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Le jardin des Luthiers

" Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie. "
[Gérard de Nerval, " El Desdichado ", in Les Chimères]


[17 de Glace, an 996 de l'ère siléenne]
Princesse esseulée, j'ai rêvé d'un château, de banquets et de ménestrels. Le premier est hors de ma portée, je n'ai pour toute richesse que cette masure héritée de mes parents où je vis seule, à Haute-Ferme, une bourgade sans importance qu'aucun prince ne viendra visiter. Les festivités supposent une renommée qui ne sera jamais la mienne : je porte un nom de reine selon le souhait de ma mère, mais je ne suis qu'une fille de simples paysans. Quant aux trouvères, puisqu'ils ne viendront pas à moi sans raison, il me faudra les remplacer...
J'ai longtemps mûri mon projet, bel ami qui n'existe que dans mes songes, et je vais te confier chacun de mes jours et chacune de mes pensées par l'entremise de ce journal. En ton absence, il sera mon confident, mais chacun des mots que j'y inscris t'est destiné.
J'ai noué mes cheveux dans mon dos, me promettant de ne les relâcher qu'au jour où ma tâche serait accomplie.

[11 de Brume, an 997]
C'est dans un état d'esprit mélancolique, malheureuse dans ma solitude, que j'ai entrepris la fabrication de mon luth, la semaine dernière.
Au début, j'ai fait des croquis, j'ai pris des mesures et esquissé des plans en réfléchissant au choix des bois... Décider de l'allure et l'arrondi exacts de la caisse, du nombre de côtes qui la composent, sur lequel aucun ouvrage ne semble s'accorder... Choisir entre l'érable ondé, l'if rouge ou le bois de serpent... Le manche et le chevillier qui le prolonge seront-ils en bois massif de la même essence ou plaqués en ébène ? Chevillier simple, d'ailleurs, comme le veut l'usage dans nos régions, ou double à la façon des contrées du Nord ? Tant de choix malaisés pour qui n'est pas spécialiste et ne s'en réfère qu'à une connaissance livresque du sujet... Ou alors faudra-t-il opter pour un tout autre arbre fruitier ? Si la qualité du luth vaut pour beaucoup dans la valeur des bois qui servent à sa fabrication, hmmm... De l'aubier blanc, peut-être, comme au temps jadis... N'ai-je pas lu quelque chose à cet égard ? La tâche s'annonce pour le moins ardue.

[Sans date]
Et des heures nocturnes, après le labeur journalier, à compulser d'obscurs manuels où chaque expert donne son avis à n'en plus finir... Pour le manche, entre épicéa ou tilleul, qu'est-ce qui convient le mieux ? Je n'ai pas les moyens de tout essayer, il me faudra trancher arbitrairement. Les navires marchands d'Almaq ne passent pas si souvent dans le pays, aussi sera-t-il nécessaire de faire importer les précieuses essences qui me sont nécessaires sans que j'aie une idée précise de la démarche à suivre pour cela.

[18 de Brume, an 997]
L'épicéa va de soi : pour une sonorité parfaite, la table d'harmonie, aussi fine que possible, doit être, à en croire mes sources, d'un bois léger et souple, provenant d'arbres d'altitude et anciens. Voilà un dilemme de résolu... Quant au reste, je vais un peu à l'aveuglette, me laissant guider par mon instinct - à défaut de connaissance certaine, la couleur d'une espèce ou son grain au toucher valent bien un autre critère.

[13 de Floraison, an 997]
Dans mon esprit, jour après jour, l'instrument prend forme... Mes cahiers se noircissent lentement de schémas annotés, esquissant le galbe minutieux du manche, le contour sinueux de la caisse en demi-poire - il faudrait dire " piriforme ", ai-je appris au gré de mes lectures. Rien n'est encore définitif, tout est à construire : plutôt qu'à perdre mon temps sans but, j'ai là matière à occuper mon esprit par une multitude de petits détails.

[27 de Floraison, an 997]
La pose de la touche et des frettes, termes qui pour moi n'avaient aucun sens au début de mes recherches, devient maintenant l'objet de mes préoccupations. Parfois, je m'extasie devant une formule absconse qui me laisse sans souffle. " Il ne faut pas confondre l'archiluth et les luths dits théorbés, même si certaines de ses spécificités pourraient les regrouper sous une même dénomination " découvre-t-on par exemple dans L'Organologie des Cordes Pincées de Jan de Boquerose. Voilà qui n'est guère clair ! Mais ces mots étranges revêtent une résonance enchanteresse, ils sont autant de poèmes et de chansons auxquels mon coeur aspire... Des mots étrangers à tes oreilles t'ont-il déjà fait pareil effet ? Ce savoir profond, sans doute, se transmet de maître à élève, entre initiés. Je donnerais beaucoup pour en rencontrer quelques-uns et partager avec eux ma passion, à la lumière de leur science.

[3 de Chaleur, an 997]
La table sera bien sûr ornementée d'une délicate rosace. Sculptée " au canif ", dit-on, sa découpe est unique et inimitable pour chaque luthier. Je commence donc à réfléchir à la marque qui personnifiera à jamais mon oeuvre. Quel dessin lui donner, fleuri et ouvragé, ou régulièrement géométrique ? Tu ne peux imaginer quels moments d'intense extase ces considérations éveillent en moi.

Dois-je consigner ici, plus prosaïquement que je n'ai plus rien à manger ? Il va falloir se résoudre à aller un peu aux champs, poétesse. Le moins que l'on puisse dire, c'est que je ne fais pas une très bonne maîtresse de maison et que le retour à la réalité est parfois difficile, mine de rien.

[16 de Chaleur, an 997]
Les cordes, ou choeurs ainsi qu'on les appelle dans le jargon du métier, sont en boyau de mouton. Je crois avoir saisi que la chanterelle est simple, les autres doubles, mais je n'en suis pas encore sûre. La complexité d'un tel instrument, si élémentaire en apparence lorsqu'on le voit, en spectateur ignorant, manié par des mains agiles, ne cesse de m'étonner.
Les sillets frettes, en boyau aussi, sont noués autour du manche de manière à le diviser en demi-tons, m'indique De l'Art du frettage d'un luth de Fessed Lerani. " Le luth fretté avec expertise s'exprime à sa façon tendre et passionnée, invitant le poète à terminer ses phrases. C'est un instrument qui a acquis de la sagesse et de la personnalité. Il ne donne que des accords sereins : un frettage idéal procure les plus belles tierces dans les tonalités usuelles. "
Ravie, je souris avec une pensée espiègle à l'idée que le poète place souvent plus d'un sens dans ses phrases. Il me faudra parfaire mes modestes connaissances musicales : c'est que déjà l'étude du luth m'emporte vers d'autres horizons insoupçonnés et vers une myriade de techniques qu'il me faudra maîtriser, de la langue des notes à la science des menuisiers, avant de pouvoir espérer mener mon projet à son terme.

[Sans date]
Dictionnaires et encyclopédies s'entassent dans ma bibliothèque. Je les fais venir à grand prix de la capitale, Onérande. Les gens du coin sourient de mes lubies, ils se demandent à quoi tous ces livres coûteux peuvent bien servir - Ces ignares, à supposer qu'ils sachent lire, ne connaissent certainement pas la différence entre un théorbe et un luth ordinaire. Je décide de ne leur prêter aucune attention. Pourquoi les laisserais-je empiéter sur mon jardin secret ?
Mes amies préfèrent aller au lavoir. Il paraît que les hommes du village y passent pour se rendre aux champs et que c'est l'endroit idéal pour faire une charmante rencontre. Elles m'ont bien enjointe de les accompagner, mais je ne suis pas très à l'aise à l'idée d'être observée et jugée à la dérobée tandis que je lave mon linge, je préfère encore le calme de ma chaumière. On murmure dans mon dos que je suis une fille étrange, et je n'ai personne à qui confier mon amour secret de la musique. Je ne me trouve coquette et jolie que devant mon miroir, m'imaginant vêtue d'une robe de soie comme les grandes dames, mon instrument dans les bras.

[15 de Sècheresse, an 997]
Alors que je me sens prête à commencer les travaux, ce sont les outils qui me causent quelques soucis... Je parle avec passion, te racontant chaque détail de mon aventure, et sans doute, déjà lassé, en as-tu plus qu'assez... Pourtant comment ne pas évoquer les innombrables pinces et marteaux, limes de précision, rabots et scies à rabot, les outils spécifiques pour polir les frettes, les pidaires - Voilà un bien joli terme, mais que recouvre-t-il, n'est-ce pas ? - les fers pour cintrer le bois, compas de mesure et autres Lousses - Oh ! Encore un objet au doux nom hermétique ! Sans parler de ces étapes, après l'étude du plan, dont l'enchaînement évoque quelque mystérieux secret alchimique : fabrication des éclisses, tournage des tasseaux et des chevilles, montage en accord... Il me semble assez logique, après tout, que la fabrication de ce qui doit être l'oeuvre de ma vie dusse prendre un cheminement ésotérique jalonné de mots aux sonorités mythiques et fascinantes. Des heures durant, tels ces collectionneurs passionnés que rien n'arrête, je peaufine mon art du luth - et ainsi le temps passe sans peser, dans un semblant d'inexistence.... Mine de rien, ne l'ai-je point vaincu, ce triste seigneur que d'autres ont dit invincible ? Ou ne fais-je que l'éviter, avec une ignorance feinte, en me forçant inconsciemment à me croire l'égale des maîtres luthiers ? Je me croirais paraphraser le maître Fessed.

[22 de Sècheresse, an 997]
Je flâne entre mes notes éparses, hors des bruits du monde et de leur atteinte : je suis moi-même une de ces cantates dont on ne sait à l'avance comment elles vont se terminer. Le compositeur Hieronymus de Brême, dont je rêve d'interpréter les pièces - je viens de découvrir les partitions que l'on m'a apportées - ne dit-il pas d'ailleurs " Je suis mon propre instrument, dans la souffrance il m'a fait autant que je l'ai conçu " ?

[8 d'Automnal, an 997]
Quand l'enfant viendra, me plais-je à penser, je lui chanterai des berceuses, accompagnée de mon instrument. Je le fais pour ce jour futur, avant tout. Mes partitions s'épanouiront en lui, et il rira gaiement, ses petites menottes tendues vers moi... Car le regard d'un enfant possède la brillance d'une symphonie.

[13 d'Automnal, an 997]
Mes travaux n'avancent pas. Ce luth entamé, au milieu de ses copeaux, ressemble à un cadavre. Mine de rien, ce n'est qu'un objet inerte, comment ai-je pu penser qu'il aurait une âme ? C'était un beau leurre, nous ne créons que des choses à notre image. A cette heure, je me sens la faiblesse de renoncer.
Je n'ai pas reçu les livraisons escomptées et je me sens terriblement seule. L'automne me fait toujours cet effet, mais je n'arrive pas à m'y faire. Hier encore j'étais heureuse, aujourd'hui déjà maussade. La nature doit avoir ses raisons.

Nos choix sont des pièges pernicieux - Ils procurent la richesse d'une main, mais nous volent notre jeunesse de l'autre.

[26-27 d'Automnal, an 997]
Enfin, l'épicéa m'a été fourni ! Mais l'enthousiasme me fait défaut, mes idées sont confuses et je n'arrive pas à reprendre là où je m'étais interrompue. J'ai passé plusieurs heures à ne rien faire, regardant par la fenêtre le jour tomber sur les collines voisines. Le soleil a saigné sur l'horizon... Sait-il seulement qu'il va mourir ?

La lune est grosse, cette nuit. Peut-être va-t-elle enfanter une horde de démons nocturnes. Je suis toujours à ma fenêtre : rien à faire, le sommeil ne veut pas venir.

[17 de Glace, an 997]
Il fait trop froid pour travailler. Je n'ai pas été très prévoyante et je manque de bois de chauffage. Quel comble ! Le luth inachevé trône sur son chevalet, semblant me défier de le mettre au feu pour quelques minutes d'un confort surfait. J'ai envie de pleurer - si des larmes voulaient couler sur mes joues, peut-être aurais-je davantage l'impression d'être en vie.

[14-15 de Brume, an 998]
J'ai longtemps dormi, un mois durant sans doute. Je ne saurais le dire vraiment, c'est comme si les jours passés n'avaient pas existé. Quand la fougue qui m'animait me fait défaut, je n'existe plus. Mais ce matin je me suis levée à l'aurore, mue par un curieux sentiment d'étrangeté, et j'ai travaillé toute la journée sans m'arrêter. Je suis enfin touchée par la grâce. Un peu honteuse, je ne me suis pas lavée, ni habillée décemment. Si mes amies apprenaient ma condition, elles croiraient que je vais mal, alors que je suis au comble du bonheur. Mais qu'importe, il fait presque nuit désormais. Et de toute façon, qui pourrait me voir ? Mon voisin le plus proche s'est enrôlé dans l'armée au début de l'année et sa femme est partie vivre chez sa belle-soeur.

L'aube se lève avant que j'aie pu jouer ma première note. Une joie sans nom s'empare pourtant de moi : écroulée de fatigue, je contemple en silence l'ouvrage qui m'a causé tant de peine et que je viens de terminer. Il est si beau... Si tu le voyais ! Un an déjà s'est écoulé depuis que j'ai entrepris cette folie. La récompense est à la hauteur de mes espérances... Je le soupèse comme si c'était la première fois que je le prenais entre mes mains, surprise par son incroyable légèreté. Tendre ces maudites cordes a été d'un tel effort que j'en avais presque oublié la finesse et la minceur des matériaux qui le composent.
Mes mains blessées le caressent lentement : il est doux comme un corps, vibrant comme un rire. Ne reste que le vernis à appliquer et quelques derniers réglages pour en parfaire la finition - puis enfin il pourra chanter entre mes doigts.

[25 de Brume, an 998]
Il a quelques imperfections, mais je peux m'estimer satisfaite. Son son est pur et aérien, il me transporte dans des songes merveilleux où troubadours et chantres m'accompagnent en souriant. Les notes sonnaient un peu plus haut que je ne l'aurais pensé d'après mes calculs, mais en reculant le chevalet de sa position théorique de quelques millimètres, j'obtiens maintenant un beau tymbre, doux et moelleux.
Je joue pour qui veut m'entendre - pour ainsi dire presque personne - au plaisir du partage. Je n'en tire aucune fierté déplacée, ne songeant qu'à faire profiter les autres du peu que j'ai pu apprendre... Et si cela pouvait mettre à jour quelques vocations, qui sait ? Je n'en serais pas mécontente. Il est dommage que mes proches ne me comprennent toujours pas et perçoivent ma passion comme un enfermement. A moins qu'ils n'aient raison, mine de rien, pour partie ?

[9 de Floraison, an 998]
Haute-Ferme n'est pas un bien grand hameau, il compte tout juste sept maisons et quatre granges. C'est à peine s'il figure sur les Grandes Cartes royales, et bien qu'il soit à la croisée des chemins, les voyageurs ne s'y attardent jamais longtemps.
Quelques étrangers s'arrêtent parfois à ma ferme, en quête d'un repas ou d'un gîte pour la nuit. Ils sont un peu plus nombreux depuis que la guerre a éclaté dans les provinces orientales. Je n'en avais pas entendu parler, mais il semblerait qu'un nouveau seigneur se soit dressé contre l'Empire et qu'il soit sur le point de renverser le cours de la bataille qui se déroule entre Orchale et Halberge. Mais peu importe, il est bien rare que mes visiteurs remarquent le luth posé sur son pupitre au coin de la pièce - tout au plus lui jettent-ils un bref regard sans s'attarder, en prenant connaissance des lieux d'un air absent, pensant déjà à la route du lendemain.

[20 de Floraison, an 998]
Tu ne peux pas imaginer ma joie ! Ce matin, je m'entraînais à ajuster les accords de mon luth en répétant une pièce de ma composition - pour ainsi dire une vague transposition d'un hymne ancien - quand un groupe de pèlerins s'est arrêté à ma porte. Tout d'abord, je n'ai pas vu pas les harpes, tambours et cuivres qui dépassaient à l'arrière de leur carriole, j'étais trop occupée à mes propres affaires.
" Joli morceau, apprentie ! " a lancé l'homme qui venait en tête. J'ai répliqué par un " Pardon ? " étonné. " Et bel instrument ! " a-t-il enchaîné sans transition, " De quel maître luthier le tiens-tu ? "
J'ai dû rougir, parce qu'il m'a regardé bizarrement et est parti d'un rire franc. " Allons donc, te joindrais-tu à nous si tu n'as rien d'autre de mieux à faire ? Autant précéder les armées qu'avoir à les subir ! "
Je lui ai demandé où il se rendait avec sa petite troupe, et il a regardé derrière lui avec un sourire entendu. " Nous allons chanter la gloire du Ptoliporthe. Il l'a emporté à Ephène et il marche désormais sur Onérande, vers un triomphe assuré. L'Empire a joué sa dernière carte, toutes ses troupes sont désormais en déroute. Et Boquerose ne veut pas manquer un tel événement digne de légende, ça non ! Je veux être le premier à voir le Ptoliporthe monter les marches du palais d'Onérande. "
Mon coeur n'a fait qu'un tour. Boquerose ? Jan de Boquerose, l'auteur de L'Organologie et des Sept suites mineures pour harpe baroque ? Je l'avais imaginé plus âgé, et certainement pas itinérant. Voilà qu'il se tenait devant moi, lui dont j'avais étudié les ouvrages !
Comme tu peux l'imaginer, je n'ai pas hésité. Ils ont dû me trouver bien empressée dans ma hâte à les suivre. Sous les étoiles, près du feu que nous avons allumé dans la soirée, j'écris ces notes d'une main tremblante. J'ai déjà sympathisé avec Irenn, maîtresse des cordes frottées, et Pierguy, chantre des instruments à vents. Je possède enfin mon clan.
J'ai demandé à Jan pourquoi il m'avait appelée " apprentie " dans la matinée. " Tu joues d'un instrument non sans talent, mais tu ne portes ni les rubans et ni les insignes. " a-t-il simplement répondu avec un haussement d'épaules. Tous ses compagnons portent effectivement une marque distinctive, à qui un ruban blanc, pourpre ou noir, à qui un pendentif en forme de harpe, de hautbois ou de viole de gambe.

[24 de Chaleur, an 998]
Je suis seule dans le jardin des luthiers à Onérande-sous-Elure. Nous sommes arrivés il y a trois jours, mais je suis étonnée par les changements qui s'opèrent déjà en Jan et ses amis. Enjoués pendant le voyage, ils applaudissaient mes compositions et en vantaient les mérites. A les écouter, je n'appartiens à aucune école et j'ai développé mon style propre. La population d'Onérande n'est guère différente de celle des campagnes : je reçois ses louanges et ses applaudissements, bien qu'elle ne connaisse rien à la musique. J'ai pourtant l'impression qu'il me reste beaucoup à apprendre - d'ailleurs on ne m'a donné aucun grade encore et je n'ai pas le sentiment de faire partie de leur groupe lorsqu'ils sont entre eux.
Ce sont des érudits, mais ils n'ont étonnamment rien à m'enseigner. Leurs quêtes ne sont pas les miennes. Certains, à la suite de Boquerose, s'appliquent à élucider le mystère de telle ou telle technique musicale, en prétendant que l'Art est imparfait et ne pourra jamais être maîtrisé. " L'étude, c'est tout ce qui est à notre portée. Ah, si les Dieux avaient laissé leurs partitions à notre confrérie plutôt qu'aux Merluins ! Là il y aurait matière à de nouvelles études. " soupire régulièrement Jan. " Mais je ne désespère pas de les obtenir... si seulement ces maudits moines et ces austères nonnes de l'Ordre des Merluines ne préservaient aussi jalousement les Fragments Obscurs qu'ils possèdent. "
Irenn d'Onérande, qui - si j'ai bien compris ce que j'ai entendu - appartient à l'Ordre dont elle est une fervente défenseuse, entre alors dans des colères noires et argumente avec ferveur que la transcription des écrits divins, ou considérés comme tels bien qu'il n'en soit rien dans les faits, n'est pas pour le commun du peuple. " Toi et ta bande de trublions sans talent, vous nous contestez sans cesse la légitimité de nos actes, mais nous avons ces manuscrits en notre possession de plein droit, nous ! Nous ne chapardons pas les Fragments Obscurs à d'autres, nous avons une plus haute idée de l'honneur et du respect que vous. "
Autours d'eux gravite un parquet hétérogène de jeunes courtisans sans idée, qui se rallient tantôt à un camp, tantôt à l'autre. Mine de rien, la politique semble être de règle dans la demeure exiguë des ménestrels. Je ne comprends rien à toutes ces luttes, aussi je m'isole dans le jardin à l'arrière de notre maisonnée. Personne n'y vient jamais. Et tous ces bardes m'impressionnent tant que je n'ose plus jouer pour moi-même : si je ne doute pas du talent dont on veut bien me gratifier, je suis cependant prise d'une lassitude telle que l'inspiration ne me vient plus. Mon luth, dans la chambre qui m'a été allouée, prend lentement la poussière.

[12 de Sècheresse, an 998]
Onérande tient du labyrinthe, toutes les ruelles se ressemblent et les visages qu'on y croise ont même allure.
Il y a beaucoup de fenêtres dans ce monde, mais si peu de portes. Seules celles marquées " sortie " sont évidentes, les autres sont invisibles. Peut-être suis-je en train de vieillir, pour que de pareilles pensées m'assaillent.

[Sans date]
Le temps coule et m'emporte. Je m'ennuie à en mourir. Je ne suis pas comme Eux. Il faut avoir fait les Ecoles pour avoir quelque chance d'être reconnu. Ils disent m'estimer, peut-être par politesse, mais je ne ferai jamais vraiment partie de leur confrérie.

[18 d'Automnal, an 998]
Alster Ptoliporthe est arrivé à Onérande. Mon rêve d'enfance s'est réalisé - voir un prince entrer en fanfare dans la cité. J'ai versé des larmes pendant toute la cérémonie. Mais les autres bardes l'ont trouvée rébarbative et bâclée, peut-être ont-ils raison, après tout ce sont eux les sages. S'ils jugent que le Ptoliporthe n'est qu'un pillard qui déçoit les attentes qu'ils avaient placées en lui, que puis-je y faire ? Je ne sais pas même décrire ce que j'ai ressenti lorsqu'il a posé la couronne impériale sur son front. A bien y réfléchir après coup, la scène finalement n'avait rien d'exceptionnel. De toute façon, notre vainqueur est reparti de sitôt vers de nouvelles batailles. Dans quelques semaines, ce sera déjà de l'histoire ancienne.

[5 de Glace, an 998]
Pierguy m'a proposé de participer à une représentation devant la vieille noblesse d'Onérande et l'ambassade du Ptoliporthe. Aussi ai-je repris mes études à leur début : dans ce pays celui qui fabrique un instrument est souvent celui qui en joue, et dans ce domaine je suis encore une débutante. Il m'importe de mettre au mieux en musique un petit texte auquel j'ai songé, une ode inspirée par l'esprit des dragons et des fées à la manière des anciens aèdes.
Et me voilà dans l'apprentissage des triades et des accords septièmes... A m'interroger comme auparavant sur le sens et le son de concepts qui me dépassent, sur un accord mineur sept quinte bémol, sur la force et le courage du mode dorien, sur la capacité du phrygien à exciter et enflammer les esprits... Armer la clef comme l'exigent les règles, élever les notes de quelques degrés, dans le rapport voulu, et ainsi de suite... Tout cela, te diras-tu avec un sourire, devrais me plaire - n'aimais-je pas me plonger dans d'obscurs grimoires en quête d'inspiration, et jongler ensuite avec le savoir nouvellement acquis ? Pourtant, la motivation me fait défaut. Je ne sais comment retrouver la ferveur qui m'animait lorsque je polissais seule mon luth dans ma petite masure de Haute-Ferme. Peut-être ne suis-je pas faite pour répondre à des demandes sur mesure, comme celle de Pierguy, et que je ne m'exprime correctement que laissée à moi-même. D'ailleurs, je réalise que je ne note même plus tous les détails, que j'ai cessé de te confier mon cheminement vers l'Art. Allez, pour la forme : " Cet essai permettra de décrypter certaines structures figées du mètre, aussi elliptiques qu'opaques. " Non, ce n'est guère crédible. Même Jan de Boquerose ne semble pas pouvoir se renouveler.

[Sans date, premier cauchemar]
J'ai fait des rêves étranges et déplaisants, ces nuits passées. Dans le dernier, je me présentais devant une assemblée bariolée de bourgeois aux visages fardés et aux perruques grises. Mais mon instrument n'avait qu'une seule corde et ma voix s'enrouait dans ma gorge... Les rires fusaient, moqueurs, et je cherchais à m'enfuir. La foule oppressante se rapprochait tandis que la porte des coulisses restait fermée. Les quolibets ne cessaient de pleuvoir, comme des lames d'acier. Puis une douleur violente me prit au bas ventre et je sentis un liquide chaud et poisseux s'épancher sur ma robe blanche, tandis qu'une Irenn d'Onérande au visage déformé par la haine me hurlait aux oreilles, un poignard crénelé à la main " Jamais tu ne joueras les notes enchantées, impuissante petite chose sans nom. "
Je porte le nom d'une reine par la volonté de ma mère, mais je ne suis rien. Au réveil, mon esprit bouillonnait d'angoisse ; j'ai passé cette journée à me morfondre dans un état de déréliction. Tu sais... j'ai même failli brûler ce carnet.

[25 de Glace, an 998]
Aujourd'hui, je porte un pendentif en forme de luth. On ne me l'a pas accordé, mais je me le suis octroyé moi-même : j'y ai droit autant que tout autre. Au diable l'esprit de caste qui les anime tous !
J'ai aussi entrepris la conception d'un nouveau luth qui devrait approcher de la perfection. Je donnerai l'ancien à l'un de ces enfants qui passe parfois dans le jardin - il n'est que temps que jeunesse prenne relève.

[5 de Brume, an 999]
Le jour assigné par Pierguy est arrivé... Selon l'usage, j'ai débuté ma suite par une brève introduction d'allure improvisée, pour tester l'accord de mon instrument. Mais je ne nierai pas que ce prélude était sans doute plus important que le reste de la composition... Libéré des contraintes d'un style.

Jadis, j'avais une petite fiole en forme de larme que je portais contre mon coeur, suspendue à une cordelette. Elle contenait une essence précieuse, amère au goût mais propre à susciter des visions oniriques et des images sans pareil... L'eau de l'oubli, l'essence des mythes contenue dans une toute petite fiole de cristal... Chaque soir avant de m'endormir j'en déposais une goutte sur ma langue et mes yeux s'emplissaient de brumes vaporeuses.
Je ne craignais, dans mon ignorance, que le jour où elle viendrait à se tarir, où la dernière goutte perlerait le long du goulot avec la nostalgie du dernier rêve.
Un matin, pourtant, m'étirant dans la moiteur de mon lit, je sursautai lorsque mon bras vint à toucher une cordelette au recoin du matelas... Instinctivement je portai ma main à ma poitrine, mais je savais déjà que la fiole si chère à mes yeux n'y était plus... Ô Seigneurs et Dames des Rêves, rendez-moi ma précieuse essence envolée !
Depuis j'erre dans les rues de la Cité, me surprenant à humer parfois la senteur d'une fleur dans un jardin ou le parfum d'une passante... Incapable d'oublier le souvenir fragile et passager des gouttes d'éternité.

La réception a été favorable et les applaudissements nombreux. C'est donc que j'ai su faire illusion, malgré le manque d'enthousiasme que je craignais de laisser transparaître à chaque thème esquissé. " N'est pas pour autant luthiste qui a le talent d'un luthier ! " a cependant grincé une grosse rombière empêtrée dans une robe trop étriquée. C'était la seule remarque négative de la journée, mais mine de rien, elle touchait juste.

[30 de Brume, an 999, second cauchemar]
J'ai cru m'éveiller en sursaut au son d'une musique étrange. La pièce était plongée dans l'obscurité, la tiers lune projetait quelques rayons blafards sur le chevalet où repose mon luth... Celui-ci, étrangement, luisait d'une pâle clarté bleutée et ses cordes vibraient seules. La complainte, pourtant, semblait venir d'ailleurs : de la fenêtre tournée vers l'Est, vers les plaines qui s'étendent au-delà des murailles d'Onérande. Je me levai, déambulai dans les corridors silencieux de la maison des bardes, et sorti dans le jardin. Tourné de dos, le Ptoliporthe observait les étoiles. " Elle vient. " lâcha-t-il dans un murmure rauque qu'accompagnèrent quelques pincements de corde. " Qui ? " demandai-je simplement, oubliant les titres et les formules de circonstance quand on s'adresse à un Puissant. Il se retourna vivement, appuyant un regard enflammé sur moi. Une dague dentelée brillait dans sa main gauche. " Qui ? La Mort et la Désespérance, la Destruction de la Cité... ou la révolte déposée dans les mains d'une poétesse sans talent. "
Je m'éveillais pour de bon, en sueur, dans un lit moite, terrifiée par la folie perçue dans ces yeux de braise.

[4 de Floraison, an 999]
Tous ces gens qui me posent des questions et me supposent pleine d'un savoir et d'une sagesse innée qui ne sont pas les miens... J'attire leur respect et parfois leur jalousie. Ah, l'attrait de la lumière pour les papillons de nuit ! Mais la lumière a des reflets de nuit, chez moi. Penchée sur l'abreuvoir à oiseau dans le jardin, je regarde les rides concentriques se dessiner sur l'eau de mes pensées.

Je ne reconnais plus qu'une seule consigne : " Achève ce qui est commencé ! ". Mais je ne sais que trop quel double sens peut avoir " achever ", aussi ne suis-je pas mes propres adages. J'ai trop peur des conséquences, mine de rien.

[20 de Floraison, an 999, troisième cauchemar]
Je marchais pieds nus dans l'herbe, guidée par les étoiles soeurs. La quinte lune glissait entre des nuages noirs. Derrière moi, la silhouette d'Onérande se fondait dans la nuit, seulement révélée par une bougie qui brillait à la fenêtre de ma chambre. Mon vieux luth continuait à jouer seul, en écho d'une symphonie élégiaque qui faisait trembler le sol, entrecoupée de cris lointains. Le temps semblait figé et le paysage nocturne était légèrement flou, comme si l'arrêt sur image manquait de netteté. Un relief au contour indécis... des nuages vacillants... et des éclats de lumière lunaire diffractée.
L'astre lunaire déchira les nuages, et soudain je me retrouvai dans une dépression, entourée de têtes décapitées et plantées sur des piquets. Celle du Ptoliporthe me faisait face, défigurée par un rictus absurde, langue bleue pendante, yeux moribonds exorbités. Une forme noire s'avança, drapée dans une cape si large qu'elle aurait pu lui tenir lieu d'ailes. Le râle musical, entrecoupé de hurlements d'horreur et de cris hachés, jaillissait de sa bouche, entre des crocs luisants dans la pénombre. Des pointes lui perçaient les flancs, et la terre fumait lorsque son sang, goutte à goutte, tombait sur le sol. Elle ricana férocement, me contemplant du haut de sa majesté écrasante. " Tous succombent à présent. "
Et elle me tendit un cimeterre à lame en dent de scie. " Joue pour moi, petite Soeur des Tourments, rejoins maintenant le chant des Abysses. "
Un cri m'éveilla, et il me fallut un instant avant de comprendre, dressée dans mon lit, qu'il jaillissait de ma propre gorge. Mon vieux luth borgne me faisait face, comme s'il me défiait de mettre un terme à tout ceci.

[24 de Floraison, an 999, 23h59]
Achever toutes les illusions... Tuer l'enfant pour qu'il ne reste que... je ne sais pas. Je ne sais ce qu'il y a d'autre que lui... L'inéluctable ou l'inaccessible. Je suis fatiguée... des temps qui passent sans changements... des miroirs qui retournent toujours les mêmes paysages ainsi que des horloges déréglées... des rêves aveugles qui ne parlent plus... Mon coeur, mes viscères, hurlent à l'unisson leur prière... leur envie usée de révolution... La tentation est forte alors, de vouloir s'assurer que les phénix renaissent de leurs cendres.

Princesse esseulée, j'avais rêvé d'un château, de banquets et de ménestrels. J'ai vu le premier, sa vanité futile. J'ai vécu les fêtes superficielles. Quant aux derniers, côtoyés sans mérite, je les balaie d'une chiquenaude...
Je deviens folle...
Il n'y a nulle alternative... Tous ces petits " mine de rien " qui émaillèrent mon existence et qui jalonnent ces pages jaunies de larmes... Ces instants de conscience accrue en la fin... Ils se révèlent à moi dans toute leur vérité abominable... Comment ai-je pu faire semblant de les ignorer ?

[25 de Floraison, an 999, un peu après minuit]
Dans le Jardin des Luthiers que les oiseaux qui viennent nicher au printemps emplissent de leurs chants, j'ai posé tout à l'heure mon luth sur l'herbe verte. Je suis sortie nue, en marchant sans bruit. La Plenilune me souriait paisiblement au firmament, tandis que j'ai posé mon pied sur le bois poli, dans un mouvement d'abord hésitant, puis plus assuré. Ecartant les bras pour sentir l'air frais de la nuit sur toute la surface de mon corps, j'ai soulevé l'autre pied.

Un seul craquement, qui s'est prolongé en écho dans tous mes os et jusque dans mon âme.

Et cette fois-là, j'ai vraiment pleuré - non pas comme devant le Ptoliporthe lors de sa prise de pouvoir, mais avec des larmes de sang et des serrements de viscères. J'ai pleuré, à cause de Hieronymus.

Puis j'ai souri, apaisée.

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[25 de Floraison, an premier de l'ère sarane]
Elle dénoue sa chevelure mi-longue, pose ses mains sur ses genoux repliés et entame une lente complainte mortuaire, un simple murmure sans paroles, accompagné de musique. Et sa beauté transcende les étoiles qui pleurent... Elle se lève, attache une fleur à ses cheveux qui retombent, ondoyants, sur ses épaules, esquisse un sourire sur ses lèvres fines qui appellent un baiser. Ses yeux pétillent d'une lueur sacrée, de la promesse d'un nouveau mythe, ses joues s'empourprent et la joie, lentement, trace son chemin dans ses veines jusqu'à son coeur.
Quittant la cité, dépassant ses murs austères, elle suit un sentier qui ne mène sur nulle carte, par monts et vallées. Un enfant d'une dizaine d'année et sa soeur se tiennent au détour d'un sentier, près d'un bourg en ruine. La petite chantonne en serrant sa poupée. " Elle chante toujours ainsi ? " - " Oui, quand elle est près de moi. " répond le gamin d'un air méfiant, " Mes parents... Nos parents la surnommaient "notre petit rossignol". "
" Alors venez, vous serez mes... protégés. " - Ses enfants tant attendus ; mais il n'était pas encore temps de raviver les souvenirs.
Traversant les terres ravagées par la guerre, elle coupe à travers forêts et essarts. Un charpentier contemple tristement son hameau en flamme. Une hache pend mollement dans sa main. " Tu connais l'épicéa, l'aubier blanc, l'if rouge ? " - " Oui, tous les arbres, tous... " soupire-t-il avec un sourire désabusé, " Toutes les poutres de ce village étaient ma joie, de l'or dans mes mains. "
" Alors viens, tu seras... mon ami. " - Son prince espéré, son amant ; mais il n'était pas encore temps de parier sur l'avenir.
Face au monde entier qui s'effondre, deux orphelins veillant l'un sur l'autre en se tenant la main lèvent vers elle leurs regards brillant du besoin d'être rassurés. Et ses yeux à elle leur renvoient leurs songes, embellis d'un éclat de bonheur.
Quêtant son sourire, un artisan pensif puise dans son visage la force et la confiance qui lui manquaient, et sa main s'affermit sur le manche de sa hache. Et ses lèvres à elle lui retournent ses espoirs, ciselés d'amour.
Une biche blanche s'ébroue et les suit de loin dans la forêt. Un roitelet pépie gaiement en tournoyant autour d'eux. La légende ne fait que commencer.

Déjà un an que nous marchons côte à côte... Pour toi, je me suis fait menuisier et j'ai façonné deux luths, une mandoline, un cor, une harpe. J'ai porté la petite sur mes épaules, j'ai enseigné ce que je savais à notre fils. Maintenant, tu dors près de nos enfants, belle poétesse, et je t'observe dans ton sommeil paisible. Pardonne-moi d'avoir écrit ces quelques mots maladroits dans le livre de ta vie, mais je crois qu'il m'était destiné et qu'il m'appartenait de sceller le passé. Demain, la foule t'acclamera encore. Mais je sais que la lueur ardente dans tes yeux ne brille que pour nous et que rien désormais ne pourra la ternir. Oh ! Mine de rien, je peux encore fabriquer une maison pour notre famille, pour le jour où tu seras fatiguée d'arpenter les routes.

" Mon front est rouge encor du baiser de la reine "
[Gérard de Nerval, ibidem]

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© Didier, Septembre, Novembre 2002 ; Rev. B



Publication : novembre 2002
Dernière modification : 07 novembre 2006


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