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 WA-Exercice 135 - Naissance d'un Don Voir la page du message Afficher le message parent
De : Onirian  Ecrire à Onirian
Page web : http://oneira.net
Date : Mardi 2 decembre 2014 à 15:50:41
Un petit texte sans prétention, parce que l'idée de ce don là en particulier me travaillait (alors que les supers pouvoir, pas du tout ^^) et parce que ça faisait longtemps que j'avais envie d'essayer un "tu".


Une fleur au milieu du béton


Tu es assis dans un coin sombre depuis une heure ; tu as peur. Le sang a arrêté de couler de ta blessure à l'épaule. Une partie de toi aimerait que cette blessure soit le fait d'un combat, mais tu sais qu'il n'en est rien. Tu t'es cogné contre une poutre métallique en te refugiant dans l'entrepôt, parce qu'il faisait noir, parce que tu ne regardais pas, parce que tu fuyais.
Tu revois la fille, en boucle. Ce n'est pas ton grand amour, mais elle avait quelque chose qui t'attirait, une espèce de goût du danger, un indéfinissable quelque chose en rapport avec le fait d'être vivant.
Tu ne sais plus vraiment pourquoi, ni comment vous vous êtes décidé à rentrer par effraction dans les locaux de la Brother Company. Elle avait passé des jours à te raconter comment cette société manipulait les gens, la technologie, l'information. Elle t'avait expliqué qu'une caméra installée pour te protéger était avant tout une caméra qui te surveillait. Toi, tu t'en fichais un peu, tu la regardais jouer machinalement avec une de ses mèches rousses, bouclée. Elle te disait que le surhumain, l'homme machine, perdait en liberté tout ce qu'il pouvait espérer gagner en compétence.

Toi, tremblant, planqué dans ton coin misérable, tu n'es personne et tu le sais. Parce que personne ne peut agir contre une organisation qui compte son argent en dizaine de milliards de crédits, une société qui dicte ses lois aux gouvernements.
Sécurité, simplicité, santé, rentabilité.
Tu entends des bruits ; oui, toi aussi tu es un produit de la Brother Company. Des otites à répétition dans ta jeunesse ont endommagé ton tympan droit, et lorsque tu as rassemblé l'argent nécessaire, tu l'as remplacé par un implant biotech bien plus efficace, filtrage intégré. Des voix à l'extérieur du bâtiment discutent. Elles disent que tu es caché là, que les caméras t'ont vu rentrer et préviendront tout le monde quand tu sortiras. Tandis que les voix s'éloignent, tu te rends compte de ton insignifiance. Ils savent où tu es mais ne prennent même pas la peine de venir te débusquer. Les voix savent que tu vas te rendre ; que pourrais-tu faire d'autre ?

Silencieusement, tu pleures. Les paroles de la fille te reviennent en tête, lorsqu'elle disait que pour eux l'humain était un produit et l'humanité un problème. Tu ne comprenais pas, absorbé que tu étais dans la contemplation de ses doigts fins, à compter ses bagues bon marché et à t'étonner de l'effet que ces quelques babioles pouvaient avoir sur toi.
Pris au piège dans ton entrepôt, tu prends enfin la mesure du monde qui t'entoure. Ce ne sont pas ces murs qui te retiennent prisonnier, c'est bien plus vaste que ça, et bien plus insidieux. Ils savent qui tu es. Une photo est bien suffisante. La Brother Company se vante assez de l'efficacité de sa reconnaissance faciale dans ses publicités. Tu as hésité à acheter un de leur système d'alarme. Si la moitié de ce qu'ils disent dans leur brochure est vrai, la police est déjà avertie de ta présence et tes comptes bancaires gelés jusqu'à ce que tu te sois présenté au poste le plus proche.

Étrangement, plus tu prends conscience du désespéré de ta situation, plus tu te sens léger. Deviens-tu fou ? Tu es perdu, tu as perdu.
Tu te lèves. Tu vas te rendre. Tu comprends maintenant pourquoi ils n'ont pas pris la peine de te chercher, c'était tout simplement inutile.
Tu fais quelques pas. Mais avant d'abandonner tout à fait, tu te retournes et tu regardes l'endroit où tu étais assis. Tu sais que là, une partie de toi est morte. Ci-gît tes illusions de liberté. Mais un détail incongru attire ton oeil. A la jointure du mur et du sol, une petite tâche verte brise l'uniformité grise. Ce sont quelques brins d'herbe qui poussent dans une fissure.
Tu sais que c'est impossible, les bâtiments sont aseptisés, nettoyés, le vivant est mis en boite, soigneusement contrôlé. Et pourtant.
Alors tu revois la fille. Nue. Elle avait un tatouage dans le dos, d'une omoplate à l'autre, une phrase calligraphié à l’ancienne, avec les lettres reliées entres elles et de jolies boucles :

Le don, c'est une fleur au milieu du béton.

Et là, les nuages sombres qui embrument ton esprit depuis toujours s'écartent enfin pour laisser passer un rayon de lumière. Tu regardes tes mains, tes vêtements, ta vie, et partout, partout, tu vois ce gris qu'on te sert en permanence . Et les paroles de la fille te reviennent, toutes. Sauf que ce n'est plus la fille. C'est Julia.

Julia.

Tu aurais envie de crier son nom, parce que tu as été lâche. Lorsque vous êtes entrés dans les locaux, lorsque les gardes sont arrivés, tu l'as abandonnée, tu as couru, terrifié que tu étais qu'ils voient ton visage, qu'ils te suppriment tes petits privilèges. Quelques mètres carrés de plus, de la viande une fois par semaine, et de quoi prendre un crédit pour te payer des implants qui te rendront assez performant pour glaner d’autres mètres carrés, d'autres morceaux de viande et bien sûr, d'autres crédits.
Tu souris. Tu t'agenouilles devant ces cinq brins d'herbe qui ont réussi à pousser dans ce monde stérile. Tu es comme eux. Sauf que pour la première fois de ta vie, tu prends conscience de leur force, parce qu'en réalité, tu sais désormais qu’il est impossible de les détruire. A l'instant où la Brother Company, cessera de les traquer, ils se multiplieront et envahiront tous les entrepôts et des racines profondes briseront les murs et les champs de béton, et rien ne pourra arrêter cela. Ce brin d’herbe gagnera, et la seule chose qu’une armée peut espérer, c’est juste de retarder l’inévitable.
Le don, c’est une fleur au milieu du béton. Tu ne sais pas encore exactement quelle est la nature de ce don, mais tu sens une force nouvelle, intarissable, immense courir en toi.
Alors tu te mets debout, enfin, et tu vas libérer Julia.

Pour commencer.

--
Don Onirian.


  
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Réponses à ce message :
3 Comm' Onirian - Elemmirë (Mer 11 fev 2015 à 11:15)
3 Big Brother - Maedhros (Dim 18 jan 2015 à 12:40)
       4 Julia - Onirian (Lun 19 jan 2015 à 16:18)
3 Commentaire Onirian, exercice n°135 - Narwa Roquen (Ven 16 jan 2015 à 22:34)


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