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De : Hivernale Date : Dimanche 14 novembre 2010 à 20:28:19 | ||
Avec tous les messages de bienvenue que j'ai reçu, j'étais obligée de produire un texte rapidement, et sous une grosse pression :-). Je ne m'en plains pas. Donc veuillez m'excuser pour ma participation un peu tardive à l'exercice. L'hiver est propice à l'écriture, ces longues soirées tellement froides que seuls une énorme couette, un thé et un ordinateur peuvent combler devraient activer vos neurones pour de nouvelles histoires inédites. J'en suis sure :-) Et même à Montpellier il fait froid ! J'espère donc avoir la joie de vous lire, tous (et oui), sur des exercices auxquels je participerai aussi. Assez de blabla, bonne lecture :-) A force de succès il était évident que j'attrapais la grosse tête. J'en avais conscience mais cela me convenait, j'avais même peut être, au fond de moi, le secret désir d'entrer dans l'Histoire d'une façon peu habituelle. Les personnes connues sont des génies, des hommes politiques ou des femmes à la beauté si éblouissante que leurs charmes sont loués aux quatre coins de la galaxie. Moi, je n'étais rien de tout ça, j'étais juste un voleur. Mais pas n'importe quel voleur : un voleur riche et en vie, ce qui était assez rare dans la profession. J'avais à mon actif le vol de quarante-sept objets de grande valeur pris à Monseigneur Eyventrild et ceci au sein même de sa forteresse, la mieux gardée de tout le pays. Il est vrai que je m'acharnais quelque peu sur ce château mais c'était dans le secret espoir de revoir la jeune fille que j'avais aperçu un soir où je me baladais sur les toits du domaine. Sa beauté surnaturelle m'avait tout de suite séduit. Et mes souhaits avaient enfin été réalisés la veille au soir. Vêtue d'une longue chemise de nuit noire vaporeuse elle apparut de nul part, je ne l'entendis pas arriver ni ne la vis, pourtant elle se tenait là devant moi, au milieu d'un des innombrables escaliers en colimaçon desservant les chambres habitées par le général Eyventrild et sa famille. Je dus passer pour le roi des imbéciles en restant bouche bée, à la dévisager ; je pus me rendre compte de la perfection de son visage encadré avec soin par des mèches de cheveux blonds bouclés et je me plongeai dans son regard d'un violet profond. Elle sourit, et me salua. Tout mon corps n'aspirait qu'à me jeter sur elle et l'enlacer jusqu'à la fin des temps, et au prix d'un effort surhumain je réussis à lui rendre la politesse en la saluant. " Ce n'est pas une façon de saluer une demoiselle. Tu devrais enlever le masque qui couvre ton visage pour t'adresser à moi. Hmmmm... quelque chose me dit que tu n'as rien à faire dans ces appartements. " Je ne pus qu'enlever mon masque et lui sourire. Que pouvais-je faire d'autre ? Elle l'aurait pris comme un affront si je ne m'étais pas dévoilé, et je ne voulais surtout pas la froisser, surtout pas maintenant que je l'avais enfin retrouvée. " Que viens tu faire là, la nuit ? " demanda t-elle. Mon esprit se consacrait à admirer sa beauté et il n'arrivait pas à former assez vite un mensonge cohérent qui expliquerait ma présence de nuit dans les appartements du général. Je ne pus que dire la vérité. " Pour être franc, Mademoiselle, j'ai entendu dire que le collier porté par la fille du général Eyventrild était orné d'une émeraude si grande qu'elle ne tient pas dans la main d'un homme. Et j'avoue pratiquer l'activité peu avouable de voleur. Un tel butin me mettrait à l'abri du besoin pendant un bon moment. " J'attendis sa réaction durant de longues secondes, elle me scrutait et mon coeur battait tellement fort que j'avais l'impression d'entendre l'écho de ses battements se répercuter dans toute la cage d'escalier. Je me sentais ridicule au plus haut point. C'était une idée abracadabrante que de me confier comme je le faisais à une inconnue, mais quelque chose en elle me forçait à le faire. Elle finit par dire : " Je ne peux rien faire pour vous empêcher de voler cette merveille, mais sachez que si vous le faites vous perdrez à mes yeux cette aura de sympathie que vous m'avez inspirée. Bien, il est tard, et moi-même je ne devrais pas me trouver ici. Je vous souhaite une excellente soirée Monsieur Emeraude. " Elle me sourit d'un air moqueur et partit. J'étais en proie au doute, je ne pouvais pas voler ce collier, elle ne voudrait plus jamais me parler après ça. Je restai là de longues minutes à réfléchir et finis par repartir et rentrer à mon cabanon, bredouille. Mais malgré ma nuit improductive du côté financier, je restai de fort bonne humeur, avec un sourire niais de satisfaction sur le visage. J'étais assis sur le perron de ma cabane sylvestre, les yeux dans le vague. " Alors, on perd la main à ce que j'ai entendu dire. " Je reconnus la voix gutturale de Samuel. D'une certaine manière c'était mon unique ami, surtout parce que c'était la seule personne qui acceptait de me fréquenter. Je le soupçonnais de me côtoyer rien que pour m'entendre raconter mes exploits de voleur. Il parlait sans cesse d'une chose étrange, " mes mémoires ". D'après lui, tout personnage amené à être connu et reconnu devait rédiger ses mémoires, et il souhaitait par-dessus tout s'en charger. Il était persuadé que cela lui rapporterait les miettes de ma propre gloire. Les livres c'était pas pour moi, de toute façon je ne savais même pas lire. " Que racontes-tu encore comme âneries ? " dis-je d'un ton sec. Je n'étais pas d'humeur à écouter ses leçons de morale. " Hey, c'est pas la peine de me prendre de haut comme ça, je vais devoir changer de pigeon, je ne raconte pas les histoires des personnes mortes, car c'est bientôt ce qui va t'arriver. Figure toi que ta tête est placardée dans tous les villages alentour, tu t'es fait berner comme un débutant ! Hier soir une personne a vu ton visage au château des Eyventrild, et pas qu'un peu à en juger par les détails de ton portrait, même la cicatrice sous ton oeil gauche a été dépeinte. Je donne 48h aux soldats de la région pour te mettre la main dessus, te dépouiller de toutes tes possessions, et te pendre. " Un goût de bile m'arrivait du fond de la gorge. Je me moquais un peu que ma tête soit mise à prix, même de mourir, mais qu'elle aie pu me dénoncer me plongeait dans un profond et douloureux désespoir. " En plus c'est Ystrella, la fille du Général qui a dressé ton portrait aux soldats, et qui s'assure elle-même que tu sois capturé dans les plus brefs délais. En même temps, peut être que tu es allé un peu trop loin en lui volant le collier que le prince Dimitry lui a offert lorsqu'il l'a demandé en mariage. Mais ça aussi je suppose que tu ne t'y intéresses pas ! Le général essaie à tout prix de marier sa fille au prince, et Dimitry a enfin fait sa demande la semaine dernière. C'était sûr que tu t'attirerais les foudres de la famille Eyventrild. " Douche froide. Je ne me souvenais pas que de toute ma vie une phrase ait pu m'affecter à ce point là. Toutes ces révélations me brisaient le coeur au sens propre du terme, ma cage thoracique me faisait mal et je haletais. La fille du général ? Mariage ? Quel choc. Puis il me vint autre chose à l'esprit : " Mais ... mais je n'ai rien volé cette nuit " réussis-je à articuler. Samuel me dévisageait d'une drôle de façon, un mélange de pitié et d'incompréhension se mêlait sur son visage. " Hé ben ! T'es dans de beaux draps ! Moi qui pensais te suggérer de replacer de manière subtile le collier de la belle dans sa chambre pour lui faire croire qu'elle l'avait égaré. Mais si ce n'est pas toi, qui est-ce ? " " Virevolte. " Prononcer le nom de cette ordure me coûtait un terrible effort. Même le pseudo qu'il avait choisi pour commettre ses vols était d'une stupidité affligeante. Depuis toujours nous étions rivaux, tout ce que je faisais, il fallait qu'il le fasse. En mieux. Cela apparaissait maintenant comme une évidence, il avait dû se rendre compte que mes larcins concernaient toujours le château des Eyventrild et avait dû décider de frapper un grand coup, pour m'impressionner. C'était évident qu'il allait laisser les soldats me chercher, m'arrêter et me tuer, il n'avait aucun sens de l'honneur : il volait aux riches comme aux pauvres et se servait de sa force physique pour tabasser les victimes de ses vols qui auraient pu le voir faire. " Tu devrais aller le voir et arranger cette stupide querelle entre vous ; sans son aide tu es un homme mort. " dit Samuel. " Plutôt mourir. " C'était une certitude, jamais je ne m'abaisserais à demander de l'aide à ce rat. Cependant un plan se forma à toute vitesse dans ma tête désembuée d'un seul coup par la mention de mon rival, une idée qui pourrait me permettre de mettre Virevolte hors d'état de nuire, mais aussi qui pourrait m'offrir mon salut. Je laissai Samuel devant ma porte et entrai chez moi me préparer. Oui, cela pouvait fonctionner, si j'arrivais à convaincre Ystrella d'Eyventrild d'accepter d'encore me parler. Et si j'arrivais à l'atteindre sans me faire attraper. Quelques heures plus tard, muni de mon plus beau déguisement de vendeuse de pommes je me faufilai à l'intérieur du domaine des Eyventrild. A ce moment précis je compris les lacunes de mon plan : comment allais-je faire pour trouver Mademoiselle Ystrella ? Je décidai de tenter de la trouver dans le Jardin des Dames, endroit où je l'avais aperçu pour la première fois. Avec toute mon habileté, je me glissai entre deux chaumières destinées à héberger le personnel du château et montais sur le toit le plus bas. Les petites maisons de service faisaient le tour complet du château, permettant aux travailleurs d'accéder le plus vite possible aux endroits où ils devaient travailler. Et le nombre de personnes travaillant au domaine était si important que les bâtisses se touchaient entre elles, me permettant de me déplacer de toit en toit. J'avais pris dans mes affaires une cape de la couleur de la chaux qui recouvraient les toits des maisons, de sorte que les personnes se trouvant dans les plus hauts donjons du château ne puisse pas me repérer depuis leurs fenêtres. J'atteignis sans encombres le toit de la chaumière du gardien du Jardin des Dames. Il ne me fallu que quelques instants pour repérer un attroupement au centre du jardin, au milieu duquel j'aperçus Ystrella, superbe dans sa longue robe de soie rose pâle. Je restai là, muet d'admiration à la regarder. La porte de la chaumière s'ouvrit, me tirant de ma rêverie, et je vis le gardien sortir de chez lui. Je descendis du toit et entrai dans la chaumière, je volai des habits aux couleurs du personnel de maison des Eyventrild, et la vue de la cheminée crépitante me donna une idée. J'éparpillai les bûches enflammées un peu partout dans la pièce, et sortis. La maison du gardien faite de bois et de chaux s'embrasa en quelques instants, je ne la regardai même pas, mon regard était fixé sur le groupe planté au centre du jardin. J'étais persuadé que les gardes d'Ystrella allaient l'emmener en lieu sûr dans sa chambre dès qu'ils apercevraient l'incendie. Et j'eus raison. J'enfilai les vêtements volés au gardien et entrai à la suite de la petite troupe dans le château. Personne ne fit attention à un simple domestique qui courait à quelques pas derrière eux. J'entrai de même derrière le groupe dans la suite d'Ystrella et je profitai de l'affolement des gardes et des suivantes pour me faufiler derrière un épais rideau rouge sombre de sa chambre. Je me détendis. Il était probable que je doive passer un long moment dans ma cachette, mais la patience était un des atouts majeurs du bon voleur. La fin de matinée passa, l'heure du repas arriva, et tous les occupants de la chambre partirent manger. Je regrettais de ne pas avoir pensé à amener à manger. Elle revint en tout début d'après midi avec ses suivantes, elle les congédia prétextant vouloir se reposer. Il ne restait plus qu'elle et moi dans la pièce. Je paniquai. Je savais que c'était le moment de lui parler, mais j'avais peur. Peur qu'elle me repousse ou qu'elle crie et appelle les gardes. Mais aussi je m'affolais à l'idée d'être pendu haut et court avant la tombée de la nuit pour des faits que je n'avais pas commis. Même s'il était vrai que j'en avais assez commis pour être pendu. Mais sans l'histoire de ce collier et le témoignage d'Ystrella jamais on aurait pu me confondre. Elle s'assit devant une magnifique coiffeuse sculptée avec grand soin dans un bois exotique et commença à se peigner. Je me glissai de façon aussi discrète que possible hors de ma cachette et arrivai derrière elle. Je lui plaquai ma main droite sur la bouche pour l'empêcher de hurler. Je vis ses yeux me regarder dans le reflet du miroir : ils étaient plein de haine et de peur. Je sortis une dague de ma ceinture pour l'impressionner et lui demanda de ne surtout pas crier, puis j'enlevai ma main de son visage pour qu'elle puisse parler. " Tue-moi si tu le veux, ça ne fera qu'accélérer le jour et l'heure de ta mort. Et crois moi mon père aura probablement d'autres projets pour toi que la pendaison. " Le sous-entendu de torture était sans équivoque. Je frémis. Je ne savais pas par où commencer, tant de choses me venaient à l'esprit. " Ce n'est pas moi. " Elle se retourna sur sa chaise pour me dévisager de manière directe, pour essayer de voir si je disais la vérité. " Je ne te crois pas. " Sa condamnation était sans appel. Elle continua : " Et même si je te croyais, cela ne changerait rien, tes méfaits méritent que tu sois arrêté. Si tu es venu implorer ma clémence, tu perds ton temps. " " Je ne suis pas venu pour ça, je suis venu vous dire que je vous aime. " Les mots étaient sortis de ma bouche plus vite que ce que je ne les avais pensés, j'étais désemparé, quelle stupidité ! Je me maudissais d'avoir dit quelque chose d'aussi irréfléchi et d'aussi inapproprié à la noblesse de mon interlocutrice ainsi qu'au moment où nous nous trouvions. Elle me scrutait, je n'osais pas bouger, pas parler, j'osais à peine respirer. " Que veux-tu ? " Elle me laissait une chance de m'exprimer : c'était inespéré compte tenu de la façon dont avait commencé notre entretien. " Que la véritable personne qui t'a volée soit punie. " " Et je suppose que tu connais le voleur et que tu sais comment faire pour le confondre. Et je suppose aussi que tu penses que je vais te sortir de la situation dans laquelle tu te trouves sans exiger de contre-partie ? " Je blêmis. Quel naïf j'avais été de croire que j'avais une chance de m'en sortir sans avoir à faire de sacrifice. Elle poursuivit : " Es-tu prêt à accepter sans broncher ce que je te demanderai ? " Je ne pouvais que dire oui, de toute façon un mot de sa part et les soldats de son père m'étripaient. J'acceptai donc, puis je lui expliquais tout, sur Virevolte et le plan que j'avais mis au point pour le prendre sur le fait. Elle écouta tout ce que j'avais à lui dire, me sourit et me dit : " Tu es quelqu'un de surprenant, et les personnes déroutantes méritent qu'on les écoute et dans certains cas qu'on les suive. Je ferai ce que tu m'as suggéré. Espérons que cela me permettra de retrouver mon sautoir. " J'hésitais à poser la question qui me brulait les lèvres. Je me lançai tout de même, ne pouvant plus attendre. " Mademoiselle, puis-je savoir ce que vous attendez de moi ? " " Plusieurs choses, la première est que tu me rendes certaines choses que tu as dérobé auparavant. La deuxième est que tu ne racontes jamais, et sous aucun prétexte, les choses que tu as pu voir, entendre ou découvrir lors de tes ballades nocturnes au château. Et enfin je veux que tu travailles pour moi, j'ai besoin de quelqu'un à mes côtés pour certaines activités et je ne peux pas me permettre qu'il s'agisse d'un des hommes de mon père. A partir de cet instant tu n'es plus un voleur, tu es mon homme lige. " Je ne savais pas comment réagir. Je ne m'attendais pas à ça. N'importe quelle personne aurait été ravie de sortir de la condition précaire et dangereuse dans laquelle je vivais depuis des années. Mais pas moi. Bien sûr une partie de moi même jubilait à l'idée de passer du temps auprès d'Ystrella, mais l'autre partie était désespérée et apeurée. Je ne voyais pas comment j'allais pouvoir tenir mon engagement de travailler pour Mademoiselle Ystrella car excepté pour le vol, je n'avais aucun talent. Mais ce qui me brisait le coeur par dessus tout c'était que j'allais devoir abandonner mon rêve : celui de voyager, de visiter le monde, de connaitre chaque parcelle de terre que le monde possédait. J'avais pour secrète ambition d'acheter un bateau, assez malléable pour que trois ou quatre personnes puissent le diriger, mais aussi assez robuste pour tenir de longs jours en haute mer. Ainsi équipé j'aurais eu le reste de ma vie pour m'extasier devant les merveilles du monde. En un instant il fallait que je délaisse tout. Je me retrouvais prisonnier de la vie de quelqu'un d'autre. Quelle déception ! Surtout à ce moment précis, alors que j'avais réuni presque assez d'argent pour entamer mon tour du monde. Ce message a été lu 7354 fois | ||
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