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 WA, exercice n°135 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 16 octobre 2014 à 22:43:57
Quand vous aurez le temps, je vous suggère d'aller regarder l'avant dernier épisode de "contrechamp" ( www.lemonde.fr/contrechamp/ ). Il s'intitule "la recette du héros parfait". Je l'ai découvert avec étonnement - et aussi un peu de déception. Et je me suis jurée que jamais, plus jamais! Parce que si Narwa Roquen échappe à la règle, beaucoup d'autres de mes héros, de manière bien involontaire, ont suivi ces sentiers rebattus. Donc soyez vigilants! Il est vraiment triste pour un auteur de constater qu'il a juste fait comme les autres!
Mais cela m'a donné une idée pour ce nouvel exercice: la naissance du Don. Prenez un héros ordinaire, et faites-lui recevoir un Don. Quand, comment, pour quoi faire... A vous de voir... et d'écrire!
Par ailleurs je vous demanderai d'inclure dans votre texte au moins 3 points-virgules (je l'aurai, un jour, je l'aurai!)
Vous avez quatre semaines ( ou peut-être plus), soit jusqu'au jeudi 13 novembre, et que ceux qui ont la chance d'avoir des vacances les mettent à profit pour reprendre la plume...
Narwa Roquen, qui jure mais un peu tard qu'on ne l'y prendra plus!


  
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Onirian  Ecrire à Onirian

2014-12-02 15:50:41 

 WA-Exercice 135 - Naissance d'un DonDétails
Un petit texte sans prétention, parce que l'idée de ce don là en particulier me travaillait (alors que les supers pouvoir, pas du tout ^^) et parce que ça faisait longtemps que j'avais envie d'essayer un "tu".


Une fleur au milieu du béton


Tu es assis dans un coin sombre depuis une heure ; tu as peur. Le sang a arrêté de couler de ta blessure à l'épaule. Une partie de toi aimerait que cette blessure soit le fait d'un combat, mais tu sais qu'il n'en est rien. Tu t'es cogné contre une poutre métallique en te refugiant dans l'entrepôt, parce qu'il faisait noir, parce que tu ne regardais pas, parce que tu fuyais.
Tu revois la fille, en boucle. Ce n'est pas ton grand amour, mais elle avait quelque chose qui t'attirait, une espèce de goût du danger, un indéfinissable quelque chose en rapport avec le fait d'être vivant.
Tu ne sais plus vraiment pourquoi, ni comment vous vous êtes décidé à rentrer par effraction dans les locaux de la Brother Company. Elle avait passé des jours à te raconter comment cette société manipulait les gens, la technologie, l'information. Elle t'avait expliqué qu'une caméra installée pour te protéger était avant tout une caméra qui te surveillait. Toi, tu t'en fichais un peu, tu la regardais jouer machinalement avec une de ses mèches rousses, bouclée. Elle te disait que le surhumain, l'homme machine, perdait en liberté tout ce qu'il pouvait espérer gagner en compétence.

Toi, tremblant, planqué dans ton coin misérable, tu n'es personne et tu le sais. Parce que personne ne peut agir contre une organisation qui compte son argent en dizaine de milliards de crédits, une société qui dicte ses lois aux gouvernements.
Sécurité, simplicité, santé, rentabilité.
Tu entends des bruits ; oui, toi aussi tu es un produit de la Brother Company. Des otites à répétition dans ta jeunesse ont endommagé ton tympan droit, et lorsque tu as rassemblé l'argent nécessaire, tu l'as remplacé par un implant biotech bien plus efficace, filtrage intégré. Des voix à l'extérieur du bâtiment discutent. Elles disent que tu es caché là, que les caméras t'ont vu rentrer et préviendront tout le monde quand tu sortiras. Tandis que les voix s'éloignent, tu te rends compte de ton insignifiance. Ils savent où tu es mais ne prennent même pas la peine de venir te débusquer. Les voix savent que tu vas te rendre ; que pourrais-tu faire d'autre ?

Silencieusement, tu pleures. Les paroles de la fille te reviennent en tête, lorsqu'elle disait que pour eux l'humain était un produit et l'humanité un problème. Tu ne comprenais pas, absorbé que tu étais dans la contemplation de ses doigts fins, à compter ses bagues bon marché et à t'étonner de l'effet que ces quelques babioles pouvaient avoir sur toi.
Pris au piège dans ton entrepôt, tu prends enfin la mesure du monde qui t'entoure. Ce ne sont pas ces murs qui te retiennent prisonnier, c'est bien plus vaste que ça, et bien plus insidieux. Ils savent qui tu es. Une photo est bien suffisante. La Brother Company se vante assez de l'efficacité de sa reconnaissance faciale dans ses publicités. Tu as hésité à acheter un de leur système d'alarme. Si la moitié de ce qu'ils disent dans leur brochure est vrai, la police est déjà avertie de ta présence et tes comptes bancaires gelés jusqu'à ce que tu te sois présenté au poste le plus proche.

Étrangement, plus tu prends conscience du désespéré de ta situation, plus tu te sens léger. Deviens-tu fou ? Tu es perdu, tu as perdu.
Tu te lèves. Tu vas te rendre. Tu comprends maintenant pourquoi ils n'ont pas pris la peine de te chercher, c'était tout simplement inutile.
Tu fais quelques pas. Mais avant d'abandonner tout à fait, tu te retournes et tu regardes l'endroit où tu étais assis. Tu sais que là, une partie de toi est morte. Ci-gît tes illusions de liberté. Mais un détail incongru attire ton oeil. A la jointure du mur et du sol, une petite tâche verte brise l'uniformité grise. Ce sont quelques brins d'herbe qui poussent dans une fissure.
Tu sais que c'est impossible, les bâtiments sont aseptisés, nettoyés, le vivant est mis en boite, soigneusement contrôlé. Et pourtant.
Alors tu revois la fille. Nue. Elle avait un tatouage dans le dos, d'une omoplate à l'autre, une phrase calligraphié à l’ancienne, avec les lettres reliées entres elles et de jolies boucles :

Le don, c'est une fleur au milieu du béton.

Et là, les nuages sombres qui embrument ton esprit depuis toujours s'écartent enfin pour laisser passer un rayon de lumière. Tu regardes tes mains, tes vêtements, ta vie, et partout, partout, tu vois ce gris qu'on te sert en permanence . Et les paroles de la fille te reviennent, toutes. Sauf que ce n'est plus la fille. C'est Julia.

Julia.

Tu aurais envie de crier son nom, parce que tu as été lâche. Lorsque vous êtes entrés dans les locaux, lorsque les gardes sont arrivés, tu l'as abandonnée, tu as couru, terrifié que tu étais qu'ils voient ton visage, qu'ils te suppriment tes petits privilèges. Quelques mètres carrés de plus, de la viande une fois par semaine, et de quoi prendre un crédit pour te payer des implants qui te rendront assez performant pour glaner d’autres mètres carrés, d'autres morceaux de viande et bien sûr, d'autres crédits.
Tu souris. Tu t'agenouilles devant ces cinq brins d'herbe qui ont réussi à pousser dans ce monde stérile. Tu es comme eux. Sauf que pour la première fois de ta vie, tu prends conscience de leur force, parce qu'en réalité, tu sais désormais qu’il est impossible de les détruire. A l'instant où la Brother Company, cessera de les traquer, ils se multiplieront et envahiront tous les entrepôts et des racines profondes briseront les murs et les champs de béton, et rien ne pourra arrêter cela. Ce brin d’herbe gagnera, et la seule chose qu’une armée peut espérer, c’est juste de retarder l’inévitable.
Le don, c’est une fleur au milieu du béton. Tu ne sais pas encore exactement quelle est la nature de ce don, mais tu sens une force nouvelle, intarissable, immense courir en toi.
Alors tu te mets debout, enfin, et tu vas libérer Julia.

Pour commencer.

--
Don Onirian.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2014-12-07 20:10:58 

 WA - Participation exercice n°135Détails
Ouf, voici le 1er chapitre de l'histoire
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LE BERGER DES ETOILES


1 - OU IL EST QUESTION D’ASSURANCE


« Euric, ne reste pas dans mes pattes ! »

Poul, le manutentionnaire des Colonnes d’Hercule, pilotait attentivement le module de déchargement qui flottait à quelques centimètres du sol de la soute cathédrale de la Paresseuse, le cargo fatigué qui arpentait depuis des décennies toutes les routes commerciales de seconde zone de ce côté-ci du Cadran Humain. Plusieurs dizaines de tonnes de marchandises achetées sur Saline IV-B s’amoncelaient sur la palette et la moindre fausse manoeuvre risquait d’entraîner une véritable catastrophe. La gigantesque carrure de l’humanoïde était minuscule à côté de la montagne de containers en mouvement. Poul était nerveux, le déchargement avait pris du retard. D’autres clients attendaient au-dessus des nuages et chaque minute perdue rognait la marge déjà faible, escomptée par le Commandant Feelgood qui se débattait en ce moment avec les douanes de l’astroport pour une histoire de nouvelle taxe qu’il n’avait pas prise en compte.

Poul s’adressait à un grand échalas qui le suivait comme son ombre. Euric, qui venait de fêter ses dix-huit printemps, faisait pâle figure à côté de son géant d’ami.

« Euric, pousse-toi de là ! Je vais finir par faire une connerie ! La camelote devrait déjà être sur le tarmac. Si j’ai pas fini quand le client se pointera, on peut dire adieu au bonus ! T’as entendu le commandant comme moi, non ? »

Euric s’écarta prudemment de la trajectoire de la palette. Son statut d’aspirant astromatelot l’exonérait des principales responsabilités mais il devait obéir à n’importe quel autre membre de l’équipage, même à Vatel, le cuistot, qui prenait un malin plaisir à lui faire récurer le fond graisseux des casseroles jusqu’à ce que son visage y apparaisse.

Vatel se vantait d’avoir servi jadis dans la brigade d’un grand restaurant gastronomique, sur Apicius, la planète des gourmets, sous les ordres d’un véritable chef étoilé. Selon la version officielle, une curieuse histoire de sauce renversée sur la tête d’un oligarque local l’aurait à jamais banni des mondes raffinés où l’on savait apprécier la vraie Cuisine ! L’oligarque était évidemment un goujat mais son épouse était une très belle et jeune femme qu’il ne méritait pas, soupirait Vatel. En disant cela, il lissait virilement le bout de sa moustache et son oeil se mettait à pétiller.

Car le monde, selon Vatel, se résumait à la perfection d’un chateaubriand cuit à point, à la robe rubis d’un vin sec et corsé, au nez épicé et aux tanins rustiques et bien sûr, aux bras langoureux d’une femme aux courbes gracieuses. Quand Euric avait grandi, Vatel lui avait confié la version non censurée de l’histoire. Il lui compta par le menu les faveurs indécentes accordées par l’épouse délaissée et le nombre ahurissant de fois où il était remonté à l’assaut d’une citadelle qui avait abaissé tous ses ponts-levis ! A l’en croire, c’étaient les sbires lancés à ses trousses par le cocu magnifique qui l’avaient obligé à prendre la route de l’exil et fuir les mondes centraux.

« Poul, tu crois qu’on pourra retourner dans les Mondes de la Fontaine ? Tu crois que le Commandant acceptera d’y retourner ? Dis, Poul ? Les Chutes de Neptune, quel bazar, hein ? Jamais rien vu de pareil ! J’ai rempli plusieurs 3cubes mais ça rend pas pareil !Je voudrais encore écouter l’eau ruisseler sur la coque, en plein espace, hein ? Hein ? Poul, je te cause ! »

Poul soupira sans répondre. L’opération arrivait au moment le plus critique. La pile de containers franchissait le seuil de la large baie. Le calculateur devait gérer une distance différente entre les deux extrémités du module, désormais à cheval entre le niveau de la soute, à quelques centimètres sous lui, et celui du tarmac, plusieurs mètres plus bas. En théorie, si les préconisations du constructeur étaient respectées, l’opération s’avérait assez banale. Mais, pour pallier le retard accumulé, Poul n’avait pas hésité à déposer sur le plateau un nombre de containers largement supérieur à la limite recommandée. Certes, il avait adroitement renforcé le module, boosté les répulseurs et optimisé les paramètres du calculateur. Poul avait un vrai talent et les concepteurs du matériel auraient été très impressionnés par le résultat ! Cependant, ainsi poussé dans ses derniers retranchements, le module ne possédait plus qu’une étroite marge de tolérance. C’était la raison pour laquelle Poul était soucieux et ne quittait pas des yeux le chariot transbordeur.

Un écran s’éclaira non loin, dévoilant le visage carré du Commandant Feelgood.

Le commandant était l’archétype du baroudeur revenu de tout. Seule la vraie humanité qui se lisait dans ses yeux, vifs et mordorés, adoucissait ses traits taillés à la serpe. Indéniablement, il avait servi dans la flotte Impériale où il avait eu accès aux traitements achroniques militaires qui rendaient son âge indéfinissable. Il semblait assez jeune mais quelquefois, selon l’éclairage ou le contexte, il donnait l’impression de ployer sous le poids d’innombrables années. Il était également trahi par une irritante économie gestuelle et verbale et par une façon bien particulière de donner ses ordres quand les circonstances l’exigeaient. Il avait surtout une extraordinaire capacité à effectuer des manoeuvres insensées, hors de portée des pilotes issus des cursus civils. Il ne parlait jamais de lui ou de son passé et il évitait les routes qui le rapprochaient trop près des mondes centraux. Enfin, il avait une confiance modérée envers la Voix, l’IA de la Paresseuse, qui gérait l’essentiel de ce qui se passait à bord du Cargo. Dès qu’il le pouvait, il ignorait superbement ses conseils. Alors la Voix prenait un ton monocorde et un débit machinal pour annoncer lugubrement qu’elle regrettait devoir consigner l’infraction sur le registre de bord, afin de dégager sa responsabilité. Euric n’aurait pas juré que la Voix ne manifestait pas ainsi un sacré sens de l’humour. Feelgood se contentait de hausser les épaules, un fin sourire sur les lèvres. Euric subodorait que le Commandant et la Voix partageaient un secret mais il n’avait jamais pu trouver le moindre indice accréditant sa thèse.

Sur l’écran, tout en mâchouillant son éternel cigare jamais allumé, le commandant arborait son air des lundis pluvieux, selon l’expression trouvée par Alizéa, l’officier en second, qui s’occupait tout à la fois de la navigation, des transmissions et de la propulsion.

« Dis-moi que c’est fini, Poul, ou je fais un malheur ! J’ai les douanes aux basques et le client s’amène. Je n’ai toujours pas envie de raquer des pénalités de retard et de faire passer le bonus en pertes et profits ! Allo, Poul, tu m’entends ? »

Poul surveillait la dernière manoeuvre. Le module descendait lentement vers le sol. On entendait geindre les répulseurs gyroscopiques qui luttaient péniblement contre la gravité.

« Encore cinq minutes, Commandant, donnez-moi encore cinq minutes. J’y suis presque ! Encore ce chargement et c’est bon !
- Je te donne trois minutes. Tu connais les clauses du contrat. Si la commande n’est pas prête quand le client se présente, je vais casquer 5% ! Je ne peux me le permettre en ce moment, sinon j’en suis de ma poche ! Alors grouille ! »
- Patron, je fais le maximum ! »

L’écran s’éteignit. Euric se pencha au-dessus du vide, en se cramponnant à la poignée. Il vit la palette s’immobiliser alors qu’il lui restait un tiers de la hauteur à franchir. Poul composa une courte séquence sur le clavier de contrôle, sans résultat. Il grommela dans son langage natal, guttural et incompréhensible. Il pressa une autre touche. Euric, horrifié, vit la palette prendre de la gîte. Les moteurs gémirent pour contrebalancer le glissement mais son chargement éléphantesque amplifia progressivement la bande. Poul essaya de rétablir l’équilibre, en vain. Le chargement bascula, comme au ralenti. Puis, rattrapés par les lois de la gravité, tous les containers dégringolèrent jusqu’au sol dans un tonnerre de craquements et de froissements métalliques. L’un d’eux, rebondissant sur l’amas de tôles, fut projeté contre une citerne semi-enterrée d’où partait un faisceau de flexibles qui réapprovisionnaient en énergie les différents réservoirs de la Paresseuse. Quand il l’éventra, une boule de feu aveuglante enveloppa les containers et les flammes léchèrent le vieux cargo. Les sirènes hurlaient de tous côtés. Les systèmes automatiques de sécurité réagirent enfin, libérant des flots de mousse complexe sous pression qui submergèrent l’incendie.

Tout cela n’avait duré que quelques poignées de secondes. Euric, éberlué et trempé, ne put que constater les dégâts. La marchandise semblait bel et bien perdue et le bas flanc de la Paresseuse était noirci et rongé par endroits sous l’effet de la chaleur. A côté du jeune homme, Poul se grattait la tête, tout en se dandinant d’un pied sur l’autre.

A cet instant, un véhicule de service stoppa à quelques dizaines de mètres du désastre. Un vieil homme en sortit, aidé par un assistant guindé en livrée complètement noire. Le vieil homme, appuyé sur une canne, l’air pensif, attendit Feelgood qui accourait vers lui. Euric était trop loin pour entendre ce qu’ils se disaient. Visiblement, le commandant hésita mais il suivit finalement le vieil homme à l’intérieur du véhicule. La portière se referma sur eux.

Sur le tarmac, le ballet des grues automotrices qui ressemblaient à des mantes religieuses géantes, détourna l’attention d’Euric. D’une démarche saccadée, elles s’approchaient lentement des containers défoncés, dépliant leurs longues pattes ventrales pour les saisir et les emporter au loin. Un androïde de la sécurité surveillait les opérations. L’addition allait être salée, pensait Euric quand il sentit une main légère se poser sur son épaule.

Alizéa se tenait juste derrière lui, ses regards vissés sur le véhicule toujours à l’arrêt. Euric respira les effluves de son parfum sophistiqué. C’était à la fois doux et entêtant, mélange de tons floraux et de fragrances toniques. Longiligne, Alizéa était originaire des Nuages, un monde inhospitalier où des vagues ininterrompues de chaînes montagneuses culminaient à des hauteurs vertigineuses. Leurs parois de cristal étaient parfaitement lisses tandis que les étroites gorges qui les séparaient étaient emplies de vapeurs toxiques et de créatures cauchemardesques. Les premiers colons ne voulurent pas terraformer leur nouvelle planète. Ils choisirent de vivre là où l’air était tout juste respirable, à plusieurs dizaines de kilomètres au-dessus de la surface. Ils bâtirent des palais zéro-pesanteur posés en équilibre sur les plus hautes cimes, leurs arches graciles enjambant des gouffres sans fond. Leurs tourelles élancées et leurs dômes scintillants étaient baignés, le jour, par les rayons dorés d’un soleil asservi à une naine blanche ; la nuit, par l’étrange ronde de trois lunes qui mêlaient leurs clartés aux teintes changeantes. Les palais étaient reliés entre eux par un réseau complexe d’interminables passerelles, dotées d’ailes ciselées leur permettant de résister à la violente course des vents d’altitude.

La Charte des Nuages stipule que celui qui emprunte la Passerelle de la Foi, une nuit de Grande Conjonction et parvient à l’autre extrémité par ses propres moyens et sans augmentique, acquiert, pour une année complète, tous les droits et privilèges attachés à l’Arcus, l’un des ordres nobiliaires les plus réputés de la planète. Cependant, malgré la récompense, il y avait peu de candidats et encore moins d’élus. Il fallait posséder les bons gènes pour affronter victorieusement cette épreuve. Aussi, grâce à leurs incroyables aptitudes, les enfants des Nuages, intrépides et aériens, devinrent des astronavigateurs émérites, embauchés à prix d’or par les plus grandes compagnies interstellaires.

Alizéa aurait pu servir à bord de n’importe laquelle des prestigieuses nefs cathédrales qui croisaient entre les galaxies, en se faufilant dans les trous de ver artificiels. Elle lisait les courants du non-espace mieux que quiconque et elle choisissait toujours la route la plus sûre et la plus rapide. Mais Alizéa aimait un homme. A l’instar de toutes les femmes des Nuages, un seul homme compterait dans toute sa vie. Et cet homme était assis, en cet instant précis, sur la banquette d’une voiture de l’astroport.

La portière se rouvrit enfin, libérant Feelgood qui, lentement, s’étira. Derrière lui, la voiture démarra et, après avoir fait le tour du cargo, repartit en direction des bâtiments de l’astroport. Feelgood leva la tête vers la soute où une bonne partie de son équipage avait attendu patiemment qu’il réapparaisse. Bien sûr, la masse herculéenne de Poul le distinguait aisément des autres mais il y avait aussi Alizéa et Euric, les deux personnes les plus chères à ses yeux. Il prit le temps d’inspirer profondément et essaya de faire bonne figure.

« Réunion dans le carré des officiers dans quinze minutes ! » leur cria-t-il en rejoignant la coupée.

Les dés avaient été jetés par une Déesse vindicative. La même Déesse qui l’avait poursuivi de son ire des années auparavant, quand il avait déjà dû faire un choix. Il ne pouvait ne s’en prendre qu’à lui. Les choix appartiennent aux hommes, pas aux Dieux. Il s’était trompé, longtemps dans le passé, réveillant la colère de la Déesse. Désespéré, il avait brûlé le petit autel portatif qui l’avait suivi sur tous les champs de bataille; devant lequel il avait prié les Lares de sa Maison pour qu’ils veillent sur les siens. Depuis toutes ses années, il croyait avoir expié sa faute mais la Déesse en avait décidé autrement. Combien d’Enfers devrait-il encore traverser pour qu’elle daigne enfin solder son compte ? Feelgood soupira.

« Bon ! commença-t-il quand ils furent tous réunis dans le grand local technique pompeusement baptisé « carré des officiers. Il y a du bon et du moins bon dans ce qui nous arrive ! »
- Commence par le bon ! proposa Alizéa, cela nous permettra de digérer le moins bon ensuite !
- C’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide, la reprit Vatel, mais je suis galant, tu as donc ma voix !
- Bien, poursuivit Feelgood, le client accepte de ne pas saisir notre cargo et tout ce qu’il contient après ce qui est arrivé ! Il accepte de ne pas demander d’indemnité pour non réalisation du contrat. Il s’arrangera aussi avec l’autorité astroportuaire pour les frais qu’elle a exposés et les amendes qu’elle pourrait nous infliger pour toutes les infractions commises !
- Il... accepte... tout ça ? Cela veut dire quoi ? Au nom de quoi ? Il y en a pour plusieurs dizaines de milliers de plaques ! Qui s’assiérait dessus, juste pour tes beaux yeux ? demanda Vatel, interloqué !
- L’assurance devrait en couvrir la majeure partie, non ? ajouta Alizéa.
- L’assurance paiera pour la perte de la marchandise, pas au-delà ! rétorqua Feelgood ! Vous savez à combien se monte la prime que je paie rien que pour ça? Et encore, on va sûrement nous appliquer une décote, compte tenu des circonstances. J’ai pris le contrat standard. A vue de nez, si elle couvre la moitié de la valeur garantie, on devra s’estimer heureux !
- Cela signifie quoi, exactement, Commandant ? questionna Poul.
- Cela veut dire qu’il nous reste à payer, à la louche, quelque chose comme une douzaine de milliers de plaques, pour la marchandise et une autre petite dizaine pour les amendes et l’indemnité client ! Sans compter les réparations du vaisseau ! Disons trente mille plaques, au total ! »

Un silence consterné s’abattit dans le carré. Trente mille plaques de crédits impériaux représentaient une somme faramineuse, qui dépassait l’entendement du commun des mortels. La valeur vénale de la Paresseuse et tout ce qu’elle contenait, n’atteignait pas ce montant, et de loin !

« On est dans la merde ! souffla Vatel en frappant la table du plat de sa main.
- La banque ne t’aidera pas ? demanda Alizéa
- Pas cette fois, je le crains ! reconnut Feelgood.
- Pourquoi ? s’étonna la femme des Nuages. Nous n’avons jamais été longtemps dans le rouge ! Elle pourrait faire un effort, vu le taux d’intérêt qu’elle prélève au passage !
- Oui, mais cette fois-ci, le délégué de la région spatiale de notre banque n’est autre que ce client ! Et il m’a fait comprendre qu’il opposerait son véto !
- Bordel, c’est qui ce client ? s’insurgea Poul, qui bouillait dans son coin en essayant de ne pas trop bouger sa grande carcasse.
- C’est le genre qui n’a plus rien à perdre. Il m’assure qu’il regrette tout ce qui arrive et qu’il n’a rien voulu de tout ça. Mais, après, il profite sans vergogne des circonstances.
- Je récapitule, si tu le permets ! intervint Alizéa. Nous sommes donc coincés sur cette foutue planète. Nous avons sur le dos une ardoise astronomique, sans compter le procès qui nous pend au nez. Le cargo est tellement abimé qu’il aura besoin d’une solide révision, juste pour vérifier qu’il peut redécoller. Nos autres contrats sont donc compromis, ce qui veut dire encore des dédommagements voire des procès. Et toi, tu nous dis que tout va dans le meilleur des mondes puisque notre client, qui ne veut pas nous aider avec la banque, consent à tout payer et à tout arranger ! C’est un conte de fées que tu veux nous vendre ?
- Je ne vous ai jamais menti, protesta Feelgood. Notre client n’est pas n’importe qui. En fait, sur cette planète, seule la zone de l’astroport ne lui appartient pas. Nous sommes sur une planète privée...
- Cela veut dire quoi, une planète privée ? s’enquit Euric, qui n’avait pas encore osé prendre la parole.
- Quelque chose qui ne devrait pas exister ! s’emporta Vatel.
- Une planète privée est une expression impropre, expliqua Alizéa. D’ailleurs, aucun monde n’est répertorié en tant que tel sur les cartes et les documents officiels. Il est très courant que l’Empire concède l’exploitation d’un astéroïde ou de plusieurs planétoïdes à des groupes privés pour une très longue durée. Les investisseurs réalisent leurs profits, les ressources irriguent l’économie et l’Empire encaisse taxes et redevances. Tout le monde y gagne. Mais, dans certaines circonstances rarissimes, l’Empire concède une planète de type T, comme celle-ci. Les raisons ne sont jamais rendues publiques et les concessionnaires se gardent de toute publicité. Mais je n’avais jamais entendu parler d’un monde confié à une seule personne !
- Alors, il est fabuleusement riche ! rêva Vatel en caressant sa moustache brillante.
- Au-delà de tout ce que notre imagination pourrait concevoir ! affirma Feelgood.
- C’est quoi, le marché ? Alizéa posa la question qui brûlait les lèvres de tous. »

La Voix s’éleva soudain dans le carré :

- Un visiteur souhaite monter à bord ! Je n’arrive pas à vérifier son ID. Aucune signature neuronale ou génétique. C’est illégal. Je déconseille d’accéder à cette demande, Commandant.
- Désolé, la Voix. Il faudra bien qu’il vienne jusqu’à nous. S’il est assez puissant pour accaparer un monde, il l’est assez pour graisser les bons poignets afin de s’affranchir du marquage impérial. Laisse-le monter et montre-lui le chemin.
- Bien, Commandant. Je suis au regret de devoir consigner cette infraction sur le registre de bord, déplora sentencieusement la Voix, égale à elle-même.
- C’est bien naturel, reconnut Feelgood. Eh bien, je crois qu’il est l’heure.
- L’heure de quoi ? demanda Euric, surpris.
- L’heure où toute l’histoire va nous être dévoilée de la bouche même de notre énigmatique client ! rétorqua Feelgood en croisant les mains sur sa tête.

Les dés étaient jetés...


M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2014-12-14 17:36:41 

  WA - Participation exercice n°135 (Part II)Détails
Voilà la seconde partie de l'histoire. Elle a pris une ampleur inattendue et je crois que la suite ne pourra intervenir dans des délais compatibles avec cette WA. Mais Narwa, il y a tous les ingrédients correspondant à la consigne. Non?

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2. UN MARCHE PLEIN DE SURPRISES


Le même assistant, dans une tenue toujours aussi fuligineuse, apparut dans l’encadrement de la porte. Il balaya la pièce d’un regard professionnel en s’attardant sur Poul, évaluant sans doute ses chances en cas de corps à corps. Ses traits anguleux, gravés au burin dans le granit de son visage, n’exprimèrent aucune émotion. Satisfaite, l’inquiétante silhouette céda le passage au vieil homme vêtu d’un complet en velours lustré qui lui conférait une allure aristocratique. Il était de taille moyenne et d’apparence banale, mais il émanait de lui une assurance et une aisance qui mettaient mal à l’aise et forçaient un respect instinctif.

A l’invitation du commandant, il s’assit simplement au bout de la table tandis que son garde se postait derrière lui, mains dans le dos. Euric ne remarqua sur lui aucune arme visible.

« Vous vouliez vous adresser à mon équipage. C’est chose faite ! dit laconiquement Feelgood en guise d’introduction. Je vous présente Alizéa, l’officier en second, Poul, le manutentionnaire, Vatel, le chef cuistot et Euric, notre moussaillon ! Il manque les jumeaux, Su-Mer et Su-Ulmor, qui sont en caisson d’hypersommeil.
- Merci, commandant, répondit courtoisement le vieil homme, en faisant un curieux signe de la main, comme s’il écartait une mouche. Permettez-moi de me présenter. Je suis Arno Van English, et je vous souhaite la bienvenue sur mes terres. »
Tous les membres de la Paresseuse, sauf Feelgood, écarquillèrent les yeux. La famille Van English était parente de la Maison Impériale, dont elle était une branche mineure. Dans l’ordre protocolaire, elle était située sur l’un des degrés les plus proches du Trône. Ses possessions s’étendaient sur de nombreux mondes et sa puissance économique était fondée sur l’exploitation minière et les activités financières.

« Comme je vous l’assurais tout à l’heure, commandant, poursuivit Van English, je n’avais aucune intention cachée à votre égard et je ne vous ai pas attirés dans un piège machiavélique. J’étais prêt à vous régler rubis sur l’ongle la facture du contrat. Mais vous connaissez sans doute cette très vieille expression selon laquelle il faut savoir tirer parti de l’inattendu. Ce que vous qualifiez à juste titre de catastrophe est pour moi une opportunité que je dois saisir !
- Vous m’avez dit que vous étiez prêt à tirer un trait sur la marchandise détruite, rétorqua Feelgood.
- Bien sûr, j’ai dans ma poche tous les papiers avec tous les cachets qui vont bien. Si nous tombons d’accord, vous ne devrez plus rien, ni à moi ni à l’Empire. Le directeur de l’astroport est un vieil ami qui peut se montrer très compréhensif. Il est prêt à abandonner tous les chefs de poursuite s’il obtient de moi une certaine promesse.
- Si je puis me permettre, hésita Vatel en lançant à Feelgood un regard en coin, cela représente un sacré paquet de plaques, tout ça, Monsieur !
- L’argent, c’est très relatif. Prenons l’exemple d’un homme très riche. Il tombe nez à nez avec un Sprefit Roller, lors d’une excursion sur les laves de Strygia. Mettons qu’il a les poches bourrées d’ordres au porteur. Qu’est-ce que cela lui procure comme avantage dans sa situation ? Je dirais à peine de quoi ralentir l’action des acides de la première poche gastrique de l’animal. L’argent n’est important que dans son paradigme. Ici, l’’argent a la valeur que je veux bien lui reconnaître !
- D’accord. Vous êtes riche au point que le concept même de richesse ne veut plus rien dire, soit ! résuma Alizéa en souriant. Il paraît que cette planète vous appartient, pourquoi pas ? Mais je ne connais personne qui ne fait rien pour rien ! Alors, j’ai une question toute simple. En échange de quoi feriez-vous ça ?
- Votre magnifique chevelure a la couleur translucide et bleutée du givre. Je croyais que les natifs des Nuages ne rêvaient que d’étoiles mais je me trompais, visiblement ! s’amusa le vieil homme. Bien sûr, chère amie, qu’il y a une contrepartie ! Forcément ! Je vous l’ai dit, je veux conclure un accord. Disons que vous en connaissez l’un des deux termes : je vous règle la facture majorée du bonus convenu, j’efface l’ardoise impériale et je paie les réparations dont a besoin votre vaisseau, liées ou non à l’incendie. Ne me dites pas que cela n’est pas honnête ! Vous serez plus riches que vous ne l’auriez espéré.
- J’attends de connaître l’autre terme du marché, prévint Feelgood. Je ne m’engagerai pas sur n’importe quoi !
- Nous y voici, soupira le vieil homme. Je vais vous raconter une histoire. Une histoire vraie, dois-je préciser. Car c’est mon histoire. Quand j’ai acquis cette planète, j’étais attiré par ses ressources minières. Selon les premiers rapports confidentiels sur les forages effectués par mes équipes, le sous-sol de cette planète regorgeait de métaux rares et de minerais précieux, dont l’exploitation génèrerait d’incroyables profits. Et puis je reçus un autre rapport. Il consignait la mise à jour d’un gisement de cristaux dont la composition atomique se révéla totalement étrangère à la table périodique des éléments. La nouvelle était sensationnelle et prometteuse. Toute une nouvelle chimie pourrait faire ses choux gras de cette découverte, avec d’énormes profits à la clé. C’est ce qui me permit de convaincre ma famille d’acheter cette planète. L’Empereur aimait alors une ravissante fleur qui lui faisait tourner la tête. Cette fleur se trouvait être ma soeur. L’esprit de famille, Commandant, soulève des montagnes. Il favorisa mon entreprise.

Je débarquai sur cette planète avec des bataillons d’ingénieurs expérimentés en matière d’exploration minière. Une petite équipe scientifique atterrit discrètement sur un autre hémisphère, avec pour unique mission d’étudier le cristal. Elle s’attela à la tâche durant de nombreuses années, engloutissant une bonne partie des bénéfices que me rapportaient les mines. Mais les meilleurs chercheurs et les meilleurs équipements ne parvenaient pas à percer le mystère du cristal. Il y avait quelque chose dans sa composition qui empêchait toute tentative d’étude subatomique. Je désespérais tellement d’obtenir une avancée significative que j’étais prêt à rendre publics son existence et l’ensemble des travaux infructueux. Et puis le hasard se mêla à la partie. De façon fortuite, nous découvrîmes que le cristal semblait être doté de propriétés uniques et fantastiques ; des propriétés qui renvoyaient à de très anciens mythes de l’humanité. J’ai été fasciné. J’ai succombé à la tentation et j’ai écouté la voix de mon démon. J’ai perdu la tête et accompli des actes qui ont fait de moi un paria pour ma propre famille depuis des lustres et jusqu’à aujourd’hui. J’ai expié... au centuple.

Car le cristal s’est vengé, d’une certaine façon. Le châtiment le moins cruel est que je ne puis quitter cette planète. C’est une condamnation à vie, sans rémission possible. Je jouis encore de tous mes privilèges et je suis immensément riche, certes. Cela fait de moi le roi de ce monde ! Autant dire que je suis le roi de mon cachot ! »

Le vieil homme s’interrompit, laissant un silence s’installer entre eux. L’équipage du cargo était suspendu à ses lèvres, captivé par l’incroyable récit.

- Un châtiment ? demanda Feelgood, Vous avez donc été jugé ?
- L’Empereur lui-même a apposé son sceau personnel sur la lettre de cachet. Seul mon nom m’a évité, de justesse, le baiser de l’Exécuteur Impérial. Mon nom et le parfum d’une fleur dont était entiché l’Empereur. Dans les jardins de ma Maison poussent les plus belles fleurs de la création, vous savez ! Je ne vous ai pas encore présenté Booth, qui me suit comme mon ombre. Booth appartient à la Guilde des Assassins où il est un Maître de Chapelle. Nous sommes devenus familiers, par la force des choses, cela fait si longtemps qu’il m’accompagne. Il pourrait sans doute tous nous tuer en un clin d’oeil. Deux peut-être, parce qu’il y a un Herculéen parmi vous ! Il ne transpirera pas. Il ne cillera pas. Les armes parfaites demeurent parfaites !
- D’accord, dit Feelgood. Tout ça, c’est bel et bon. Mais qu’est-ce que nous venons faire dans cette histoire?
- Faites-moi plaisir, s’il vous plaît ! protesta Van English. Ayez un petit peu de patience. Avant que tout ne dégénère, Jenna, ma fille préciputaire, est venue me rendre visite. Jenna, c’était la prunelle de mes yeux. Elle était aussi belle qu’était ma défunte épouse. Vive et généreuse, Jenna faisait attention aux autres, toujours prévenante et compréhensive. Elle voulait le bonheur des gens, animée de la flamme idéaliste de ses seize ans ! Elle m’amadouait et je signais des contrats qu’elle concluait souvent à perte. Je rouspétais bien sûr, mais cela la faisait rire. Et son rire était ma joie, vous comprenez ? C’était le soleil qui dispersait la grisaille qui m’enveloppait. Jenna. On m’informa de la découverte d'un gisement éloigné qui présentait une concentration anormale de cristaux. Jenna voulut m’accompagner. Ne pouvant rien lui refuser, je l’ai emmenée avec moi. Quel fou ai-je été ! Le site était en fait une profonde caverne située au bout de la galerie artificielle que mes hommes avaient creusée pour accéder au gisement qu’ils avaient détecté. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’était qu’une chose primitive vivait là. D’une façon ou d’une autre, elle s’est réveillée quand nous avons pénétré dans son nid.

Elle a surgi d’une concrétion cristalline géante. Sa vision était effrayante. J’étais confronté à la somme de mes pires cauchemars et pourtant j’étais prêt à damner mon âme pour qu’elle me prenne dans ses bras. Avant que nous ne puissions esquisser un seul geste, elle a anéanti nos machines, qui se sont désagrégées sous nos yeux comme du sable dans le vent. Puis les ténèbres s’abattirent sur nous, au sein desquelles virevoltaient des fulgurances dessinant un réseau de figures complexes. J’entends encore les cris et les hurlements de mes hommes, à l’heure où je vous parle et je les entendrai encore à celle de ma mort ! C’était horrible. Je cramponnais Jenna par la taille en essayant de rebrousser chemin vers la galerie. J’avais presque réussi quand tout s’arrêta. Une pâle pulsation lumineuse se diffusa dans la crypte où je discernai des formes vagues qui se mouvaient très lentement. Aucune n’était humaine. Jenna sanglotait contre ma poitrine. J’avais presque atteint mon but quand la créature se dressa juste devant moi. J’ai senti qu’elle s’insinuait dans ma conscience. C’était douloureux et délicieux à la fois ! Je ne me rappelle pas précisément ce qui se passa ensuite. Je ressens encore cette impression de volupté et de cette ivresse sensorielle qui m’obsède toujours. C’était plus puissant que la plus dure des drogues. Il est inconcevable que de telles émotions puissent faire partie du patrimoine humain. C’était révoltant et tellement jouissif que mon corps et mon esprit furent écartelés dans l’étreinte de cette possession étrangère.

J’ai senti que Jenna m’était arrachée. Elle criait mon nom. Elle me suppliait de l’aider, mais j’étais incapable de faire le moindre geste. Et puis, Jenna ne fut plus là. J’étais seul sur le sol sablonneux de la crypte, vide et silencieuse. Aucune trace de mes hommes. J’ai alors remarqué la source qui se déversait en cascade dans un large bassin de cristal scintillant. Je me suis approché. Sous la surface translucide, j’ai aperçu... ou j’ai cru apercevoir Jenna qui s’enfonçait peu à peu dans les profondeurs du bassin, entraînée par la créature. J’ai plongé dans le bassin sans hésiter. C’était comme si j’avais plongé dans un acide infernal. Chaque cellule de mon corps se consumait. J’ai essayé de résister mais la douleur était trop intense. Avant de sortir de l’eau, une pensée filtra dans mon esprit. Ce n’était pas la mienne. C’était la créature. C’était un avertissement. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais. Cela tournait en boucle, comme une information virale. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais.

J’ai regardé mes mains. Elles étaient absolument intactes, ne montraient pas la moindre rougeur ! Et puis j’ai vu l’anneau dans ma paume. Un simple anneau de vermeil. L’anneau que j’avais offert à Jenna pour ses seize ans. L’anneau des Van English. Dans ma Maison, si son porteur s’en dessaisit, cela signifie qu’il est en danger de mort. Aucun Van English ne peut se soustraire à cet appel à l’aide. Ma fille m’avait donné la preuve qu’elle n’était pas morte.
- Vous voulez que nous retrouvions Jenna? demanda doucement Alizéa, incrédule.
- Croyez-moi, j’ai tout tenté. J’ai englouti des fortunes entières. Autant jeter des perles aux cochons. J’ai pourtant engagé les meilleurs. Des mercenaires Capellans, rompus aux techniques de la guerre extrême ; un groupe de commandos Orion, les unités d’intervention impériales les plus redoutées ; une Conjuration Istarienne au grand complet, versée dans les arts occultes de la Cabale. Aucun d’entre eux n’est revenu de la crypte. Ils furent tous victimes de la malédiction de la créature.
- Alors, comment croyez-vous que nous puissions rivaliser avec eux ? s’alarma Feelgood.
- Parce que lui est là ! dit d’un ton péremptoire Van English, en désignant Euric qui sursauta de surprise.
- Euric.... ? Alizéa ne cacha pas sa stupéfaction. Mais c’est encore un adolescent !
- Il n’en est pas question ! affirma Feelgood. Euric n’entre pas dans l’équation.
- Je pourrais vous menacer, précisa Van English, je pourrais vous dire que vous ne partirez jamais de cette planète. Je pourrais vous faire tellement de choses désagréables auxquelles vous ne pensez même pas. Je suis un banni, il est vrai, mais ici mes pouvoirs sont illimités, vous savez ? Toutefois, je n’aurai pas besoin de faire ça. Réfléchissez, le moment est propice aux conteurs. C’est à votre tour, Commandant, de raconter une histoire!
- Comment ça ? s’exclama Feelgood. Mon histoire ne vous regarde pas ! Elle n’intéresse personne d’ailleurs !
- Pas la vôtre, Commandant, pas la vôtre. Ne vous méprenez pas ! La sienne ! répondit Van English en désignant à nouveau Euric. Dites-nous comment vos destins se sont croisés !
- Et si je refuse, votre assassin s’occupera-t-il de moi ?
- Booth, Dieu non ! Booth n’a qu’un client, moi ! Vous ne l’intéressez pas et je n’ai pas barre sur lui. Pas vrai, Booth ? Celui-ci demeura silencieux. J’ai d’autres moyens à ma disposition. Un blocus n’est jamais totalement imperméable.
- Pourquoi Euric vous intéresse-t-il à ce point ? questionna Alizéa.
- Disons qu’il représente une possibilité. La meilleure depuis longtemps. Commandant, j’ai tout mon temps. Si vous voulez, je repasserai demain, ou après-demain, ou dans dix jours, ou dans dix ans ! A vous de choisir !
- Salaud ! maugréa Feelgood
- Pas de terme grossier, Commandant, vous valez mieux que ça, même si techniquement, c’est effectivement ce que je suis. Je vais parler à votre place. Le jour où vous vous apprêtiez à fuir définitivement Civitas, la planète impériale, vous avez trouvé un couffin où babillait un joli bébé, Vous n’aviez pas beaucoup de temps avant que les unités spéciales de l’Amiral Gorki ne vous arrêtent pour haute trahison...
- Haute trahison ? répéta Alizéa, interloquée.
- Oh, rassurez-vous ma chère, c’était une machination ourdie par un quarteron de hauts dignitaires qui cherchaient un bouc émissaire pour camoufler leur propre incompétence. Le commandant Feelgood, qui portait un autre nom et un autre grade à cette époque, était au mauvais endroit au mauvais moment et il n’avait pas les bons réseaux. Il était le coupable idéal. Bien sûr, les véritables responsables de la débâcle de la Nébuleuse du Lézard ont finalement été pendus aux crocs de boucher dans les culs de basse-fosse de la forteresse des Réprouvés, ne vous inquiétez pas ! Si la justice impériale est parfois paresseuse, elle finit toujours par être rendue. L’Empereur y veille. Malheureusement le Commandant a été sacrifié sur l’autel de la raison d’Etat. C’est toujours un témoin gênant. S’il revient trop près des mondes centraux, il se pourrait qu’on exhume un très vieux décret et qu’on l’envoie croupir, pour le reste de ses jours, dans une colonie pénitentiaire excentrée. Avouez que cela serait désespérant !
- Le bébé dans le couffin, c’était Euric ? intervint Poul, qui fit braquer tous les regards ahuris sur lui.
- Dois-je vraiment répondre à cette question ? s’enquit aimablement Van English. Avez-vous hésité une seule seconde, Commandant, sur la conduite à tenir quand la Providence plaça ce bambin sur votre chemin ? Non, bien sûr. Vous n’avez écouté que votre esprit chevaleresque. C’était un geste gratuit, accompli avec panache, n’est-ce pas, selon l’expression des vieilles Maisons Franques. Et puis, il vous rappelait peut-être...
- Taisez-vous, le coupa brutalement Feelgood. N’évoquez pas les fantômes. Euric n’a rien à voir avec votre histoire et cela fait longtemps que je lui ai expliqué comment je l’ai trouvé. Il n’y a aucun secret. C’était un bébé abandonné, comme il en a tant. Un bébé de la fortune, comme on les appelle. Il aurait pu grandir entre les quatre murs d’un orphelinat ou être adopté mais il a grandi dans la lumière des étoiles. Il a déjà vu plus de mondes à son âge que la plupart des hommes n’en verront dans toute leur vie.
- Vous avez raison mais vous ignorez l’essentiel. Je vais lever un coin du voile sur la vérité. Sa mère était proche de l’Empereur, très proche même, et son père était une énigme. »

Euric retint son souffle et un pli se forma sur le front de Feelgood, témoignant de son extrême attention. Van English poursuivit son récit :

- Une expédition scientifique avait découvert, quelques siècles auparavant, une planète isolée, bien au-delà des marches impériales, au bord extrême du Grand Néant Extérieur. Pour des raisons que je ne connais pas, elle se révéla être une menace mortelle pour l’expansion humaine et les intérêts de l’Empire. Dépêchées sur place, les plus grosses unités de la flotte spatiale impériale l’ont ensevelie sous un déluge de feu, déchirant la croûte planétaire sur des centaines de kilomètres de profondeur. Il paraît que l’hiver nucléaire qui s’ensuivit a duré plus de cent ans. Quand les nuages radioactifs se sont enfin dispersés, il ne restait qu’une planète pelée et stérile, privée de toute atmosphère. Les coordonnées de ce cimetière ne furent portées sur aucune carte astronautiques. La raison d’Etat étouffa toute l’affaire.

Mais l’anéantissement n’avait pas été total. Un être avait survécu miraculeusement, une forme de vie fluorescente étonnante. Personne ne sait comment cet être constitué de lumière s’échappa de sa planète calcinée mais la vengeance fut son unique obsession. Il parvint jusqu’au coeur de l’Empire où il ourdit son funeste dessein. Il revêtit une apparence humaine divinement belle sous laquelle il séduisit sans mal une fleur impériale, lors d’un bal costumé. Cette fleur juvénile tomba éperdument amoureuse de cet homme à la beauté subjuguante et surhumaine. De cette union contre-nature naquit pourtant un enfant. Un garçon. Peu après, les services de sécurité finirent par éventer le complot. Ils tuèrent le père et crurent se débarrasser de l’enfant. Mais tel ne fut pas le cas. En effet, à sa naissance, le nouveau-né fut confié à une nourrice aveuglément loyale tandis qu’un autre nourrisson prenait place dans le berceau impérial. Il ne fallut que quelques heures aux services de sécurité pour mettre au jour la supercherie. Cela suffit à la bonne nourrice de déposer le couffin sur le marchepied de votre astronef. .
- Euric serait donc un prince impérial ? s’écria Feelgood.
- Par sa mère, oui. Et grandes pourraient être ses prétentions, s’il demeure assez longtemps en vie une fois que son existence aura été révélée au Trône ! Il choisira son destin en temps utile. Mais aujourd’hui, je pense qu’il a certainement hérité de son père certaines aptitudes qui n’appartiennent pas à la race humaine. Ce sont elles qui le rendent très précieux à mes yeux.
- Quelles aptitudes ? demanda Euric. Comme celles des Istariens ou des Prophètes des Sables ? Des pouvoirs surhumains ? Alors ils sont bien cachés car, à part ma maladresse légendaire, je ne vois pas bien de quoi vous voulez parler !
- Pour être maladroit, t’es maladroit, c’est sûr ! rigola Poul. Euric, le super maladroit. Je vais te dénicher une cape et un masque.
- Certains dons ne se manifestent que dans des circonstances bien particulières, suggéra Van English.
- Il y a beaucoup de zones d’ombre dans tout ça ! rétorqua Alizéa. D’’abord, vous disiez que notre venue ici n’était pas préméditée. Mais alors comment êtes-vous arrivé à la conclusion qu’Euric était cet enfant impérial ? Ensuite, qui vous assure que ses hypothétiques pouvoirs sont de nature à affronter la créature qui vit dans le bassin ?
- Excellentes questions, ma chère ! admit Van English. Les Nuages, j’adore les Nuages ! Vous vous montrez toujours intrépides et logiques. Des qualités inhérentes aux astronavigateurs. Je ne suis, hélas, doué d’aucune préscience, sinon peut-être que tout ça ne se serait jamais produit. Mais il y a une personne de mon entourage qui est une Presciente extraordinaire. Elle était dans le véhicule quand j’ai bavardé avec votre commandant, n’est-ce pas, Commandant ?
- Il y avait en effet une forme humaine complètement dissimulée sous de nombreux voiles. Homme ou femme, je ne saurais dire ! Il ou elle n’a pas prononcé un seul mot ! reconnut Feelgood.
- Les prêtresses d’Artémidore ne montrent jamais leur visage en pleine journée ! précisa le vieil homme. Mais je ne vous ai pas menti. Houldah était là tout à fait par hasard. Ou peut-être pas, mais cela n’était pas de mon fait. Elle a aperçu ce jeune homme, qui se tenait au bord de la soute. Des images se sont imposées à elle, comme la surface d’un lac qui se brouille sous le vent, faisant naître des rides sur l’eau. Celles-ci formèrent alors des images fugitives, en rapides successions. Houldah m’a révélé ses visions.

Elle a vu la créature qui pleurait dans le bassin et ma fille qui s’enfuyait le long d’un sombre couloir vers une lumière aveuglante. Elle m’a vu fermer les yeux et une femme tenir à deux mains une coupe d’où ruisselait une eau aussi bleue que ses cheveux. Elle a vu le jeune homme, celui que vous appelez Euric, tendre la main vers celle de la créature et celle-ci semblait redouter le contact. Elle a vu ce jeune homme au-dessus d’une planète en feu dont les flammes, bondissant à travers l’espace, finissaient par encercler un Trône d’Or chancelant. Elle a vu le jeune homme marcher vers le Trône sur une route de fer où des milliers de fleurs coupées surnageaient dans de larges flaques de sang!

Voilà, je ne vous ai rien dissimulé. Les prêtresses d’Artémidore sont réputées pour l’excellence de leur divination. Je fais confiance à leur talent. Houldah ne m’a jamais déçu. Peut-être ai-je tissé ces visions dans un canevas fidèle à mes aspirations, mais il entretient l’infime espoir que ma fille est vivante. Aussi je m’accroche à lui comme à ma dernière bouée.
- Combien de temps nous laissez-vous pour vous donner notre réponse ? demanda Feelgood.
- Le temps qui sera nécessaire, répondit Van English. Je serai patient. Je vous ferai livrer ce dont vous aurez besoin.
- Entendu. Faisons alors comme ça ! conclut Feelgood en se levant.

(à suivre, mais pas dans cette WA)

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-01-15 23:33:20 

 WA, exercice n°135, participation ( 1° partie)Détails
Ma fille, mon amour




Il ne faut pas qu’elle le sache, tu m’entends ? Jamais ! Tu es le seul à qui je puisse raconter tout ça. Je suis vraiment désolé pour toi, mon vieux, mais d’un autre côté ça me fait tellement de bien d’en parler à quelqu’un... Et je suis sûr de pouvoir compter sur ta discrétion. Nous avons toujours été amis. Enfin... de bons copains, c’est sûr. Tu faisais les quatre cents coups tandis que je trimais pour finir mes études, tu sortais toujours des blagues à deux balles mais tu n’étais avare ni de bières ni de pizzas. Je t’aimais bien. Maintenant, tu m’es indispensable.


La première fois que j’ai croisé son regard, je suis resté interdit, muet, foudroyé. Je l’ai reconnue. Toute ma mémoire m’est revenue d’un coup, tous les souvenirs de dizaines de vies antérieures, et Elle ! Elle, c’était dans ma première vie, celle qui nous marque à tout jamais. Celle qui laisse une empreinte indélébile au plus profond de l’âme, et dans tous les autres corps qui nous seront alloués ensuite. Je me suis souvenu, et ma vision était précise comme si je l’avais vécu la veille : je tenais sa main, nous marchions dans la ville en flammes au milieu des décombres, sous une pluie de cendres qui nous piquait les yeux et nous brûlait la gorge. Les gens hurlaient, couraient, tombaient. Certains, rattrapés par le feu du ciel se roulaient par terre pour tenter de l’éteindre mais en vain. Rien ne peut éteindre le feu du ciel. Nous aurions dû être terrifiés. Je me souviens seulement d’une grande compassion pour la souffrance des autres. Et d’une grande paix chaque fois que je plongeais mes yeux dans son regard d’azur. Qu’aurait-il pu nous arriver ? Nous étions ensemble. Nous étions prêts à mourir ensemble plutôt que de risquer d’être séparés ; le bonheur ultime, la félicité absolue, nous pensions les avoir déjà connus. La Mort n’aurait pu que consacrer notre union. Et c’est bien ce qu’elle fit.
« Lucas, tu rêves ? On l’appelle Laure, d’accord, comme ma grand-mère.
- Elora, ai-je répondu d’un ton tranchant sans un regard vers ma femme. « Elle s’appelle Elora. »
Forcément ! C’était elle, je te dis ! Et depuis cet instant, cet instant précis où je l’ai retrouvée, j’ai... comment dire... la capacité... le don ? Ca fait un peu prétentieux... Bref, je vois les gens comme ils sont, je vois d’eux même ce qu’ils ignorent, leurs vies antérieures, le poids de leur passé, leurs secrets les plus intimes... Tu ne me crois pas ? Je te fais un exemple.
La semaine dernière je vais chez un type cloué au lit par un lumbago, le genre très très douloureux, limite paralysant. Il n’est pas maçon, il est guichetier à la Poste ! Bref je commence mon massage, effleurage, pétrissage... Et là, je le vois. Il transporte des blocs de pierre pour la pyramide de Louksor ! Alors tout en continuant mon soin je lui dis :
« Ah, vous savez, la pyramide de Louksor, ça fait longtemps qu’elle est achevée. Terminée. Finie.
- La quoi ?
- La pyramide, en Egypte.
- Mais de quoi vous me parlez, là ? »
Le lendemain, je le croise au supermarché, fringant et guilleret.
« Ah, votre massage, super ! Je n’ai plus mal, plus rien ! Et il me reste encore dix jours d’arrêt de travail ! »
Etonnant, non ?


Elora, je l’ai reconnue tout de suite. Personne au monde n’a jamais eu et n’aura jamais ces yeux-là. Et ce regard profond, insondable, abyssal... J’ai vécu près de ces yeux-là, je les ai vus briller de joie et de désir, je les ai vus se fermer à l’acmé du plaisir et se rouvrir dans le feu de la passion sauvage. Je m’y suis abreuvé, je m’y suis noyé dans l’extase la plus parfaite, celle qui te donne envie de mourir pour ne plus rien connaître d’autre... Nous avions vingt ans et nous nous aimions. Nous nous aimions comme peu d’humains se sont aimés. Nous étions... les deux moitiés du même fruit, l’être parfait enfin reconstitué, complet, tout-puissant. Nos pensées se complétaient, chacun de nous pouvait finir les phrases de l’autre, il n’y avait entre nous ni secret ni distance, même le silence avec elle était un instant de bonheur... J’avais oublié tout ça. Tout m’est revenu quand je l’ai vue. Notre fuite dans Gomorrhe au milieu des ruines enflammées, des gémissements et des hurlements de souffrance. Nous nous tenions par la main, nous n’avions pas peur, mais nous voulions vivre, vivre encore ensemble ! Le feu du ciel pleuvait sur nous, dans une volonté d’extermination totale. Les nazis n’ont rien inventé : Dieu leur a donné l’exemple ! Et tu sais pourquoi ? On a parlé de stupre et de luxure, d’un peuple dévoyé qui ne respectait rien. On nous a fait passer à l’Histoire comme de grands criminels dont le châtiment n’était que justice. La vérité c’est que nous étions un peuple tolérant, où l’amour était libre et toujours bienvenu. Nous n’étions ni des assassins ni des voleurs. Nous n’avions pas d’esclaves, et tous les étrangers étaient accueillis avec bienveillance. Nos moeurs étaient libres, et alors ? Il n’y avait que des relations consenties, et ce qui se passe dans une chambre à coucher est de l’ordre de l’intime et du privé. Nous ne considérions pas l’acte sexuel comme un corollaire à l’enfantement. Nous autorisions le plaisir comme source de paix et d’équilibre, et de ce fait nous ignorions la violence. Et tu sais pourquoi Dieu nous a détruits ? Il était jaloux ! Jaloux que nous trouvions le bonheur en dehors de la prière, jaloux que nous puissions être heureux alors qu’il nous avait maudits en chassant Adam et Eve du paradis originel ! Nous remettions en cause son autorité, sa souveraineté. Nous, ses créatures, pouvions vivre dans la paix et la joie sans sa bénédiction ? Cela lui était insupportable. Il nous avait, disait-il, faits à son image. Et pourtant, ce jour-là, il s’est comporté comme un humain, non comme un dieu.
Nous sommes morts ensemble, la main dans la main, foudroyés par le même éclair blanc. Dans l’agonie nos yeux ne se sont pas quittés. Et si j’ai souffert, je ne m’en souviens plus. J’étais avec elle, la mort même était sans importance.



Tu ne me crois pas ? Tu penses que je délire, que je suis devenu fou ? Je vais te dire. Ton accident, c’est juste la répétition du destin que tu traînes, parce que tu vis sans réflexion et sans prudence. A Rome, tu conduisais un char attelé de deux chevaux blancs ( ta voiture était blanche, non ?). Tu étais le champion de toutes les courses. Et puis, parce qu’un soir tu avais laissé le soin de tes chevaux à un esclave négligent, un cheval qui souffrait a fait un écart, et tu es tombé. Et ça s’est reproduit pendant la guerre de Sécession. Vaillant caporal, tu as abusé du whisky après une victoire nordiste, et tu n’as pas soigné ton cheval qui était truffé de mouches plates. Il s’est emballé dans une descente, dans la chute ta tête a heurté un rocher...
Toujours le même ! Tu conduisais vite, tu freinais sec... Tu aurais dû faire réviser ta voiture, mais tu avais rendez-vous avec une fille... Les freins ont lâché...
Il faudrait que tu prennes le temps de réfléchir, pour faire mieux la prochaine fois. C’est peut-être d’ailleurs l’occasion qui t’est offerte en ce moment... Trois ans de coma...
J’ai vécu d’autres vies. Je l’ai cherchée partout, sans savoir que je la cherchais. Je me souviens d’avoir marché, encore et encore, de ville en ville, d’avoir traversé des foules innombrables en dévisageant chaque passant... Je me souviens de l’angoisse, de la tristesse, auxquelles je ne trouvais pas de cause... Je sais, maintenant ! C’est terrifiant, mais en même temps c’est une immense libération, je peux voir, je peux comprendre, je n’ai rien à me reprocher, j’ai seulement fait ce que j’ai pu pour revenir auprès d’elle...
Ce Dieu pervers qui nous a assassinés me persécute encore une fois. Après des vies et des vies d’errance, il me rend la femme que j’aime... mais sous la forme de ma propre fille, la seule créature au monde qui me soit à jamais interdite ! Quoi ! Tu as pu en douter ? Tu as pu imaginer un instant que je ferais passer mon bonheur avant le sien ? Ah... tu n’as jamais été très intelligent, c’est vrai. Et sans doute n’as-tu jamais vraiment aimé... Dès le jour de sa naissance, cela a été pour moi une évidence. Douloureuse et terrifiante, mais une certitude absolue et incontournable. Elora était ma fille, et je la respecterais. Je me suis juré que je veillerais sur elle, que je la rendrais heureuse sans qu’elle ne sache jamais rien de notre vie passée. Plus elle grandit, plus la tentation est forte. Mais c’est justement parce que mon amour pour elle est infini que je n’enfreindrai pas le tabou de l’inceste.
En revanche... est-ce que je l’ai fait exprès ? Pas vraiment, pas tout à fait, peut-être un peu...
Dès la naissance d’Elora, Sabine m’est devenue totalement étrangère. Est-ce que je l’aimais, quand je l’ai épousée ? Elle m’aimait. Je l’aimais bien, j’avais envie d’avoir des enfants, elle était désirable. Je pensais que c’était bien comme ça.
Mais après Elora... Elle était de trop. Je ne la détestais pas, mais elle me dérangeait, elle m’encombrait. Non seulement je n’avais plus envie d’elle, mais elle voulait toujours s’occuper du bébé, elle me volait ma fille ! Elle, bien sûr, passés les premiers mois, était sans cesse demandeuse. Elle n’avait pas mérité d’être malheureuse, et au début j’ai accumulé les excuses. Mais le temps passait, et je me sentais acculé. Je ne voulais plus la toucher, je ne savais plus comment m’en sortir...J’aurais trahi Elora, tu comprends ? Tout mon corps se révulsait à cette idée !
Et puis... Je suis béni des Dieux, je crois. Ou bien c’est la pensée créatrice. Ou un hasard compatissant. Le Destin, oui, peut-être... La force de l’amour entre deux êtres est tellement magique qu’elle peut abattre tous les obstacles !
La petite avait quatre mois, et nous étions de mariage. Une de mes cousines qui convolait après six ans de vie commune. Je ne voulais pas y aller, je ne voulais pas quitter Elora, même pour un soir. Sabine a insisté, elle voulait sortir, voir du monde, s’amuser, danser...On a confié Elora à la voisine, une nounou à la retraite qui avait élevé une ribambelle d’enfants, en plus des quatre siens. On a mangé, on a bu, on a chanté, on a dansé. Elle, surtout. J’étais fatigué, au retour, peut-être un peu gris. J’étais pressé de rentrer. Je m’en voulais d’avoir délaissé Elora. J’en voulais à Sabine.
Je roulais trop vite. Oui, ça va te faire rire, je me suis moqué de toi l’autre jour, mais tu as raison je ne vaux guère mieux. J’ai freiné trop tard. J’ai défoncé le parapet et on est partis en tonneaux dans la descente ; la voiture s’est arrêtée en s’encastrant dans un arbre. J’ai eu trois côtes cassées. Sabine est morte sur le coup.
J’ai pleuré en public, mais si tu savais combien j’étais heureux, soulagé, apaisé, enthousiaste ! Elora ne serait plus qu’avec moi, toujours, tout le temps ! Elora ne verrait que moi, n’entendrait que moi, n’aimerait que moi, et je serais la personne la plus importante de sa vie !
C’est juste que... Il est normal qu’un jour... Mais tu vois, le jour où elle sera vraiment amoureuse, le jour où elle envisagera de porter l’enfant d’un autre...
Je ne sais pas. Je ne sais pas du tout ce que je ferai.


Donc, comme je te disais... c’est exactement ce qui s’est passé. J’ai quitté la clinique pour m’installer en libéral, dans un cabinet de groupe. Ca me permettait d’être libre de mes horaires tout en me faisant remplacer facilement quand j’en avais besoin. J’ai pu l’accompagner à toutes ses rentrées scolaires, être avec elle pour la varicelle, la scarlatine et la pneumopathie, assister à ses auditions de guitare et à ses galas de danse... Elle a toujours été souriante, adorable, facile. Pas un caprice, pas une colère, pas une rébellion. Elle me regardait comme si j’étais Dieu, et je me sentais capable de soulever des montagnes...
Et puis, elle a grandi. Elle s’est épanouie comme une fleur au soleil et elle a commencé à ressembler à la femme que j’avais aimée. Je ne sais pas de quel crime je souffre le châtiment, mais c’est une torture permanente. Elle est belle, tellement belle... Le moindre de ses sourires me bouleverse et son corps... Souvent je dois me faire violence pour dissimuler l’émoi qu’elle fait monter en moi. Je vais faire un tour, je cours jusqu’à l’épuisement, je claque des dents sous la douche froide... Mais devant elle, je suis toujours resté calme, affectueux sans excès, respectueux, placide. J’ai chassé toute ambigüité de mes gestes et de mes propos. Parfois, la nuit, j’en pleure. Je ne hurle ma rage et mon désespoir que les soirs où elle dort chez une copine.
Attends, tu crois que je suis dupe ? Ses copines doivent s’appeler Kevin, Thibault ou Clément. J’en crève de jalousie, mais ce n’est rien. Ils ne font que passer, moi je reste. Ils se traînent tous à ses pieds, mais elle est difficile, exigeante, absolue. Et les gamins ne sont pas à la hauteur ! Elle les prend et elle les jette, et elle a bien raison. Je ne me sens pas en danger.



« Bonsoir, monsieur. Excusez-moi, mais il est tard, normalement ce n’est plus l’heure des visites. Mais bon... Vous savez, le pauvre, à part vous... Sa soeur vient deux fois par an, et ses parents... Deux ou trois fois, au début, puis plus rien... C’est bien ce que vous faites, vous êtes un homme bon, et je suis sûre que le bon Dieu vous le rendra, ah ça c’est sûr... »
Je me lève, je souris à l’infirmière Martiniquaise dont le sourire est un rayon de soleil. Un fugace instant de honte me traverse. Je lui tends la main, je la serre dans les miennes.
« Ce que vous faites pour lui est bien plus important... »
Elle a été martyr à Rome. Esclave au Missouri. Putain à la Nouvelle-Orléans. Bonne soeur pendant la guerre de 40. Toujours des vies difficiles, avec le soin de la souffrance des autres pour oublier sa propre souffrance. Toujours noire, et toujours lumineuse et réconfortante comme un astre sacré. Elle pourrait peut-être comprendre... Mais non, je ne vais ajouter mon fardeau à tous ceux qu’elle porte depuis si longtemps. Je la regarde intensément, j’ai envie de lui dire « merci, ma soeur, au nom de tous les malheureux ». Mais j’ai un secret à garder.
« Je vous souhaite une nuit calme, bon courage. » Elle me sourit.
Je me sens terriblement seul. Est-ce qu’Elora dormira chez Clémentine ( Pierre), ce soir ? J’ai tellement envie de la serrer dans mes bras...
Narwa Roquen, la suite viendra ( comme l'hiver)

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-01-16 22:34:35 

 Commentaire Onirian, exercice n°135Détails
Comm Onirian, ex n°135


Joli détournement de consigne ! Joli jeu de mots !
Serais-tu le roi de la pirouette ?
C’est un joli texte, humaniste et optimiste. Nous aimons tous espérer garder notre liberté face aux oppresseurs. Et le « tu » est sympathique. Kipling aimait bien. J’aime bien aussi. Ca oblige l’auteur à être attentif, et ça interpelle le lecteur – qui est celui qui tutoie ? Bien sûr, il ne faut pas en abuser, mais de temps en temps, c’est agréable.

Bricoles :
- Vous vous êtes décidé : décidés
- Les caméras t’ont vu rentrer : entrer. On ne rentre que si on est d’abord sorti.
- Un de leur système d’alarme : un de leurs systèmes
- Tu es perdu, tu as perdu : joli !
- Ci-gît tes illusions de liberté : la formulation est discutable. Ci-gît, d’accord, ça évoque une tombe. Mais c’est prévu pour un singulier, pas pour un pluriel. Alors si tu veux garder la force du « ci-gît », il va falloir que ce soit « ton illusion »
- Boite : boîte ; sinon, ça claudique
- Une phrase calligraphié : ée
- Une force nouvelle, intarissable, immense courir en toi : la virgule après « immense » me semble indispensable.

Je me sens un peu flouée par ta tricherie, mais le texte est bon, donc je te pardonne. On dit que « ce qui n’est pas donné est perdu ». Et je suis sûre que les Faëriens ont été ravis, une fois de plus, de t’avoir trouvé !
Narwa Roquen,qui a bien aimé la signature - Zorro, sors de ce corps, on t'a reconnu!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-01-18 12:40:22 

 Big BrotherDétails
La sensation de proximité a été présente dès le début, dans cette société apparemment plus sécuritaire que totalitaire... . Le mot « société » pris ici dans ses deux acceptions : visant à la fois l’entreprise (Brother Company, qui rappelle furieusement la World Company chère à nos têtes de carton-pâte !) et l’organisation sociale humaine, favorisant la cybernétique qui permet un meilleur contrôle des individus. Tu plantes donc un décor finalement très carcéral où les humains ressemblent à des souris dans un labyrinthe artificiel, construit par la société pour mieux les perdre ! J’aime bien la dimension microscopique (tu dis « insignifiant ») du personnage, écrasé par des forces qui le dépassent !

Il y avait tous les ingrédients du roman d’Orwell ou bien, plus proche de nous, du film de Terry Gilliam, Brazil. Et puis, arrive Julia, et là, le livre supplante définitivement le film. Julia, c’est l’héroïne d’Orwell, trahie par celui-là même qu’elle aimait par-dessus tout.

Alors, oui, bien sûr, il y a l’espoir qui naît comme quelques brins d’herbe folle dans les interstices du béton. L’espérance que la nature reprendra ses droits sur la culture ! Mais j’ai quand même l’impression finale que c’est une sorte de bouffée d’euphorie tragique. Le personnage se ment à lui-même. Mais c’est mon avis, hein ! Alors, oui, aussi, tu réponds curieusement à la consigne, même si, en préambule, tu préviens le lecteur que tu ne recherches pas de super-pouvoir. Juste le don de soi !

L’utilisation du « tu » m’a donné l’étrange impression, et dérangeante, qu’il s’agissait peut-être d’une voix diffusée par son implant biotech, ce qui serait la suprême manipulation de la BC, conférant du coup une noirceur totale à l’histoire.

Bricoles :
- Si la moitié de ce qu'ils disent dans leur brochure est vrai : Si la moitié de ce qu'ils disent dans leur brochure est vraie

M

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Onirian  Ecrire à Onirian

2015-01-19 16:18:24 

 JuliaDétails
Effectivement, le prénom Julia n'a pas été choisi par hasard, bien vu. L'idée de l'implant Biotech qui parle est tout à fait excellente, si j'y avais pensé moi même, cela aurait probablement donné une toute autre nouvelle, mais si tu le veux bien, je vais la garder dans un coin pour la ressortir (ou peut-être pas), un jour prochain ^_^.

Le "tu" pose évidement la question du narrateur. Décrit-il, ordonne-t-il ? Est-il divin ? Dans mon esprit, c'était sans doute un peu les trois à la fois.
Et pour répondre à la question de la suite, cette nouvelle s'inscrit, plus ou moins consciemment dans une série d'autres (notamment la wa98 et la wa15).
Qu'il arrive à sauver Julia n'a finalement pas grande importance (ce pourquoi la fin est ouverte), il est un brin d'herbe.
Ceci étant, le narrateur précise "pour commencer"... ^_^.

--
Onirian, pour commencer.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2015-01-25 15:27:13 

 Commentaire Maedhros, exercice n° 135Détails
Avec ou sans billet, l’embarquement est garanti. Bienvenue à bord. Notre carburant ne sera pas du kérosène, ni de l’énergie solaire, ni même une pile atomique. Notre carburant, c’est le souffle de Maedhros, plus fort que celui d’Eole, et qui ne doit rien aux lois de la portance. Ecoutez-le, et il vous portera.
Nous voilà donc repartis pour une grande aventure, qui fleure bon son Haviland Tuf. Chassez le naturel, et le char de Maedhros revient au grand galop, plus richement orné que jamais. Avec ce vocabulaire SF que je lui envie, il insère un dialogue humain entre deux descriptions technologiques, en appelant même aux mânes du pauvre Vatel, qui sera soulagé d’apprendre que dans sa nouvelle vie il ne cuisinera plus jamais de poisson !
Tu décris tes personnages avec force détails, peut-être pour tenter de nous dissimuler qui sera le héros de l’histoire. Mais bon, le commandant... Tu le décris comme un héros, et puis, un gradé, ça inspire confiance. La surprise est plus grande quand le projecteur se braque sur le moussaillon, le pauvre apprenti innocent et ignare que tout le monde aime bien. Lui, un héros ? On peine à le croire. Mais l’impossible n’est pas Maedhrosien, c’est connu.


Bricoles :
- Qu’elle regrettait de voir consigner : de devoir
- Il ne pouvait ne s’en prendre qu’à lui : il ne pouvait s’en prendre
- Depuis toutes ses années : ces
- Le cargo est tellement abimé : abîmé
- Tout va dans le meilleur des mondes : pour le mieux ?
- En cas de au corps à corps : combat ?
- Une assurance et une aisance qui mettaient mal à l’aise : n’en prends pas trop !
- Le cristal semblait doter : doté
- Une conjuration istarienne : private joke, mais j’apprécie !
- Cela suffit à la bonne nourrice de déposer : pour déposer

J’avais dit « naissance d’un don », pas « découverte d’un don » ; mais tu peux le rattraper dans la suite.
Entre les deux, ton coeur balance toujours, n’est-ce pas ? Tu rêves du vertige des grands espaces romanesques, où tu pourras enfin laisser libre cours à ton souffle puissant... et tu t’arrêtes en chemin, parce que le temps, parce que la vie, parce que... tout le reste. Et quelquefois tes ailes de géant t’empêchent de marcher... Si tu t’arrêtes de novelliser, la WA est morte ; mais que vaudrait un oenologue qui mentirait sur un vin ? Alors si tu dois t’envoler, envole-toi, va goûter de l’immensité du ciel, mais surtout ne bride pas ce talent qui n’appartient qu’à toi !
Narwa Roquen, la fleurette a du bon, mais cueillir les étoiles...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2015-02-08 18:24:13 

 AsymptoteDétails
La rancune de Dieu, à l’égale de sa bonté, semble infinie. Il poursuit de sa vindicte les âmes errantes des incroyants qu’il a foudroyés ainsi que leur ville, sur les bords de la Mer Morte. La naissance du don du personnage coïncide avec une autre naissance et là réside toute la différence. Car il semble bien que pour ces êtres fusionnels, les étoiles soient désormais contraires.

Le don contient sa propre malédiction. Son porteur ne fait que mesurer le gouffre le séparant de celle qu’il a aimée. Ou est-ce un piège que lui tend Dieu ? Je ne sais pas si c’était intentionnel, mais le récit est assez ambigu : le héros fait rapidement passer par pertes et profit sa tendre moitié. Sodome et Gomorrhe étant bibliquement connues pour leurs moeurs dissolues, Dieu ne tenterait-il pas sa créature de s’affranchir à nouveau des règles morales largement fondées sut un corpus judéo-chrétien et de se réapproprier les us et coutumes de sa patrie foudroyée ? Il y avait déjà un précédent. Lot lui-même n’en est-il pas arrivé à la même extrémité, une fois réfugié, avec ses filles, dans la grotte sur la montagne ?

Elora, un prénom judicieusement choisi, signifiant « lumière ». Elle chasse toutes les obscurités !

J’aime bien aussi le procédé narratif utilisé. Le mode conversationnel (bien vu, le dialogue avec un ami absent) est un gage de fluidité dans le récit. Le don est en lui-même sympa. Pas de superpouvoir, pas d’effet hollywoodien. Non, c’est une qualité de clairvoyance particulière, qui permet de déchiffrer les trajectoires passées des âmes. Bien vu le lumbago, c’est exactement ça ! J’ai également apprécié le côté récurrent des vies antérieures des personnages secondaires, même si la métempsycose est totalement absente de la Bible qui, en lieu et place, nous donne qu’un seul et ultime rendez-vous !

D’ailleurs, l’histoire aussi, puisqu’elle n’est pas terminée. C’est évident, puisque l’Amour, comme la Nature, trouve toujours une voie, non ?

M

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2015-02-11 11:15:00 

 Comm' OnirianDétails
Ah ben oui, le don, le don... Bien vu! ;-)

Mais j'aurais bien voulu la suite, moi! On reste un poil sur notre faim, sur la fin. :-)

Ca fait plaisir de revenir goûter à la lecture de vos textes! :-)

Elemm', qui, entre deux bilans au boulot, s'accorde une pause!

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