Bragha maugréait sans cesse. Contre cette foutue neige qui commençait à tomber et recouvrait déjà le paysage d’une mince couche blanche. Contre ces maudits percherons qui se révélaient bien moins confortables que les sièges capitonnés du couvent. Contre l’air qui se faisait plus froid et plus mordant à chaque pas. Surtout contre ces rustres qui l’avait forcée à quitter son havre de paix pour courir l’aventure. A son âge, tout de même ! Elle n’était pas faite pour chevaucher par monts et par vaux et se demandait déjà comment elle allait s’en sortir une fois qu’il faudrait camper. Après tout, elle ne connaissait que les lits aux matelas moelleux du couvent. Certes, les soeurs vivaient de manière bien plus austère qu’elle, mais ce n’était pas une raison pour la mettre brusquement au régime pain sec, eau et planche. Heureusement, elle pourrait continuer l’éducation de sa protégée, qui risquait sérieusement d’être mise à mal. Ces gens d’armes et ces politiciens devaient sans doute avoir sauvé le pays plus d’une fois, mais ils restaient des rustauds mal élevés vivant à la dure pour les premiers, et des hypocrites sournois pour les seconds. Rien de très recommandable, en somme. La pisteuse, au moins, se tenait à distance et gardait ses propos probablement peu civilisés pour elle. Mais Bragha n’aimait pas les petits regards vicieux que Cormyr jetait de temps en temps à la reine, et encore moins le physique de jeune premier de Réon. Pas qu’il s’en soit servi pour l’instant, mais cela n’allait certainement pas tarder. Bragha savait bien ce qui se passait dans la tête de ces jeunes jouvenceaux au langage suffisamment habile pour manipuler sans difficultés une jeune fille naïve. Cependant, Nundo paraissait être un homme suffisamment mûr et intelligent pour surveiller son cadet. Linak l’avait probablement choisi pour cela, en plus, bien sûr, de son expérience qui était difficile à mettre en doute. Le capitaine était réputé pour sa finesse d’esprit et son aptitude à sonder les gens, ainsi que pour sa discrétion et son efficacité silencieuse. De nombreuses personnes ne se souvenaient de lui que comme d’une vague présence alors qu’il connaissait le tréfonds de leur âme. Un personnage bien embarrassant pour les comploteurs. Pourtant certains avaient fini par réussir à s’emparer de la province et à le déborder. Personne n’est parfait, et c’est bien dommage. La gouvernante soupira.
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