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 WA,exercice n°89 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 3 fevrier 2011 à 23:32:24
Un grand classique de la fantasy, c'est le passage dans un monde parallèle. Votre héros (banal), va "passer". Il peut rester le même ou se transformer, à votre guise. Je souhaite, surtout pour les jeunes auteurs, que vous vous posiez les bonnes questions ( et que votre texte y réponde, bien sûr):
- comment le héros va-t-il passer de manière originale?
- pourquoi passe-t-il?
- qu'est-ce que ce passage va lui apprendre?
Pourquoi revient-il? (ou pas)
- en quoi sa vie sera-t-elle changée après ça?

Les mots-clés: le sens, la cohérence. Construisez bien votre monde parallèle, et si vous souhaitez que votre héros puisse y retourner, laissez -lui une porte qu'il puisse actionner.
En ce qui concerne la rédaction, soyez vigilants sur la ponctuation: pensez aux virgules et aux points virgules ( dont vous usez toujours avec trop de parcimonie...)

Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 24 février. Amusez-vous bien et faites-nous partager votre plaisir!
Narwa Roquen, un peu franchement à la bourre, et qui a sommeil...


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-02-24 19:20:56 

 WA - Participation exercice n°89Détails
L'occasion était trop belle pour ne pas choisir ce titre!

SWING LOW, SWEET CHARIOT



Je glisse le jeton dans la fente et je libère le caddie. Je me dirige vers l'entrée de l'hypermarché où s'engouffre la procession continue des fidèles du samedi. Je peste silencieusement contre le mauvais coup que m'a joué le sort. J'avais planifié idéalement mon après-midi. D'abord le match de rugby, celui qui s'annonce déterminant pour le grand chelem espéré dans le prolongement de l'année dernière et la perspective de la coupe du monde à venir. Le Coq tricolore va-t-il triompher de la Rose anglaise et de ses quinze épines? C'était la promesse d'un choc à l'ancienne dans l'antre des démons blancs!

Et puis je vois son joli visage se pencher vers moi. Et sa voix me susurrer tendrement à l'oreille qu'elle est désolée mais que son bureau l'a appelée. Elle doit vraiment y aller pour préparer la réunion de lundi matin avec le plus gros client de sa boîte. Son patron compte sur elle pour conserver le budget que lui a confié le géant européen de l'industrie alimentaire. Je l'ai serrée dans mes bras et j'ai respiré son parfum, ce parfum qui n'appartient qu'à elle lorsque nous venons juste de faire l'amour. Que pouvais-je dire? Elle m'a vaincu dès la première seconde. Elle m'a désarmé de son sourire fragile et rieur à la fois, ce sourire qui me fait oublier mes bonnes résolutions. Que pouvais-je lui dire? C''est elle qui ramène le fric à la maison puisque que je fais toujours partie des statistiques de pôle Emploi, vous savez la ligne où sont dénombrés les demandeurs d'emplois de catégorie A.

Avant qu'elle ne prononce les mots fatidiques je savais ce qui m'attendait. Cette faculté spontanée de lire l'avenir très proche, de comprendre en une fraction de seconde que, parmi toutes les possibilités, c'est celle qui va vous emmerder le plus qui va advenir.

« Tu veux bien t'occuper des courses cet après-midi? »

Remarquez l'emploi subtil du verbe «vouloir» en lieu et place du verbe «pouvoir» voire, pire encore, du verbe «devoir»! Elle est redoutable dans sa façon de bouger les pièces de son jeu. Bien sûr que je veux bien. Je ne suis qu'un homme, finalement assez vulnérable quand la chair a été satisfaite. Ma volonté semble suivre fidèlement la courbe et la fermeté de ma virilité. Et à quel moment celle-ci est-elle dans son état le plus flapi? Echec et mat.

Elle n'avait pas terminé sa phrase que mes belles perspectives s'écroulaient à mes pieds. Et j'étais heureux, heureux de la serrer entre mes bras et respirer le suave de sa nuque. Qu'importe cet après-midi! Il est encore bien loin. Tant que j'ai ses cheveux sur mon visage et son corps collé tout contre le mien. Oui, l'après-midi était bien loin et j'ai lâchement monnayé ma reddition instantanée dès que j'ai senti que ma virilité se réaffirmait. N'ai-je pas déjà avoué que j'étais un homme?

Mais à l'instant où j'ai posé un pied hors du lit, la matinée s'est précipitée à toute allure à la rencontre du déjeuner. C'est l'inconvénient des matinées quand elles prennent du poids. Je me suis retrouvé à table avec la télévision qui déversait, entre la salade et le poulet, les images de peuples en lutte pour leur liberté. Le repas a vite été expédié. La porte a claqué. Elle était partie jusqu'au soir. J'ai consulté la pendule. A peine deux heures de l'après-midi. J'ai paressé sur le canapé avant de me décider. J'ai enfin happé les clés de la bagnole et, en soupirant, j'ai pris le chemin de la zone commerciale.

Je crois bien que toute la ville m'avait attendu pour suivre mon exemple. J'étais parti tout seul de la résidence mais par un prompt renfort nous nous vîmes trois mille en arrivant au Géant. Pare-chocs contre pare-chocs, ce fut déjà laborieux pour trouver une putain de place sur le parking déjà bondé. Quand j'ai réussi à faire peur à un couple de retraités pour leur piquer sous leur nez la seule place libre à des kilomètres, j'ai exulté comme si ma vie en dépendait. Je n'ai éprouvé aucun remords quand la vielle dame très digne recroquevillée aux côtés de son chauffeur de mari, m'a jeté un regard noir du fond de son siège. J'ai remarqué que ses cheveux étaient d'un blanc très lumineux où se reflétait un faible éclat bleuté. Elle a dû protester car j'ai vu ses lèvres bouger mais je n'ai pas compris, comme dans un film sans parole. Pour toute réponse, j'ai fait sauter le jeton de caddie dans la paume de ma main en lui retournant mon sourire le plus sardonique. Le disque de métal arracha une larme de lumière scintillante pendant que la vieille dame continuait de débiter des mots inaudibles. Je lui ai tourné le dos et je suis allé récupérer un chariot. C'est là que j'ai aperçu une dernière fois la grosse DS noire tourner au bout de l'allée. La vieille regardait toujours dans ma direction. Je n'y prêtai plus attention.

J'ai franchi les portes du centre commercial comme une âme damnée franchit celles, plus terribles, de l'Enfer. Je pénétrai dans un enfer consumériste et celui-ci m'ouvrait les bras :

«Regarde, me disait le Diable vêtu en prêcheur de pacotille et juché sur une estrade de bois. Regarde car plus tu regardes et moins tu te gardes. Vois toutes ces richesses que dégueule ma corne d'abondance. Elles sont inépuisables et elles ont été faites juste pour toi! Viens! Donne-moi quelques petites gouttes de ton sang fiduciaire en échange de mes merveilleuses marchandises! Quel plus beau contrat puis-je t'offrir que cette note que crache la caisse enregistreuse?»

L'animateur de la semaine commerciale s'est interrompu un court instant, suspendant sa harangue volubile entre deux respirations. A la place de son visage, une flaque de lumière m'a aveuglé et j'ai brièvement fermé les yeux. J'ai eu soudain le sentiment oppressant que le temps s'étirait en longueur. J'avais du mal à passer d'un instant à l'autre. Un effort qui s'imprimait sur chacune de mes cellules. Les autres clients semblaient se mouvoir avec un retard infinitésimal mais que je ressentais douloureusement. J'avais l'impression d'être en décalage avec ce qui m'entourait; comme incapable de me synchroniser avec l'espace-temps commun. Je mis ce curieux symptôme sur le compte de mon énervement latent. C'était la première fois depuis longtemps.

Le caddie devint une bouée de sauvetage à roulettes à laquelle je me raccrochai tant bien mal. Grâce à lui, je m'approchai de l'entrée où près des tourniquets, veillait un grand cerbère au mufle patibulaire. Il me toisa froidement et esquissa un geste en ma direction. Mais ses yeux se perdirent dans le vague quand il pencha la tête pour écouter son oreillette. Il s'éloigna à grandes enjambées de d'autre côté, vers le kiosque à journaux. Le décalage s'accentua et je dus résister à la tentation de plus en plus grande de faire comme le vigile. Prendre mes jambes à mon cou. Partir loin d'ici et retrouver l'air libre. M'enfuir pour mettre le plus de distance entre moi et ce lieu où je suffoquais. J'étais redevenu un petit garçon et j'avais de nouveau cinq ans. Le petit garçon qui s'était perdu dans les allées d'un grand magasin pareil à celui-ci. Ce bambin effrayé qui pleurait ses parents perdus. Ce pénible moment avait marqué la naissance d'une phobie que j'ai domestiquée du mieux que j'ai pu. Une phobie dont je n'ai jamais parlé à personne. Pas même à ma mère.

En grandissant, j'ai appris à maîtriser la panique qui me gagne à chaque fois que je pénètre dans ces immenses hangars à bestiaux. Elle n'a pas entièrement disparu bien sûr mais la dompter se résume généralement à quelques exercices de respiration. C'est d'autant plus facile que j'ai depuis évité d'être tout seul dans ce genre d'endroit. Jusqu'à aujourd'hui.

Je m'en veux de n'avoir pas eu la présence d'esprit de lui opposer un motif crédible, inventé de toute pièce pour l'occasion. Cela faisait des années que je n'ai pas remis les pieds dans un hypermarché. C'est un art difficile et exigeant de déjouer les pièges et les circonstances. Cela demande une vigilance de tous les instants. Et me voilà ramené trente ans en arrière. Je laisse les tourniquets derrière moi et je suis emporté par le courant des clients qui s'éparpillent à travers les rayons. Je vais à pas lents. Au fond de la poche, ma main est crispée sur la liste qu'a griffonnée Ariane sur le bord de la table. La liste que je lui ai demandé de me dresser.
«Ne dis pas que tu ignores à ce point ce que nous achetons chaque semaine depuis sept ans!» m'avait-elle dit en se marrant!
«Je prends quelle marque de lait?» avais-je rétorqué piteusement!
«N'importe laquelle pourvu que ce soit du demi-écrémé! » m'avait-elle répondu en levant les yeux au ciel.
«C'est quoi là?» Je n'avais pas réussi à déchiffrer ses pattes de mouches.
«De la lessive pour le lave-linge!»
«Qu'est-ce qu'on prend d'habitude?»
«Gros nigaud! Prends celle que tu veux mais attention! pas de poudre rien que des tablettes! La prochaine fois, je fais les courses et quand on rentre, tu prends des photos de chaque produit acheté pour que je te fasse un album souvenir! »
«C'est malin!» J'ai haussé les épaules mais l'idée était intéressante.
«Et si je commandais par internet? Il y a maintenant des sites mis en ligne par les hypermarchés. Je clique et ils livrent!». Une alternative séduisante que je pouvais défendre.
«Il aurait fallu prévoir ça plus tôt. Maintenant ils ne livreront pas d'ici ce soir! Bon voilà, regarde, c'est pas le bout du monde. Une trentaine de produits. Si tu ne traînes pas, en une demi-heure c'est plié!...une petite heure au plus!» m'avait-elle consolé en voyant ma mine déconfite.

J'avais bien imaginé un moment d'éviter l'hypermarché et me rabattre vers les commerces du centre ville. Je me suis bien vite rendu compte que ce n'était pas la bonne solution. La galère aurait été plus grande en cette période de soldes. Et puis, il manque toujours un article et rebelote. J'étais acculé, ne pouvant plus reculer.

La lumière tombait verticalement, baignant uniformément les rayons. Avez-vous remarqué qu'il n'y a aucune ombre dans cet éclairage? J'ai failli dépasser le rayon des articles scolaires. J'ai bifurqué sèchement en manoeuvrant habilement le caddie. Personne. Chouette. J'ai commencé à rechercher les feuilles mentionnées sur la liste. La rentrée scolaire était déjà loin et avec elle, l'abondance qui la caractérise. Ariane voulait des feuilles d'un modèle bien particulier. J'ai passé deux fois en revue les linéaires à droite et à gauche avant de dénicher le paquet de feuilles spécifiées.

C'est à ce moment que j'ai remarqué que la musique sirupeuse s'était arrêtée. Tant mieux même s'il m'a semblé que l'absence de cet élément auditif altérait quelque peu la dimension festive de l'acte d'achat, y introduisant une note de tristesse diffuse.

L'éclairage lui-même pâtissait de cet état de fait, devenant imperceptiblement plus gris. Plus terne. Je me suis livré à une rapide introspection. Nulle trace de panique imminente. Juste cette sensation indéfinissable de décalage persistant. Mais elle ne s'était pas aggravée. Je maîtrisais. Un bon point. Aurais-je finalement vaincu mon démon? Ma phobie? Le temps avait-il fait son oeuvre cicatrisante? On le dirait bien! Si c'est ça, ce jour est un grand jour pour moi et il faut que je pense à acheter une bonne bouteille pour en rire avec Ariane ce soir.

Personne ne s'était engagé dans mon rayon. J'ai fait patiner le caddie et j'ai démarré en trombe pour rejoindre l'allée principale. Si un surveillant m'observait sur son écran, nul doute qu'il a dû penser que j'étais attardé.

Quand j'ai débouché dans l'allée principale, je me suis brutalement arrêté et mon coeur a fait un salto arrière dans la cage thoracique. Là où trois minutes auparavant des dizaines de chalands poussaient leurs chariots, pressés et bigarrés, il n'y avait plus personne à présent. Le désert. Les têtes de gondoles s'étiraient de part et d'autre bien plus loin que dans mon souvenir. Je pouvais à peine apercevoir l'entrée du magasin qui se noyait dans une sorte de brume floue. J'ai pensé fugacement que j'avais dû pénétré à mon insu dans la quatrième dimension.

«Ohé, il y a quelqu'un?»

J'avais voulu crier mais la tentative, à mes oreilles, a résonné comme un vague croassement, l'appel d'un crapaud en rut au clair de lune. Tout avait disparu certes mais pas mon pénible sens de l'humour. C'était déjà ça!

Évidemment je n'ai obtenu aucune réponse. J'ai continué d'avancer sur quelques mètres en cramponnant mon caddie au fond duquel les feuilles bleues me rappelaient une certaine forme de rationalité. Hormis la disparition de tout être humain et les proportions ahurissantes des perspectives, tout le reste demeurait sans changement. J'ai saisi une tablette de chocolat que j'ai déballée. Le chocolat était bien là et sous ma langue sa saveur était bien la même, toujours aussi appétissante.

Je finissais la barre chocolatée quand j'ai senti une présence, lourde et inquiétante. Quelque chose se dirigeait vers moi de l'autre extrémité de l'allée. Une forme sombre et déterminée. C'était comme un voile noir qui enveloppait toute chose dans sa progression, piégeant en son sein la lumière. L'obscurité grandissait à sa suite. Cela approchait en lourdes volutes, indéfinissables et impénétrables. Aucun bruit n'accompagnait sa course et cela se progressait de façon aussi inéluctable que le futur. Les rayons se mirent à grandir de chaque côté, s'élevant à des altitudes gigantesques, supportant des multitudes d'articles identiques, montagnes aux parois verticales et chatoyantes. Je me suis senti d'un coup tout petit, misérablement vulnérable. La panique menaçait de submerger mon esprit. Je tins bon. Les vannes de ma mémoire tinrent bon. J'avais toujours trente quatre ans. Le caddie que je tenais devant moi était d'une taille tout à fait normale.

«Tu ne devrais pas rester là!»

Une douce et timide voix me tira de ma stupeur. Une voix enfantine. Une voix de petite fille. J'ai baissé mes regards. Elle était là. Une jolie poupée d'environ quatre ans. Elle tenait dans ses bras un nounours élimé qui n'avait plus qu'un oeil, un simple bouton de verre noir.
«Que dis-tu?»
«Tu ne devrais pas rester là. Il arrive tu sais. Et il n'est pas gentil. Oh non, pas gentil du tout!» Elle tira sur ma patte de pantalon.
«Je ne vois personne arriver!» Le côté surréaliste de la conversation ne m'échappait pas mais une vague impression me poussait à accréditer temporairement ces évènements extraordinaires.
«Il vient toujours par là! Elle tendit sa petite menotte potelée vers le nuage obscur qui affluait vers nous. Tu vois pas!?»
«Il est méchant comment?»
«Il faut partir. Il faut se cacher! Vite maintenant!» Je lus une profonde anxiété dans sa voix. Les larmes scintillaient au bord de ses yeux.
«Conduis-moi!» dis-je en lâchant le caddie. «Montre-moi une cachette!»

Elle me fit son plus beau sourire et elle partit rapidement de l'autre côté. Elle murmura quelque chose à sa peluche en agitant sous son museau un petit doigt comme si elle lui faisait la leçon. Je n'avais aucun mal à suivre ses petites enjambées. Elle se retourna et hoqueta de surprise :

«Non, il ne faut pas lâcher le caddie. Surtout pas!»

Sans réfléchir j'ai couru vers le chariot. Devant moi, la nuée de ténèbres grossissait et en son au sein il m'a semblé discerner un reflet bleuté. En fait, je ne saurais dire précisément quoi mais mes cheveux se dressèrent sur ma tête tandis qu'un froid polaire m'environna brutalement. Ma respiration se mit à former de petits nuages de condensation. J'ai agrippé le caddie et j'ai battu précipitamment en retraite vers la petite fille qui m'attendait, l'air de plus en plus inquiet.

«Vite, vite, il commence à faire froid! Il vient, vite il vient!»

Elle repartit aussi rapidement qu'elle le pouvait. Je me sentais stupide sur ses talons tout en poussant le chariot dont une roulettes faussée chantait comme une crécelle métallique enrouée. La petite s'enfonça dans une allée perpendiculaire que je n'avais pas remarquée. Un rayon de vaisselle et d'ustensiles de cuisine. Des linéaires surchargés d'assiettes et de marmites, de poêles et de casseroles, de verres et de couverts qui escaladaient les immenses parois du canyon qu'était devenu le rayon. C'était un monde différent où j'étais piégé bien malgré moi par quelque maléfice.

«Vite, il a des amis par ici, des amis qui coupent et qui déchirent. Et d'autres qui tapent fort! Ils vont se réveiller quand ils vont entendre sa voix! Il ne faut pas attendre leur réveil!»

Elle ne semblait pas se fatiguer de mouliner sans relâche ses petites jambes. Les gigantesques dimensions de ces lieux échappaient à tout entendement et notre fuite me fit penser à la course de rats dans un labyrinthe. Un labyrinthe. Bien sûr! C'était exactement ça. Une course entre des parois aveugles et une lumière verticale. Je n'avais pas d'aile pour m'échapper. Pour échapper à celui qui vient. Le Minotaure. Et Ariane ne m'avait donné aucune bobine magique où s'enroulait un de ses longs cheveux soyeux.

Je crois bien que j'ai souri : je connaissais un peu le mythe et je ne me sentais pas l'âme d'un Thésée pour affronter glorieusement la créature mi-homme ni-taureau.

Derrière nous s'éleva un grondement sourd, comme le bruit terrible que fait la mer quand elle déferle furieusement contre les brisants. Un roulement terrifiant qui broie tout sur son passage. Des cliquetis métalliques et des tintements de porcelaine et de verre lui répondirent.

«Ils se réveillent. Plus vite, plus vite, on est presque arrivé au bout. Vite... vite...»

La petite fille volait littéralement au-dessus des dalles froides et blanches. Je courais de plus en plus vite et malgré ma taille, je me maintenais difficilement à sa hauteur. Un sifflement aigu vrombit près de mes oreilles et un couteau alla se ficher en vrillant dans le plastique d'une grosse cuvette bleue. Sa lame dentelée était passée à quelques centimètres de ma tête. Les couverts grinçaient sinistrement. Ils nous promettaient une joyeuse farandole quand leur maître leur insufflerait assez d'énergie pour qu'ils jaillissent hors de leurs présentoirs comme des flèches d'argent. En contrepoint désaccordé chantait la roulette du chariot.

C'est avec un immense soulagement que nous sortîmes du rayon de la vaisselle de table. La petite fille ne ralentit pourtant pas. Elle continua de trotter à vive allure en remontant une autre radiale qui s'étendait à perte de vue. Nous dépassions des têtes de gondoles où trônaient mille objets ordinaires que l'on trouve habituellement dans toutes les grandes surfaces. Des poussettes-landaus, des vélos, des mannequins, des promotions. Au-dessus de nos têtes flottaient comme les étendards aux tours des châteaux, les pancartes de carton où sur fond jaune, les annonces publicitaires remplaçaient les armoiries par de grosses lettres rouges.

Une pensée traversa mon esprit. Tout ceci était bien trop grotesque. Trop loufoque. Impensable. Je devais dormir ou alors m'être évanoui à la suite d'un traumatisme. J'avais pourtant beau fouiller ma mémoire, aucun détail ne clochait dans la succession des évènements que j'avais vécus. Pas le plus petit détail insolite. Pas le plus léger interstice rompant la linéarité de cette aventure.

Tout à mes pensées j'ai failli rater l'allée où s'était engouffrée la petite fille. Une longue avenue bordée de murailles tapissées de livres. Des romans, des bandes dessinées, des albums à colorier, des livres de cuisine et des livres de voyages. Une atmosphère paisible succéda à la tension de ces dernières minutes. La petite fille s'arrêta un peu plus loin et après avoir repris sa respiration, elle me sourit en déclarant :
«C'est un rayon où vivent certains de nos amis. Regarde, ils sont tous là et j'y viens chaque fois que je peux.»
«Et il ne nous trouveras pas ici?»
«Non, c'est une de nos cachettes. Il ne nous sent pas et où il ne nous voit pas. Il y en d'autres mais elles sont trop loin. Il nous aurait rattrapé avant.»
«Comment t'appelles-tu?»
«Marie!»
«Il y a d'autres personnes qui vivent ici avec toi!»
«Que des enfants. Je ne les connais pas tous tellement il y en a!»
«Mais d'où viens-tu? Comment t'es-tu retrouvée dans cet endroit?»
«J'ai perdu mes parents!» Elle roula de gros yeux tout ronds.
«Comment ça Marie? Comment tu as perdu tes parents? Ils ne t'ont pas cherchée?»
«Non et moi aussi je les cherche. Nous sommes tous à leur recherche. Mais il nous observe et quand les enfants y font pas attention, il les attrape et on les revoit plus!» Marie frissonna en me disant ça.
«Mais qui est-il?»
«C'est le Croque-mitaine bien sûr!»
«Le Croque-mitaine?»
«Ben oui! C'est comme ça que disait ma maman quand j'étais pas sage. Le Croque-mitaine va venir te chercher qu'elle me disait. Il fallait que je l'appelle pas quand j'étais dans le lit et qu'il faisait noir. Elle disait maman que s'il m'entendait, il sortirait de dessous le lit pour me mettre dans un grand sac et m'emporter avec lui dans l'île des enfants pas sages. Alors quand je me suis perdue dans le grand magasin, c'était ma faute. J'ai lâché la main de ma maman parce qu'elle voulait pas m'acheter nounours!»
«Ce nounours-là?»
«Oui. Et moi je le voulais. Et puis j'avais le droit hein j'avais été sage dans la voiture! Alors j'ai lâché la main de maman tout doucement pendant qu'elle parlait avec la vendeuse. J'ai couru pour prendre nounours mais quand je me suis retournée j'étais perdue. J'ai pleuré, beaucoup pleuré et tout d'un coup tout le monde, il était parti. J'étais toute seule. Heureusement que Petit Louis m'a trouvé!»
«Petit-Louis? Un autre enfant?»
«Oui, un plus grand. Un garçon. Il m'a dit tout bas qu'il fallait pas crier. Et il m'a amenée là où il habite avec ses copains. Il y a Jojo, il est marrant Jojo, avec ses taches de rousseur, et puis il y a Dédé et son épée en bois et son manteau de chevalier, et Tom, le gros Tom qui a toujours des bonbons dans ses poches. Et Lulu, ma copine, qui a le même nounours que moi et Caro et Fanny et les jumeaux. Oui, Petit-Louis est le chef car il a toujours de bonnes idées. Alors c'est pour ça qu'il est chef! Tu veux voir Petit-Louis?»
«Bien sûr. Tu sais où il est?»
«Oui. Mais c'est trop dangereux maintenant. Il faut attendre!»

Marie toujours serrant son nounours, alla piocher une bande dessinée dans le rayonnage. Elle l'ouvrit sur ses genoux après s'être assise en tailleur. Je reconnus l'adaptation livresque d'un célèbre dessin animé de Walt Disney. Peter Pan bien entendu. Wendy ses frères. Marie se plongea dans les aventures des enfants perdus en fonçant les sourcils. Elle suivait le texte avec son doigt et ses lèvres modulaient les mots qu'elle déchiffrait au fur et à mesure.

Mon pouls se calma peu à peu. Je décidai de m'accorder également un instant de répit pour mettre de l'ordre dans mes idées. Ce qui m'entourait était bien réel et je pouvais saisir ce volume des aventures de Tintin, l'examiner sous toutes les coutures, déchiffrer les petits caractères de la mention relative à la publication légale, vérifier le code-barre et les chiffres sous les traits noirs verticaux sans que cela n'éveille en moi la moindre suspicion. La texture du papier, le bruit des pages quand je les tournais, tout était absolument normal. Seule l'extraordinaire hauteur du rayonnage défiait cette impression de normalité. A vue de nez, il culminait à plusieurs dizaines de mètres. La hauteur d'un petit immeuble de six à sept étages. Facilement. Les couvertures des bandes dessinées devenaient indiscernables rapidement.

J'ai fait une découverte surprenante. Je tombai sur la couverture d'une bande dessinée mythique dont l'édition était épuisée depuis bien longtemps. J'entends dans mon monde. D'une main hésitante, j'ai extirpé cette bande dessinée qui m'avait été offerte pour mon dixième anniversaire. Une aventure de super-héros américains, introuvable de nos jours. Les vignettes m'ont raméné en arrière quand je partageais, allongé sur mon lit, la tristesse du Surfer d'Argent, les doutes existentiels d'Iron-Man et les inextricables problèmes domestiques de Spiderman. Le dessin de l'époque était bien loin des représentations cinématographiques actuelles. J'ai cherché la date du dépôt légal. Juillet 1977 l'année de ma naissance. J'ai farfouillé dans les piles et mon intuition se confirma. Ce rayon contenait sans doute la plus grande collection de BD jamais réunie au même endroit. J'ai alors étendu mes investigations. Il en fut de même avec les livres de poche, tous en parfait état mais provenant d'époques différentes. Incroyable. J'ai même retrouvé deux éditions du même ouvrage dans la même collection, imprimées à plus de vingt d'ans d'intervalle.

Soudain, un vent froid se leva autour de nous, faisant voler les pages du livre de Marie. Celle-ci le referma brutalement. Pour dominer le mugissement furieux, elle me cria tout en se redressant :

«Il nous a retrouvé. Il vient. Il vient. Il faut m'aider Papa!!! »

Elle m'avait appelé Papa sous le coup de l'émotion. Elle me tendit les bras. Sans réfléchir, je l'empoignai et la déposai dans le caddie. Le vent tourbillonnait violemment, faisant claquer l'étoffe de ma veste et de mes pantalons. Marie s'était assise au fond du caddie, s'agrippant aux parois, ses yeux reflétant une inquiétude palpable. A l'autre bout du rayon, en grosses volutes bouillonnantes, surgit la sombre brume dont les tentacules noirâtres s'étiraient vers nous. Au plus profond de ce bouchon de ténèbres qui s'élevait au-dessus du faîte des gondoles, des lignes mouvantes formaient l'esquisse changeante d'un visage qui apparaissait et disparaissait sans cesse. Même si je ne pus le contempler suffisamment longtemps pour le décrire plus précisément, l'impression que je ressentis me glaça le coeur. Des traits maléfiques et menaçants, cruels et impitoyables. Tout mon être hurlait de terreur, une terreur primale, enfantine, irrésistible. Je devais fuir à tout prix.

«Cramponne-toi Marie!»

Je donnai une forte poussée au caddie et sur sa lancée, je commençai à courir à grandes enjambées. Je pouvais sentir dans mon dos la progression du monstre. Le Minotaure était à mes trousses. Inconsciemment, je me représentais un géant au mufle taurin encadré d'énormes cornes, longues et effilées, la bave dégouttant de ses babines. J'accélérai encore ma course. J'atteins l'extrémité du rayon.

«Je prends de quel côté Marie?»

Marie ne répondit pas. Elle écarquillait les yeux en fixant un point derrière moi. Sa bouche formait un «O» silencieux et son visage était aussi pâle qu'un linge. Un nuage sombre envahissait peu à peu ses prunelles dilatées.

«Marie, Marie!!»

Mais elle restait prostrée, tremblante comme un petit oisillon hypnotisé par le serpent qui ondule vers lui. Je choisis la gauche, remontant sans m'en rendre compte le chemin emprunté tout à l'heure le long de la large radiale. Mon coeur cognait dans ma poitrine, mes poumons étaient en feu. J'avais l'impression de détaler comme une souris de laboratoire dans son labyrinthe de carton. Je n'avais nul besoin de me retourner pour vérifier qu'il nous pourchassait toujours. Marie était tétanisée et elle avait mis sa petite main devant sa bouche. J'ai bifurqué au hasard à gauche une nouvelle fois. C'était le rayon des plantes vertes et de ce genre d'articles : sacs de semences, arrosoirs, tuyaux et... bêches, râteaux, binettes... Des objets coupants, tranchants, piquants... Quand Marie me mit en garde, ce ne fut pas une surprise.

«Vite, vite, ils vont se réveiller! Ils sont méchants. Ils lui obéissent. Vite Papa, vite!»

A la volée, je m'armai d'un manche à balai. Au même moment, je surpris les sécateurs frémir devant moi sur leurs socles, leurs mâchoires claquant de sinistre façon. L'un d'eux s'éleva doucement, sa lame et sa contre-lame baillant dangereusement. Il se tourna lentement et vola furieusement vers moi. Comme un joueur de base-ball je le cueillis en plein vol d'un magistral revers à une main. Coup de chance. Le sécateur déséquilibré alla s'écraser contre une brouette de métal. Sous le choc, il se démantibula et retomba inerte au fond de la cuve. Heureusement, je parvins au bout de l'allée avant que tous les autres ne soient totalement réveillés.

Le spectacle qui s'offrit à moi faillit me paralyser de stupeur. Un mur vertigineux s'étirant à droit et à gauche apparemment à l'infini, était tapissé d'écrans de télévision de toutes les tailles, en noir et blanc ou en couleurs. Il y avait des centaines, des milliers d'écrans et peut-être plus encore rassemblés là, formant une muraille ininterrompue d'images animées. Car chaque écran diffusait une image. Une seule. Un visage d'enfant. Un visage différent dans chaque écran. Il y avait des garçons et filles et aucun ne devait avoir plus six ou sept ans. Il y en avait qui riaient, d'autres qui pleuraient, d'autres qui criaient et d'autres qui restaient impassibles. L'un d'eux me jeta dans un abîme de perxplexité.

«Vite Papa, il nous suit toujours!»

L'avertissement de Marie me tira brutalement de ma rêverie. Je m'aperçus avec effroi que j'avais ralenti exagérément. Un coup d'oeil dans l'allée que je venais de quitter me suffit à comprendre le danger que nous courions. La houle ténébreuse l'envahissait rapidement, formant la grossière silhouette d'une créature humanoïde aux multiples membres, escortée par une nuée de bêches têtues, de râteaux obstinés et de fourches menaçantes. Sur tous les écrans, les visages se mirent à crie à l'unisson, leurs yeux écarquillés de frayeur.

Je pris mes jambes à mon cou, la roulette du caddie hululant de plus belle. Mais imperceptiblement la chose sans nom, le Minotaure ou le Croque-Mitaine comme l'avait baptisé Marie, gagnait du terrain.

Il y avait quelque chose tout au bout de cette course infernale. Des lumières scintillantes et multicolores. A ma gauche, les écrans défilaient comme un immense kaléidoscope. De temps à autres un écran était strié de parasites grisâtres, n'affichant aucun visage.


Je serrai les dents en continuant de galoper au même rythme. Devant moi se rapprochait la guirlande de lumières. Dans mon dos, je pouvais presque physiquement sentir la présence de l'être innommable. Il avait réduit encore l'écart qui nous séparait. J'étais à bout de forces, à bout de souffle, à bout de nerfs! Un voile rouge s'abaissait sur mon champ de vision.

Dans mon esprit privé d'oxygène, une seule chose comptait encore. Maintenir la cadence, plier alternativement les genoux, remonter les jambes et encore recommencer. Encore et encore. Ma vie et mon âme en dépendaient, j'en étais convaincu. Il me fallait rejoindre les lumières tout là-bas. Elles étaient la promesse du salut. Elles devaient indiquer un havre de paix, une enclave de sécurité. Marie, au fond du chariot, gémissait doucement. Elle avait fermé les yeux et récitait, me sembla-t-il, une prière. Cela me donna un coup de fouet supplémentaire et je regagnai un peu de terrain sur mon terrifiant poursuivant.

Les lumières étaient en fait des diodes de toutes les couleurs qui formaient le mot «ACCUEIL». Elles se rapprochaient insensiblement maintenant. J'étais réduit à l'état d'automate. Mes muscles obéissaient à un instinct plus puissant que ma volonté. J'avais mal de partout. Mes bras étaient tétanisés à force de serrer la barre du caddie. Encore un effort. Un dernier effort. Je savais pertinemment que si je m'arrêtais, le Minotaure fondrait irrémédiablement sur moi. Sur nous. Et je pressentais que le sort qu'il nous réserverait alors était pire que la mort, pire que les plus cruels tourments de l'Enfer.

Cette perspective me stimula suffisamment pour que je trouve les ultimes ressources qui me permirent de plonger dans le halo lumineux, hors de portée des griffes ténébreuses qui ne happèrent que le vide.

Une lumière chaude et dense nous enveloppa aussitôt et je m'y sentis comme absorbé. Les détails autour de moi se diluèrent peu à peu. Les contours de Marie s'estompèrent également mais avant qu'elle ne disparaisse complètement, je vis naître sur son visage en coeur une joie indicible, un ravissement sans pareil, comme une libération qu'elle n'espérait plus... J'avais compris.

«Monsieur? Monsieur?»

Je me retrouvai devant le comptoir de l'accueil du Géant où une hôtesse tentait d'attirer mon attention, l'air un peu inquiet. Tout était redevenu comme avant.

«Monsieur, vous sentez-vous bien? Voulez-vous vous asseoir quelques instants?»
«Merci, mademoiselle, vous êtes très aimable mais cela va aller maintenant!»
«Vous nous avez fait un peu peur. Vous êtes arrivé et vous vous êtes immobilisé devant nous sans rien dire, comme absent! J'ai failli appeler la sécurité vous savez? Vous êtes sûr que tout va bien?»
«Oui, ne vous tracassez plus! Cela m'arrive de tant en temps mais c'est sans danger comme vous pouvez le voir!»

Je lui décochai mon plus beau sourire et je m'éloignai tranquillement. Je consultai ma montre. Mon absence hors de ce monde avait été très brève. Au fond du caddie, il y avait toujours le paquet de feuilles bleues.

Mais il n'était plus seul. Un vieux nounours me regardait d'un regard borgne et sa fourrure était passablement éliminée. Je m'en saisis pour l'examiner sous toutes ses coutures. C'était bien celui de Marie.

Finalement je compris quel était le rôle qui m'était dévolu dans cette histoire. Je souris en reposant la peluche. Il y avait tant d'enfants qui attendaient là-bas. Tant d'enfants qui espéraient. Tant d'enfants à libérer. Et même si la perspective d'affronter à nouveau le Minotaure ne m'enchantait guère, je devrai y retourner.

Ne serait-ce que pour retrouver l'enfant dont j'avais vu brièvement le visage sur le mur des écrans de télévisions. Un petit garçon qui avait cinq ans. Un petit garçon qui avait peur tout seul. Un petit garçon perdu dont les traits m'étaient intimement familiers.

Je fis le serment de revenir.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-02-24 23:13:39 

 WA, exercice n°89, participationDétails
LITOTES,GROSEILLES ET PHARANIMEUX



Je raclais le fond de la casserole de crème, tandis que maman disposait les ramequins dans le four, pour en faire dorer le dessus. La cuisine embaumait l’ail et l’estragon, le lapin mijotait de bon coeur dans sa cocotte, c’était dimanche, cinq minutes plus tard nous allions passer à table, et j’allais me régaler...
« Bébéboule ! Viens ici tout de suite ! »
Le hurlement furieux de mon père me fit sursauter. Je me léchai les lèvres une dernière fois et je filai, contrariée et inquiète, vers la voix courroucée. Qu’est-ce que j’avais encore fait ? A peine avais-je poussé la porte entrebâillée de la bibliothèque que je compris que j’allais avoir des ennuis. Profiterole, la petite chatte noire que j’avais recueillie, prise d’une folie furieuse inexplicable, faisait le tour de la pièce en galopant sur les murs, à deux mètres de hauteur, s’accrochant de toutes ses griffes aux précieux livres bien rangés, qui sous la prise forcenée s’arrachaient de leur étagère et s’envolaient en battant des feuillets, pigeons effarouchés fuyant un prédateur sans merci...
Je n’aurais jamais imaginé qu’un chat puisse ainsi défier la pesanteur. Mais c’était un tout petit chat, elle était légère, souple et musclée, et plus d’une fois j’avais dû monter sur l’escabeau pour la décrocher d’un rideau où elle s’était perchée, deux pattes enfoncées dans le tissu et les deux autres gigotant dans le vide.
« Rattrape cette bête stupide, maintenant ! Et ensuite tu rangeras tout ! Tu connais ton alphabet ? Chaque livre à sa place, par ordre de nom d’auteur ! Mais pourquoi n’es-tu pas sage comme ton frère ? Il rentre dans trois jours, je veux qu’il puisse venir travailler ici en paix ! »
Il tourna les talons et ferma la porte à clé. Les larmes me montèrent aux yeux. Le lapin... La crème brûlée... J’avais faim ! Le sol de l’immense pièce était jonché de livres, il y avait des espaces béants sur toutes les rangées, qui s’étageaient du sol au plafond... J’en avais pour la journée... et la chatte continuait à tourner, et d’autres volumes venaient s’ajouter à tous ceux qui encombraient déjà les épais tapis...
« Profiterole, s’il te plaît... » murmurai-je d’une voix brisée.
La chatte s’immobilisa, sauta à terre et vint se frotter contre mes jambes. Je m’assis au milieu de la catastrophe, enfouis mon nez dégoulinant dans son pelage noir et luisant. Mes larmes arrosaient son poil, mais ça n’avait pas l’air de la gêner. Ronronnant comme un poêle à charbon, elle me lécha le nez, cligna tendrement des yeux et s’installa sans manière sur mon tablier pour un petit somme affectueux. Je la déposai doucement sur le sol, près de moi.
« Je t’aime beaucoup, tu sais. Mais là, tu as fait une grosse bêtise ; la sieste, ce sera pour plus tard. »
Je ramassai tous les livres, que je posai sur la grande table. Cela me prit d’autant plus de temps que Profiterole, dès le début, avait décidé de s’installer sur mes épaules, et ne manifestait aucune intention d’aller jouer ailleurs. J’aurais pu – j’aurais dû, sûrement, selon les grandes personnes – me débarrasser d’elle. Mais c’était le premier animal qu’on m’autorisait à garder près de moi, dans la maison – les chiens n’y posaient pas une patte, même quand il gelait à pierre fendre. Elle était mon amie, ma confidente, ma peluche vivante, ma consolatrice, ma câlineuse, et aussi mon despote, mon tyran, ma griffeuse... Elle voulait ronronner sur ma poitrine quand c’était l’heure de me lever, et refusait d’admettre que je puisse ne pas avoir envie de jouer à quatre heures du matin. Mais je l’avais adoptée, et comme disait papa : « Tu en es responsable. » Et puis je l’avais trouvée... sur le chemin en rentrant de l’école, avais-je raconté, petit chaton perdu miaulant désespérément dans le fossé. Pour de vrai, elle s’était nichée entre deux pierres dans les ruines du château, et si elle était transie et apeurée, elle était trop faible pour miauler. Mais le château... Je ne pouvais pas en parler. J’avais l’interdiction formelle de m’en approcher, et je me souvenais encore de la correction que j’avais reçue quand Vincent avait tout raconté à papa... Vincent, lui, toujours sage, toujours premier de la classe, le frère aîné modèle... J’avais réussi à l’y entraîner un jour mais cet imbécile avait trébuché et s’était écorché le genou... Et il avait refusé de mentir... Je ne sais pas si le château m’aurait moins attiré s’il n’avait pas été interdit. En fait, il ne restait que quelques pans de murs et quelques conduits éventrés d’anciennes cheminées, un escalier en pierres branlantes, adossé à une muraille et qui menait aux vestiges du chemin de ronde, et quelques vieilles dalles presque recouvertes d’herbes folles. Mais je m’imaginais que j’en étais la Comtesse et qu’avec mes soldats fidèles, je repoussais sans cesse les attaques sauvages de nos ennemis jurés, les Scroniaks, créatures maléfiques de la redoutable sorcière Redingote, qui avait l’apparence de mon institutrice, la triste et revêche mademoiselle Redigot...
Les Scroniaks étaient des êtres monstrueux, maigres comme des squelettes, avec une énorme tête toute bosselée et rouge, visqueuse comme de la gelée de groseille (j’ai toujours détesté la gelée de groseille). Ils montaient des animaux horribles, les Dithyrantiques, au corps de vache et à la tête de chameau, dont la gueule toujours béante était encadrée par de longues défenses, comme des éléphants. Au cri de « A l’attaque ! Procrassetinons-les ! Faisons-en du jus bile à boire ! Par Euphémisse ! » , nous chargions sur nos fiers destriers, et quoique parfois épuisés ou blessés, nous remportions toujours la victoire, et ensuite nous offrions des bouquets de litotes, ces merveilleuses fleurs blanches parfumées, à la statue de sainte Euphémisse, la patronne du château de La Pointe.
Cette chatte, pour moi, était une émanation du domaine de mes ancêtres, la complice de mes escapades interdites. Et je savais qu’elle ne me dénoncerait pas.



Je contemplai la bibliothèque. Etait-ce parce que Profiterole ronronnait sur mes épaules ? J’eus soudain le sentiment d’avoir été vengée par mon amie. Je n’avais jamais été autorisée à entrer dans cette pièce. Vincent, oui, Vincent y passait des journées entières, avec mon père debout près de lui, tendrement penché derrière son épaule, souriant de bienveillance et de fierté ; ils lisaient des livres ensemble, et chaque fois que mon frère butait sur un mot difficile, mon père se faisait une joie de le lui expliquer.
« Dehors, Bébéboule, tu n’as rien à faire ici. Va jouer ailleurs ! Tu nous déranges ! Enfin, Louise, tu ne peux pas surveiller ta fille ? »
J’avais appris à lire, moi aussi, mais jamais, jamais...
Je ricanai. Ah oui, j’allais les ranger, ces livres odieux. En espérant que ce serait ceux dont Vincent aurait besoin... Pas une fois je ne regardai le nom de l’auteur. Je bouchai les trous, systématiquement, en montant sur la grande échelle, et c’était épuisant. Redescendre, remonter... Bientôt je soufflais comme un phoque tandis que les critiques acerbes de mon père me remontaient à la gorge comme un ragoût trop aillé.
« Si tu cessais de t’empiffrer... Mais regarde-toi ! Tu es grasse comme un petit cochon !
- Allons, Victor, ne dis pas ça », tempérait ma mère. « Elle est un peu ronde, mais tu verras, elle s’affinera en grandissant... »
Et toujours ce surnom qui me collait à la peau depuis ma naissance, et dont je devais l’invention, évidemment, à ce cher grand frère parfait : « Bébéboule » ! J’allais avoir dix ans !
« C’est affectueux, ma chérie », souriait ma mère. « Et puis tu seras toujours mon gros bébé... »
J’avais bien essayé de riposter en le traitant de « squelette ». Mais personne ne m’avait suivie, et une fois de plus, tout le monde m’avait donné tort. C’était toujours pareil. Vincent était irréprochable, obéissant, poli, travailleur, il était mince (maigre serait plus juste), il voulait faire médecine comme papa et il lui succèderait en son temps. Personne n’attendait rien de moi. J’étais Bébéboule, une chose informe qui redoublait ses classes et n’aurait jamais son Certificat d’Etudes. Aucune importance, on me marierait à un gentil garçon dont je deviendrais la boniche – comme ma mère. Mais en 1937, c’était de toute façon le destin des filles, diplômées ou pas. Ma mère, elle, servait mon père par choix. C’était une fille du peuple, comme disait grand-mère Léonie. Mon père avait eu bien du mal à lui faire accepter qu’une femme du village vienne l’aider pour le ménage, deux fois par semaine. Elle semblait prendre du plaisir à laver, épousseter, repasser, repriser, préparer les repas et coudre à la machine. Et surtout, elle trouvait absurde de donner des ordres à une autre femme.
« J’ai deux bras et deux jambes », répétait-elle à mon père quand il lui expliquait qu’avoir une domestique était une chose normale pour une femme de médecin.
« Je sais tenir une maison, je n’ai besoin de personne pour ça. Est-ce que tu considères que c’est honteux de travailler de ses mains ? »
Mon père se taisait, et la conversation s’arrêtait là.
Je ne savais rien faire. Quand je commençais à aider maman, elle souriait et me disait :
« Laisse, va jouer. J’irai plus vite toute seule. »
C’était vexant.
Profiterole ne m’avait jamais dit que j’étais grosse ou que j’étais bête. Quand je dirigeais mes armées dans le château, elle était à mes côtés et son regard m’encourageait. Bien sûr, ce n’était qu’un jeu.
Je n’avais vraiment pas envie de grandir.


J’avais fini de ranger. Et cela augmentait ma colère. Dans la vitrine, près de la fenêtre, il y avait la collection de pierres de mon père, dont il parlait toujours avec les yeux brillants. Tandis que j’armais ma jambe droite pour y décocher un coup de pied fracasseur, je pensais que j’allais y récolter une bonne gifle et sûrement quelques centaines de lignes, et folle de rage, je hurlai :
« Je ne suis pas sage ! Je n’étais pas sage, et je ne serai pas sage ! »
Mais avant que le coup ne fût porté, un raclement sinistre de fer rouillé retentit dans mon dos, suivi d’un grincement plus douloureux encore que celui d’une craie neuve sur un tableau noir. Je me retournai. Près de la cheminée, un pan de mur avait coulissé, découvrant une porte secrète. Ca, c’était vraiment une bonne surprise. Je n’avais absolument pas compris comment j’avais pu l’ouvrir, mais j’étais sûre que cette voie menait aux ruines. Notre maison avait été construite sur les décombres de la métairie, lorsque tout avait été détruit par je ne sais plus quelle guerre – ou la Révolution ? Je revoyais mon père racontant tout cela par le menu à son cher rejeton ; je faisais semblant de jouer avec quatre cubes de l’autre côté de la porte entrouverte. Je n’avais retenu ni les noms ni les dates – je ne devais pas avoir plus de cinq ans -, mais j’avais appris que nos ancêtres étaient les seigneurs du château et se nommaient de La Pointe. Après la Révolution ils avaient dû se cacher et ils avaient troqué leur noble patronyme contre un vulgaire Lapointe. De toute façon, je ne voyais pas la différence. Je trouvais l’Histoire sans intérêt – de même que la géographie, le français ou le calcul. Il n’y avait que les leçons de chose qui réussissaient à m’intéresser un peu, parce que ça parlait des plantes, des nuages, des animaux, de toutes les choses qui m’entouraient au quotidien et qui remplissaient ma vie.
Passer la journée dehors à jouer dans le château, c’était une perspective autrement plus alléchante que de se morfondre dans cette maudite bibliothèque. Ma colère tomba d’un coup. J’allumai la lampe à pétrole posée sur la table et toute joyeuse je m’engouffrai dans le tunnel sombre, la chatte toujours sur mes épaules.


Je ne sais pas combien de temps je marchai. Le sol était recouvert d’un sable fin, d’une blancheur étonnante. Les murs de pierre grise avaient dû être taillés dans la roche de nombreux siècles auparavant... Qui sait, j’étais peut-être la première depuis le Moyen Age à emprunter cette issue secrète, et cela m’excitait terriblement. Enfin une lourde porte en bois se dressa devant nous. Je tournai la grosse clé rouillée dans la serrure, et sûre que les ruines seraient désertes, je poussai le battant d’un coup sec. Un éclair insoutenable me frappa de plein fouet. Aveuglée, choquée, assommée, je me sentis tomber...


J’étais dans une grande cour pavée inondée de soleil. Autour de moi se dressait un château gigantesque, murailles épaisses, créneaux intacts, donjon fièrement dressé sur le ciel clair. Je n’en croyais pas mes yeux. Est-ce que je m’étais endormie sans m’en rendre compte, sur les tapis de la bibliothèque ? C’était un rêve ? Ah ! Un énorme félin noir ! ... là, juste devant moi... J’eus un sursaut de frayeur, mais l’animal cligna des yeux avec une sorte de ... tendresse et... c’était une des mimiques habituelles de ...
« Profiterole ? C’est toi ? Tu as été transformée en panthère ?
- Bien sûr que non ! », répliqua-t-elle tout naturellement. « Je suis un Pharanimeux. Regarde ! »
Ses yeux s’agrandirent comme des assiettes et projetèrent une lumière jaune vert intense et aveuglante, comme la Berliet de papa. Elle ricana en ajoutant :
« Mais il n’y a pas que moi qui ai changé ! »
Mon chemisier bleu ciel ridicule dont les boutonnières étaient tendues à l’extrême et ma vieille jupe grise râpée avaient disparu. A la place, je portais une ample chemise blanche aux larges manches resserrées aux poignets, et un... pantalon ! Enfin, une sorte de culotte très moulante, noire, comme au Moyen Age, et de hautes bottes en cuir... jolies ! Comme je me penchais pour les admirer, un poids à mon flanc gauche attira mon attention : mon large ceinturon portait un fourreau sombre qui renfermait... une épée ! Diable ! Je la tirai avec précaution. Le fil en était aiguisé comme un rasoir, et tout en haut, juste sous la garde, la lame portait une inscription gravée : « A d L P » . Albertine de La Pointe ? Ca ne pouvait pas être vrai. Mais dans un rêve, pourquoi pas.
Je me levai. La cour était déserte, c’était rassurant. Je m’approchai d’un bâtiment bas ; ce devait être un atelier, il y avait un grand établi avec toutes sortes d’outils, comme chez le père Capdenac, le menuisier du village. Dans un coin, j’avisai un miroir ovale sur pied (ma mère appelait ça une psyché). Le bois du cadre venait d’être poncé, sans doute quelqu’un s’apprêtait-t-il à le peindre. J’étouffai un cri de surprise lorsque je vis mon image. J’étais grande, svelte, élancée. Mes cheveux, mi-longs et bouclés, tombaient librement sur mes épaules, mes tresses avaient sans doute dû se défaire toutes seules, c’était un peu étrange... mais surtout...je n’avais pas le même visage ! C’était moi, j’étais sûre que c’était moi, je reconnaissais mes yeux ! Mais j’avais le nez plus long, plus fin, les pommettes plus saillantes, et en lieu et place de mes bonnes joues rebondies de Bébéboule, un visage de ... garçon ? Adolescent, volontaire, le menton pointu, les lèvres minces... Et ce corps musclé, ces larges épaules, ces cuisses noueuses et ... c’était quoi cette bosse ? Incrédule, je dégrafai le ceinturon et baissai l’espèce de pantalon. Et là...
Ma mère nous lavait ensemble, Vincent et moi, quand nous étions petits. Je savais donc que les garçons avaient... ces choses-là, dont il ne fallait pas parler et que les filles n’auraient jamais. Et moi ! Sans aucun doute, j’étais un garçon. Le vertige me prit, et je me laissai tomber sur un tabouret.
Profiterole s’était glissée dans l’atelier, souple et silencieuse.
« Etonnant, hein ? Mais tu es beaucoup mieux comme ça ! »
Je ne savais pas quoi répondre. Il est vrai que petite fille, j’avais jalousé Vincent pour ça aussi. Mais à la longue, je m’étais habituée à mon corps, et ces... appendices... incongrus... Qu’est-ce que j’allais en faire ? Je n’étais pas un garçon, je...
Il me sembla entendre crier au dehors. Il n’y avait toujours personne aux alentours. Mon regard fut attiré par un escalier de pierre... adossé au rempart... le chemin de ronde ! Dans les ruines, je n’avais jamais pu le gravir jusqu’au sommet, les dernières marches s’étaient effondrées. Je traversai la cour à grandes enjambées (que c’était agréable de se mouvoir dans ce corps !), et je grimpai au pas de course, sans ressentir le moindre essoufflement. Et pourtant je m’appuyai au créneau le plus proche, tant la beauté du site était sidérante. A ma droite, les remparts s’avançaient en angle aigu, telle la fière proue d’un navire, épousant la forme de la falaise blanche qui dominait, dans un à-pic vertigineux, toute la verte vallée au fond de laquelle serpentait la rivière, collier de pierres précieuses lascivement abandonné dans son écrin soyeux... Je m’avançai jusqu’à l’extrême pointe. La Pointe ! Les paroles de mon père me revinrent en mémoire.
« Le château doit son nom à l’architecture particulière d’une de ses murailles, qui suit l’avancée de la falaise... »
Une brise légère jouait dans mes cheveux. Je respirai à pleins poumons, ivre de bonheur et d’un étrange sentiment de puissance. J’étais au milieu du ciel, les pieds bien campés sur la pierre solide. Le dénivelé en dessous de moi était impressionnant, mais je n’avais pas peur. Pour la première fois de ma vie, j’étais à ma place, j’étais chez moi !
« Monsieur le Comte ! »
Quelqu’un criait dans la cour. Je cherchai désespérément des yeux un endroit où me cacher.
« C’est toi », m’informa Profiterole qui était une fois de plus à mon côté. « Comte Albert de La Pointe. Tu vas devoir assurer, ma grande. »
La tête droite et la poitrine gonflée, je rejoignis l’homme qui tenait par la bride un immense cheval noir.
« Vite, monsieur le Comte, les Scroniaks attaquent ! Ils ont déjà passé le bois de la Dalgue, et ils avancent dans la plaine du Gardijou ! »
Derrière lui apparut une troupe d’une vingtaine de soldats, casqués et en armure. Trois serviteurs arrivaient du donjon, portant un tas de ferraille qui m’était sûrement destiné. Mais pour une fois que j’avais un corps agréable, j’avais l’intention d’en profiter. Une voix que je ne connaissais pas sortit de ma bouche :
« A l’attaque ! Faisons-en du jus bile à boire ! »
Et les soldats se mirent à scander :
« Jus–bile-à-boire ! Par Euphémisse ! »
Mon nouveau corps sauta en selle comme si j’avais fait cela toute ma vie, et je m’élançai sur le pont-levis abaissé à la tête de ma petite armée, Profiterole galopant devant nous. Et pourtant j’étais moi. Mais je n’avais pas peur. Je n’avais jamais monté un cheval mais j’avais toujours su. J’avais le devoir de protéger ma terre et mes gens de ces immondes Scroniaks, menés par l’horrible sorcière Redingote. Ca, je l’avais vraiment fait des milliers de fois et j’avais toujours remporté la victoire. Sauf que je me battais avec un bâton contre des ennemis invisibles...


Ils étaient au moins cinquante, maigres et hideux, le visage dégoulinant de gelée de groseille, montés sur leurs Dithyrantiques lancés au grand galop. Il se dégageait d’eux une odeur fétide de choux pourri et ils poussaient des glapissements stridents à vous glacer le sang. Je dégainai mon épée et je chargeai au cri de « Pour la Pointe ! Transe en dents !
- Procrassetinons ! », répondirent mes hommes.
Mon épée fit le reste. Je n’avais qu’à la tenir fermement, elle virevoltait dans les airs, tranchait les têtes, embrochait les poitrines, taillait, feintait et estoquait. Je ne ressentais aucune fatigue, j’étais le Comte Albert, vaillant héritier d’un riche domaine, j’étais aimé, respecté et craint, que Redingote aille se rhabiller...


Les soldats m’acclamèrent quand le dernier ennemi succomba sous nos coups. Profiterole me fit un clin d’oeil joyeux, le museau encore tout dégoulinant de sang. Elle s’était battue comme une diablesse ! Nous rentrâmes au pas, tous fatigués mais indemnes, dans la tiédeur du soleil couchant, guidés par une vive lumière jaune qui déroulait devant nous un couloir scintillant. Devant le château, juste avant les douves, les villageois s’étaient réunis pour nous accueillir. Ils nous lancèrent de pleines brassées de litotes en hurlant :
« Vive La Pointe ! Vive le Comte Albert ! Louée soit Euphémisse ! Os trace isthme ! Terre à épis ! Hymne au ptère ! Synopsis ! »
Leur enthousiasme me remplit de joie, et je levai le bras pour les saluer ; je passai le pont-levis sous un tonnerre d’applaudissements. Quand je mis pied à terre, confiant mon cheval à deux palefreniers empressés, Thibault de Marzagnac, le Capitaine des soldats, mit sa main sur mon épaule.
« Albert, quand votre père rentrera des croisades, il sera fier de vous. »
Je lui souris, et la voix qui sortait de ma bouche lui répondit :
« C’est de chacun des hommes de La Pointe que mon père sera fier, Capitaine. »
Profiterole me fit signe de la suivre dans l’ombre d’un rempart.
« Il faut rentrer, maintenant.
- Où ?
- Attends, tu crois que c’est un rêve ? Ton père ne va pas tarder à ouvrir la porte de la bibliothèque, nous devons y être !
- Oui mais... »
Mon entrejambe me grattait terriblement. La longue chevauchée avait dû irriter... ces choses-là, et de plus j’avais un intense besoin de me soulager. Sauf qu’avec « ça »... J’essayai de me souvenir de Vincent, quand il arrosait les rosiers, derrière la maison. Il mettait sa main comme ça, et... Ah ! Quelle drôle de chose ! Rester debout, déjà, c’était bien pratique. Et puis, ce tuyau... La sensation était plus longue, plus précise. Le jet pouvait se diriger, c’était amusant ! Et ça avait l’air plus solide que tous mes petits replis qui avaient saigné plus d’une fois parce que je m’étais grattée trop fort...
« Alors, tu viens ? »
Profiterole me mena jusqu’à la porte, que j’aurais été bien en peine de retrouver sans elle. Je l’ouvris un peu à regret et le même éclair blanc me jeta à terre. La lampe allumée était toujours là. Je soupirai tristement en constatant que j’avais réintégré ma jupe grise et la graisse qui malmenait mon chemisier bleu. Je traînai la jambe en suivant la chatte qui trottinait dans le tunnel. Dès que nous entrâmes dans la bibliothèque, le panneau se referma de lui-même. J’eus le temps de souffler la lampe en entendant la clé tourner dans la serrure, et au moment où mon père franchissait le seuil, le sourcil toujours froncé, je réalisai que mes chaussettes et mes chaussures étaient blanches de sable... Qu’importe ? De toute façon il ne me regardait jamais. Pour une fois, je ne rentrai pas la tête dans les épaules. Je restai bien droite, le regard fier, silencieuse mais encore imprégnée de cette vaillance héroïque qui m’avait été accordée de l’autre côté du passage.
A ma grande surprise, mon père se troubla. Il avança vers moi d’un pas hésitant, tendit la main vers mes cheveux et en retira un pétale de litote qu’il contempla, médusé, pendant de longues secondes.
« Eh bien mais... Je ... Assieds-toi, Albertine, nous... avons des choses à nous dire. »
Je m’assis près de lui, devant la grande table, me demandant à quel sermon j’allais encore avoir droit.
« Est-ce que... Thibault... le Capitaine... Il va bien ? »
J’écarquillai les yeux.
« Je sais d’où tu viens. J’y suis allé aussi, quand j’avais ton âge. J’ai combattu les Scroniaks, menés par leur Sorcier infâme, le noir Grimace...
- Non ! », m’écriai-je, « c’est une sorcière ! Elle s’appelle Redingote !
- Bien sûr ! »
Mon père éclata de rire.
« Mademoiselle Redigot, hein ? Mon frère et moi, nous étions terrifiés par notre jardinier, le père Grimaud. Grimaud, Grimace... Le Sorcier change en fonction du Comte.
- Ton frère ? Oncle Adrien ?
- Oui, nous étions inséparables, alors nous sommes passés ensemble. Dans chaque génération de La Pointe, au moins un enfant trouve le chemin du château. Mais... je te dois des excuses, je n’aurais jamais imaginé... Il faut dire que jusqu’à maintenant, aucune fille n’avait pu... Je suis désolé... J’ai laissé Vincent seul ici pendant des heures et des heures, et il n’a jamais levé le nez de ses livres... J’aurais dû m’en douter quand je l’ai vu se régaler de gelée de groseille... Et il n’a jamais joué avec un animal... Or le Pharanimeux est indispensable.
- Et alors... tu...
- J’avais apprivoisé un merle. De l’autre côté, il est devenu un aigle royal ! Et Adrien jouait avec un petit lézard, qui se transformait en dragon ! Et avant nous, ton grand-père Valentin...
- Papa, j’ai un problème... Là-bas, je suis... »
Je me sentis rougir violemment, avant d’avouer à voix basse :
« Je suis... un garçon ! »
Mon père me sourit, et posa une main rassurante sur la mienne.
« Ca peut arriver ! Mon frère, Adrien, devenait la Comtesse Adrienne ! Une fille magnifique !
- Tonton Adrien ? »
Je n’en croyais pas mes oreilles. Tonton Adrien, avec sa carrure d’armoire, ses mains comme des battoirs, sa grosse voix de basse et sa barbe drue...
Un fou rire me prit, et bientôt nous riions tous les deux, secoués de spasmes incoercibles, qui nous tordaient le ventre et nous faisaient pleurer...
« Eh bien », s’étonna ma mère en entrant, « on dirait que vous vous amusez bien, tous les deux. »
La main de mon père pressa la mienne d’un geste impératif, et il me glissa à l’oreille :
« Pas un mot. C’est un secret. Nous en reparlerons. »





(à suivre)
Narwa Roquen, même pas en retard...

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2011-02-27 10:18:25 

 L'achat gagnantDétails
Chouette chouette chouette!

Ca ne nous a pas fait gagner le Crunch, mais cette plongée dans les limbes consuméristes où sont recluses les âmes des enfants perdus dans les linéaires a fait ressurgir en moi d'étranges et similaires sensations d'antan.
Pour avoir eu quelques frousses de supermarché (la pire étant celle où, trop dissipé, je me fis rappeler à l'ordre par une voix de haut-parleur que je pensais à l'époque venir du Grand Omniscient), j'ai frémi à chaque virage de caddie, devant le mur des télévisions, dans le rayon jardinage...
Bref une bien chouette idée qui m'a rappelé à quel point les supermarchés étaient/sont des univers bien effrayants, tant en termes "économiques" que symboliques. Le revisiter avec les yeux des enfants est une jolie trouvaille, et de plus le rythme est bon et la vieille dans la DS noire apporte un "je-ne-sais-quoi" qui nous prépare à une ambiance d'étrangeté maîtrisée de bout en bout, dans un contexte qui ne s'y prêtait pas forcément.

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2011-02-27 10:29:28 

 Lapin chasseurDétails
Ce texte me fait penser à un plat de saison, pour lequel les ingrédients sont simples mais l'exécution déterminante.
Je m'explique: assez peu d'originalité dans les jalons choisis (reconnaissance familiale, porte secrète, épanouissement dans l'onirique, animal-guide...) mais un rythme et une tonalité qui rendent la lecture agréable et fait qu'on se laisse très volontiers prendre au jeu. Le changement de sexe est pour moi la petite touche en plus de ta recette qui rend le texte savoureux, j'ai aimé le traitement que tu en as fait.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-03-01 16:11:25 

 Le phare à minots!Détails
Une savoureuse histoire que tu nous as livrée là. Une de ces histoires que tout enfant a un jour rêvé de vivre après avoir suivi un chemin secret. Mine de rien, à l'aide de petits détails anodins, toujours sur le ton léger et décalé du conte, tu effleures sans l'air d'y toucher, les délicates relations filiales et les non-dits familiaux. Cette petite fille a trouvé le passage secret qui la ramène dans l'amour du père! Ce passage secret qui devient un partage secret avec ce père confusément redouté en changeant le regard qu'il porte sur sa petite fille. Bien vu.

Mention spéciale pour les trouvailles linguistiques. Ma préférée étant « Os trace Isthme » (il fallait trouver!). Ces mots savants qui hantent les livres de la bibliothèque, sont devenus, détournés, concrets dans le monde de l'autre côté. L'inversion sexuelle poursuit cette fonction d'identification et est peut-être moins innocente qu'elle ne le paraît. La description de l'arrêt pipi est croustillant!

A l'instar de ma propre tentative, c'est un prologue qui augure d'autres aventures qui viendront sans doute expliquer ces fameux SCRONIAKS dithyrantiquestres.

Le style est fluide et maîtrisé, avec cette aisance et cette simplicité efficace qui font mouche dans les descriptions et les dialogues. La consigne est évidemment respectée.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-03-01 23:40:01 

 Commentaire Maedhros, exercice n°89Détails
Ah que ce titre me plaît ! Même s’il était malencontreusement prémonitoire... Je verrais bien la voix du vieux Louis rocaillant dans les haut-parleurs du supermarché le temps de cette balade hors du temps... J’ai trouvé le « passage » très habile. On n’y voit que du feu ! On se retrouve ailleurs sans avoir compris comment. Bien entendu, c’est au moment même où le héros crie victoire que les ennuis commencent... Et voilà que, comme dans la chanson, il joue le rôle de l’ange qui ramène l’enfant perdu à la maison.
Il y a quand même quelques longueurs. La vieille dame non indigne, je veux bien, on peut toujours se demander si elle n’est pas la sorcière du conte. Les tergiversations sur la liste des courses et internet, c’est vrai que c’est drôle, mais ça n’est pas indispensable. De plus, il me semble que si ton héros n’avait pas anticipé, il se serait trouvé encore plus inquiet en constatant ses difficultés à choisir les produits de la liste de courses, ce qui l’aurait encore plus angoissé.
Le moment d’horreur avec le Minotaure et les outils de jardin est en revanche excellent. Et la trouvaille des écrans de télé vaut son pesant d’or. C'est délicieusement tendre, et cela nous renvoie à cette problématique très humaine de vouloir, à l'âge adulte, tendre la main à l'enfant que nous avons été, pour le sauver de ses monstres. Quoiqu'en disent les analystes purs et durs ( "le passé en nous est à tuer"), ce rêve d'une réparation, d'une réassurance de notre moi infantile est un moteur puissant de nos actes d'adulte, et je ne suis pas persuadée qu'il soit inutile! L'imagination est un don divin, et la littérature une source inépuisable de résilience. Que du bonheur!

Bricoles :
- -remarque générale : il y a un immense désordre au niveau des temps des conjugaisons ; le passage au présent, je veux bien, mais pour le reste, c’est un fouillis ! Passé composé, imparfait, passé simple... Je pense que tu devrais partir sur la base du passé simple, qui t’est indispensable à la fin, quand l’action devient rapide. Alors que là, tu commences au présent, tu glisses dans le passé composé puis dans le passé simple, avec de l’imparfait en saupoudrage, retour au passé composé et la fin au passé simple... D’accord, la chatte a du mal à retrouver ses petits, c’est intentionnel, c’est ça ?
- -Les virgules ( !!!) : après : vous savez, tant mieux, avant : tu sais, après : vite, il vient, avant : Marie (cramponne-toi, de quel côté), avant : Papa ( vite, Papa), avant : comme vous pouvez le voir . Il en manque moins qu’avant, tu progresses, mais je ne te lâcherai pas !
- -Oubli : heureux de la serrer dans mes bras et respirer : de
- -Pare-chocs contre pare-chocs : au singulier
- -Déjà laborieux... déjà bondé : répétition
- -Leur piquer sous leur nez : sous le nez
- -Inventé de toute pièce : de toutes pièces
- -Epidémie de points d’exclamation : se marrant, piteusement, demi-écrémé
- -Majuscule : Pas de poudre
- -D’éviter l’hypermarché et me rabattre : de
- -J’étais acculé, ne pouvant plus reculer : par définition !
- -J’avais dû pénétré : er
- -En cramponnant mon caddie : en me cramponnant à mon caddie
- -Le chocolat... sa saveur était... appétissante : appétissant : dont l’aspect, l’odeur, met en appétit ; donc avant de le goûter...
- -Cela se progressait : un « se » de trop
- -En son au sein : un « au « en trop
- -Une roulettes faussée
- -Il nous aurait rattrapé : rattrapés
- -D’autres personnes qui vivent ici avec toi !: n’est-ce pas plutôt : ?
- -A droit et à gauche : droite
- -Des garçons et filles : et des filles
- -Plus six ou sept ans : de six
- -Perxplexité
- -Les visages se mirent à crie
- -De temps à autres : autre
- -J’avais mal de partout : partout suffit
- -Cela aller maintenant : oubli de « va »
- -Cela m’arrive de tant en temps
- -Sa fourrure était...éliminée : élimée, je suppose
- -Je devrai y retourner : devrais
- -Des écrans de télévisions : télévision


On trouve de tout dans ton supermarché, des allusions à « Mars et Vénus », au cinéma, Corneille, Dante... Ce n’est pas le talent qui te manque ! Mais pour une fois, tu ne l’as pas trop discipliné, sans doute pressé par le temps. A mon âge canonique, j’ai le droit de radoter... L’histoire est intéressante, elle mérite d’être reprise, condensée, exacerbée. Bien sûr que c’est très bien... mais c’est moins bien que ce que tu peux faire quand tu fais mieux... Tu nous as habitués à l'excellence, alors, bien sûr, on en redemande...
Narwa Roquen, ...coming for to carry me home...

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z653z  Ecrire à z653z

2011-03-08 19:07:21 

 réponse à Narwa (au mauvais endroit)Détails
Il ne manquait plus que ça se passe la nuit pour refaire l'exercice 83.

z653z qui fera peut-être plus long plus tard.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-03-10 15:15:43 

 Oui mais...Détails
... ça ne se passe pas la nuit, et puis ce ne sont pas des néologismes, c'est une gamine qui s'amuse avec des mots qu'elle n'a pas compris, et qui lui semblent magiques et mystérieux. Le seul point commun, c'est que ce sont des histoires de gosses. Alors peut-être que ça t'agace, et c'est ton droit...
Narwa Roquen, qui radote peut-être, mais à presque 800 ans, c'est normal...

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z653z  Ecrire à z653z

2011-03-11 16:33:50 

 ce n'est pas ça qui m'agace...Détails
C'est Sam qui Sagace.
On dirait un conte qu'une grand-mère raconte à des enfants.
L'héroïne est comme un vilain petit canard qui devient cygne mais on le devine un peu trop tôt dans l'histoire ; probablement que la description du frère est trop détaillée.

PS : en même temps, plus il y a d'exercices, plus les similitudes sont fréquentes.

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Onirian  Ecrire à Onirian

2011-03-18 14:03:39 

 Wa 89 - Commentaire NarwaDétails
J'ai trouvé ce texte tout à fait savoureux, il accroche vite et ne lâche plus, un signe qui ne trompe pas.

Les mots détournés sont excellents. J'aurai peut-être un petit bémol à dire sur le fait que la fille qui parle, possède à la fois un problème de vocabulaire et en même temps elle emploie des expressions comme "palefreniers empressés" ou "imprégnée de cette vaillance héroïque", mais le tout est si exquis que je ne saurai t'en faire reproche bien longtemps.

Bref, la suite, la suite !

--
Onirian, litotesque.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-03-18 14:31:34 

 Si j'avais le temps...Détails
... j'écrirais la suite... Je me suis posée la même question que toi, en écrivant. J'ai laissé volontairement la narratrice utiliser ce langage élaboré, parce que c'est une adulte qui raconte son passé, donc elle ne s'exprime pas comme un enfant. La suite est dans ma tête, avec la guerre de 39-45 qui arrive... mais les journées n'ont que 24 heures, je suis encore obligée de travailler pour vivre, j'ai encore besoin de dormir de temps en temps... Et au fait, j'ai commencé "L'atelier des mirages"; dix pages sur le papier, mais dans ma tête...
Narwa Roquen, si j'avais le temps...

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Onirian  Ecrire à Onirian

2011-03-21 12:16:15 

 Tempus FugitDétails
Oh !
Je prend mon ticket pour faire béta-lecteur ! Obligé ! Et si jamais il parait (sait-on jamais), j'exige dès à présent une dédicace.
Te voila prévenue ;-))
(Et si tu veux, je veux bien t'écrire une préface ;-p)

Et si j'avais le temps, j'aurai beaucoup moins de retard dans les wa. Et le pire, c'est que c'est vraiment pas parti pour s'améliorer dans les prochains temps, bien au contraire.

Si une âme généreuse et extrêmement riche lit ces lignes, pensez à nous faire un don pour qu'on puisse écrire sereinement !
(30k€ par an et par personne me semble une somme tout à fait intéressante. Et promis, à ce prix là, je fais l'intégralité des wa !)

--
Onirian, rêveur.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-03-21 14:39:33 

 A ce tarif là...Détails
... j'écris un roman par an, voire plus! OK pour la dédicace ( c'était prévu); OK pour la préface aussi... sauf que là je suis à fond dans la compta et pas le temps d'écrire une ligne... Mais rêver c'est comme le printemps, ça ne change pas grand chose mais ça fait du bien...
Narwa Roquen,il te reste de la moquette?

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Onirian  Ecrire à Onirian

2011-03-21 15:53:05 

 MoquetteDétails
Narwa : il te reste de la moquette ?

Si tu lis la wa 84 que je viens de poster, tu verras que oui ^_^

Et je suis bien d'accord avec toi, ça fait parfois du bien de rêver.

--
Onirian, qui n'aime pas la compta (C'est peut-être pour ça que je ne suis pas multi-millionnaire...)

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-03-22 14:25:03 

 Gros malin...Détails
... les multi millionnaires, eux, ils se paient des comptables...
Narwa Roquen,1 + 1 = euh...

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Netra  Ecrire à Netra

2011-03-30 12:37:22 

 Wa, exercice n°89 partie 1, où l'on retrouve Lou.Détails
Ce texte est la suite (encore plus longue) de Nouvelle Lune. Il raconte le Passage de Lou, forcément, ça c'est pas un scoop. Ceci dit entre la fin de la WA 83 et ce texte-ci, il s'est passé une vingtaine de jours durant lesquels elle a découvert que son croc était une excellente arme anti-vampires, et beaucoup d'autres choses qui les ont finalement amenés à Paris. C'est là que commence l'histoire. Érik est l'ange gardien et Sigismund, que Lou appelle Sig', est un jeune vampire qui, bien qu'il soit passablement cinglé, leur a donné un certain nombre d'informations.

Dernière chasse, première chasse

Histoires de savons

- Lou ? 
- Laisse-moi tranquille !
C'est pas la peine, je le sais bien. Mael n'est pas du genre à se démonter pour des râleries. Il va trouver le moyen de m'obliger à aller à l'étuve, rien que parce qu'il est plus fort que moi, et de convaincre une servante bien trop gentille de démêler mes cheveux en me faisant très mal et de m'habiller avec une de ces robes pas pratiques dans lesquelles je me prends les pieds à tous les coups. Après, je devrais encore suivre damoiselle Hildegarde je sais pas où, en ne l'ouvrant que pour lui signaler qu'elle a encore la tête en l'air et qu'elle n'a même pas entendu ce qui se murmure autour d'elle, et en n'ayant en remerciement que de méchantes réflexions sur mon odeur ou mes vêtements. Pendant le voyage, elle m'a à peu près appris à me tenir dans une cour, ce qui signifie ne pas parler sauf pour saluer les gens qui sont d'un rang supérieur au mien. 
- Et pour ceux qui sont d'un rang moindre ?
- Y'a pas, avait tranché damoiselle Hildegarde.
Ça, au moins, c'était dit. Y'a qu'à moi qu'elle cause comme ça, même Mael a droit à un langage un peu plus relevé. Pourquoi personne veut jamais m'adresser la parole normalement ? Je suis pas un chien, que je sache ?! Seul Bartholomey me parlait comme à une humaine, et il est mort maintenant. N'empêche qu'Hildegarde, elle me délègue sans vergogne le rôle que ses yeux et ses oreilles devraient tenir...
Je veux plus.
D'abord, je déteste cet endroit. On est depuis trois jours dans cette grande ville tout en pierres, sale, puante, où tout le monde se marche dessus et où il n'y a nulle part où trouver à manger sans qu'on vous y demande des sous. Et moi j'ai pas de sous, donc je me retrouve encore à dépendre de damoiselle Hildegarde. Et comme Érik ne m'a pas laissée rentrer à l'ermitage, je suis forcée de suivre ses histoires.
Ensuite, j'ai plus le droit de rien faire à part attendre, cloîtrée dans les appartements qu'on a donnés à damoiselle Hildegarde, que tout le monde ait statué de son sort, ainsi que de celui de Mael et du mien, dans lequel nous n'avons tous deux plus rien à dire. Remarque, moi j'ai l'habitude d'occuper le dernier rang de la société, ça fait cinq ans que c'est le cas. On peut toujours considérer ça comme un mieux...
Enfin, il y a le coup du corps de Bartholomey qui n'est plus dans la cabane qu'on jurerait qu'il s'est envolé, et que je ne peux dire à personne à part Érik, qui pour le moment est complètement inaccessible. 
Donc je suis triste, frustrée et fâchée, et Mael a intérêt à ne pas trop m'embêter sinon je vais devenir méchante. 
- Lou, sois raisonnable... 
Aucune envie. Je reste où je suis, assise sur le banc de la fenêtre, les cuisses contre la poitrine et la tête sur l'épaule pour pouvoir regarder dehors tranquille. Et si tu te figures, Mael, que je vais me tourner pour te voir, tu te fourres le doigt dans l'oeil jusqu'à l'omoplate. T'as peut-être peur de ce qui va se passer cette nuit, mais moi pas, alors c'est pas la peine d'essayer de te trouver un passe-temps et un passe-nerfs en me collant au bain pour la troisième fois du mois. Je sers déjà de joujou à Érik, Hildegarde, et heureusement que le prévôt de Dinan et Sig' sont à au moins dix fois vingt milles d'ici ! Alors tu vas pas t'y mettre toi aussi !
- Messire Érik ne va pas aimer ça. Pendant que tu iras à l'étuve, je demande qu'on te lave tes vêtements, ils seront secs ce soir et tu pourras les remettre.
Cause toujours. En plus Érik il s'en fout pas mal que je sente la bestiole, tout comme il se fout que je serve d'animal de compagnie à une damoiselle capricieuse et bornée. 
- Ma petite Lou, si tu continues comme ça, ça va pas le faire !
- Gné ?
Aïe. Pas tout compris mais mauvais présage. Très mauvais présage. 
- Lève-toi et viens avec moi à l'étuve. Tu te saliras autant que tu veux demain pour retrouver ton odeur naturelle de marcassin fangeux, mais d'ici là... 
- Hya !
Il m'attrape par le col de mon gilet en lapin un poil avant que j'essaie d'esquiver. Je me débats comme une diablotine, mais il est plus fort que moi et vu que je suis 'luquette, il me décolle les pieds du sol pour que je me calme. Sensation que, d'ailleurs, je déteste. Je fais semblant d'arrêter, pour qu'il me repose et que je puisse en profiter pour m'esbigner, mais il me grille et me coince sous son bras. Raté... 

Je ressors de l'étuve le visage récuré, le corps étrillé, la peau irritée, les cheveux tiraillés en une tresse trop tendue et habillée avec une robe pas pratique et trop longue dans laquelle je me prends les pieds, pieds d'ailleurs à présent chaussés d'une paire de bottines exiguës dans lesquelles ils ruent pour se libérer. J'ai réussi à échapper à une servante beaucoup trop zélée qui voulait me faire des macarons en la mordant bien fort à l'avant bras, pour la convaincre de laisser sa copine s'occuper de mon cas et surtout d'une coiffure simple et pratique. Maintenant je pue le savon à dix lieues, c'est une horreur, j'ai l'impression de sentir comme damoiselle Hildegarde. Mael, lui, a l'air un peu plus calme que tout à l'heure, comme si donner des ordres et des indications aux servantes l'avait détendu, mais il a tenu parole : quand je rentre, mes vêtements sèchent au soleil du printemps. Ça m'ennuie, ils auront perdu l'odeur de la forêt. Il n'y a qu'une seule personne que mon odeur de forêt n'incommode pas, c'est Érik, et si j'ai bien compris il n'est pas tout puissant ici comme il l'est dans les bois environnant Dinan. Ça fait un peu bizarre d'ailleurs. Érik m'a toujours protégée, même s'il m'a aussi longtemps collé la chair de poule. J'ai l'impression qu'ici si je suis en danger ça ne sera pas pareil, on n'est pas chez nous, lui et moi. Donc soit je me tiens à carreau et je fais ce qu'il attend de moi, soit il me re-colle une triple cicatrice plein dos comme la dernière fois. Tu parles d'un ange gardien !
Je rentre dans les appartements qu'on a prêté à damoiselle Hildegarde. En tout et pour tout c'est une chambre avec un petit salon, seule pièce où elle nous tolère, Mael et moi. Tous ces jours-ci, je suis allée dormir dans l'écurie, j'y suis mieux qu'ici. Le gars est plus dévoué, il a dormi sur une paillasse qu'il planque le jour dans l'un des deux coffres de la pièce. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup de bancs, de coffres et de chaises ici, et même des coussins, un fauteuil (mais il est pour la damoiselle, je l'aurais essayé si ça n'avait pas impliqué une sacrée rossée...) et des tapis et des tapisseries dont une sur laquelle il y a une femme à l'air très douce, habillée comme Hildegarde. En plus, il y a les deux servantes (celle que j'ai mordue et celle qui est gentille) et un page à sa disposition, là ils sont tous dans la chambre et je crois qu'elle est en train de se faire belle. Je suis mal à l'aise ici, j'ai jamais vécu dans un endroit aussi meublé, décoré et riche. La damoiselle par contre a trouvé ça « modeste ». Bizarre. Mais elle a pas demandé plus, parce que Sig nous a bien fait comprendre que tout ce qu'on demandait, on aurait à le payer par un service ou autre chose. L'avantage, c'est que je crois que personne ne me fera payer la paille de l'écurie, celle que je partage avec les chevaux. 
Je m'assois talons contre les fesses sur le banc des domestiques, à côté de Mael, qui polit son épée en silence, et je commence à écrire mon alphabet sur le dos de mon pied avec mon croc en bougonnant. Ça ne lui plait pas, évidement. Peut pas me laisser tranquille ?
- Arrête de geindre tout de suite si tu veux pas t'en prendre une, compris ? T'as plus de chance que nous.
J'aime pas qu'on menace de me frapper. Quand j'ai fait une bêtise à la rigueur, mais là j'ai rien fait, je révise mon alphabet, et voilà qu'il m'agresse, méchant !
- Pardon ?
- De nous trois, tu es la seule à connaître ton... Comment disait messire Sigismund ? Ton Sire.
- Mon Père.
- Érik sera sans doute un père pour toi, du moins jusqu'à ce que tu saches te débrouiller toute seule, mais damoiselle Hildegarde et moi...
- Sig' a dit qu'ils étaient supérieurs à Érik, j'y ai demandé. 
- Peut-être, mais nous ne les avons jamais vu. Nous ne parlons pas des convives d'un repas de noces, Lou, mais de notre mort, au cas où tu l'aurais oublié. Et l'autre chose que tu sembles avoir oublié, c'est que nous sommes chrétiens ! Serons-nous punis pour avoir choisi cette voie ? Est-ce l'oeuvre de Dieu ou les tentations du Diable qui nous ont poussé à accepter ce pacte ? Je ne sais même pas qui sera mon Sire, et damoiselle Hildegarde non plus. Alors que tu connais Érik depuis longtemps et qu'il a déjà fait beaucoup pour toi.
- Beaucoup tu parles ! Il me castagne pour des raisons que je comprends même pas et ne répond jamais quand je lui pose une question qui l'ennuie !
- C'est moi que tu ennuies pour le moment, Lou. 
Ça, c'est l'entrée de damoiselle Hildegarde. Elle a mis une robe tellement magnifique que je savais même pas que ça existait, et elle elle a pas échappé aux macarons, mais sur elle c'est beau, noble, élégant... Elle a choisi un rouge de vin fort, qui tranche avec sa peau blanche, et elle s'est même maquillée. À croire qu'elle va vraiment à une noce... 
- Mael, si tu es si pressé de connaître ton Sire, tu seras bientôt fixé : le soir tombe. Je crains qu'il ne soit trop tard pour avoir peur de la damnation. 
Du damoiselle Hildegarde tout craché. Tranquille, paisible, on devinerait pas qu'elle va se faire tuer ce soir... Elle a été beaucoup plus choquée par la perte de son château qu'elle ne semble l'être par la perte de sa vie. Elle a même pas les foies, ou alors elle se croit toute-puissante. Je les laisse causer de choses de riches et je vais chercher mes vêtements, qui sont secs. Je retrouve avec délice ma jupe en lambeaux si légère, ma chemise de haillons qui me laisse libre de mes mouvements et surtout, surtout mon très cher et adoré gilet en peau de lapin que j'ai mis tout un automne à faire, pour tanner et coudre les peaux ensemble sur deux couches chaudes et douces. Il descend délicieusement jusqu'à mes cuisses comme je ferme ma ceinture, que Mael appelle ironiquement mon lacet, parce que j'ai pas de boucle donc je fais un noeud. J'abandonne aussi les bottines. Même si la pierre du sol est froide et dure sous mes pieds, rien à voir avec la chaleur moelleuse des sous-bois, je suis plus à l'aise les orteils à l'air.
Je retourne avec Mael et la damoiselle. Ils ont changé de sujet, ça jacte de la foire de Lehon. Une idée à Mael, ça. Faire une foire pour réunir de l'argent pour reconstruire l'église. Ils veulent la faire en pierre, je crois qu'ils regrettent un peu celle en bois que j'ai brûlée. Enfin ça ils sont les seuls à le savoir. En fait je leur aurais pas dit si j'avais pas été obligée. Mais quand la damoiselle s'est emportée et a failli jurer de pendre celui qui avait allumé l'incendie, j'ai dû l'en empêcher, parce qu'elle aurait fini par savoir. Érik aurait pas vendu, mais Abélard a survécu et lui, il se serait pas gêné. Surtout s'il avait eu vent du serment qu'elle a failli faire ! Enfin maintenant ça fait cinq personnes en plus de moi au courant, dont deux susceptibles de vendre la mèche. Sauf que d'ici deux ou trois heures, ça n'aura plus d'importance : Érik sera devenu mon père. 
Netra, première session d'enregistrements J-19

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Netra  Ecrire à Netra

2011-03-30 12:39:08 

 Wa, exercice n°89 partie 2, où le Soleil se couche.Détails
Sur le toit

Je retournée à la fenêtre, pour voir dehors. J'ai tellement de mal à rester entre quatre murs... Bartholomey disait que je vivais dehors, c'était pas tout à fait vrai, je suis toujours rentrée dormir à la cabane sauf une fois ou deux où j'étais allée trop loin, mais je sais dormir dans les arbres... Remarque, je le ferai plus, si j'ai bien compris de l'autre côté on n'a pas le droit d'approcher le soleil, ça brûle. Érik déteste le feu et le soleil, ça j'ai bien compris. Ça avait l'air d'être pareil pour Sig, alors ? C'est vraiment comme dans les légendes ? Pourtant, l'ombre de l'église, elle n'avait pas peur de la croix... Je suis un peu perdue. Je crois que j'ai un peu peur aussi. Et si Érik se rate et si je meurs vraiment ? Bah, ça fera pas un grand vide. Pour ma famille, je suis morte il y a cinq ans. Pour Bartholomey, j'étais peut-être quelque chose mais ça ne risque plus. Pour Mael, je suis un défouloir, pour Hildegarde un animal de compagnie pratique et pour Érik, ça... Je sais pas. Il me reproche d'être imprudente quand il n'est pas avec moi, mais me demande des choses risquées. Il me protège, mais je lui obéis. Il semble m'avoir choisie, mais est-ce qu'il avait vraiment le choix ? Il veillait sur les bergers. Peut-être me préférait-il Jehan, ou Romaric ? Peut-être que je suis juste un genre d'esclave pratique et docile ?
Lou, tu te poses trop de questions. 
J'ouvre la vitre. C'est pas du tout comme le château de Lehon, ici, y'a des vitres aux fenêtres avec le toit en dessous. C'est joli de dehors mais surtout c'est très pratique : s'il n'a pas plu depuis quelques jours, on peut monter sur le toit, au-dessus de la fenêtre, et s'asseoir à califourchon dessus. C'est un palefrenier qui m'a montré comment faire. Je jette un oeil à l'intérieur. Mael et damoiselle Hildegarde jactent comme des pies, et comme d'habitude personne ne fait attention à moi. Parfait. Je me glisse par la fenêtre ouverte, j'assure ma prise sur la pierre, je grimpe quelques pieds et je m'assois là où c'est bien horizontal, une jambe de chaque côté de la pente, juste au-dessus du carreau. J'ai une vue superbe sur Paris, ses dédales de rues sales et puantes et encombrées et détestables, mais mieux encore je vois le soleil descendre sur la campagne au-delà des murs. Alors j'en profite, une dernière fois. Il est jaune d'abord, puis orange et puis rouge, un beau rouge, un peu moins dur que les yeux d'Érik dans la nuit, un peu moins violent que les robes d'apparat de damoiselle Hildegarde. Il a... la couleur des fraises des bois. Je n'avais jamais remarqué que le soleil couchant avait la couleur des fraises des bois, un rouge à la fois vif et tendre et brillant... C'est beau. 
Ça me rappelle Romaric. On allait voir le soleil se coucher sur la colline, quand on était petiots. Il descendait, et descendait, et grossissait en même temps. Toute tiote, j'avais peur qu'il n'enflamme les forêts à l'ouest de chez nous, tellement il semblait proche, et Jehan et Romaric se moquaient de moi en disant qu'il était bien trop loin, qu'il tombait dans l'océan. Alan et Pierrig croyaient comme moi, mais c'est qu'on avait presque le même âge. Quand j'avais peur les premières fois dans la forêt, mon frère et Romaric se mettaient chacun à côté de moi et me donnaient la main. Ils m'apprenaient à apprivoiser la forêt, à reconnaître les baies qui se mangent et celles qui tuent ou rendent malades, et les champignons, les traces d'animaux... Ils disaient, les garçons, qu'ils me protégeraient toujours, mais que je devais aussi savoir me protéger moi-même, et ils me défiaient et on se battait. On était heureux. 
Même après, chez Bartholomey, c'était pas pareil mais j'étais heureuse aussi. Sereine, c'est plus juste. Bartholomey avait le don d'apaiser, de calmer. Ma soif de vengeance, ma haine pour Abélard, la douleur sourde d'avoir perdu ceux que j'aimais pour toujours, ma colère envers moi-même qui avais survécu quand ils étaient tous morts, il les avait apaisées sans que j'aie même à lui raconter. En cinq ans, je n'ai jamais eu envie d'aller au château tuer Abélard. Mes pas se détournaient du chemin de mon village sans que j'y réfléchisse. C'était Bartholomey qui faisait ça, je crois. Il était doux et gentil, n'élevait jamais la voix et les rares fois où il m'a punie, c'était en me faisant réciter mes prières. Il ne m'a jamais demandé d'où je venais, pourquoi ni ce que j'avais fait. Il m'a accueillie, simplement. 
Et moi, j'ai abandonné son cadavre dans la cabane sans même lui donner une sépulture. Petite Lou, tu dis qu'Érik est aussi monstrueux que bienveillant, mais regarde-toi ! Tu es encore humaine et tu es déjà un monstre, toi aussi. Et tu n'es pas bienveillante, tu ne penses qu'à sauver ta peau.
Ah... 
Le soleil n'est plus qu'un fin, très fin filet de lumière à l'horizon. Il va bientôt disparaître, j'attends. Je veux voir le dernier rayon s'éteindre. Après tout, c'est la dernière fois, non ? Je peux bien en profiter !
Voilà. Il fait nuit. Je redescends de mon perchoir avec précaution, pas l'intention de me faire mal ou pire, de tomber ! Je repasse par la fenêtre, Mael et damoiselle Hildegarde n'ont même rien vu. Comme toujours. Je suis sûre que je disparaîtrais ils s'en apercevraient trois ou quatre jours plus tard ! Je traverse la chambre, je passe presque devant eux. Cette fois Mael réagit.
- Lou ?
- Je vais retrouver Érik. On se retrouve de l'autre côté !
Je fais semblant que tout va forcément bien se passer pour tout le monde, mais je ne suis pas tout à fait tranquille quand même. J'espère que les Sires de Mael et surtout, surtout d'Hildegarde ne vont pas les rater, sinon comment je vais manger ? À moins qu'Érik ne me ramène à Dinan tout de suite mais ça m'étonnerait...
Je suis dans la cour. Il a dit qu'il viendrait. 
Il a dit qu'il viendrait.
Fais-lui confiance, Lou. Fais-lui confiance.
Netra, première session d'enregistrements J-19

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2011-03-30 12:41:46 

 Wa, exercice n°89 partie 3, où la proie est en proie au doute.Détails
Dernière chasse

Lorsqu'il est venu m'emmener tout à l'heure, je ne pensais pas que nous irions si loin. Je trottine derrière lui, mes jambes sont trop courtes pour que je puisse marcher si vite que ça. Nous sommes sortis de Paris, je sais pas trop comment. La lune décroît dans le ciel, bientôt ce sera la nouvelle lune à nouveau, comme quand tout a commencé. L'ombre de la lourde silhouette d'Érik m'enveloppe entièrement. Il n'a rien dit, comme d'habitude. Il ne dit jamais que le strict nécessaire. Parfois moins. 
Je suis calme au-dehors, mais dedans ça bouillonne et ça tourbillonne d'impatience. Érik va devenir mon père. Mon Sire, comme dit Sig'. J'ai l'impression qu'il m'avait choisie avant même que je ne le connaisse. Je me souviens de sa présence dans les forêts de mon enfance, quand nous allions braconner les nuits d'été avec Jehan, Romaric et les autres. Menaçant, scrutateur, distant mais jamais agressif. Et puis la première fois que je l'ai vu, avec Bartholomey. « Il t'a acceptée » avait dit le vieux. Il savait peut-être pas à quel point. Depuis que je rôde dans les bois, Érik a toujours été là. Et il ne m'est jamais rien arrivé. Je ne me suis jamais fait attaquer par les loups, même au coeur de l'hiver. Les hommes et les ours aussi m'ont laissée en paix. Y'a juste un sanglier, une fois, qui m'a cherché des noises mais c'est moi qui ai gagné, grâce à mon piège. Quand j'ai rejoint damoiselle Hildegarde et Mael, il est encore venu nous aider à aller récupérer les livres dont elle avait besoin. Quand enfin nous avons dû fuir Lehon en catastrophe, il m'a appelée, je lui ai répondu et il est venu nous chercher pour nous conduire en lieu sûr. Je comprends pourquoi Bartholomey l'appelait l'ange gardien. Mon père à moi préférait à tous notre aîné, Malo, et disait toujours qu'il n'y avait que de lui dont il était fier, que nous quatre cadets étions des vauriens. Alors maintenant que j'ai une deuxième chance, je ferai tout pour être digne de mon nouveau père.
Nous sommes dans un petit bois, il y a un monastère un peu plus loin. À croire qu'il adore ça, les monastères. Je ne dis rien. Il ne répondrait pas. De toute façon, Érik au début je croyais qu'il savait plus parler à force de grognements, de silences et de hochements de tête. Remarque que ça me va, j'aime pas les caquetages inutiles à la damoiselle Hildegarde. Pourquoi est-ce que je fais aveuglément confiance à cet homme qui, j'en suis pourtant convaincue, me laissera choir dès que je ne lui serai plus utile ?
Je tourne la tête, attirée par un mouvement sur ma droite. J'ai cru voir un animal, peut-être un chat sauvage... Je me retourne vers Érik. 
Il n'est plus là. Érik n'est plus là. 
Il était à mes côtés une seconde avant, et il a disparu comme ça, sans un bruit, sans rien dire, sans... 
Je...
- Érik !
J'ai la chair de poule. Je sais qu'il est là. Il m'a abandonnée au milieu de cette forêt mais il est là. Je sens son aura menaçante, lourde, qui emballe le coeur mais cette fois elle est agressive. Mais qu'est-ce qu'il fait ?
Je n'arrive pas à savoir où il est. Je m'immobilise. Je sais ce qu'il fait. J'ai compris. Il chasse. Je suis sa proie. Hors de question. C'est ce que tu voulais, depuis le début, hein ? Tu as joué avec moi, et maintenant que je ne te suis plus utile tu comptes m'éliminer comme ça ? Même pas dans tes rêves, Érik. Je ne te laisserai pas faire, tu vas voir. Je ne suis pas une petite bête inoffensive. 
Je vais survivre, encore une fois. Même si je ne suis rien pour personne, même si personne ne m'attend, même si je ne manquerai à personne. 
Je vais survivre, et tu ne pourras rien y faire. 
Il s'est éloigné, mais il est encore là. Il me regarde. Il s'amuse. Il veut jouer avec moi comme un chat avec une souris. Il s'attend à ce que je fasse quelque chose. Mes mains glissent lentement le long de mon corps, la droite vers mon croc autour de mon cou, la gauche vers mon poignard. 
D'un coup je détale. 
J'ai eu le temps d'étudier le terrain, ça monte vers le sud, y'a un genre de colline là-bas. Ne jamais se laisser dominer par un ennemi plus grand et plus lourd. Si on est dessous, on est mort. Ne pas se cacher, une cachette c'est traître, tout traîne autour : des traces, une odeur, un mouvement, le bruit d'une respiration. Je préfère encore mourir en me battant et lui faire payer le prix de sa proie à coup de cicatrices. Je cours, je croise un ruisseau, d'instinct je remonte le courant et ressors sur un rocher, pour effacer mes traces. J'ai pas peur. Pas le temps d'avoir peur ou d'être en colère. Je dois survivre. Érik m'a lâchée, tant pis. Survivre, c'est tout ce qui compte. Et cette maudite odeur de savon... 
Coup de chance, je croise la bauge d'un sanglier, je me frotte au passage avec la tourbe boueuse dedans. Fin de l'odeur de savon, faudra trouver autre chose si tu veux me suivre ! J'arrive à un champ de rochers. Rien de mieux, je m'engage dedans, je saute de l'un à l'autre sans laisser la moindre trace, entre les fourrés dans lesquels malgré ma vitesse je fais attention de ne pas laisser de lambeaux de vêtements. 
Je m'arrête. Je ne sens plus sa présence. Je l'ai semé ? Si facilement ? Ça m'étonnerait, il court plus vite que moi. Réfléchis, Lou. Érik est un chasseur, comme toi. Mets-toi dans sa tête, en chasse d'une proie plus lente et plus faible que toi. S'il a deviné mes intentions, il m'a devancé et m'attend. Je dois trouver quelque chose qu'il ne devinera pas. Qu'il craindra. Je dois tenir jusqu'à l'aube, et là je pourrai m'échapper sans laisser de traces nulle part.  Je sais. J'ai vu un oratoire tout à l'heure, avec des vivres dessous. Ça veut dire qu'il y a un ermitage pas loin. Un ermitage. Un humain. Du feu. Je me concentre un instant. Quelques ronces dérangées me renseignement vite sur la direction à prendre. En toute logique, je dois être à un jet de pierre de cet oratoire. Je peux le faire. Cours, Lou !
Une douzaine de foulées plus loin, je vois la lueur d'une fenêtre. J'y suis presque ! Mais...
Il se rapproche, vite, très vite, trop vite ! Il a compris ce que je comptais faire. Trop tard, Érik, cette fois c'est moi qui vais gagner ! Je défonce la vieille planche mangée de mites qui sert de porte à la cabane, faisant bondir l'ermite hors de son lit. 
- Je vous emprunte ça ! dis-je en saisissant une branche d'une taille pratique (longue, ni trop fine, ni trop grosse) dans le foyer. Désolée pour la porte !
Je ressors en courant. Érik est là, devant moi. Sous sa forme de loup, celle sous laquelle je l'ai vu pour la première fois. Énorme, immense, qui joue à faire jouer ses muscles pour m'impressionner, les babines retroussées pour mieux dégager ses crocs.
Tu veux jouer à ça ? 
Je brandis ma torche. Il recule. Il n'aime pas le feu, pire en fait, il déteste le feu, il hait le feu. Je ne le laisserai pas faire. Je tiendrai jusqu'à l'aube. Il commence à tourner autour de moi. J'ai rengainé mon poignard, mais j'ai toujours mon croc en main. Je recule d'un pas. Attention, Lou. Il essaie de t'emmener quelque part.
L'ermite est sorti de sa cabane, ce fol !
Il regarde Érik avec des yeux éberlués, effarés, comme s'il doutait de ce qu'il voit. 
- Rentrez ! Il ne vous fera rien. Sa proie, c'est moi. 
Pas besoin de lui redire. Il referme ce qui reste de sa porte et j'entends distinctement le murmure d'un Pater à l'intérieur. Érik continue de tourner. Je lui fais face. Il n'approchera pas tant que je le menacerai avec la torche. Pitié, que le vent ne se lève pas !
Ah... Il va ruser. Il va essayer de me faire éteindre ma torche, qui n'est pas vraiment faite pour ça puisqu'il n'y a pas de linge à l'eau de vie au bout. Il tourne autour de moi, de plus en plus vite, il veut me désorienter. N'y pense même pas ! Je m'arrête net, prête à me battre. Je pivote juste assez pour ne pas lui laisser d'angle mort. Tenir jusqu'à l'aube. À l'aube il ne pourra plus rien. Le mieux, ce serait de le faire fuir. J'ai besoin de répit. Pour le faire fuir, je dois le blesser. Pour le blesser, je dois l'approcher, ou lui m'approcher. Le provoquer... ça peut marcher. Je ne l'ai jamais vu en colère, mais après tout je ne le croyais pas capable de m'abandonner alors qu'il m'avait acceptée, puis déclaré qu'il voulait être mon Père. Je gronde, un grondement bas, sourd, provoquant. Il tique, ça ne lui plait pas. 
- Qu'est-ce que tu as, tu as peur ? 
Je souris, insolente. Je pourrais faire mieux, mais j'attends qu'il tique encore. Ça le chatouille. Très bien. Je repère rapidement une branche capable de faire une seconde torche. Je bande mes jambes, en braillant je cours quelques pas vers lui, il recule avec nonchalance. Je m'empare du bâton, que j'enflamme à son tour. Il est bien long, au moins aussi haut que moi. 
- Je te préviens, tu m'approches, je te brûle. Je ne serai pas ta proie, Érik. 
Il gronde. C'est autre chose que quand c'est moi, ça fiche les foies, mais je sais qu'il est inutile de fuir. Je fais face, je tais tout en moi. La peur, la colère, la rage, il ne reste qu'une froide détermination. Il fait volte face et disparaît. Je ne suis pas dupe. Il fait semblant de fuir. Tu ne me piégeras pas comme ça !
Je retourne vers la colline aux rochers, lentement, attentive aux moindres bruits, aux moindres mouvements. Maintenant trouver un endroit abrité, où je pourrais être invisible. Je ne l'ai éloigné que temporairement. Je dois trouver un lieu sûr, facile à défendre. Il ne me reste plus qu'une ou deux heures avant l'aube. 
Un corbeau croasse derrière moi. Je n'y fais pas attention, même si Érik est capable de se changer en corbeau il ne m'attaquera pas sous une forme aussi faible, surtout si j'ai du feu. Erreur. Ce n'est pas un corbeau, mais une douzaine qui me rentrent dans le dos sans cérémonie et m'envoient rouler par terre. Je lâche mes torches, la plus longue, trop mince, s'éteint. L'autre n'est plus qu'un brandon vacillant à un demi jet de pierre de moi. Ma main droite serre mon croc très fort. Il est là. Il est tout près. Les corbeaux, c'était lui. Je ne savais pas qu'il pouvait parler aux animaux. Je bondis, je me retrouve sur mes pieds, acculée à un gros chêne. Il se tient là, face à moi, debout sur ses quatre pattes épaisses. Il retrousse les babines, émet un grondement qui pourrait faire peur. J'ai pas peur. J'ai décidé de ne pas avoir peur. Ses yeux rouges dardent sur moi un regard dément, il veut me tuer. Il veut sa proie. Je ne peux plus fuir, je ne peux plus me cacher, j'étais si près du but... Non, Lou, tu n'es pas encore morte. Il te reste ton dernier atout. Dans la crypte, ton croc avait blessé le serpent-vampire d'une plaie qui ne se refermait pas et saignait beaucoup. Tu peux encore te battre. Tant que je ne suis pas morte, je peux me battre. 
Il se tapit, il va bondir, je le sais. J'attends. Je fais semblant d'être tétanisée par la peur, mais il n'en est rien. Si je le blesse à la patte ou au ventre, il sera ralenti, je pourrai fuir. Attendre qu'il saute, se jeter à terre, le blesser et s'enfuir. 
Il se jette sur moi. Je roule sous lui, de côté, je lui plante mon croc dans le flanc et jusqu'à la patte arrière, puis je me relève et je décampe. Il me suit. Quoi ? Il me suit ? Il n'est pas blessé ? Mon croc aurait dû le ralentir, je lui ai laissé une belle marque ! Je fais volte face juste à temps pour encaisser le choc du contact dans la poitrine et non dans le dos. Je fais le dos rond, je lui attrape les oreilles et je laisse rouler comme quand je faisais face à Romaric. Il ne s'attendait pas à si peu de résistance, il passe par-dessus moi et tombe sur le dos. Le temps qu'il se relève, j'ai décampé. Ça marchera pas deux fois. Si mon croc me fait défaut, il ne me reste que les braises de la torche restante... Je ramasse le bout de bois sans cesser de courir. Trop tard. Il est éteint. Je me retourne.
Érik est là, plus menaçant que jamais. Je vais me battre encore. Il regrettera cette chasse. Il attaque, visant la gorge, je lui décoche un coup de torche de justesse, mais je tombe sur le dos avec l'élan. Cette fois c'est fini. Il me domine, me plaque au sol de ses deux lourdes pattes de loup qui m'écrasent les bras. 
Netra, première session d'enregistrements J-19

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2011-03-30 12:46:02 

 Wa, exercice n°89 partie 4, où Lou a enfin un papa.Détails
Première Chasse

Et puis... il se retransforme en humain, progressivement. Le museau rétrécit, la tête redevient visage, je retrouve le viking géant qui m'a fait incendier une église et voler des livres.
Il me toise, me dévisage lentement, j'ai l'impression de voir quelque chose qui ressemble à un sourire sous sa barbe. Il grogne, mais ce n'est pas un grognement bougon ou agressif : c'est une approbation. Et puis il se penche vers moi, lentement, très lentement, j'ai l'impression qu'il va au ralenti. Je comprends d'un seul coup. C'était un jeu. Il voulait savoir si je saurais me battre, résister, si j'étais assez forte. Il voulait vérifier qu'il avait choisi quelqu'un de capable. J'ai réussi ? Érik, tu veux bien de moi pour fille ? Je sens des larmes qui perlent à mes yeux, je les retiens. C'est stupide, on dirait une damoiselle gourdasse dans son donjon ! Mais je suis tellement heureuse ! J'ai réussi, je le sais, je le sens, il ne dit rien mais il ne cherche pas non plus à le cacher. Il est fier de moi. Il accepte d'être mon père. Il ne m'a pas abandonnée, il m'a donné ma chance de faire mes preuves devant lui. Ses mains énormes attrapent mes bras et les immobilisent, mais je comptais pas me débattre. Je bougerai pas. Il incline la tête et me plante les crocs dans le cou. Je sens mon sang qui bouillonne en jaillissant hors de moi. Ça fait un mal de chien, mais du bien en même temps, une chaleur douce et brute à la fois qui m'envahit. J'ai l'entrejambe qui brûle et mouille en même temps, je n'avais jamais connu ça. Tout mon corps frissonne comme si j'avais froid et sue comme si j'avais chaud. Je me sens -
Bien.
Tellement bien. 
Je... 
Le plaisir... C'est de ça que parlait maman le soir de mes fiançailles avec Romaric ? Le plaisir ? Cette brûlure à l'intérieur, douce comme un rayon de soleil et intense comme des braises à châtaignes ? Plus tendre et plus vive que quand on abuse du vin à la fête de Pâques ? Plus agréable qu'un baiser ? 
C'est ça, le plaisir ? La sensation de pouvoir mourir sans rien regretter ? De pouvoir tout abandonner pour prolonger ce moment-là encore un peu, un peu, un peu...
Érik...
Ne t'arrête pas, s'il te plait. Ou alors tue-moi. 
Ah, j'oubliais. 
C'est exactement ce que tu fais... 
Je suis en train de mourir.
Je sens mon corps qui s'affaiblit. Qui tremble un peu. 
J'ai vraiment froid maintenant.
Mais pas peur. 
Je sais quÉrik me retiendra au bord de la mort aussi longtemps qu'il le faudra. Il ne me laissera pas basculer. 
L'image du corps pendu de Romaric, les yeux crevés par les corbeaux, me revient brutalement à l'esprit. Et puis mon père qui me bat parce que j'ai perdu un mouton. La chose de l'église qui joue avec moi. Le visage agonisant de Bartholomey. Le regard méprisant de damoiselle Hildegarde, de Philippe, des villageois. Jehan qui saigne de tout le visage, la joue dévorée par la gangrène. Le cachot de Dinan, le prévôt qui agite mon croc devant moi en menaçant de me torturer. Sig' qui annonce qu'Abélard est devenu seigneur de la ville de Dinan. L'humiliation de se faire recoudre le dos par la femme de Mael, après la punition d'Érik. La peur face au serpent qui hypnotise damoiselle Hildegarde. Le rire dément de Sig' dans l'ombre de la porte. Le désespoir de cette nuit où je me suis écroulée de sommeil contre le châtaignier, après la mort de Romaric.
Je ne vois plus rien. Ma peau est à vif, irritée et enflammée en même temps par le contact d'un de ses bras. Où est l'autre ? Tout à l'heure, je sentais les deux, je...
Ah... 
Une goutte de liquide vient de tomber sur ma lèvre. C'est chaud, âpre et sucré en même temps. Je lèche, instinctivement. C'est du sang. Le sang d'Érik. Il tient son deuxième bras au-dessus de ma bouche, ça goutte, ça goutte... Je lève la main, je m'accroche à l'avant-bras d'où coule le filet de liquide rouge, je me hisse vers lui, j'ai envie de ce sang, j'en ai besoin, je veux vivre ! Je veux vivre ! Je ne veux pas mourir, je veux vivre, je veux du sang, je veux ce sang !
Mes lèvres se plaquent autour de la coupure dans la veine d'Érik. J'en avale quelques poils de loup, ses avant-bras en sont couvert, peu importe, seul le sang importe, le sang, la vie ! J'aspire, je lèche, puis il m'arrache à sa plaie d'un grand coup de coude dans les côtes. Je m'écrase par terre, le souffle coupé, et puis je me relève d'un bond, je ne sais pas comment, courbée vers l'avant, prête à bondir, à fuir, à tuer.
Tout est très net. Incroyablement net. Je vois tout, très bien, même s'il fait nuit. J'ai l'impression que mes yeux se sont ouverts aux ténèbres. J'entends aussi. Jusqu'au pas des insectes dans l'humus. La terre chante, vibre, je le sens, je le sais, et en moi...
En moi... 
Il y a une bête. Aussi féroce et forte et ardente qu'Érik, aussi violente et sauvage aussi. Elle gronde. Elle veut sortir. Elle veut du sang.
Je ne dis rien. Je ne peux pas. Je ne sais pas si je suis Lou ou si je suis la bête ou si je suis les deux à la fois. J'ai l'impression que quelque chose qui, en moi, sommeillait depuis longtemps vient de se réveiller. Je me sens puissante et faible à la fois. J'ai soif. En moi, la bête rue. Elle veut sortir. Elle veut prendre le contrôle, elle veut vivre, elle veut me sauver. Elle essaie de faire taire mon esprit. Elle essaie de prendre le dessus sur Lou-l'humaine. C'est Lou-la-bête.
Je suis l'une et l'autre. 
Je suis la bête et l'humaine en même temps et encore autre chose. J'ai l'impression que je vais céder, que mon esprit Lou-l'humaine fait digue pour ne pas se laisser submerger par Lou-la-bête. Je veux tuer. Je veux du sang. Je veux vivre. 
Calme-toi, Lou. Tu as soif, très soif, c'est vrai, tu as soif. Oui, tu veux boire. Tu veux du sang. Ne t'inquiète pas... 
Je ne veux pas que Lou-la-bête gagne. Elle ne sera pas capable de réagir comme il faut. Elle survivra, mais elle fera une erreur. Calme-toi. Fais confiance à Érik. 
Je bande toute ma volonté pour faire comprendre à Lou-la-bête qu'elle ne doit pas sortir maintenant. Que le sang va venir, que je vais vivre. J'ai l'impression de n'avoir jamais rien fait d'aussi difficile de toute ma vie. Même ne pas se précipiter à l'intérieur du château quand j'ai compris que Romaric s'était fait prendre c'était rien à côté de ça. Je rue, je gronde en moi-même, c'est toujours moi et je me parle à moi. Je suis les deux en même temps et mêlés et opposés. J'attrape mon bras et je le serre fort, très fort avec mon autre main, en plantant mes ongles dans ma peau, pour ne pas lâcher prise. Je ne dois pas succomber à la soif, j'ai soif, une soif de sang qui va me rendre folle si je me laisse aller un seul instant. 
Calme-toi, Lou. La folie, c'est comme la haine. C'est mauvais pour la survie. Bête en moi, je vais étancher ta soif, alors ne m'envahis pas. Je vais étancher ta soif. Je vais étancher ma soif. 
Je suis calme, maintenant. J'ai toujours aussi soif, je veux boire, mais je suis lucide. Je n'ai pas succombé à la bête. Elle est prête à jaillir mais pour le moment, elle s'est tapie dans un coin de moi, silencieuse et attentive. Je ne dois pas la décevoir, ou elle ressortira. 
Je me redresse, je lâche mon bras. Le combat est terminé, pour le moment. Mais je suis incapable de penser à autre chose qu'à la soif. 
Je lève les yeux vers Érik. Il a l'air content, à sa manière.
- Première chasse, petite. 
Il se retourne, je le suis en titubant. Deux ou trois dizaines de pas plus loin, on trouve un homme occupé à se frotter le bas du ventre contre un porc. Il nous tourne le dos et pousse de petits cris, on dirait ceux de Maman quand Papa et elle allaient dans la grange. Je ne comprends pas ce qu'il fait, mais je sens qu'il n'est pas comme Érik et moi. Je ne le vois pas comme un humain, mais comme une proie. Comme une réserve de sang. Lou-la-bête rue en moi. Elle le veut. Lou-l'humaine aussi. J'ai soif. Tellement soif ! Je sens la barbe d'Érik tout près de mon oreille.
- Ne le tue pas. Vas.
Je ne me le fais pas dire deux fois. Occupé à son affaire, l'homme ne nous a même pas vus arriver. Je saute dessus, j'entoure son cou de mes bras. Il tombe en criant, le cochon en profite pour se carapater en couinant, je m'en fiche, je ceinture ses bras avec mes jambes, sa tête avec un bras, je découvre sa gorge, j'y plante deux croc tout neufs. Le sang coule, je bois, je bois, c'est tellement bon, c'est délicieux, je veux encore, je colle mes lèvres à ses plaies pour en aspirer plus, plus vite, du sang ! Lou-la-bête est contente, je suis contente, du sang, de la vie !
- Lou !
La voix est impérieuse. Ce n'est pas l'espèce de truc magique de Philippe qui vous ferme le clapet, c'est juste mon père qui me donne un ordre. J'obéis. Je lâche à regret ma victime. D'instinct, je lèche la plaie avant de l'abandonner. Elle cesse de saigner, se referme, disparaît. Bon à savoir. Je vérifie, aussi. Il respire, il est vivant. Pas beaucoup plus, mais vivant. Je ne l'ai pas tué. J'ai l'impression que je ne pourrais pas désobéir au moindre des ordres de mon père.
- Je ne l'ai pas tué, ais-je besoin de répéter.
Il hoche la tête. Il sait, bien sûr. J'ai encore un peu soif, beaucoup même. Mais si je bois encore le sang de celui-là, il va mourir. Je ne demande rien à mon Sire. Il sait déjà. Il repars. Cette fois je sais que nous allons plus loin, mais je suis assez forte pour le suivre à coup sûr. S'il court, je courrai derrière lui. S'il rentre à Paris, je le suivrai. Ce qu'il m'enseignera, je l'apprendrai. Je serai digne de lui ou je paierai mes erreurs. 
J'ai beaucoup de questions à poser, beaucoup de choses à apprendre. Je sais pourtant déjà qu'il est temps de rentrer. Il ne reste qu'une demi-heure avant l'aube, il me faudra boire encore la nuit prochaine. J'ai autant de nuits que je veux, maintenant. Je ne mourrai pas. 
Nous allons trouver un endroit où dormir, mon père et moi. 

Netra, première session d'enregistrements J-19

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Netra  Ecrire à Netra

2011-03-31 17:53:46 

 Maintenant que j'ai participé je peux commenter ^^ Détails
Alors c'est un texte que je qualifierai de : mignon tout plein. Ben voui !

J'adore les jeux de mots et les détournements de langue tout partout, ça donne au texte une sacré fraîcheur. Un tout petit moins pour le léger côté cliché des persos, le grand frère parfait et la petite soeur faussement "ratée", pourquoi c'est jamais les cadets qui sont les parfaits et les aînés les faux ratés ? XD 

Par contre bel éclat de rire qu'imaginer le tonton barbu en robe longue !

Globalement j'ai beaucoup aimé, l'héroïne est attachante, dommage que le personnage de Profiterole ne soit pas plus exploré dans le texte : on connaît peu son caractère... 
Netra, première session d'enregistrements J-18

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2011-04-01 07:56:12 

 Commentardif Narwa, WADétails
C'est pas que je suis en retard, non non, c'est qu'entre temps je suis partie en vacances et j'ai lu un livre (en entier, j'vous jure!!).

Texte très frais en effet, pour ma part le vocabulaire adulte de la narratrice ne m'a pas choquée, la réconciliation facile avec le père à la fin, un tout petit peu, mais c'est le happy end qu'on avait envie de lire :)

Moi je n'enregistre pas de disque, je ne fais pas de compta, mais je lance une activité libérale et le travail d'activation du réseau prend un temps fou...

Elemm', qui évolue lentement mais sûrement!

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Netra  Ecrire à Netra

2011-04-07 19:25:18 

 Course sans suiteDétails
J'ajouterai : de temps en temps et non de tant en temps...

J'ai bien aimé même si c'est vrai que certains passages sont grammaticalement chaotiques ^^
Le rythme aussi est chaotique, avec quelques passages un peu ennuyeux et d'autres presque trop rapides.
Netra, première session d'enregistrements J-11...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-04-21 22:39:03 

 Commentaire Netra, exercice n°89 - 1Détails
Ce texte-là en soi tout seul est une longue introduction à la suite de l'histoire. Déjà une intro, quand on s'en rend compte, c'est pas marrant... Mais quand elle est longue... Ca passera sûrement, en regard du reste, mais je ne l'ai pas encore lu. Le fractionnement à la Maedhros n'est pas toujours une bonne idée...
Sinon, c'est bien écrit, c'est cohérent, les histoires de savon et de robes sont distrayantes et le ton est juste.
Bricoles:
- la phrase " il va trouver le moyen de m'obliger" est trop longue.
- je devrais: devrai (texte au présent)
- "je ne sais pas où": "je ne sais où" est suffisant
- statué de son sort: sur
- je demande: demanderai
- ça va pas le faire: expression familière, mais surtout pas trop moyenâgeuse...
- je m'asseois talons contre les fesses: talons contre fesses ou les talons contre les fesses
- nous ne les avons jamais vu: vus
- ça fait 5 personnes en plus de moi au courant: qui sont au courant


En fait je ne peux pas dire grand chose tant que je n'ai pas lu la suite... Donc je m'y remets...
Ce qui aurait été intéressant, c'était de savoir pourquoi tous ces braves gens avaient décidé de devenir des vampires... Mais très étonnamment, ils n'ont pas trop d'états d'âme là dessus... Peur, d'accord, mais ils ont décidé; c'est en amont qu'il manque quelque chose.
Narwa Roquen, à suivre...

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Netra  Ecrire à Netra

2011-04-23 15:34:14 

 Initialement... Détails
Initialement j'avais pas prévu de coupures... Mais j'avais pas non plus prévu un texte de 10 pages. J'ai coupé juste parce que sinon ça faisait un post un peu effrayant de par sa longueur.

En plus l'épisode où ils se décident à être des vampires je l'ai pas écrit (ça c'est le scénar d'avant... Je l'ai commencé pour une autre WA. Mais je les écris pas dans l'ordre.)
Netra, qui vient de finir les enregistrements et est sérieusement claqué...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-05-08 22:33:51 

 Commentaire Netra, exercice n°89 -2Détails
Ca, c'est tout bon! Enfin Lou se pose et nous livre quelques clés, en particulier pourquoi elle n'a pas bougé pendant 5 ans. Et en même temps, à la voir nostalgique devant le soleil couchant, on se demande pourquoi elle a accepté de renoncer à la lumière!
Le mélange présent/souvenirs est bien dosé; elle se souvient des bons moments de sa vie avant de basculer dans l'inconnu, c'est logique.


Bricoles:
- je retournée: suis
- un peu perdue... un peu peur...
- animal de compagnie pratique... esclave pratique... c'est très pratique...
- d'où je venais, pourquoi ni ce que j'avais: pourquoi, ni
- je vais retrouver Erik. On se retrouve


Bon. Tout ceci prend tournure. Je continue!
Narwa Roquen,qui ne lâche pas l'affaire!

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Netra  Ecrire à Netra

2011-05-09 23:32:19 

 Passer du côté obscur... Détails
Je vais corriger les fautes et répétitions de ce pas !

Par contre pour les raisons qui la poussent à accepter l'étreinte, elles sont tout de même sous-entendues clairement derrière son amertume. 

D'abord,les vampires sont plus puissants que les humains, et ça elle ne l'ignore pas. Abélard est vivant, Abélard est un vampire, donc si elle veut sa vengeance...

Ensuite... Et bien c'est tout le propos de la troisième partie !


Edit : ah ben en fait je peux plus éditer le post... Il doit être trop vieux... Tant pis vais corriger sur mon fichier quand même ^^
Netra, cadet de la bande depuis 8 ans.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-06-14 22:36:02 

 Commentaire Netra exercice n°89-3Détails
Retournement de situation inattendu! La jeune Lou est en grand danger, mais comme je trouvais dommage qu'elle finisse vampire, ça me va plutôt bien. Et puis quoi, c'est l'héroïne, elle ne va pas mourir, sinon il n'y a plus d'histoire!
Le récit est haletant. La chasse est passionnante, le lecteur se régale! Evidemment, au moment le plus palpitant, pub!


Bricoles:
- où je pourrais être invisible: pourrai
- ton croc avait blessé le serpent-vampire: comme l'impression d'avoir raté un épisode! Ou tu mets une note explicative, ou tu donnes plus de détails! Sinon, c'est frustrant!


Tu as un talent certain pour les scènes d'action. Je continue!
Narwa Roquen,qui ne lâche pas son os

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Netra  Ecrire à Netra

2011-06-18 15:25:48 

 Le Serpent-vampireDétails
Ah, zut, j'ai oublié ça dans les explications du début !

ça s'est passé peu après le récit précédent, Hildegarde, Mael et Lou se sont retrouvés à devoir descendre dans une crypte sous le château de Lehon, où ils ont combattu un vampire qui s'est changé en serpent. C'est là que Lou a découvert que, si la plupart des armes normales (son poignard, la dague d'Hildegarde et l'épée de Mael) n'atteignaient pas le vampire car les plaies se refermaient, ce n'était pas le cas de son croc : la blessure restait ouverte et saignait abondamment. Malheureusement, entretemps, elle se l'est fait voler par le prévôt de la ville de Dinan dans des circonstances assez humiliantes et il lui a donné, à la place, une excellente imitation... ce qu'elle vient de découvrir. Voilà ^^
Netra, qui prépare son concert de ce soir avec un sérieux très très relatif.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-07-13 22:57:06 

 Commentaire Netra, exercice 89-4Détails
Tout d’abord je te décore de la Médaille d’Or de la Patience ! Je ne suis pas très fière de tout ce retard, mais les journées n’ont que 24 h et je n’ai plus 20 ans, moi...


Donc, après la coupure-pub, voilà que la situation s’inverse brutalement. Coup de théâtre ! C’était pour de faux ! Je suis un peu déçue mais tu te rattrapes en enchaînant sur le « passage », moment apparemment orgasmique qui est décrit avec justesse. Je ne peux m’empêcher de penser à tonton Freud, qui aurait épilogué en ricanant sur ce père symbolique qui assouvit le fantasme oedipien...
Le dilemme bête/humaine est excellent. C’est l’instinct de survie qui gagne, et c’est plausible. Lou a appris depuis longtemps à survivre quoi qu’il arrive.
En revanche quand elle trouve sa première proie et qu’elle dit « je ne comprends pas ce qu’il fait », ça m’étonne un peu. Elevée à la campagne, elle a sûrement vu des accouplements d’animaux. Que ça l’étonne, je veux bien, mais de là à ce qu’elle ne comprenne pas... Elle n’a pas l’air assez naïve pour ça.
Le titre, faisant suite à « Dernière chasse », est bien trouvé. La mort et la renaissance.

Bricoles :
- incendier une église et voler des livres : en général on met le plus important à la fin...
- ses avant-bras en sont couvert : couverts.
- Quelque chose qui, en moi, sommeillait depuis longtemps vient de se réveiller : je propose : quelque chose, qui sommeillait en moi depuis longtemps, vient de se réveiller
- Vas : va ( tu vas, mais « va ! »)
- Je ceinture ses bras avec mes jambes : l’homme est à terre ; je suppose qu’elle est à califourchon et que ce sont ses genoux qui plaquent les bras de l’homme contre son corps
- Ais-je besoin : ai-je
- Il repars : repart


C’est sûrement un des meilleurs épisodes. Il faut dire que le moment est exceptionnel, et tu l’as bien rendu.
Je pense que ça serait le moment de rappeler au lecteur pourquoi elle a fait ce choix, et d’y glisser quelques mots sur ses projets d’avenir. Parce que quand même, il faut une sacrée motivation... et le lecteur ne doit pas perdre le fil de l’histoire !

En tout cas merci pour ces bons moments.
Narwa Roquen,après les cerises et les prunelles, les prunes!

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Netra  Ecrire à Netra

2011-07-14 21:10:30 

 Tout vient à point... Détails
... à qui sait attendre. Lou est fort patiente, et moi aussi en dépit des apparences ^^

En fait j'ai été très content que tu te laisses avoir, comme Lou, au petit jeu d'Erik (elle ne lui en a pas voulu bien longtemps) ceci dit elle se serait forcément fait étreindre, sinon moi j'aurais pas pu continuer à jouer.
Pour ce qui est de la scène de sexe je suis pas certaine qu'elle ait pigé que c'est possible entre espèces distinctes XD

Je corrige les fautes sur mon document mais je peux plus le faire sur le post, après 15 jours c'est plus éditable T-T

Bon et faut que je participe à tout le reste...
Netra, en saison, en Bretagne *-*

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