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 WA, exercice n°82 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 2 septembre 2010 à 22:40:46
Coucou les pt'its loups! Alors, en forme? La cloche a sonné, vous voilà replongés dans les papiers, les dossiers, les horaires, les obligations, le solde des impôts et autres constatations délétères: les jours qui raccourcissent, le compte bancaire en rouge, le frisquet du matin, les feuilles qui tombent... avec un gros regret de grasses matinées et de siestes crapuleuses...
Bad sanik! Lad tanik! Euh... Pad panik! J'ai l'exercice qu'il vous faut! Le mot d'ordre: déjanté. Débridez votre imagination, osez l'absurde, l'halluciné, le décalé, le renversant, le loufoque, le farfelu! Tous les délires sont permis!
Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 23 septembre. Logiquement (si je puis dire!), ça devrait être jouissif à écrire et décoiffant à lire... En tout cas, ça devrait être exorcisant et conjuratoire...
Narwa Roquen,


  
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Réponses à ce message :
Maeglin  Ecrire à Maeglin

2010-09-06 10:11:03 

 Ceci n'est pas une participationDétails
Non non, c'est juste pour passer le bonjour aux gens d'ici. Je rentre en convalescence pour un petit mois, il WA sans dire que je ne serai pas forcément de la rentrée littéraire sur Faeries mais que ça ne vous empêche pas de me distraire par vos écrits sans thème (en attendant la Toussaint).
Bref, affûtez vos plumes et à très bientôt,

Maeglin

Ce message a été lu 8047 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-09-07 14:26:25 

 Tu sais...Détails
... que tu es ici chez toi! C'est toujours un plaisir de te lire, qu'il s'agisse de roses, de chrysanthèmes ou de tournesols...
Narwa Roquen,le tournesol est coupé! On peut enfin traverser les champs!

Ce message a été lu 7072 fois
Netra  Ecrire à Netra

2010-09-07 20:20:17 

 Mais dans les tournesols...Détails
... On peut jouer aux indiens, aux explorateurs et à la chasse à l'homme. Comme dans le maïs mais le tournesol, ça coupe moins. Sauf qu'on ne peut pas manger le tournesol, et le maïs, si. Enfin c'est moins joli que les champs de sarrazin.
Netra, souvenirs d'enfance.

Ce message a été lu 7220 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-09-23 22:18:00 

 WA, exercice n°82, participationDétails
SI JAMAIS






La sonnerie d’alarme le tira de son demi somme. Une voix synthétique annonça : « Rixe rue des Martiens Endormis. Appel prioritaire. »
Antonin Koudmou bondit sur ses pieds et quitta en courant le local de permanence, son chien Lecazou sur ses talons, pour s’engouffrer dans le module. Délai d’intervention : vingt-deux secondes.
« Pas mal », sourit-il en sortant du véhicule. Selon la pratique éprouvée, il prit une profonde inspiration tandis que devant lui un white et un black s’affrontaient, l’un portant une barre de fer, l’autre une batte de base-ball.
« Enculé de ta race ! Je vais t’apprendre à regarder ma soeur !
- Ta soeur est une pute, sale négro ! Comme ta mère ! »
Koudmou leva les mains, un sourire béat sur le visage. Le temps suspendit son vol, et l’atmosphère orageuse de cette fin d’après-midi d’été sembla tout à coup plus lumineuse, plus sereine, plus souriante.
« Ca te dirait d’aller boire une bière, mec ?
- Non, viens plutôt dîner à la maison ! Ma soeur a fait des beignets de fleurs de courgette, avec une sauce au curry, c’est génial !
- Ouais, t’es mon pote, toi ! »
Lekazou agita la queue et regarda son maître avec admiration.
« Bah, la routine », murmura celui-ci en flattant l’encolure du chien. « Allez, on rentre. »


Cela faisait dix ans maintenant qu’Antonin Koudmou était Positiveur. Comme la plupart d’entre eux, il avait été recruté parmi les reds, les descendants des Indiens d’Amérique, parce qu’ils avaient une prédisposition naturelle à la communication avec les Esprits, et que de plus, en cas de tentative de suicide par chute d’un lieu élevé, ils n’avaient jamais le vertige.
La radio crépita dans le module.
« Fin de service, Koudmou. Tu peux rentrer chez toi, veinard. Tu as fini ta semaine, non ?
- Ma semaine d’intervention, oui. Mais demain j’entame dix jours de Planante, alors...
- Sans repos ?
- Ben... J’ai dû prendre quelques jours à cause de Lecazou, il a été malade, faut que je récupère...
- Pas de bol, mon vieux ! Et le chien, ça va ?
- Ca va ! Il est à la diète... »


Lecazou avait simplement failli crever d’indigestion. C’était un bon chien attentif et fidèle, mais il avait une fâcheuse tendance à s’empiffrer sans limite. Ce soir-là, Koudmou avait invité quelques collègues à dîner, à la bonne fortune du pot. Par une coïncidence heureuse, sa voisine, mademoiselle Iphigénie Mûrepoire avait sonné à sa porte juste avant l’arrivée des invités.
« J’ai fait des légumes farcis... S’il y en a trop, vous pouvez les congeler... C’était tellement gentil à vous de réparer cette fuite d’eau ! Je n’aurais pas su quoi faire... »
La grande plaque de four était comblée de poivrons, de tomates et de pommes de terre farcis, dont le fumet délicieux aurait pu réveiller tous les morts de Cedar Creek. Quand il eut cette pensée, Antonin Koudmou s’empressa d’envoyer un message apaisant à toutes ces pauvres victimes, qui acceptèrent de rester à leur place, non sans quelque regret.
Mais quand les amis arrivèrent, ils avaient apporté cinq kilos de saucisse fraîche, et malencontreusement l’un d’eux s’exclama :
« Pour le cas où... »
Le chien, en entendant son nom, se précipita sur le paquet et l’entraîna au fond du terrain vague avoisinant, ravi de l’aubaine. Les hommes, d’abord interloqués, éclatèrent de rire quand ils virent le plat qui les attendait. On invita mademoiselle Iphigénie et tout le monde s’amusa beaucoup. Le vin rosé des Everglades n’y était pas étranger.
Au matin, Koudmou trouva son chien agonisant dans le jardin. Le vétérinaire fut consciencieux, les prières de Koudmou firent le reste. Le chien guérit.


La Planante, ce n’était pas ce que Koudmou préférait. Son truc, c’était l’active, l’intervention, le terrain. Mais l’un n’allait pas sans l’autre ; normalement c’était une semaine sur trois où les Positiveurs désignés se regroupaient en méditation afin de reconstituer les réserves d’Energie Positive pour que les collègues en active puissent y puiser à volonté. Quand c’était pour la dispute d’un couple ou un différend entre voisins, ça ne prenait pas grand-chose. Mais si c’était une insurrection ou pire, un début de guerre, ça pouvait épuiser toutes les ressources en quelques heures... A part quelques vieillards comme Sittingcat pour qui c’était un moyen de se rendre encore utile, les gars préféraient les interventions... Mais ils avaient tous la fierté de leur mission, et l’orgueil de se dire que grâce à eux depuis trois cents ans aucune mort par agression n’avait été à déplorer sur la planète.
On ne pouvait pas changer la nature humaine. Toujours les hommes étaient prêts à s’étriper pour un regard de travers ou une place de parking. Mais grâce au réseau de détecteurs d’agressivité, on pouvait intervenir rapidement et les bombarder d’Energie Positive. Et là, même le pire des voyous devenait aussi amical et altruiste qu’une grand-mère bénévole de la SPA...


Ils étaient quarante-deux, assis en cercle sur de grands coussins noirs et carrés, vêtus de la tunique blanche et du pantalon noir, pieds nus. La salle de Méditation Positive, que les pratiquants appelaient Planante, occupait la majeure partie du rez-de-chaussée du bâtiment occupé par le CCP (Centre de Contrôle et de Positivation). Au centre du cercle, debout sur une jambe et les mains jointes devant son coeur, le Pair Rickless, actuel Haut Responsable de l’Energie, dirigeait la séance. Autour de lui siégeaient vingt et un hommes et vingt et une femmes, dont les âges s’échelonnaient entre 25 et 118 ans. La plus jeune était Séléné Larsen, un petit génie de la transcendance, quoiqu’elle fût white et prodigieusement jolie. Le plus âgé était Sittingcat, qui méditait comme il respirait, son éternel demi sourire vissé aux lèvres, à tel point que quand on lui parlait on était persuadé qu’il n’avait rien entendu. Jusqu’à ce que la réponse tombe, pertinente, drôle, incisive, et pourtant empreinte de compassion. Il n’avait jamais voulu être au centre du cercle, prétextant d’abord sa jeunesse, puis sa vieillesse. Mais les HRE successifs qui l’avaient connu lui faisaient toujours face et ne le quittaient pas des yeux.
La séance n’en était qu’au début de la cinquième heure quand Sittingcat toussa. Pris de panique, les méditants ouvrirent les yeux et se tournèrent vers lui. Le vieil homme avait perdu sa sérénité et son sourire. Les sourcils froncés, il s’adressa à Rickless, pâle comme une aube d’hiver, rompant la loi sacrée du silence.
« Nous avons un problème... »
La sirène d’alarme retentit.
« Appel d’urgence. Madison, Cheerok, Grandnez, Koudmou, Renarde, en salle de débriefing. Pause pour les autres. Nous enverrons des agents pour reconstituer le cercle. »
La Paire Hilton Barracuda était le chef de la Sécurité. Une femme qu’on ne voyait jamais, sauf en cas de catastrophe imminente. Autant dire que les cinq Positiveurs, tous chevronnés et surentraînés, n’en menaient pas large.
« Ce matin entre huit heures trente et dix heures, vingt-quatre chiens ont agressé des humains. Les animaux du zoo se jettent contre les barreaux de leur cage. Une bande de pigeons a attaqué un employé municipal, des rats courent partout dans la ville, mordant tout ce qui passe, et on nous a déjà signalé trois cent cinquante-six piqûres d’insectes divers, abeilles, guêpes, taons... Toutes les alarmes sont dans le rouge. Un flot d’énergie négative se déverse en continu. On n’a pas connu ça depuis les évènements de Dublin, où il nous avait fallu trois jours pour rétablir le calme. Nous avons décrété l’état d’urgence, mais nos agents sur le terrain ont été très éprouvés. Vous allez leur prêter main forte. Vous êtes les meilleurs : je vous demande de découvrir la cause de ces troubles. Ensuite, faites votre rapport, n’intervenez pas seul ! Le danger est trop grand, et vous êtes tous précieux. Restez concentrés, que le Positif vous garde. Allez ! »
Par-dessus le bruit des chaises repoussées, Barracuda appela :
« Koudmou !
- Oui, madame ?
- Vous avez un chien, je crois.
- Oui, madame.
- Soyez prudent.
- Oui, madame. Mais c’est un bon chien.
- Sans doute. Mais un animal est un animal.
- Et un bon chien est un bon chien, madame. »


Avant de se rendre dans le quartier qui lui avait été affecté, Koudmou passa chez lui chercher Lecazou. Le chien l’accueillit joyeusement, comme à son habitude. Koudmou prit le temps de s’agenouiller près de l’animal. Il posa une main sur sa tête.
« Ecoute, mon vieux, il se pourrait que quelqu’un t’envoie des idées stupides. Je sais que tu es un bon chien. Si ça arrive, tu te couches et tu ne bouges plus. Tu sais, c’est le genre d’humain méchant qui voudrait que tu me mordes... Le genre à te forcer à manger de la saucisse... »
Un éclair de terreur passa dans les yeux du chien, et il se mit à gémir.
« Mais non, ne t’inquiète pas. Je suis là, je te protègerai. Rien que du boeuf à moins de 5% de matières grasses, du riz et des carottes... »
Le chien soupira.
« Et un morceau de cake le dimanche matin, et un biscuit avant de se coucher... et un sucre quand tu es vraiment un très bon chien. »
Lecazou remua la queue et tendit la truffe vers la poche droite du veston de son maître. Les sucres étaient là.
« Yep ! », jappa-t-il.
- « Alors, en route ! »



C’est au croisement de la rue des Matins de Brouillard et du boulevard des Oies Sans Domicile que Koudmou stoppa son module. Sur le mur blanc de l’immeuble du Ministère des Rollers, une inscription avait été tagguée à la peinture rouge.
« La destruction est création »
Un peu plus loin, une autre phrase dégoulinait encore de peinture fraîche.
« La haine est source de vie »
De l’autre côté de la rue, il lut :
« Je suis votre liberté. Mon nom est Erynnie »
Il descendit du module. Il y avait des traces de peinture sur le trottoir, deux traces parallèles, discontinues... Il tourna le coin de la rue. Une silhouette en combinaison rouge était en train d’écrire un nouveau message, juste à vingt mètres de lui. Il intima silence à Lecazou, qui s’assit. Souriant, il prit une profonde inspiration, leva les bras...
Il se retrouva projeté dans les airs par un souffle puissant et atterrit sur la chaussée heureusement déserte, avec la grâce d’un sac de patates déchargé par un livreur en fin de journée. Il se mit à rire doucement en s’asseyant, et se frotta le coude gauche qui avait violemment heurté le sol. La créature en rouge chaussée de rollers le défiait du regard, les mains sur les hanches. Il vit Lecazou arriver vers lui au grand galop, les babines retroussées, l’oeil halluciné. Il se releva d’un bond, leva l’index droit.
« Lecazou ! De la saucisse ? »
Le chien s’arrêta net dans sa course, et se coucha en gémissant.
« C’est bien, mon garçon. »
Il s’approcha de lui, lui donna un sucre.
« Pas bouger. »
Puis il s’adressa à l’inconnu en rouge :
« C’est super, votre truc ! Vous faites ça comment ?
- T’approche donc poènt, zstupide craeture ! J’ssuis Erynnie, j’ssuis la Haène, j’ssuis la Vengéence !
- Ouais, cool ! Et jeune et jolie comme vous êtes, vous n’avez rien trouvé de mieux à faire ? »
Elle essaya de le projeter à nouveau, mais il s’y attendait et ne recula que d’un pas.
« Remarquez, c’est intéressant, comme théorie, c’est novateur...Vous pourriez m’en dire plus ?
- Toué, tz’es une de ces saletés de Positiveueurs !
- Ah non ! Je me suis douché ce matin. »
La fille sembla un peu interloquée, ce qui lui fit perdre deux secondes que Koudmou mit à profit pour avancer de trois pas.
« Vous avez sûrement des tas de choses à m’apprendre ! Ca tombe bien, je n’avais rien de prévu aujourd’hui. Comment avez-vous réussi à concentrer tant de force en vous ? C’est impressionnant ! »
Erynnie rejeta d’un coup de tête rageur ses longs cheveux noirs. Elle était grande et mince, un phénotype inhabituel pour une yellow, et elle avait un accent nordique totalement déconcertant. De plus, si l’on faisait abstraction de son expression hautaine et agressive, elle était d’une beauté stupéfiante. Vraiment un être exceptionnel !
« Ne raeve pas ! Tu n’y arriveras jamaes ! J’commaencé à méditter quand j’avaès trois zans, et j’porte en moué la force de dix génaérations de tsamouraïs ! Mes aïeux ont été chassés de l’Est, et chassés du Milieu, et chassés de partout ! Toujours il fallait courber la taète, et se taère ! Ils voulaient faère de nous des moutons ! Et il y en a eu des milliers comme nous ! L’monde a ben assez moutonné, tab’nakkle ! L’est ben temps qu’s’révaeille !
- Pauvre petit chat ! Tout ça parce que ton père a jeté ton Doudou ! C’était un chat en peluche, c’est ça ? Et tu as beaucoup pleuré...
- Qu’esx tu dzis ?
- Aucun chat n’est devenu agressif, ce matin. Parce que tu les aimes toujours... »
La fille était toute pâle, toute seule, toute fragile.
« Tu es de l’année du Chat, j’en suis sûr. Et si tu avais pu garder ton Doudou, tu aurais eu moins peur.
- J’aé jamaes eu peur de riain ! J’avaes un arc et des flaèches, et un long pouagnaard...
- Mais quand la nuit venait, il y avait des tigres dans le couloir, alors qu’il n’y aurait dû y avoir que des rossignols...
- Commaent tzu le saès ? »
Koudmou s’approcha encore, et s’assit au bord du trottoir.
« Viens t’asseoir, on a cinq minutes. »
La fille s’assit sans un mot. En la regardant à la dérobée, il vit que ses joues étaient trempées de larmes. Sans bouger, il cligna des yeux vers Lecazou, qui s’approcha en remuant la queue. Ce chien était décidément très intelligent – ou télépathe ? De lui-même il s’assit devant Erynnie et lui tendit la patte. La fille la serra poliment, puis sa main se perdit dans le poil long et soyeux tandis que le chien posait sa tête sur sa cuisse, en toute confiance.



Koudmou n’était encore qu’un tout jeune apprenti quand au sortir d’une séance de formation au CCP il avait croisé Sittingcat qui se battait contre sa chaîne de vélo. Aucun son ne sortait de sa bouche mais Koudmou, qui avait les meilleures notes de son groupe en Empathie pouvait percevoir les étincelles de rage qui s’échappaient de l’aura magnifique du vieil homme.
« Me permets-tu de t’aider, Grand Pair ? Ce serait un honneur... »
Koudmou avait toujours eu de l’or au bout des doigts. Les choses le savaient, et se pliaient sans résistance à sa volonté. A cinq ans, il réparait tous les robots ménagers du voisinage. A dix ans il pouvait démonter et remonter entièrement le moteur d’un module. A quinze ans, quand il décida de devenir Positiveur, il reçut un courrier du Ministère des Maintenances qui le suppliait de bien réfléchir... Un poste de Directeur Général venait de se libérer...
La roue se mit à tourner librement. Sittingcat hocha la tête et son regard noir transperça les yeux naïfs du jeune homme.
« Innocent, hein ? L’Innocent est plus puissant que le Magicien. Mais parfois il a besoin que celui-ci lui enseigne sa technique... disons... pour les cas désespérés...Viens t’asseoir. Un jour, tu auras besoin de te passer du protocole. Je le sais... parce que je le sais. Les Ondes Positives peuvent se projeter, comme on te l’enseigne, et on te l’enseigne très bien. Mais elles peuvent aussi émaner de toi, se diffuser lentement comme un parfum, comme une brume légère... Prends ma main. Tu vas le sentir au fond de toi. N’en parle à personne, mais ne l’oublie jamais ! »


Tandis qu’Erynnie câlinait Lecazou sans y penser, un petit brouillard de plus en plus dense avait recouvert la ville, et Koudmou sentait le coeur de la jeune fille se laisser pénétrer par une douceur dont elle avait depuis longtemps oublié l’existence. Il bâilla.
« J’ai comme un coup de... fatigue... Que dirais-tu d’un bon chocolat chaud, dans un fauteuil... presque pas défoncé ?
- Ouais, s’seraèt ben cool... »
Le module se fichait du brouillard. Il avait un pilote automatique.
Et tandis qu’Erynnie somnolait, pelotonnée en boule dans le fauteuil, Koudmou termina son travail, éradiquant du coeur de la jeune fille toute trace de méchanceté. Puis il envoya Lecazou en mission. Celui-ci revint bientôt, tenant dans sa gueule un petit chaton de quelques mois, trop terrifié pour oser se débattre. Dans un demi rêve, Erynnie poussa un gros soupir quand sa main se posa dans le pelage du chat. Et celui-ci, malgré l’averse de larmes qui s’abattait sur lui, décida que son sort n’était pas si défavorable et se mit à ronronner comme un bon petit moteur bien réglé.
Koudmou vida le contenu de sa poche sur le tapis. Lecazou ne se fit pas prier pour se gaver de sucres.
Heureusement le congélateur était plein. Ce ne serait pas difficile de concocter un délicieux repas, et même en invitant quelques amis...
« J’ai drôlement bien fait de faire les courses la semaine dernière, pour le c... »
Le chien se planta devant lui, l’oeil tout émoustillé, la queue tournant comme la pale d’un hélicoptère.
« Eh non, mon gars ! Boeuf à 5% ! J’ai bien fait de faire les courses, parce que si jamais... »
Le chien lui sourit, sans rancune. C’était vraiment un bon chien.
Narwa Roquen, Bisounours Power!

Ce message a été lu 7136 fois
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-09-24 12:47:23 

  WA - Participation exercice n°82Détails
déjanté... vous avez dit déjanté... alors non...

IN MEDIA RES


L’éclat clignotant et tapageur des néons de la rue délave les murs de la petite pièce en grandes flaques bleues et roses semblables au maquillage tape à l’oeil des putes de troisième zone qui déambulent sur le trottoir sous la fenêtre. Dans cette chambre louée pour une heure ou pour une nuit, au mobilier anachronique, le papier se décolle en larges bandes lépreuses. Un lit aux draps défraîchis est encadré par deux appliques qui bavent une méchante lumière vacillante au ton jaune sale. Une commode rafistolée aux tiroirs dépareillés jouxte un plan de travail branlant qui supporte un vieux cadre vidéo aux lignes désuètes. Un étroit placard ne cesse de bailler, découvrant sur une étagère deux couvertures pelucheuses et poussiéreuses qu’aucune femme de chambre ne prend plus la peine de plier. Un simple rideau de plastique aux couleurs passées occulte tant bien que mal l’ouverture qui donne sur la minuscule salle de bains aux faïences entartrées et fendillées.

L’atmosphère pourrait être glauque et infâme. Il n’en est rien. Une grâce singulière illumine cet endroit oublié et lépreux, exilé à la périphérie d’une banlieue sordide, planté au coeur desséché d’une lande de friches industrielles où essaient de survivre les parias et les désenchantés de la société urbaine.

Enkyl est appuyé contre le mur. Sa haute silhouette maigre et osseuse projette une ombre faite d’angles et de piques qui semble curieusement disproportionnée. Il demeure immobile, bras croisés. Il se contente d’observer Miel en silence, essayant de graver dans sa mémoire le moindre de ses gestes. Miel est assise au bord du lit et semble ne lui prêter aucune attention. Elle remonte lentement un bas résilles sur le galbe de sa cuisse oblongue qu’elle lève haut. Le nylon ajouré caresse sa peau claire et douce, aussi claire et aussi douce qu’il peut être ténébreux et violent. Mais près d’elle, il est juste différent.

Miel ajuste soigneusement le bas pour fixer une à une, avec des gestes langoureux et délicieusement ingénus, les deux jarretelles de satin. Enkyl adore la voir faire ça. Elle ne l’ignore pas. C’est une sorte de jeu entre eux. Un jeu de désir et de non-dit. Un jeu inventif et enfiévré qui rend l’attente insupportable, qui exacerbe leur passion dévorante. Elle exulte intérieurement en bafouant joyeusement les préceptes moraux qui fondent son identité. Mais que ne ferait-elle pas pour lui ? Que n’a-t-elle déjà fait pour lui ? Tout. Et même si cela la terrifie, elle ira encore plus loin, jusqu’au bout. Car on n’aime qu’une fois et c’est la première fois qu’elle aime.

Ils viennent de faire l’amour. Une fois encore. Attendant avec impatience la prochaine étreinte comme deux enfants, comme deux amants. Ils se sont promis que la nuit s’épuiserait avant eux. A chaque rencontre, c’est la même quête éperdue d’avance. Ils se battent contre le temps et tentent repousser l’échéance minute après minute. Ils puiseront dans leurs dernières réserves pour assouvir leurs corps, ces corps qu’ils découvrent à n’en plus finir, ces corps qui les rapprochent tellement des humains. Ils étouffent derrière leurs mains les cris inarticulés et organiques qui montent de leurs entrailles quand ils parviennent ensemble à l’extrême limite de la jouissance. Alors ils ont l’impression fugitive qu’ils descellent un autre barreau de leur prison. Cela dure juste le temps de quelques battements de deux coeurs à l’unisson. Ils sont si haut qu’ils imaginent, en fermant les yeux, qu’ils pourraient ne jamais redescendre. L’ivresse fugitive de la plénitude.

Hélas, comme le plaisir des sens, cette illusion de liberté n’est qu’éphémère. Alors ils s’inventent des jeux compliqués pour ne pas penser aux grains qui s’écoulent inexorablement dans le sablier. Ce sont eux les fugitifs.

Derrière des rideaux qui ne masquent presque rien, au bout du la ruelle où se cache l’hôtel miteux, les immenses tours de la ceinture sud de la terapole tentaculaire se dressent contre la noirceur de la nuit. Elles ont ouvert leurs milliers d’yeux luminescents qui trouent l’obscurité en grappes verticales et régulières. L’immense ville ne dort jamais, n’est jamais repue, jamais satisfaite. Plus loin, au-delà de l’horizon, comme un phare au milieu de la nuit, se devine une forme prodigieuse qui relie la terre et le ciel, la Terre et l’espace. L’Arbre polaire, berceau du Pouvoir absolu.

Il est bientôt l’heure. Les égouts ne vont plus tarder à déborder. Ils vomiront une fange nauséabonde que les réseaux d’assainissement ne parviendront plus à contenir. Cette marée putride délogera d’abord les rats qui fuiront devant elle en longues processions le long des caniveaux. Puis, à leur suite, surgiront des créatures plus étranges encore, enfantées au plus profond des ténèbres, courbées et aveugles, avançant prudemment en humant l’air nocturne. Elles pousseront de brefs cris stridents tout en orientant leurs fragiles organes d’écholocation. Enkyl les connaît bien. Il est parfois à leur tête quand sonne l’heure de la chasse.

Mais jamais quand il est avec Miel. Elle tourne vers lui son ravissant visage et ses yeux d’un bleu azur s’attachent aux siens. Il donnerait son coeur pour s’y perdre et ne plus jamais revenir dans cette vallée de l’ombre et de la mort. Ne jamais revenir sous la terre. Il tiendrait parole s’il possédait ce coeur fait de chair et de sang. Mais celui qui bat dans sa poitrine lui a été prêté. Comme tout le reste.

Leur amour est en danger car c’est un amour interdit. Cependant, faisant fi des lois divines et bravant ce qu’ils ont de plus sacré, ces deux-là s’aiment d’un amour tellement inconcevable qu’il en est miraculeux.

Il paraît que les ruines d’une très ancienne cité gisent enfouies sous les fondations de cette partie de la terapole. Loin sous terre. Il paraît qu’un fleuve coulait en son milieu bien plus loin encore dans le passé. Il paraît qu’un balcon se reflétait sur ses eaux calmes. Il paraît qu’à ce balcon un amour fut dévoilé et un amour fut partagé. Ce n’est qu’une vieille histoire, un joli conte aux détails approximatifs dont bien peu se souviennent. Aujourd’hui, une guerre sourde fait rage, étendant ses convulsions dans toutes les directions. Ses victimes se comptent par centaines, par milliers et pourtant ce conflit est invisible et silencieux. Rien de plus normal, ceux qui succombent ne perdent pas leur vie. Ils perdent beaucoup plus. Ils ne le sauront que plus tard.

Miel a fini. Elle se renverse en arrière, ses longs cheveux forment une auréole dorée sur la blancheur affadie du drap. Elle est incroyablement désirable, coulant vers son partenaire un regard trouble et suggestif. Les sous-vêtements provocants qu’elle porte sortent des discrètes vitrines intérieures d’échoppes spécialisées, soulignant en rouge et en noir des lignes de chair douces et frémissantes.
Ces dessous sont aux antipodes de ce qu’elle revêt quand elle est loin de lui. Mais en sa présence, elle n’éprouve ni gêne ni honte, recevant sans rougir les manifestations de son désir.

Le souffle court, Enkyl s’écarte du mur et se penche vers Miel, tendant déjà ses mains impatientes. A cet instant le cadre sur la console s’éveille à la vie. Une image tridimensionnelle se stabilise peu à peu. Ils ont programmé le vieil appareil pour ne perdre aucun des flash info diffusés sur le réseau public. Il en va de leur sécurité.

Ils interrompent leur approche sensuelle quand un visage aux traits parfaitement réguliers, à la rigueur toute patricienne, reconnaissable entre mille, se focalise au-dessus de la console. C’est un tribun, un leader influent, le chef d’une puissante coalition fédérant des intérêts astrostratégiques de la Canopée, la vaste assemblée parlementaire interplanétaire.


- INTERMEDE -


La Canopée tire originellement son nom de la fantaisie de ses concepteurs qui se sont librement inspirés d’anciennes légendes dans lesquelles des d’arbres millénaires abritaient des cités d’argent qui resplendissaient de mille feux dans la lumière cendrée de l’astre nocturne. Ils ont érigé à l’emplacement exact du pôle Nord la plus haute structure de toute la planète. Ils ont repoussé les lois de la physique et domestiqué les forces venues de l’espace profond qui ricochaient sur les couches supérieures de l’atmosphère.

Ils l’ont appelée l’Arbre. Il est vertigineusement élevé et ses fondations sont solidement ancrées à plus de quatre mille mètres sous la surface de l’océan arctique. Son tronc est rigoureusement vertical et son ombre portée marque avec une précision absolue l’heure solaire, tel un gigantesque gnomon planté par la main même d’Atlas. Les capitales astronomiques des douze Royaumes Tutélaires ont été déplacées pierre après pierre pour être localisées sur les lignes horaires, chacune d’elles devenant une graduation de ce cadran solaire planétaire.

Couronnant la tour comme le feuillage couronne le tronc, ils ont posé la Canopée. C’est un hémisphère de verre hybride et de duracier. Son pôle arrondi repose sur la pointe d’une aiguille qui s’élance à partir du dernier étage du tronc de l’Arbre, donnant la troublante impression qu’il s’enfonce dans l’espace. Les architectes paysagistes ont importé de tout l’Univers des myriades de troncs précieux pour en habiller l’hémicycle intérieur. Ils ont modifié génétiquement les essences pour les acclimater et les enraciner en ce lieu où la gravité a été divisée par deux. Ils ont permis la floraison de ces chimères végétales grâce à des arborescences de veines capillaires qui courent entre les molécules distendues de la pierre et du marbre pour distiller les sérums de croissance.

Dans cet hémicycle siègent les représentants élus des royaumes et des principautés, des planètes libres et des confédérations républicaines, des mondes forges et des cités franches des Marches Stellaires. Là trépignent et vitupèrent des milliers d’hommes et de femmes sensés faire régner l’ordre et le commerce, la loi et ses exceptions sur plusieurs dizaines de milliards de citoyens et plusieurs centaines de mondes.

Les gradins s’étagent sur plus de six cents mètres et renferment un échantillon parfait de l’incroyable diversité de l’Essaim humain qui a colonisé les étoiles. Des géants filiformes et taciturnes de la planète des Vents aux irascibles nains des lunes à très forte gravité des anneaux d’Héphaïstos. Des rêveurs émaciés des Comptoirs du Dernier Saut, dont la peau luit faiblement d’une teinte bleuâtre, aux guerriers froids et durs des Mondes de Discipline, grands pourvoyeurs des troupes d’assaut des forces stellaires. Des affables et souriants commerçants des Huit Etoiles Associées, dont le turban blanc ou jaune dissimule une courte dague empoisonnée, aux pointilleux aristocrates de la Constellation du Trône qui mesurent chaque parole et chaque geste à l’aune du système compliqué de leur étiquette nobiliaire. Et ce ne sont là que quelques exemples entre mille, témoignant de l’extraordinaire expansion humaine débutée des siècles auparavant.

Entre les rangs serrés des députés et sénateurs, auxquels s’ajoutent leurs conseillers et assistants, se pressent encore plus nombreux, les fonctionnaires impériaux, diligents et attentionnés, qui maintiennent sans faiblir la cohérence et la dignité des débats, l’efficacité et la rigueur des décisions prises au nom d’un Peuple lointain. Quelques fois, la présence inquiétante et désincarnée de l’Empereur Sacrifié envahit l’hémicycle et plane sur les discussions, les voilant d’une déférence presque obséquieuse. Les cris deviennent murmures policés et les orateurs modèrent leurs expressions même si un observateur particulièrement attentif remarquerait bien vite veines saillantes et tics comportementaux qui trahissent une extrême nervosité.

Cependant la Canopée possède un autre sens, plus péjoratif, donné par la plèbe avec une dérision mêlée toutefois de crainte et d’envie. La canopée est la partie ensoleillée du feuillage de la forêt comme la Canopée polaire incarne le prestige et la puissance des castes dirigeantes. Située entre la Terre et l’espace, la Canopée est définitivement inaccessible pour le petit peuple qui se résigne à marcher dans son ombre

- FIN DE L’INTERMEDE -



« Mes chers concitoyens, l’heure est grave... »

Une caméra subjective zoome sur les traits 3D du tribun qui expriment une bienveillante inquiétude et une sollicitude toute paternelle. L’amplificateur de l’écran est poussé dans ses derniers retranchements. Le visage du sénateur occupe à présent tout l’espace au-dessus du plan de travail.

Miel s’approche de l’image tridi pour déceler le moindre signe de possession. Jusqu’à maintenant, ils ont réussi à déjouer toutes les procédures de sécurité. Si les surveillants ne les ont pas encore démasqués, pas précisément, ils sont néanmoins sur leurs traces, tenant en laisse leurs meilleurs limiers.

Miel sursaute. Elle a décelé un infime tressautement dans le coin de l’image, à peine perceptible. Si le tribun continue imperturbablement sa diatribe, quelque chose vient de changer dans son regard, une lueur insolite, une profondeur inexpliquée. Derrière les mots qu’il articule à l’intention des téléspectateurs ordinaires, se cachent d’autres mots qui ne s’adressent qu’à eux, qui n’ont de sens que pour eux.

« Nous vous retrouverons. Où que vous soyez. Nous savons que vous nous entendez. Nous vous débusquerons. Vous avez franchi toutes les limites, toutes les frontières. Il n’y aura aucune clémence, aucune rédemption. Ce que vous faites ne peut être pardonné ! »

Enkyl tourne soudain la tête vers la fenêtre entrebâillée.

« Il faut partir. Tout de suite. Ils arrivent ! »

A son tour, Miel dirige son attention vers l’extérieur. Elle distingue plusieurs chocs assourdis qu’elle identifie aisément. Cinq ou six exterminateurs ont atterri non loin.

« Il y a Michel ! » souffle-t-elle. Son coeur se glace d’effroi. Michel. Elle n’imaginait pas qu’il se lancerait lui aussi à leurs trousses. Michel. L’implacable. Michel l’inflexible. Son bras vengeur.

« Et Apolyon se tient à ses côtés ! » réplique sombrement Enkyl.

Ils bondissent dans le couloir. Ils ne peuvent faire mieux si près des humains. Ils n’ont que quelques secondes. Moins d’une poignée. Ils se précipitent vers la sortie de secours qui donne sur l’arrière de l’hôtel. Ils sortent à l’air libre. L’obscurité étend sur eux un manteau épais où ils peuvent enfin se défaire de leur apparence humaine.

Ils déploient rapidement leurs ailes, blanches pour Miel, ténébreuses pour Enkyl et s’élancent dans l’éther, frôlant dangereusement les toits éventrés et les cimes des arbres synthétiques aux ramures déchiquetées. Ils n’osent prendre de l’altitude. Ils se feraient trop facilement repérer. Leur seule chance de salut est de parvenir aux quartiers de l’ultra centre, là où la densité des immeubles et des réseaux retardera leurs poursuivants en masquant leurs signatures corporelles. Ils pourraient peut-être se glisser parmi les belligérants qui s’affrontent pied à pied au-dessus des rats qui ont jailli des égouts. L’ultra-centre est distant de près de mille kilomètres. La terapole mérite son nom.

Ils s’efforcent de voler en rase-mottes. Sous leurs poitrines, le sol noyé d’ombre défile à grande vitesse. Ils évitent les obstacles au dernier moment, s’engouffrant par des fenêtres aux vitres brisées et ressortant par des portes fracassées. Ils demeurent côte à côte, sans échanger la moindre parole, se concentrant sur leurs trajectoires parallèles. Miel essaie de ne pas se faire distancer par Enkyl dont les ailes sont beaucoup grandes et plus puissantes que les siennes. Elle compense péniblement cet handicap en privilégiant la fluidité des trajectoires tracées au cordeau. Ensemble, ils déchirent la nuit et leur extrême vélocité forme à l'extrémité de leurs ailes des vortex éphémères de condensation.

Sans même regarder en arrière, ils sentent parfaitement que les exterminateurs foncent vers eux. Ces derniers sont issus des plus hauts parages de leurs races. Intelligents et expérimentés, infatigables et impitoyables, ils ont uni leurs forces contre toute attente alors qu’ils ont été éduqués et entraînés depuis l’aube des temps à se combattre éternellement sans céder un seul pouce de terrain. Oui, cette poursuite est paradoxale. Trois possèdent des ailes blanches et trois possèdent des ailes noires. Tous ne souhaitent qu’une seule et unique chose. Mettre fin à l’hérésie. Effacer toute trace de son existence. Le plus rapidement possible. Ensuite, ils pourront revenir à leur combat éternel, s'affronter les uns contre les autres. Ensuite seulement... car tel est l’ordre impérieux qu’ils ont reçu de leurs Maîtres. Ils obéissent.

L’ultra centre de la capitale du Royaume Tutélaire du Verseau se rapproche à présent. Encore quelques petites centaines de kilomètres. Le vol des fuyards épouse au plus près les plus infimes anfractuosités des aménagements urbains dont l’architecture se modifie progressivement. Les constructions présentent maintenant des lignes épurées et des équilibres étourdissants, gagnant en volume et en hauteur, édifices majestueux et grandioses reflétant la puissance du royaume.

Ils survolent aussi d’immenses propriétés où sont érigés de magnifiques palais aux frontispices altiers que soutiennent les épaules de pierre de géants dénudés et aux dômes rutilants recouverts d’or. Les princes qui résident là gouvernent des domaines qui s’étendent entre les étoiles. Des domaines si vastes que le plus grand des empires humains pré-Essaim passerait pour le jardin d'un hobbit. Les cerbères mutants qui montent la garde dans ces jardins féeriques lèvent leurs museaux barbelés en grognant sourdement, dévoilant des crocs métalliques. Si leurs sens sur-amplifiés perçoivent les infinitésimales perturbations du champ de gravité engendrées par le passage éthéré des amants ailés, les monstrueux molosses demeurent cependant impuissants à les intercepter. Leurs mémoires artificielles ne conserveront aucune trace de cet incident. Nulle machine faite par l'homme ne peut enregistrer les signes de l’existence des êtres ailés.

Une forme subtile de lassitude s’empare de Miel. L’effort devient trop long et trop intense. Son vol perd en assurance et en agilité. Elle redresse au dernier moment une trajectoire et s’inscrit maladroitement dans une série de courbes serrées, évitant de justesse d’être déséquilibrée par les forces centrifuges. Une aile frotte douloureusement le long d'une muraille, faisant gémir le béton qui en gardera une longue et profonde cicatrice. Enkyl le remarque. Ils ne courent aucun risque de se blesser car rien en ce monde ne peut les affliger. Ils risquent de perdre du temps et de permettre à leurs poursuivants de réduire la distance qui les sépare. Ils pourraient alors fondre sur eux avant qu’ils ne se puissent se dissimuler dans les méandres du labyrinthe de l’ultra-centre.

Avec mille précautions, Enkyl effleure d’une main rougeoyante l’aile de Miel la plus proche de lui. Là où il l’a touchée, celle-ci frémit doucement et une vague irisée l’envahit et la recouvre peu à peu. Elle gagne le bréchet et se propage comme un pâle incendie sur l’autre aile. L’espace d’un bref instant, la blancheur immaculée des ailes de Miel se pare d’un reflet roux et changeant. Miel se sent bondir en avant comme si une main géante et invisible l’avait poussée sans ménagement. Une vigueur nouvelle et vivifiante la réchauffe tandis que la fatigue disparaît.

Ils parviennent finalement à plonger vers le lit d’un fleuve mythique dont le cours est continuellement alimenté par les eaux libérées d’un glacier artificiel et souterrain où sont stockées et traitées des montagnes de mètres cubes liquides prélevés dans les plus profondes fosses océaniques. Ils en suivent les larges lacets qui les conduisent au coeur de l’hyper centre.

- INTERMEDE -



Là s’élève une arche de marbre qui culmine à près de cinq mille mètres dont les piles jumelles enjambent le fleuve. Sur son toit s'élève une structure beaucoup plus modeste, entremêlements de poutrelles métalliques, qui pointe droit vers le ciel où la nuit ne règne jamais, chassée par un éclairage urbain pharaonique.

La Tour est le lieu de pèlerinage et de dévotion le plus fréquenté du Royaume. Elle en est le symbole et figure sur ses armoiries. La Tour accueille chaque année la cérémonie du renouvellement d’allégeance du Grand Roi. Une main posée sur le texte fondateur écrit de la main même du très grand Saint Nicolas, il proteste urbi et orbi de sa fidélité et de son abnégation. Saint Nicolas, le Vénéré, le père de la dynastie des Essarts Croisés qui a régné plus de quatre cents ans sur la destinée de ces terres pourtant promises au déclin. Le nom de cette dynastie trouve son origine d’une part, d’une technique utilisée dans la protohistoire pour répondre aux besoins d’une population en expansion et d’autre part, des guerres religieuses où s’affrontaient les nations monothéistes de l’époque.

Saint-Nicolas et ses descendants ont ensuite activement participé à l’aventure de l’Essaim. Leurs armes ont vaillamment combattu les horreurs de l’espace et l'hostilité des terres lointaines. Les trois couleurs du Royaume ont flotté fièrement sur le front des troupes qui ont lutté victorieusement sur tous les champs de bataille où s’est joué le sort de l’expansion humaine. Sur la large bande verticale blanche de l’étendard, entre la bleue et la rouge, une double couronne d’étoiles consacre la puissance du Royaume. Quarante étoiles d’or pour les quarante nations terriennes, aujourd’hui disparues, fédérées par Saint Nicolas lors des guerres de la Nouvelle Aube. Quatre vingt dix huit étoiles d’argent les entourent, une pour chaque système solaire principal appartenant au Royaume Tutélaire du Verseau.

Les reliques de Saint-Nicolas sont conservées religieusement dans une châsse en or massif abritée au deuxième étage de la Tour. La clé en vermeil qui en commande la serrure pend au cou de l’Ecclésiaste Franc qui ne s’en sépare qu’après l’heure de son trépas. Le collier où est attachée la Clé est retiré avec componction sur le cadavre encore chaud du premier prélat du Royaume pour être placé autour du cou de son successeur qui l'attend à genoux en ployant la tête en signe de respect et de soumission.

Sur la clé comme sur la serrure, est finement gravé le symbole de Saint-Nicolas. Il s’agit d’un curieux objet stylisé et au ventre rebondi d’où part un long et fin appendice finissant en un bec rigide. L’objet dispose de deux lanières laissant à penser qu’il était portatif. Hélas, son utilité et sa signification se sont définitivement perdues dans les limbes du passé.

Des hagiographes du Saint, parmi les plus zélés et les plus orthodoxes, soutiennent jusqu’à la déraison qu’il s’agit d’une arme d’apocalypse mise au point par le grand Saint-Nicolas en personne, inspiré par un Dieu antique penché au-dessus de son épaule. Ils font référence à une inscription à demi effacée où peut se lire deux lettres. US. Bien sûr, pour ces zélateurs idolâtres, il ne peut s’agir que de la terminaison du nom du Dieu, « ZEUS », le terrible maître de l’Olympe qui domptait le feu du ciel. Une arme terrifiante que Saint-Nicolas aurait utilisée pour défaire les ennemis de son petit pays et les bouter jusqu’au dernier au-delà des frontières.

Cette arme, comme le foudre divin, aurait eu trois fonctions. D’abord elle se contenterait d’avertir les imprudents, démontrant la clémence et la bienveillance de Saint-Nicolas. Ensuite, si l’avertissement n’était pas entendu, l’arme divine punirait ceux qui persisteraient dans l’erreur, le péché ou le crime. Enfin, quand tout serait perdu, quand le pays menacerait d’être submergé par le nombre infini de ses assaillants, l’arme brandie par le Saint Homme aurait été capable de briser les colonnes du ciel et le faire s’écrouler sur la Terre.

Toutefois, les historiens plus mesurés, plus rationnels et sans doute plus compétents, semblent plutôt incliner à penser qu’il s’agit en fait d’une parabole. Saint-Nicolas aurait voulu ancrer son règne et frapper l’imagination de ses contemporains en choisissant un symbole fort, fédérateur et emblématique.

Malgré toutes les recherches entreprises, cette arme de destruction massive et de fin du monde, n’a jamais pu être retrouvée. Elle dort sans doute au fond de quelque crypte mystérieuse et oubliée, attendant l’appel du dernier Roi.

Aujourd’hui Saint-Nicolas repose silencieusement dans une châsse d’or, allongé sur une couche tendue d’un velours cramoisi. Un masque mortuaire également en or massif recouvre son visage à l’instar des anciens rois d’Aegypte. Chaque jour des pèlerins, en files ininterrompues, certains après avoir parcouru plusieurs dizaines d’années-lumière, ahanent pour gravir laborieusement les 740 marches qui, à partir du toit de l’Arche, aboutissent au deuxième étage de la Tour. Les dispositifs d’élévation mécanique ont été démontés dès la sacralisation et la béatification du Saint afin que l’ascension constitue la première épreuve initiatique des pénitents. En sueur et respirant avec peine, ceux-ci attendent ensuite leur tour pour pénétrer dans le sanctuaire qui abrite la châsse, sous le regard vigilant des Mille.

Mille légionnaires d’élite montent en permanence une garde solennelle aux abords du sanctuaire. Ils arborent tous les plus hautes distinctions militaires cousues sur leurs larges poitrines. Ce sont des vétérans, des survivants des plus terribles batailles des Marches Extérieures, couverts de sang et de gloire, malheureusement devenus inaptes pour le service actif. Cependant, pour le prestige et l'honneur qu'ils incarnent, ils ont été choisis pour veiller près du Sanctuaire. Ils ont été habilement retapés et génétiquement modifiés pour être encore plus grands, plus forts et plus menaçants que des mercenaires aldébarans. Sous leur uniforme chamarré, il y a en fait plus de métal que de chair. Ils dominent la foule de plusieurs têtes, leurs armes boursouflées prêtes à faire feu. Bien entendu, ils sont épaulés par des myriades de drones et de flotteurs invisibles qui se chargent en réalité des systèmes opérationnels de sécurité.

En file indienne, les pèlerins avancent lentement, dans la pénombre fraîche et bleutée du sanctuaire. Ils approchent du catafalque supportant le reliquaire. Quand ils touchent d’une main tremblante les moulures extérieures, leur visage s’éclaire d’une joie extatique. Quand ils ressortent du Sépulcre, ils sont transfigurés, le coeur gonflé d’une allégresse inouïe. Ils ont l’impression d'être si légers qu'ils pourraient flotter sans difficulté. Ils sourient béatement aux Mille qui les toisent goguenards, avant de redescendre les escaliers qui tournent en colimaçon au coeur des quatre piliers de la Tour. Des esprits chagrins doutent de ces bienfaits miraculeux et les mettent sur le compte de drogues particulièrement sophistiquées qui seraient diffusées par de multiples et discrètes bouches d’aération. L’état physique des pèlerins diminué par la rude ascension, participerait également à renforcer les effets de ces drogues psychotropes. Mais ce ne sont que quelques poignées de contestataires qui prônent des valeurs obsolètes et inefficaces.


- FIN DE L’INTERMEDE –



Enkyl et Miel se posent en catastrophe non loin de l'Arche, au milieu d'un vaste jardin où des bosquets taillés en formes géométriques bordent des pelouses parfaitement alignées, tapissées de parterres de fleurs dont les couleurs sont fanées par la nuit. Reconnaissables entre tous, les Champs Elyséens sont célèbres dans toute la galaxie.

« Pars de ton côté. Ils ne nous retrouverons pas ici ! » dit Enkyl en enlaçant tendrement Miel. « Pars ! Il vaut mieux que nous ne nous revoyions pas avant quelque temps ! »

Le démon, dans l’ombre protectrice d’une aubépine, a replié ses ailes sombres. Sa peau est aussi noire que les ténèbres, parcourue de longues veines rouge et or. Deux cornes se dressent sur son front et une longue queue fouette l’air derrière lui. Il est impressionnant de force et dans ses yeux allongés brûle un brasier infernal. Il prend garde à rétracter ses griffes acérées qui peuvent déchirer la plus dure des cuirasses de titane. Sous cette forme, il est semblable aux siens. Sous cette forme, les humains ne peuvent le contempler sans que leur âme ne gémisse de crainte car ceux qui le voient ainsi sont voués aux tourments éternels. Il appartient aux légions d’assaut de l’Enfer et si Apolyon est son général, il en est l’un des plus vaillants capitaines.

Sa stature et sa carrure sont tellement imposantes qu’entre ses bras, Miel paraît frêle et chétive. Miel ne dit rien. Ses ailes immaculées sont également repliées, masses légères et cotonneuses. Elle est vêtue de mailles nacrées qui ondoient sur ses lignes fluides et fermes où les rondeurs féminines de son corps d’emprunt ont disparu. Elle est certes moins grande que lui mais elle toiserait nombre d’hommes qui se prétendent grands. Elle...ou lui car les Anges n’ont pas de sexe. Son apparence est androgyne et il n’y a plus que dans ses yeux où se lit encore la douceur de la femme que Miel fut. Il appartient aux légions célestes qui affrontent les légions infernales. Miel est infiniment redoutable quand elle charge à la tête de sa phalange revêtue d’or et d’argent, pourfendant sans pitié les démons qui se dressent sur son chemin.
Mais là, sous la protection de l’aubépine, symbole d’innocence et de pureté, ces deux créatures que tout oppose, se pressent l’une contre l’autre, défiant l’ordre établi et attirant sur leurs têtes le courroux conjugué du Ciel et de l’Enfer.

Enkyl, le premier, s’écarte délicatement de Miel. « Il nous faut partir, le jour qui avance nous oblige à... »

Il ne peut finir sa phrase. Une lame étincelant d’un feu glacial jaillit hors de sa poitrine. C’est une lame angélique que Miel reconnaît sans peine. Enkyl tombe à genoux, fixant hébété la lame qui se retire brutalement vers l’arrière.

« Michel... non ! ! ! » Miel s’est précipité vers Enkyl, le soutenant en pleurant. »Non... Enkyl... ne meurs pas ! »

L’Archange apparaît derrière le démon qui respire péniblement, essayant de retenir de ses deux mains, la vie qui s’échappe de son corps transpercé. Son souffle se fait court et chaotique. Le coup porté par l’épée angélique est irrémédiable. Michel adresse à Miel un regard sévère en pointant vers elle son arme encore luisante du sang du Démon.

« Qu’as-tu fait Miel? Que nous as-tu fait ? Que Lui as-tu fait ? Croyais-tu que cette abomination puisse échapper longtemps à Son châtiment ? Le croyais-tu vraiment ? »

Miel laisse éclater sa colère.

« Tu ne comprends rien. Il y avait un espoir. Un espoir de cesser cette guerre. Michel, prétends-tu encore que nous sommes le Bien et qu’ils sont le Mal ? Nous nous sommes aimés et si nous l’avons fait, d’autres que nous pourront le faire. Et... »

Elle sursaute quand le trident déchire son flanc. Apolyon lui lance un sourire torve et diabolique en poussant sur le manche de son arme qui pénètre plus profondément encore, soulevant presque Miel qui se débat de douleur. Malgré le sang qui a envahi sa gorge, qui l’étouffe peu à peu, Miel se tourne une dernière fois vers Enkyl qui a refermé ses paupières et demeure immobile. Comme s’il avait senti la caresse de Miel, Enkyl, déjà sur le seuil vespéral de la Mort, ouvre à nouveau les yeux. Dans le dernier regard qu’ils échangent, l’Archange et l’Archidémon peuvent lire un sentiment sublime qui transcende l’horreur et la douleur et qui s’affranchit des différences et des traditions.

Lorsqu’un Ange meurt, une étoile filante tombe sur la Terre. Quand Michel lève les yeux vers le ciel encore sombre, une pluie scintillante tisse un rideau d’argent sur le firmament. Le Ciel pleure. Lorsqu’un Démon succombe, la Terre s’ouvre et il est précipité dans les flammes des profondeurs où il disparaît à jamais.

Devant l’aubépine, il ne reste finalement que six grandes silhouettes ailées qui se font face, trois contre trois. Un grand coup de tonnerre retentit, annonçant que la partie est terminée. Les Maîtres ont rappelé leurs serviteurs. Quand le silence se reforme, les Champs Elyséens sont désormais déserts.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-09-26 22:36:58 

 Commentaire Maedhros, exercice n°82Détails
Peut-être aurais-je dû préciser dans ma consigne « écrivez un texte plus déjanté que ceux que vous écrivez d’habitude »... Je ne suis pas sûre que ce qualificatif s’applique à ce texte, qui ne détone pas vraiment par rapport à ta production habituelle... Mais bon, il y a quand même de jolis délires...
Le coeur en est une histoire d’amour romantique des plus classiques. Ils s’aiment, mais le monde entier est contre eux. Un Monde qui oscille entre la Science Fantasy et la Fantasy futuriste, où tu mêles comme tu sais si bien le faire imaginaire, légendes détournées et références historiques (vraies ou fausses). Par-dessus tout ça, une drôle d’idée de la France, la lutte entre le Bien et le Mal, une arme américaine ( je ne suis pas très douée en armes... c’est une grenade ?), une construction architecturale vertigineuse, un Saint largement détourné de sa trajectoire de protecteur d’enfants, de l’opium pour le peuple ( au propre et au figuré), une touche de space opera et une autre de roman noir américain discrètement érotique... Et le miracle c’est que la sauce prend, c’est parfaitement cohérent et ça a du sens ! La trouvaille géniale, c’est l’union des forces ennemies pour détruire ceux qui pactisent – forme extrême de résistance au changement ! - , parce que si elle a l’air paradoxale, elle est pourtant complètement plausible !
Le titre, à double sens comme il se doit, apporte une touche finale très classe...


Bricoles
- « Que n’a-t-elle déjà fait pour lui ? Tout. » : elle a déjà tout fait pour lui, on est d’accord, et il faut conserver le mot « tout ». Mais à ta question, pour garder le sens, il faudrait répondre « rien ». Parce qu’il n’est rien qu’elle n’ait fait...
- Au bout du la ruelle : de
- D’anciennes légendes dans lesquelles des d’arbres : un « d’ » en trop
- Vitupèrent des milliers d’hommes et de femmes sensés : censés
- Grands pourvoyeurs des troupes d’assaut des forces stellaires : de troupes... pour les forces : trop de « de »
- Elle compense cet handicap : ce handicap (h aspiré)
- Palais aux frontispices altiers que soutiennent les épaules de pierre de géants dénudés et aux dômes rutilants : la phrase est longue, on s’y perd un peu, on a du mal à mettre en parallèle les deux « aux ». Peut-être peux-tu enlever le « que » : « soutenus par les épaules.. » ; ou alors il faut couper en deux.
- Ils pourraient alors... avant qu’ils ne puissent...
- Une arche ... qui culmine à près de 5000 mètres dont : j’aurais mis un « et » avant le « dont »
- Entremêlements de poutrelles : j’aurais mis : entremêlement
- Une inscription ... où peut se lire deux lettres : où peuvent ; ou bien : où l’on peut lire
- Ils ont été ... retapés et génétiquement modifiés : un peu familier, le « retapés », pour des légionnaires d’élite !
- Vers Enkyl qui a refermé ses paupières closes : pléonasme, ou redondance, au choix...


Encore un très joli texte, au souffle puissant, qui allie la simplicité de l’intrigue à la complexité du décor.
On peut discuter sur la ficelle des « Intermèdes » pour présenter le Monde. Effectivement quand on choisit la technique dite « in media res », (c'est-à-dire commencer le récit au coeur de l’action), toute la difficulté est de réussir à caser la description du Monde, surtout quand on en fait l’historique depuis la nuit des temps... Mais d’autre part c’est beaucoup plus animé de cette manière, et l’attention du lecteur ne se relâche jamais. Dans le format d’une nouvelle il faut bien trouver des astuces pour gagner du temps... Et personnellement, je ne te fais aucun reproche.
Merci de ce bon moment passé à te lire !
Narwa Roquen,il existe un stimulant intellectuel très efficace mais qui comme les autres vous oblige à récupérer ensuite. Non, ce n'est ni illicite ni sur ordonnance: c'est du Maedhros!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-10-10 20:11:58 

 Aux armes citoyens...Détails
Allez, pour sourire :

Mon premier est :

Nicolas, le Saint Nicolas, le Vénéré, le père de la dynastie des Essarts Croisés ==> Nicolas Essarts Croisés.

Pour connaître l'arme employée :

Il faut suivre ce lien...

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-10-10 23:00:08 

 Ouaf ouaf!Détails
Je me suis bien fait avoir! Par curiosité, si quelqu'un avait trouvé, je lui décerne le Grand Prix de Perspicacité!
Narwa Roquen,qui se tient les côtes

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z653z  Ecrire à z653z

2010-10-25 16:56:50 

 Lecazou ou LekazouDétails
C'est la seule broutille que j'ai relevée.
Sinon, la petite fille se laisse maîtriser un peu trop facilement même avec l'intermède (peu crédible) qui est censé expliquer la grande maîtrise de Koudmou.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-10-26 14:07:47 

 Ouaip!Détails
...mais le thème était "déjanté"... alors, si ce n'est pas crédible, ma foi...
Narwa Roquen,qui se débat!

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Netra  Ecrire à Netra

2010-10-28 17:05:05 

 En fait Détails
on dit le kazoo...

*sort en courant*
Netra, ménestrel.

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z653z  Ecrire à z653z

2010-11-03 14:38:01 

 J'ai eu une première idée...Détails
... en lisant "très grand"... et quelques autres détails n'ont fait que confirmer cette première intuition.
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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-12-01 12:46:31 

 WA-Exercice 82 - Déjanté.Détails
Ce texte n'aura pas été écrit sans mal. Alors que je pensais le thème facile, je me suis retrouvé coincé devant sans trouver de porte. Finalement, tout est parti d'une phrase que j'ai écrit dans un contexte complètement différent.

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Quelques mots enrobés de miel.


Quelques mots enrobés de miel. Quoi de plus satisfaisant ? Quoi de plus doux, de plus délicat ? Ah bien sûr, il y a les éternels râleurs, ceux qui préfèreraient avoir des phrases au goût bacon, des syllabes aux saveurs acres de soir douloureux, des borborygmes décadents arrosés de vin scatologique, ou mille et un autres mélanges salés, fruités, amers, piquants, aigres...
Mais moi, mon art, c’est le miel.
Ce n’est pas si facile d’enrober un mot de miel. J’ai un confrère (mais néanmoins ami) dont le métier est de mettre de l’or autour des voix. C’est plus intuitif, tout de suite vous imaginez, vous visualisez, vous envisagez des méthodes, et vous entendez le résultat. C’est ainsi.
Non, moi j’enrobe les mots avec du miel, celui qui convient à chacun. Le miel épineux d’une rose pour les jeunes filles en quête d’aventures, le miel façon sirop d’érable pour le vieil homme qui apprécie ses lignes dans un confort douillet, le miel de pensée pour les philosophes en herbe, le miel toutes fleurs, pour les textes légers.
Il y a autant de miels que de lecteurs, autant de miels que de textes, toute l’astuce est de trouver l’équilibre : le texte, la saveur, l’homme.
Alors oui, si vous secouez un arbre, comme l’on dit vulgairement, vous pourrez en trouver des mots sucrés, jetés là sans égards, vaguement saupoudré d’un sucre malséant, d’une poudre de saccharose bon marché, d’exhausteurs de goût industriel. Je ne suis pas de ceux là !
Je chéris chacun des mots que l’on me confie, je les observe, je les tourne, je les retourne, je les écoute, les ausculte, les dissèque, pendant des heures, des jours s’il le faut. Et j’étudie aussi le destinataire, qui recevra ce cadeau ? Pour qui ces mots travaillés ? Amour ? Peine ? Tracas ? Plaisir ? Ennuis ? Vengeance ? Malheur ?
Je ne juge jamais. Les mots sont beaux en eux-mêmes, ils ont de l’impact, de la force. Une vengeance sucrée ? Savez-vous seulement l’imaginer ? Une phrase bien sentie, trempée dans cinq sucres différents, avec une goute de miel d’acacia, juste pour sentir l’arrière goût subtil, le piquant de ses branches ?
Et l’art de trouver la combinaison parfaite, le mot juste, la locution exacte, celle qui arrache une larme. Un seul mot pour un torrent ? Oui, je l’ai fait. Miel de jacinthe, une pointe de Java (le chocolat bien sûr) et un soupçon de curry, très faible, à peine perceptible, le tout pour un mot délicat, nostalgique.
J’aime à penser que mon métier est de fournir l’écrin le plus digne possible pour un diamant brut. Je suis un joaillier, un tailleur de pierres précieuses. A cela près qu’un mot ne se taille pas. Il est un et entier, il est parfait en lui, un aboutissement unique.
Ma commande la plus difficile tiens en un seul mot : gésir.
Sentez-vous la force, la puissance de ce mot ? Est-ce que vous parvenez à en saisir toutes les vibrations ? La frustration toute entière contenue dans ce mot ? La colère et la faiblesse qu’il fait tenir en seulement cinq lettres ?
Ce mot est destiné à une femme splendide, comme les femmes d’autrefois, hautaines, fortes, de celles qui ne sont pas jolies ; elles sont belles. Et j’offre ce mot de la part d’un homme qui se sent trop fade, qui se cache derrière quelques qualités méconnues, qui tremble lorsqu’il est seul mais qu’il pense à elle...
Gésir... Une faiblesse, corps gisant à terre, mort, tué, assassiné par la froide beauté, par le regard fier, par le port haut, par le talon qui claque, la démarche reine, le buste parfait. Gésir... La soumission, allongée sur le lit, l’envie sauvage, le viol peut-être ? La force animale, les plaisirs rouge sang, le désir brut.
Gésir encore, ce mot trop laid, qui ne ressemble à aucun autre, ce mot incomplet qui n’a qu’un passé partiel et aucun avenir. Gésir, qui ressemble à son commanditaire, un mot qui s’ignore, qui se méprise. L’on git, l’on ne gésit point.
Ce mot, cette situation, ces personnes, tout un univers, contenu dans seulement cinq petites lettres, quels miels pourrais-je trouver ? Quelles saveurs ajouter à cette perfection ? J’ai travaillé pendant des jours pour trouver les parfums adéquats. Que dis-je des jours... des mois, des années, laissant chaque idée murir, y revenant, l’abandonnant, cherchant les voies, traçant des chemins, allant où aucun autre enrobeur de mots n’était allé !
Tout s’est débloqué lorsque j’ai saisi le point névralgique, là où tout s’articule. Un autre mot, pourtant essentiel dans ma profession, harmonie. Je ne devais pas ajouter, rehausser, non, ce mot était si fort, si puissant... J’ai utilisé pas moins de dix-sept miels distincts pour l’adoucir sans l’affadir.
Une pincée du sucre brut, à peine raffiné, pour le contraste, une larme, pour le sel. Il n’était pas envisageable non plus de passer à côté de l’amertume, mais trop la souligner aurait été une erreur impardonnable. Si l’on enrobe les mots de miels, n’est-ce pas justement pour ne pas trop souffrir de la douleur qu’ils portent trop souvent en eux ? Alors j’ai simplement réalisé une préparation à base de bière et de pamplemousse. Etrange mélange me direz-vous, c’est vrai, et jamais, au grand jamais, je ne plongerai un de mes mots si délicats dans une telle mixture. Mais chauffez la solution, à peine, et laissez votre mot quelques instant un peu au dessus... Là. Là, vous aurez un chef d’oeuvre et bien malin celui qui saura retrouver l’origine de ce sentiment qui lui étreint le coeur.
Je l’ai travaillé longtemps, ce mot, car il était encore plus que ce que je vous ai révélé. Oui, longtemps, des années... Car voyez-vous, l’homme trop fade, c’est moi, et la femme, c’est elle.
Mon mot est prêt, enfin, et je vais lui offrir, maintenant.

Gésir.


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Onirian, mots miellés et pas mielleux.

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z653z  Ecrire à z653z

2010-12-01 17:54:18 

 Autant le monologue...Détails
..de Maeglin me paraissait déjanté.
Je m'attendais peut-être à des histoires un peu plus échevelées, délirantes.
Outre le respect de la consigne, ce texte est un peu trop dense. J'aurais aimé un intermède à la "Pendant ce temps à Vera Cruz".

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-12-01 23:02:23 

 Commentaire Onirian, exercice n°82 Détails
Je suis sans voix. Pas question de différer d'une minute ce commentaire. Ce texte est tout simplement exceptionnel. "Déjanté" évoque le doux délire, la franche rigolade. C'est vrai qu'il ne convient pas à ce texte, qui pourrait néanmoins être qualifié de doux délire s'il n'était aussi intensément poétique. Hors normes, certes, loin des frontières étriquées du réel... Mais puissant, pur, novateur, libre, libéré des contingences - tout est possible, et alors?
Tu m'as scotchée.


Bricoles:
- accents: âcres, gît, mûrir
- ...le destinataire, qui recevra: ...le destinataire. Qui recevra...
- Ma commande... tiens: tient


Ton texte est truffé de joliesses plus délicates les unes que les autres. Perso j'ai adoré "le miel épineux d'une rose", mais "les plaisirs rouge sang" c'est fort aussi.
Ce qui fait la force de ce texte, c'est que derrière les mots choisis, les images décalées, l'imagination fertile, on sent une émotion, un courage, une humanité. La conjonction du dit et du non-dit est profondément troublante.
Je ne sais pas si tu t'en es rendu compte, mais tu viens de pondre une pure merveille! Tu dis que tu as eu du mal à l'écrire. Je te souhaite d'avoir encore souvent du mal, parce que c'est un mal pour un bien! Tes textes légers, écrits sans peine, sont toujours sympathiques. Mais là tu viens d'atteindre une autre dimension. Ne l'oublie jamais!
Narwa Roquen, qui avait pourtant juré de se coucher tôt!

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-12-02 11:09:50 

 Dythirambisme.Détails
#^_^#

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Onirian, qui aime aussi le miel travaillé par Maedhros.

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