, je vous le promets.

Il se tait. Il me dévisage. J'ai l'impression de sentir son esprit parcourir mon intimité, j'ai l'impression qu'il me viole. Je tente de rester calme. La tension monte. Mais merde, comment il fait ça ? Respire, calme-toi. Ca ne marche pas. J'ai envie de hurler, de partir, de baiser, de me noyer dans l'alcool, le bruit, la fête, le sexe. Je veux buter ce type. Je veux partir. Je reste pourtant, il le faut. Je suis là pour sauver deux gamines. Parce qu’elles rachèteront une partie de ma vie, une de plus, et parce qu'après ça, je me détesterai un peu moins, juste un peu.
Ce silence est insoutenable, intolérable. Il ne fait rien, merde ! Qu'est-ce qu'il fait ? Fait-il quelque chose ? Je suis à deux doigts de craquer.

- La forêt d'Arden, vous connaissez ?

Soulagement intense. J'ai l'impression de me réveiller d'un cauchemar, un de ceux où l’on tombe pour se réveiller en sueur, dans son lit, en sécurité. La vache, c'est presque mieux qu'un orgasme.

- Oui ?
- Il faut rentrer par la petite route du nord. Pas le chemin des touristes, l’autre, celui utilisé par les garde-chasses. Au bout de quelques centaines de mètres, vous verrez un embranchement, prenez à droite puis toujours à gauche, vous vous retrouverez face à un chalet tout ce qu'il y a de plus banal, mais la cheminée dissimule un escalier qui amène dans une cave. Elles sont probablement là. Et si cela fait moins de dix jours et qu’il n’a pas changé ses habitudes, ce qui est probable, alors elles sont vivantes et il ne les a pas encore touchées.
- Merci. Merci beaucoup... Gardes ! Ouvrez-moi !

Ca y est. Il n'a pas menti. Je le sens, je le sais. Ce type est tordu. Fou. Génial. Les dix jours... Ca aussi il le savait. Nous sommes au neuvième. Oh mon dieu... Partir... Vite. Et le prix... Revenir. Oserai-je ?

- Je ne serai pas contre un verre de vin, lors de votre visite la semaine prochaine. A bientôt, je vous attendrai. Vous avez promis.

Et ce prix... Oserai-je ne pas revenir ?

--
Onirian, à la plage.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-10-22 22:49:57 

 Commentaire Onirian, exercice n°81Détails
Ton texte est intelligent et bien écrit. La difficulté était d’intéresser le lecteur alors que l’issue de l’entrevue ne fait pas de doute. Tu l’as surmontée. Tu décris bien les réactions de ton héroïne, alors que le criminel n’est présent que par sa voix. Pas la moindre indication sur ses expressions, sur ses intonations. Effectivement, elle peut être obnubilée par ses propres émotions qu’elle cherche en vain à contrôler, au point de perdre tout sens de l’observation. Ce qui n’en fait pas un très bon flic, mais disons que c’est possible. Si elle était un peu plus forte, le combat n’en serait que plus intéressant...
Une phrase m’a semblée étrange, à l’aune de ma subjectivité féminine – et ton héroïne est une femme, plutôt du genre dévoué, gentil, altruiste. « J’ai envie... de baiser, de me noyer dans l’alcool, le bruit, la fête, le sexe. » Une femme qui se noie dans l’alcool est une femme dépressive. Une femme qui pratique le sexe pour le sexe, avec une certaine rage, est une égocentrique. Les dévouées, les altruistes, cherchent dans le sexe l’amour et le réconfort. Et elles ne parlent pas de leurs orgasmes parce que c’est du domaine de l’intimité amoureuse. Il faut que tu choisisses comment est ton personnage féminin. Blindée, guerrière, agressive voire provocatrice, égoïste, carriériste, ou au contraire émotive, généreuse, dévouée... Elle ne peut pas être les deux à la fois !


Bricoles :
-Il manque un titre
- trait d’union : savez-vous
- Je t’aurai prévenu : prévenue
- le gars a réussi à me faire oublier les 27 assassinats, son absence totale de scrupule : ça cloche. Ou bien tu mets trois termes, ou bien tu fais 2 en 1 en mettant un « et », ou « avec une absence »
- je répondrais : ai
- évidement : évidemment
- pourquoi parlerai-je : parlerais
- A l’accoutumé : accoutumée
- vous ne dîtes rien : dites
- bien sûr que vous savez : vous le savez
- virgules : avant « vous savez », avant « j’imagine »
- bien plus développé que le votre : vôtre
- l’apocalypse selon St Jean : Apocalypse
- en m’insultant mentalement, et... et... : un point après « seyant » serait mieux
- comment est-ce que j’en suis arrivé là : arrivée
- je suis venu : venue
- quelle tragédie dans vos yeux : plutôt ! ou ...
- et vos preuves : se rapporte à « faire vos preuves », plus haut ; mais le raccourci nuit au sens
- mais comment vous faite : faites
- Pourquoi... Jouer : jouer ( c’est la même phrase)
- et que mes gardiens peu loquaces : « et que mes gardiens sont » ou « et mes gardiens peu »
- il faut rentrer : entrer ; rentrer, c’est quand on est sorti
- mon dieu : Dieu
- je ne serai pas : serais



Je comprends que le personnage du criminel te fascine. Il est fascinant. Mais logiquement le lecteur va s’identifier à l’autre. C’est donc l’autre qu’il faut creuser, d’autant que c’est la seule création du texte, le psychopathe on l’a vu et revu au cinéma, tu l’as bien rendu mais tout le monde le connaît.
Ne désespère pas ! Tu es les moyens de te servir de mes critiques pour avancer, et c’est tout le mal que je te souhaite. Et ce genre de texte est plus facile à critiquer qu’à écrire...
Narwa Roquen,certains commentaires sont toujours une aventure...

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z653z  Ecrire à z653z

2010-10-25 16:12:48 

 Pause au logisDétails
"Le terme de posologie s'identifie à la définition des doses et du rythme des prises de médicaments."
D'après mes connaissances et wikipedia.
Et j'appuie les commentaires (félicitations ?) d'Onirian et de Narwa.

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z653z  Ecrire à z653z

2010-11-04 17:53:47 

 même impressionDétails
Dès cette phrase :
"et quelque chose me sembla étrange sans que je discerne quoi"
Et celle-ci : "Il était radieux" qui confirme tous les petits détails disséminés entre elles.
Même si j'ai été curieux de suivre le cheminement du poète, j'ai eu une impression désagréable. La même qui me vient quand je regarde un épisode du lieutenant à la 403.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-11-04 22:54:47 

 Est-ce possible? Détails
Tu n'aimes pas Columbo?
Narwa Roquen, très flattée de la comparaison!

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z653z  Ecrire à z653z

2010-11-05 12:34:22 

 Je n'aime la constructionDétails
Révéler qui est le coupable dès le début et attendre qu'il fasse un (ou plusieurs) faux pas.
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