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Naissance d'une Ombre d'Ame

L'ombre d'âme errait dans les limbes, sans corps, sans vie, sans souvenirs. Elle regardait le néant autour d'elle ou plutôt, tentait de regarder, puisqu'il n'y avait rien. Elle avait conscience d'être au milieu de cette immensité vide. Ne comprenait pas, ne raisonnait pas, ne pensait rien. Existait simplement. Et le savait.

Et dans l'éternité un moment s'écoula. Au commencement fut l'absurdité. Le temps n'existait pas dans les limbes et il en fallut pourtant à l'ombre d'âme pour se ressaisir. Et réfléchir, en arriver au pourquoi, au comment. La naissance fut douloureuse. Il n'y eut pas de réponse, et les questions revenaient. Torturaient.
Pourquoi ?
Comment ?
Rien.

Un silence omniprésent, qui pesait, écrasait, broyait. Ne laissait intact que ce flot d'interrogations. Qui suis-je ? Qui ais-je été ? Ais-je été ? Que suis-je ? Suis-je ? Comment ? Pourquoi ? Que puis-je ? Suis-je en mouvement ? Le mouvement existe t'il encore ici ? Où est ce ? ... S'élançant toujours, lancinantes, des milliers de fois, se heurtant à un abîme sans fond.

A nouveau, plus rien, au-dedans et au dehors. Ce fut encore pire. Et comme un nouveau-né l'ombre d'âme voulut pousser un cri, voulut pleurer. Elle sentit quelque chose émaner d'elle, s'éloigner, se perdre dans l'infini. Une image chancelante apparut, fragile, transparente encore. L'écho d'un cri semblable, un spectre de couleurs, quelque chose qui bougeait, se séparait, dans un espace fini. Un mot lui revint : implosion. Comme une entrée vers le passé, vers d'autres images, d'autres souvenirs... Vers la vie peut être. Mais la scène s'évanouit tout à fait et elle ne sut qu'attendre à nouveau. Le mot dansait dans sa tête, repoussait le vide.

L'ombre d'âme sans le savoir était devenu Dieu. Elle avait crée le temps, commençait à bâtir un monde. Et l'ignorait.

*

Il est comme une cathédrale. Il a perdu sa foi, oublié, dans quelque recoin obscur et métaphorique. Il ne sait qui il est, mais ne peut que rester, immuable. Il est trop grand pour disparaître, trop massif et trop dense. Du chiendent et des lichens gangrènent sa base, étouffant ses pierres dans leur épaisseur verdâtre. Il ne connaît ni chaleur ni lumière, car les couleurs de ses vitraux se perdent sous une poussière rougeâtre et durcie, de laquelle émane, comme une aura de pourriture, la seule lueur qui baigne ses murs. Les tableaux et les peintures qui ornent ceux-ci s'ensanglantent et s'entremêlent, troublés et éteints ; ils ne sont qu'un chaos uniforme et poussiéreux, terni par la lassitude. Il ne sait si il est Gothique ou Roman ou Byzantin ou autre encore, d'un de ces autres mondes où l'on bâtit pour une foi. Seule la terre, en tout cas, fait renaître en lui des images. Il se concentre à nouveau sur son aspect. Au-dessous de la grande voûte, se détachant du sol invisible, s'élève un autel immaculé. Minuscule dans le vide immense des entrailles de pierre, il n'en devient pas plus fragile. De ce simple carré de pierre s'exhale une force vibrante, bien que d'une étrange douceur. Cette petite stèle blanche semble, pourtant, tout à fait à sa place au sein lugubre de la cathédrale, enfermée dans cette atmosphère mortuaire et pesante que rien ne peut percer.

Il est devenu sa pensée. Cathédrale... Se savoir doté d'une apparence et d'un nom fait naître en Cathédrale une étrange euphorie. Cathédrale lévite sa masse imposante dans l'abîme. Il sait qu'on peut le voir, les autres le connaîtront, exister l'enivre et l'émerveille. Il se souvient du pathétique de son premier cri... Il a été chanceux. Sa volonté et son savoir étaient si faibles, que nul n'aurait du percevoir son appel. Mais Jad était venu. Il se rappelle l'apparition lumineuse de cet esprit si beau... Il avait vu venir au spectre terne qu'il était ce jeune humain, élancé comme une danseuse, qui le fixait de ses yeux violets, étincelants au coeur de sa prison. Son aura solidifiée l'avait emmurée dans un bloc vert, translucide, veiné de toutes parts. Une étrange lumière traversait le corps, ce bijou enchâssé dans son aura. Cathédrale, dès qu'il perçut Jad, fut émerveillé par sa grâce sans faille. Il l'avait aimé, alors qu'il ne savait rien encore, alors qu'il ignorait même ce qu'était un humain, une aura, l'apparence. Jad l'avait transpercé de son regard insondable, avait compris que Cathédrale naissait à peine. Il avait tout appris à l'ombre qu'il était... Jad avait partagé ses pensées, fait renaître, et revivre, des souvenirs. Cathédrale se souvenait... Jad avait dit que rien n'était hasard, qu'ils se rencontreraient encore. Ils devaient avoir un lien, pour s'entendre et se voir, il ne savait lequel, mais cela devait être dans une autre existence. Lui était issu de Kerran, le Nord d'Ysméal, sa planète. Jad refusait de la nommer son ancienne planète, car, le temps n'existant plus, il y vivait toujours, en quelque sorte. Ses souvenirs permettaient à Cathédrale de retrouver les siens. Cathédrale s'était rappelé la souffrance, la mort, et la colère, tout d'abord. Il n'avait pas su comprendre ni revivre la joie, le rire et les larmes. Jad avait paru inquiet. Il avait souri quand Cathédrale avait ressenti l'amour, sans deviner que ce n'était pas un souvenir, et que l'Ombre d'Ame, en cherchant dans le passé, avait été pénétré par un vide plus froid, et plus grand encore, que les précédents. Ce dernier n'avait rien laissé paraître.

Jad lui avait enseigné, après un long apprentissage, comment retrouver seul ce qu'il était. Il avait expliqué qu'ils se trouvaient " aux portes du rêve ", que leurs pensées étaient symboliques et mues par l'inconscient. N'ayant plus de souvenirs auxquels se raccrocher, l'esprit devait créer par la pensée son monde onirique. Cathédrale se rappela les paroles de son ancien compagnon " Tes pensées, tes rêves, tu dois non seulement les construire, mais aussi les comprendre. Ainsi tu sauras qui tu es, tu renaîtras vraiment. Sans cela tu resteras un errant fragile, et tu sombreras encore. Ta quête est difficile, mais tu y parviendras... Courage jeune Ombre d'Ame ! ". Jad avait disparu. Lorsque ses mots étaient parvenus à Cathédrale (Jad aimait trop parler pour utiliser la télépathie, et sa voix, qu'il changeait à son gré, pouvait transmettre autant de nuances que la plupart des pensées), lorsque ses mots lui étaient parvenus donc, une étrange lumière, à la fois vive et mélancolique, d'une indescriptible beauté, avait embrasé fugitivement leur espace. Et quand elle avait disparue, l'Ombre d'Ame était seule. Cathédrale se souvenait avoir ragé de ne pouvoir pleurer, en proie à un désespoir aussi grand que celui de sa naissance. Puis, peu à peu, il avait compris et pardonné ce départ.

A présent, il veut comprendre, enfin, se souvenir. Traduire son rêve aurait dit Jad. Cathédrale pense, réfléchit, analyse. Il sent la poussière sur ses vitraux disparaître, lentement, s'envoler dans l'abîme. La lumière de l'autel, enfin, peu à peu se répand, et éclaire les fresques de ses murs. Cathédrale se voit, se regarde, un instant, vraiment et... Non ! Il ne veut plus se souvenir, il ne veut plus comprendre, il veut oublier ! Il se sent sombrer, s'effondrer, pour ne rien savoir de plus, et ne plus savoir ce qu'il avait appris. Il veut... (é "-th "(ao- aàty('a=aya(y* /rd*t/ "'atga ( :-)

*

L'Ombre d'Ame errait dans les limbes...

© Syldorrynn

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Publication : Concours "Les Portes du Rêve" (Janvier 2001)
Dernière modification : 07 novembre 2006


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