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De : Narwa Roquen Date : Mardi 22 mars 2011 à 23:40:53 | ||
Ce texte-là, toi seul pouvais l’écrire ! Sous l’apparente noirceur et le vernis de thriller américain éclate une Idée d’une originalité fracassante : voler la mémoire des corps que l’esprit a déserté. Certains trouveront ça morbide, mais c’est diablement intelligent ! Le serial killer qui se prend pour un écrivain, ça m’a fait frémir, et ce n’est pas si souvent. Ca donne deux paragraphes vraiment forts («Les seuls livres que j’ai vraiment ouverts... » et « Ces symptômes s’apparentaient... » L’évolution vers le lecteur est très bien trouvée : n’écrit pas qui veut, encore faut il être plein de choses à dire, et ce personnage cherche en fait à combler un immense manque ; c’est logique, c’est crédible, c’est fort, et l’écriture devient plus dense à ce moment-là. Tu es chez toi dans ce genre de background glauque et made in USA. Tu y évolues avec une aisance parfaite, sans en rajouter ; c’est clean. Les personnages secondaires sont parfaits. Le légiste blasé, l’Italien expéditif, le traqueur indien forment une triade idéale dans un univers de morgue. Mention spéciale pour le traqueur, qui est aussi un killer à sa manière, la réplique parfaite de l’autre, le versant socialement acceptable du Côté Obscur, son frère jumeau en solitude. Quel vide cherche-t-il lui aussi à combler, quelle déchirure n’en finit-elle pas de le faire souffrir ? L’ancien tueur a trouvé sa voie, il a atteint une sorte de paix, alors que le traqueur reste dans le brouillard. Ca me fait penser à « La stratégie Ender » : pour pouvoir vaincre son ennemi, il faut le connaître de l’intérieur, donc il faut l’aimer. Et ce pas–là, le traqueur n’arrive pas à le franchir. Les zones d’ombre que tu laisses à dessein dans le récit conviennent bien à une nouvelle. Ca contribue à créer une atmosphère d’étrangeté, de décalage, où le lecteur n’est admis qu’à condition de rester discret et de se taire. Ca a un côté Hitchcockien qui me plaît beaucoup. L’intrigue est menée de façon magistrale, et on l’apprécie encore plus à la seconde lecture. Lecteur pressé, passe ton chemin, tu n’y comprendras rien. Comme Ph. K. Dick, tu as l’audace de défier le lecteur. Qui m’aime me suive, et qui ne fait pas l’effort de m’accorder toute son attention ne découvrira jamais les joyaux que j’ai ciselés à son intention. Les danseurs russes baissaient juste le regard devant le tsar, ils avaient la main sur le coeur mais ne s’inclinaient jamais jusqu’à terre. Tel est Maedhros, généreux mais fier. Bricoles : - Je reconnais celle, basse et traînante, de Tony, et celle, au débit plus rapide, de Jay : j’aurais dit « et celle de Jay, au débit plus rapide ». La symétrie alourdit. - J’ai fini par m’y habituer à eux : m’habituer - Lors de la lune : lorsque - Les VIRGULES !!! dans les apostrophes (Messieurs, inspecteurs), avant « non », après « j’en suis sûr », « un simple veilleur de nuit embauché au minimum syndical, à l’existence... », avant « je te dis » - Jay a pâli et vacillé : le reste est au passé simple - Plus le fil se distend, prêt à se rompre : se tend, non ? - Comme deux joueurs d’échecs ... pour mieux y déchiffrer l’âme de leur adversaire : ce « leur » me dérange, et ce qui m’embête, c’est que je ne sais pas pourquoi. Je l’enlèverais volontiers ;« l’âme de l’adversaire », ça suffit. - Et cela fait six que tu me traînes : six ans - Je me voyais pas manier la pelle : oubli du « ne » - « voyage en chair inconnue » : joli ! - L’impression d’être habite : habité C’est un morceau de bravoure. Je sais que tu attends le « mais ». Mais... tu peux en rajouter. Le format ne sera plus celui d’une nouvelle, tant pis. Il faut que tu en rajoutes, dans la « lecture » des corps, dans les sensations volées aux souvenirs des morts. Ca ne va pas être facile à écrire, ça va être éprouvant pour le lecteur, mais bon Dieu quand on tient une idée comme ça il ne faut pas la lâcher. Je me prends à rêver que ça ferait un bon roman, et que là il faudrait que tu ailles au bout des choses. Ne me demande pas comment, je suis incapable de te répondre. Mais je suis persuadée que tu peux. Si jamais un jour mon rêve se réalise, je suis persuadée qu’aucun lecteur n’en sortira indemne. Ce qui est plutôt une bonne chose. Alors on a dit : 30 KE pour Maedhros, 30 KE pour Onirian, je mets qui d’autre sur la liste ? Au fait, quelqu’un connaît un multi millionnaire ? Narwa Roquen,qui avait décidé de se coucher tôt, mais commenter Maedhros, c'est toujours une aventure... PS: le titre est cousu main, comme d'hab... PPS: Merci à Google pour RIP: Requiescat in pace, évidemment... Mais si même le latin se met aux acronymes... O tempora, ô mores! Narwa Roquen,qui avait décidé de se coucher tôt, mais commenter Maedhros, c'est toujours une aventure... Ce message a été lu 7359 fois | ||