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 WA-Exercice 20 - Histoire d'amour Voir la page du message Afficher le message parent
De : Onirian  Ecrire à Onirian
Page web : http://oneira.net
Date : Lundi 17 aout 2009 à 18:08:03
Une fois n'est pas coutume, voici un texte différent de mes participations habituelles, c'est à dire, ni sf, ni fantasy, ni fantastique, bref, un texte qui se passe dans le monde "réel". Après tout, les wa sont aussi faites pour explorer n'est-ce pas ?

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Sur un air de Norah Jones.

J'aime prendre des photos mentales des lieux incongrus, ceux où je ne m'attendais pas à être, comme par exemple maintenant, au cinquantième étage d'un gratte-ciel newyorkais, dans un appartement classieux, un air langoureux de Norah Jones accompagnant mon whisky. Une immense baie vitrée donne sur la ville illuminée, en bas. Il est trois heures du matin, heure locale, et je n'en reviens toujours pas de ma chance.
Comment tout cela a-t-il débuté, où ? A Paris. Et quelle meilleure ville pour trouver l'amour ? Les clichés ont la vie dure... Paris... A dire vrai, je m'y suis ennuyé beaucoup, et il n'y a rien de moins romantique qu'un métro aux heures de pointes. Mais Paris, c'est Paris, et, à moins que vous n'y viviez présentement, mon histoire vous semblera plus belle, plus réelle, plus propice au rêve, en sachant qu'elle a débuté à Paris plutôt qu'à Lyon ou Dijon.
Le début de cette journée sans fin avait d'ailleurs été plutôt misérable. J'avais un travail d'assistant de rédaction dans le service "Communication et Coordination Interprofessionnelle", CCI pour les intimes, d'une grande société dont le nom n'a que peu d'importance. Ne vous y trompez pas, derrière cet intitulé ronflant se cachait en réalité une activité oscillant entre faire du café, retranscrire des manuscrits débilitants rédigés par le petit chef local (comprendre mon supérieur direct) et traîner en attendant que les heures interminables défilent. J'imagine que c'était le prix à payer pour avoir fait des études de philosophie plutôt que de comptabilité.
Ce matin, la journée avait commencée avec un énième texte à recopier, un article effrayant d'ennui, sur les vertus de la ponctualité au travail. Le dilemme était cornélien. Finir le texte à temps ou prendre une troisième pause café ? La seconde option l'emporta d'un cheveu, j'appréciais trop l'idée de rendre en retard précisément ce texte là. Et puis les rumeurs parlaient d'une visite de clients importants venus spécialement des Etats-Unis, alors arpenter les couloirs augmentait mes chances de les croiser, non pas que j'espérais que cela transcende ma journée, mais à défaut, ce serait déjà quelques instants au moins... différents.
Je regarde mon verre de whisky. Je n'aime pas le goût whisky. Je le supporte, simplement pour jouer avec les délicats reflets ambrés du liquide, et pour le bruit du glaçon sur le verre. C'est sans doute idiot, mais les petits plaisirs simples de la vie sont ainsi faits, ils n'en ont pas moins de valeurs pour autant. Norah Jones me berce doucement, c'est léger, doux, enveloppant, et cela ne couvre pas totalement le son, délicieux de promesses, d'une douche entrain d'être prise. Je ferme les yeux, et, le sourire aux lèvres, je revis.
J'avais donc rendu le fameux texte en retard, prétextant une fois de plus une difficulté de lecture, mais cette fois-ci, cela ne passa pas. Mon sus-mentionné supérieur, un gros bonhomme chauve absolument insupportable, me réprimanda vertement, haussant le ton bien plus que de raison, pour finir par, quasi littéralement, me jeter hors de son bureau.
- Si c'est ainsi que vous traitez vos employés, je crains bien que le fossé qui nous sépare ne soit trop grand pour être comblé.
Une voix féminine venait de prononcer ces mots. Je me retournai, et c'était Elle. Je pourrais sans doute passer des heures à vous décrire l'ovale parfait de son visage, la longueur de ses cheveux, le pétillement rieur de ses yeux noisettes, son accent subtilement anglais, ses doigts fuselés, sa peau mate et sans imperfection, ses lèvres délicatement rosées, mais cela ne resterait malgré tout qu'un faible palliatif. Qu'il vous suffise de savoir que c'était Elle, et tout sera dit.
Dans un coin éloigné de ma conscience, toute occupée alors à se délecter de la vision d'un ange, je me souviens avoir entendu les dirigeants de cette chère société anonyme qui était la mienne, ramper en paroles mielleuses, et maugréer contre l'incompétence de cet employé qui m'avait pour ainsi dire admonesté.
Moi, je sourirais comme un bienheureux, Elle me regardait, et une espièglerie redoutable animait son regard. Rentrant dans son jeu, je décidai de renchérir.
- Il suffit, tous les prétextes sont bons pour me critiquer, ne niez pas ! Vous ne désirez qu'une seule chose, c'est que je vous offre ma lettre de démission. Eh bien, voici, vous gagnez, je ne resterai pas un instant de plus dans cet entreprise qui confond les mots "employé" et "esclave" !
Assis dans ce grand canapé en cuir blanc, je me surprends à rire tout seul au souvenir de leurs visages devenant livides. Combien de millions étaient en jeu ? Suffisamment pour que le grand patron lui-même intervienne, insistant sur le fait qu'il n'était pas au courant de cette situation effectivement inadmissible, que des sanctions seraient prises et que les coupables de ces pratiques seraient renvoyés sans autre forme de procès. C'est à ce moment qu'Elle est intervenue à nouveau, prenant un air outré :
- Encore des renvois, des punitions ? Est-ce là votre seule manière d'agir ? Je suis de plus en plus dubitative en ce qui concerne la capacité de votre entreprise à gérer les biens de la compagnie que je représente. Ne vous ai-je pas répété que nous placions le dialogue en valeur première ?
On eut dit qu'ils allaient avaler leurs cravates tant ils semblaient affolés. Alors que l'un des collaborateurs, croyant que tout était perdu, demanda d'une voix timide s'il n'y avait rien qu'ils puissent faire pour montrer que cette image négative n'était due qu'à un malencontreux concours de circonstances, j'eus un coup de génie. Ma seule envie était de rester avec Elle un peu plus longtemps, alors, insolent, j'avais tenté :
- Nommez-moi Négociateur, ainsi l'injustice sera réparée, et mademoiselle ici présente saura votre générosité et votre audace.
Avant que quiconque ait pu dire le moindre mot, Elle avait lâché un "Parfait, je vous attends d'ici un quart d'heure en salle de réunion" et Elle avait tourné des talons, obligeant de fait ces chers cols blancs à accepter une idée qui les faisaient pourtant frémir d'horreur. Je crois que j'ai eu le cours de macro-économie le plus rapide du monde. Six dirigeants me prodiguaient conseils et avertissements. L'un d'eux pris tout de même le temps de critiquer l'excentricité des américains. Je ne disais rien, mais enregistrais tout. En résumé, la consigne était pour moi de ne pas parler, imaginez si j'avais envie de la respecter. Nous arrivâmes tous en salle de réunion, où Elle était déjà assise, à pianoter sur un portable. Sans un regard pour nous, elle lâcha un "Seul".
Ils se regardèrent, suèrent, tremblèrent sans doute, mais finalement, cédèrent. Le contrat ne devait pas se compter en millions, mais en milliards pour qu'ils soient à ce point conciliant. Qu'importe, seul, nous étions. Quelques secondes passèrent, puis nous nous mîmes à pouffer de rire.
- Tu t'appelles... ?
- Norah, et toi ?
- James.
- Ce n'est pas français comme nom.
- Ma mère était anglaise.
- La mienne aussi.
- Je t'aime.
- Je rentre ce soir aux US, please, come away with me.
Et je suis là. La douche s'est tue. J'avais signé un contrat qu'Elle avait préalablement préparé, mais qui était suffisamment honnête pour mériter des félicitations officielles de la part des actionnaires, ma lettre de démission était posée et acceptée, mais la commission de la transaction me reviendrait, clause issue d'une malencontreuse remarque sur l'excentricité américaine, je m'en serai voulu de faire mentir mes anciens maîtres.
Je regarde la nuit, il y a plus d'étoiles en bas que dans le ciel. Elles filent parfois, deux par deux, blanches ou rouges, alignées. Elles se meuvent au milieu de galaxies clignotantes, de comètes multicolores... Ce monde est tellement improbable. Ma quatrième phrase pour lui dire que je l'aimais... J'entends des pas feutrés, deux bras m'enlacent et deux lèvres me murmurent au creux de l'oreille un love aux accents subtilement anglais. Je jette un dernier regard sur l'ambre de mon whisky intact, je pose mon verre, puis je l'accompagne, Elle, sur un air de Norah Jones.

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Onirian, qui n'aime pas le whisky.


  
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Réponses à ce message :
3 Commentaire Onirian, exercice n°20 - Narwa Roquen (Ven 21 aou 2009 à 18:17)
       4 Vivant ;-) - Onirian (Lun 24 aou 2009 à 12:06)
       4 Comm Onirian n°20 - Elemmirë (Sam 22 aou 2009 à 13:39)


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