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 WA, exercice n°63 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 17 juin 2009 à 22:59:14
Merci à Eltanïn de m'avoir (involontairement) suggéré ce thème.
Je ne sais pas du tout ce que ça va donner... Mais les expériences sont toujours enrichissantes...
Je vous propose d'écrire un texte froid, insensible, sans émotion, sans sensation... Je sais que pour certain(e)s, dont je suis, ce ne sera pas naturel du tout... Mais le résultat peut être fort, s'il n'est pas indigeste...
Vous avez deux semaines, jusqu'au jeudi 2 juillet.
Oui, je vous maltraite, mais si vous saviez combien je vous aime!
Narwa Roquen,qui fait flèche de tout bois


  
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Eltanïn  Ecrire à Eltanïn

2009-06-24 13:52:10 

 De rien...Détails
mais c'est absolument horriiiiible, ce thème !
Eltanïn

Ce message a été lu 6668 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-06-24 23:04:51 

 C'est un exercice!Détails
Le but de la WA, à mon sens, c'est de vous donner à tous des occasions d'explorer toutes les facettes de l'écriture; de vous fournir des instruments pour que la technique puisse être l'esclave de votre talent.
Une écriture dépouillée d'émotion, distanciée, peut très bien réveiller des émotions fortes chez le lecteur. Simplement, l'auteur se retient d'exprimer ses sentiments, ou de les faire exprimer par ses personnages. C'est une question de discipline, mais je pense qu'il faut savoir canaliser son énergie spontanée , dans certains cas, pour une plus grande efficacité.
Donc ce n'est pas forcément horrible...
Narwa Roquen, qui essaie de vendre sa camelote...

Ce message a été lu 6678 fois
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2009-06-27 15:13:11 

 WA n°63, Participation (ou presque)Détails
Je ne suis pas sûre de respecter la consigne, ça n'est pas vraiment le texte qui est sans émotions. Enfin, vous me donnerez votre avis ^^ Par ailleurs, je l'ai écrit vite, j'espère qu'il n'y a pas trop d'incohérences.

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Le loup et l'agneau


Un dernier regard dans le miroir, mes deux pupilles noires se scrutent intensément. Les cheveux coiffés en arrière, les joues rasées de près, la chemise impeccable. Je sais qu’elle ne pourra pas dire non. Aucune ne peut me dire non.

J’attrappe mon attaché-case, griffonne quelques mots tendres sur un post-it et grimpe dans ma sublime Alpha Romeo. Le moteur vrombit et j’écrase l’accélérateur. Je serai en avance. Elle aimera ça. Je prendrai l’air un peu angoissé, je ferai semblant de ne pas la voir arriver et feindrai le désarmement quand elle me sourira. Puis je l’emmènerai au restaurant et lui ferai mon numéro.

La fille est plutôt pas mal. Une grande brune montée sur talons hauts, robe fleurie, bonne poitrine, joli cul. Elle est attendrie par mes mots, touchée par mes rires, décontenancée par mes questions et mes yeux plantés dans les siens. Je sais comment leur faire croire que l’instant est magique. Je le lis sur son visage, tout fonctionne toujours.

Son appartement est un peu en désordre, elle n’avait pas prévu de céder aussi vite. Je la fais jouir et elle me serre contre elle comme si l’on était fous amoureux. Je rentre dans son jeu pour l’accrocher encore un peu plus, car je veux qu’elle se donne à moi encore d’autres soirs.

Quand je la laisse presque endormie, je sais que ma femme est déjà couchée depuis longtemps. Je pourrais rentrer, mais je n’ai pas appelé Marie depuis deux semaines, c’est suffisant, elle doit mourir de désir et elle aime être surprise en pleine nuit. Sa voix ensommeillée et chaude m’indique qu’elle ne m’a pas remplacé. Je tourne à gauche en direction du périph’, lui racontant à quel point elle m’a manqué et à quel point ce fut dur sans elle. Mes prétextes sont crédibles, ils me viennent d’instinct car le mensonge est mon meilleur ami. Mon seul ami, car les humains ne m’intéressent pas. Je tiens simplement les femmes entre mes mains et aucune ne doute de ma sincérité. Je me jette un regard fier dans le rétroviseur. Marie a déjà pardonné mon absence, mais nous ne ferons pas l’amour ce soir car elle veut avoir l’impression de contrôler les choses. Je lui fais entendre une moue boudeuse, je joue l’amant impatient. Puis je lui promets des douceurs plus sages, je lui parlerai d’amour et des étoiles.

Je ferme enfin tout doucement la porte de l’entrée. J’embrasse ma femme comme un homme fourbu d’une dure soirée de travail, heureux d’enfin retrouver son seul amour. Je m’endors sans mal pour un sommeil sans rêves.


Les journées se suivent et se ressemblent. Je veux, je prends. Je jouis de le vie sans obstacle, je ne suis pas de ceux qui s’embarrassent de remords ou je ne sais quelle niaiserie. Tout le monde vit pour être heureux, non ? Mais la plupart n’y parviennent pas, parce qu’ils s’encombrent de s’inquiéter aussi du bonheur des autres. On ne peut pas tous être heureux en même temps, c’est comme ça, c’est la loi de la jungle. Et puisque c’est eux ou moi, je préfère que ce soit moi.

Sur mon second portable, Marie me laisse des messages enflammés. La jeune fille d’hier ne m’a pas encore rappelé, mais elle ne tardera pas. Je passe en revue les informations que j’ai à son sujet, pour ne rien oublier, pour pouvoir lui montrer que je m’intéresse à elle. Coralie, 28 ans, commerciale dans une start up informatique, deux frères plus jeunes qu’elle, un père mort l’an dernier, une mère qui vit à Dijon, où elle a grandi, avec une femelle yorkshire nommée Puppy. Affligeant de banalité en somme, mais elles le sont toutes.

Vibration dans ma poche, voilà Coralie. « Envie de te voir. 18h, même lieu qu’hier. ». J’envoie « Ok ». Ma femme travaille jusqu’à 20h, avec un peu d’habileté je serai à la maison avant elle.

Coralie est déjà là quand j’arrive. Tenue classique, rien à voir avec la robe légère d’hier. Pas de rouge à lèvre, l’idée surprenante qu’elle ne se soit pas remaquillée pour me voir me traverse fugacement l’esprit. Je m’approche d’elle, elle ne se lève pas. Son visage est fermé.
« Mauvaise journée, mon coeur ? Viens là que je...
- Assieds-toi, Franck. »

Je m’exécute. Je la regarde, et enfin elle me sourit. Je lui renvoie son sourire sans avoir eu le temps de trouver une raison à cet accueil froid, quand elle entame :
« Alors, cher Franck... Penses-tu avoir fait le tour de ton bonheur ?
- Mon bonheur ? Bien-sûr que non, ma belle, nous venons de commencer et l’avenir est plein de promesses merveilleuses...
- C’est adorable. Mais je ne parle pas de moi, Franck, je parle de ta femme, tes gosses, ton boulot, ta maison. Crois-tu que Pouchard ne profiterait pas de la crise pour te licencier s’il savait que tu sautes sa femme ? Crois-tu que ton épouse te pardonnerait si elle savait que tu passes un soir par semaine avec sa meilleure amie ? Crois-tu que le juge te laisserait la garde de Julia et Léa s’il savait que tu sautes leur institutrice ? Crois-tu, Franck, que ta vie aurait encore le moindre instant de plaisir si chacun savait qui tu es vraiment ? »

Je suis abasourdi. Comment a-t-elle pu !? Cette garce a l’air intelligente, mais elle ne peut pas avoir découvert tout ça en une journée.
« Je... Qu’est-ce que...
- Ah, touché cette fois ! Pas de réponse toute faite pour ça, hein ?
Elle sourit avec satisfaction.
- Mais ne t’en fais pas, je ne dirai rien. Rien du tout. Voilà mon marché : tu arrêtes tout et je ne dis rien. Deviens un ange irréprochable, un bon mari, un bon père, et personne ne saura rien. Tu dérapes une seule fois, et je fous ta vie en l’air.
- Que... Comment tu comptes... Et toi, qu’est-ce que tu y gagnes ? Qui es-tu, une sorte de justicier masqué déguisé en... bombe sexuelle ?... Écoute, je n’aime plus ma femme. Et elle ne m’aime plus non plus. Tous les couples en arrivent là, on a essayé d’arranger les choses mais ça ne sert à rien de se voiler la face. Léa est encore petite, et ma femme est fragile, c’est pour les protéger que je ne la quitte pas, et puis je ne suis pas le seul homme sur terre à avoir trompé sa femme, non ? Tu ne connais encore rien de ma vie, tu ne peux pas comprendre pourquoi les choses se passent comme elles se passent, mais crois-moi, j’ai bien réfléchi à tout ça et c’est encore la meilleure façon de ne faire souffrir personne. Si tu fais ce que tu dis, c’est surtout ma femme et mes deux petites que tu vas anéantir. Tu vas détruire une famille avec trois innocentes qui n’ont pas mérité ça. Moi, je n’ai rien à perdre, ma vie je la reconstruis quand je veux, des femmes qui m’épouseraient j’en trouve à chaque coin de rue.
- Ca m’est égal, c’est mon deal. Et je sais que tu ne t’en relèvera pas aussi facilement que tu le prétends. Fais ton choix, tu changes ou tu perds tout. Bonne soirée. »

Elle se lève et je bondis pour lui attraper le bras :
« Coralie ! Coralie, écoute, je... S’il te plaît, reste... Ca n’est pas si simple... Je ne suis pas heureux de faire tout ça, ça fait longtemps que je voudrais changer, mais... Je n’ai pas la force... Toi, tu peux me donner la force, et je veux le faire, mais avec toi... Aide-moi, faisons-le ensemble, partons ensemble, s’il te plaît... »
Je la serre contre moi et l’enveloppe de mes bras. « Avec toi je peux le faire... Je veux le faire... »

Elle se dégage et me jette un regard glacial. « Tu rêves, Franck. Tu es une ordure. Tu n’as toujours pensé qu’à ta gueule. Alors change seul ou crève seul. »
Elle me tourne le dos et s’en va, son joli cul rebondissant sèchement au rythme de ses petits talons.

Je me rassieds et recommande un café. Il est 18h35, j’ai encore le temps. Mes pensées s’imbriquent les unes dans les autres, intelligemment, audacieusement, méthodiquement. Je passe tous les scénarios au peigne fin, je pourrais le faire dès ce soir mais la Police trouverait certainement des cheveux m’appartenant dans son lit, des empreintes sur le verre que j’ai bu hier. Je serais le premier suspect. Non, il faut que j’attende, que d’autres amants passent dans ses draps, que les pistes se brouillent. D’ici là, je serai un agneau, un repenti transi d’amour. Deux, trois semaines tout au plus. C’est long, mais parfois le prédateur doit savoir rester tapi dans l’ombre pour avoir sa proie. Et je n’ai jamais encore relevé ce genre de défi, ce pourrait être ma plus belle réussite. C’est la loi de la jungle, tuer ou être tué. Et je ne mourrai pas.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-06-28 20:30:22 

  WA - Participation exercice n°63 (edit)Détails
Bon, un texte sombre... j'ai la bande-son sur laquelle il a été composé. Alors avant de commencer la lecture, appuyez sur PLAY
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NO WORLD FOR DEAD MAN



Je suis mort quand ma mère s’est mise à pleurer. Elle a pleuré en silence devant son miroir. Tout ce qui aurait fait de moi quelqu’un d’autre était enchâssé au coeur des larmes qui n’en finissaient pas de glisser sur ses joues. A la fin, il ne resta rien. Je suis mort quand mère s’est mise à pleurer. Lorsque les perles oblongues se sont taries, son visage est devenu dur et différent. Elle n’a pas reconnu la femme dans le miroir. J’ai dit que j’étais mort mais je n’étais pas encore né.

J’ai grandi. Ma taille n’était pas la bonne, ni la couleur de mes yeux. J’ai regardé ma mère se faner. Nous nous parlions peu. Elle voyait en moi l’ombre du passé, la silhouette d’un soldat impérial. Le soir elle priait devant le petit autel familial. Elle croyait que je dormais. Moi, je la regardais. C’est ce dont je me souviens le mieux. La lueur de la bougie qu’elle allumait d’une main tremblante. La façon dont ses lèvres bougeaient. A la fin, invariablement, elle se penchait vers moi. Je pouvais sentir les odeurs de l’alcool et des hommes. Jamais je n’ai ouvert les yeux, jamais elle ne m’embrassa. J’ai grandi. Je n’ai pas le souvenir d’avoir souffert mais ma peau est un livre où tout est écrit. Sur mon dos et mon ventre, mes jambes et mes joues. Cependant je ne comprends pas ce qui est marqué à l’encre pâle.

Puis vint le jour où je me suis retrouvé debout devant un trou fraîchement creusé, avec pour seule compagnie les deux ivrognes qui attendaient pour le combler. Dans le lointain, le canon tonnait sourdement, en longues séries, faisant trembler le sol sous mes pieds. Au fond du trou, il y avait une boîte de bois grossier qui contenait un corps. J’ai fait un signe de la tête et à grandes pelletées, ils ont refermé la fosse avec ce qui gisait dedans. J’ai regardé les mottes s’écraser sur le couvercle de bois et j’ai soudain pensé qu’il ne tiendrait pas longtemps. Quand ce fut fini, ils tassèrent rapidement la terre meuble et me laissèrent là. J’ai attendu jusqu’à ce que la lumière du jour eut décliné. Cela me sembla suffisant. J’ai quitté le cimetière et je n’y suis plus revenu.

Le lendemain je me suis engagé dans une brigade d’irréguliers, des brutes, des bandits de grands chemins. Désignés pour les opérations spéciales et les mauvais coups. Quelques fois, après avoir nettoyé le terrain, je regarde passer les régiments des troupes régulières qui paradent avec leurs airs bravaches. Mais lorsqu’ils parviennent à notre hauteur, leurs regards se font subitement fuyants, évitant soigneusement les corps que nous avons laissés là où ils sont tombés. Les officiers affichent ouvertement un air dégoûté. J’observe particulièrement les plus âgés. Mon père est peut-être l’un d’entre eux. Je porte ce même uniforme qui effrayait tellement ma mère. Les éclairs d’acier jumeaux de mon col font trembler les résistants. Sans doute plus que la baïonnette au bout de mon fusil d’assaut.

Quand je lève les yeux vers le ciel, j’essaie d’imaginer le monde où règne l’Empereur. Jamais je n’irai dans les étoiles. Peu m’importe que la guerre ravage les mondes et la galaxie. Je ne suis pas assez instruit pour en comprendre les causes et les conséquences. Il me suffit de fermer les paupières pour ne plus avoir à y penser. Quand je fais mon boulot, il n’y a ni ami ni ennemi. Juste des silhouettes confuses qui se dressent sur une route où je dois progresser. Une route toute droite qui file devant, sans halte ni virage. J’obéis aux ordres et ils sont sans appel. Pas de quartier, pas de prisonnier. Derrière les lignes ennemies, la moindre erreur est fatale. Il n’y aura aucun tribunal pour nous. Juste un mur, un peloton, un trou dans la terre et la chaux vive déversée sur les morts et les vivants. La guerre sera longue. J’ai tout mon temps. Ne suis-je pas déjà mort ?

Hier, nous avons fondu sur un petit village à l’écart des zones de combat. Très à l’écart. Un petit village tranquille au milieu de grands champs de blé attendant la moisson. Quelques maisons tranquillement alignées de part et d’autre de la grand route et un temple oecuménique au centre du pentacle de gazon habituel. Ce furent les enfants qui nous ont aperçus les premiers. Ils se sont figés au milieu du jeu, leurs armes de plastique se sont abaissées vers le sol. Pourquoi je m’embarrasse de ces détails? Pourquoi faut-il que je saisisse tous ces petits riens qui n’ont aucun sens? Je ne sais pas. Peut-être parce que je ne parle pas beaucoup. Taciturne. C’est le mot qu’avait employé le lieutenant. J’emmagasine des images et je les oublie aussitôt.

J’ai tiré ma lame et avec les autres, je me suis avancé entre les ombres de la fin d’après-midi. Il n’y eut aucun cri. Un peu plus tard, j’ai enfoncé d’un coup d’épaule la porte du temple. L’obscurité bleutée fut éventrée par la brusque lumière qui embrasa l’autel. Devant, il y avait une femme qui se retourna vivement en poussant un hoquet de frayeur. Quand elle me vit, surgissant du soleil rouge, elle s’affaissa lentement sur les dalles de pierre, sa robe déployée comme une corolle autour d’elle. Une prêtresse. Jeune. Elle me regarda avancer vers elle, ses yeux rivés aux miens. A quoi pensa-t-elle quand je l’ai saisie par le cou? A quoi pensa-t-elle quand je l’ai forcée à se redresser vers moi? A-t-elle vu sa mort dans mes yeux? Elle n’a rien dit car il n’y avait rien à dire. Les lignes de son visage baigné par les derniers feux de l’astre couchant, m’ont rappelé un autre visage dont les lignes se mélangent aux miennes. Elle respirait profondément comme pour mieux se sentir une dernière fois infiniment vivante. Pour moi, il n’y eut aucune magie. Aucune présence divine contrairement à ce que m’avaient longuement décrit certains camarades. Non, c’était juste un endroit sombre et hors du temps, des symboles creux et un endroit où une femme sans nom allait mourir. Elle ne s’est pas débattue quand je l’ai repoussée vers l’autel. Les reins contre la pierre, elle a soudain compris que la mort viendrait après. Elle a étouffé un hurlement en plaquant une main contre sa bouche. Au-dessus de sa tête, les dieux qu’elle avait promis de servir sont restés impassibles sur leurs piédestaux de marbre. J’ai ouvert une parenthèse pour permettre à mon corps d’étancher ses besoins. Mais je n’étais plus vraiment là quand ses pupilles se sont légèrement dilatées et quand j’ai soufflé bestialement dans son cou. J’ai noté, c’est tout. Une fois fini, j’ai essuyé la baïonnette sur les vêtements déchirés près de l’autel et je suis sorti du temple sans un regard en arrière.

Deux maraudeurs y sont entrés. J’ai entendu leurs exclamations dégoûtées. L’un d’eux a même vomi. J’ai fait mon boulot. Ils n’oublieront jamais. C’était hier. Une journée ordinaire. Une de plus sur la route. La même que la précédente, la suivante sera identique. Je n’attends rien. Le soir, nous avons bouffé dans la maison du bourgmestre. Je suis resté à l’écart. Je ne suis pas tout à fait accepté comme l’un des leurs. Nous sommes tous des sangs mêlés mais je reste froid et silencieux. Ils m’appellent aussi le Taciturne. J’ai avalé les saucisses et bu la bière locale. Rapidement. Ils se sont amusés ensuite avec quelques prisonnières. Je les ai regardés tout en aiguisant le fil de la lame brillante de mon poignard. Ca a duré jusqu’à ce que les cris et les rires finissent par se taire. J’ai tourné la tête et j’ai fermé les yeux. La réalité s’est arrêtée pour trois heures. Mes sommeils sont sans rêve. Juste des trous noirs qui se referment sur moi. Quand j’ai senti la botte de la sentinelle sur ma jambe, c’était à mon tour de monter la garde. J’ai repoussé la couverture, ramassé mon arme et je me suis levé. La sentinelle m’a passé les codes et le casque. Dehors, la nuit était claire et calme.

Le front est plus au nord. A près de trois cents kilomètres. Avant l’aube, nous partirons. Une autre mission attend. Des ordres descendus du ciel. Cela fait vingt cinq ans ce matin. Je ne peux oublier. Ce n’est pas le jour où je suis né. C’est celui où ma mère s’est trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Elle me l’a raconté chaque année pour m’expliquer qu’on ne fêterait justement pas mon anniversaire. Elle n’omettait aucun détail. La violence crue du viol. La honte et l’humiliation. Impuissante à transgresser ses croyances, elle n’a pu se résoudre à mettre fin à ses jours. Tout aurait été plus simple. Elle s’est contentée de fuir. De placer le plus de distance entre elle et son passé. Mais elle emmenait en elle quelque chose qui le lui rappellerait toujours. Moi. Quand elle a compris qu’elle était enceinte, elle a pleuré. Ce jour là, je suis mort.


M

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2009-06-29 08:46:13 

 Pu**** de m****Détails
Sacré texte!
Désolée pour les gros mots mais c'est ceux qui me sont venus à la fin de la lecture.
Sacrée histoire, diablement bien écrite, comme si elle ne pouvait pas être écrite autrement. Le premier paragraphe particulièrement est d'une poésie incroyable. Je suis toujours et continue à être sidérée par ton écriture, qui nous touche chaque fois en plein coeur.

Eh beh....

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-07-01 09:48:13 

 ChouetteDétails
Très fan de cette histoire et du style qui lui colle à merveille. C’est ce jour là que je suis mort: ça vous pose un niveau!
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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-07-01 16:45:42 

 WA63 - Une participation quand mêmeDétails
La troisième fois que tu viens ces jours-ci.

J'ai fini par te plaire. Une manière comme une autre de finir. Blessée, je t'ai traquée sans honte, alors ne t'en veux pas de tourner autour de mon presque cadavre. Je meurs pour rien, en faisant ce qu'en somme j'ai su faire de tout: m'en contenter sans joie. Tu écriras sans doute à ma mère, mais je n'ai rien à lui raconter. Invente. Je n'ai pas le goût des choses solennelles.

Une lame traversa mon dos puis mon abdomen. A quelle bannière avait-elle prêté allégeance? Qui me laissa pour mort à la fin du combat? Un ami, un inconnu, un frère? Je ne reconnus personne. Ils me transportèrent avec les autres sur une charrette de fortune. Une jeune estafette à l'oeil fendu chercha longtemps ma main; je la regardai faire un moment puis m'endormis tout à fait.

Tu cherches quelque chose qui n'existe pas. Une raison de continuer à t'acharner sur mes chairs moribondes. Tu t'agites autour de moi comme pour donner corps à ta dévotion. Avant l'aube, tu seras fatiguée mais absoute. Je serai un macchabée docile et généreux, ne t'épuise pas à me donner le change: lorsque tu sortiras de cette chambre, mon histoire t'appartiendra. Et tu sauras quoi en faire.

Son dernier souffle se mua en borborygme. Le roi gisait sans gloire, dans la boue et le sang, et je l'avais tué comme une paysanne. Sans plaisir ni obstacle particuliers. Ses barons repoussaient les charges de notre cavalerie et il s'était rué sur la piétaille pour ainsi dire par caprice, comme un adolescent obèse à qui l'on interdit les douceurs. La lance pivota par hasard en direction de son torse et déchira violemment le blason pour lequel j'avais combattu lors d'une campagne précédente. Il tomba mollement de son cheval, je l'égorgeai sans réfléchir.

Tu t'es trouvé un héros, ma petite courtisane. Tu peux m'aimer sans crainte, je ne viendrai plus te rappeler ce que nous aurions dû être. Je t'ai réconfortée tant de fois... Ne le prends pas pour de la rancoeur: cette partie de notre histoire est morte bien avant moi. Quelques mèches de ta chevelure gênent ma respiration. Je n'ai pas la force de te le reprocher; ce dernier geste que ma main esquisse pour dégager mon visage de leur emprise, tu leur diras sans doute que c'était un signe de tendresse à ton égard.

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-07-01 16:55:09 

 Pas content!Détails
Un peu de franchise: à mon sens, nous n'avons pas respecté la consigne! Les textes que j'ai lus ne sont pas froids: ce sont les personnages qui le sont! Et je n'ai pas fait exception.
Désolé pour resservir une situation morbide... je pense que le format court nous pousse souvent à la "concentration" de l'intensité dans des situations de ce type (trucs violents, forts, concentrés quoi!).

Bonne continuation à tous!

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Netra  Ecrire à Netra

2009-07-01 21:48:53 

 WA exercice n°63, courte participationDétails
La Chambre.


La chambre est sombre, les volets clos, les rideaux, tirés. Elle est allongée sur le lit, nue. Il enfile sa chemise, prend son attaché-case et sort. Puis il se retourne et ferme la porte à double tour.
Il longe le couloir droit, va droit à la caisse, y pose les clefs et une liasse de billets sur le comptoir. Il sort dans la rue et y disparaît.

Elle s'est levée, a ouvert les volets et repoussé les rideaux. Derrière les barreaux il y a une vieille femme qui coupe de jeunes fleurs.


Inspiré par "Ur Fulenn Aour", de Denez Prigent.
Netra, demain Japan

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-07-02 22:27:54 

 Wa, exercice n°63, participationDétails
Baci di Alassio


« Eh ! Tu viens de rater la sortie !
- Mais non.
- J’ai vu le panneau ! »
Il haussa les épaules.
« Je sais très bien ce que je fais. Quand on arrive par Albenga, c’est beaucoup plus joli. C’est cette sortie-là qu’il faut prendre. Dans la descente, tu vas voir tout le golfe se dérouler à tes pieds, c’est magnifique. »
Elle soupira. Inutile de discuter avec ce type. Il vivait à Nice, et il en était encore à collectionner les cartes postales. Ce minable avait l’âge d’être son père, et il roulait dans une Fiat Uno pourrie qui avait dû voir deux ou trois guerres, sans autoradio, sans clim’... Et lui, habillé à la six-quatre-deux, avec son air d’avoir cessé depuis longtemps d’attendre le bus... Et ses papiers, insipides, inodores et sans couleur... Enfin, elle en avait pour la journée, elle était payée pour prendre les photos, elle prenait ses photos et avec un peu de chance, si la régate ne traînait pas, à dix heures elle était au lit.
La voiture s’engagea sur la route du front de mer. Il était neuf heures du matin, il faisait beau, c’était l’été, la régate commençait à dix heures, c’était un peu ric-rac mais de toute façon à l’heure ou pas il serait payé pareil. Une chanson lui monta aux lèvres, qu’il fredonna comme on suce un bonbon à la menthe.
« Via del Campo c’è una bambina
Colle labbra color rugiada
Gli occhi grigi come la strada
Nascon fiori dove cammina » (1)
A la sortie d’un virage, la voiture fit une embardée et se retrouva sur la partie gauche de la chaussée. Stéphanie poussa un cri.
« Mais ça va pas !
- Je n’y suis pour rien. La voiture est partie toute seule, comme si la route se dérobait sous les roues.
- C’est ça ! Bien sûr ! Si t’es déjà bourré, passe-moi le volant ! »
Cinquante mètres plus loin, une voiture avait versé dans le fossé, sur la droite. Les roues arrière tournaient encore dans le vide.
« Arrête-toi ! Le gars s’est planté, tu peux pas le laisser comme ça !
- Pas le temps.
- Mais t’es complètement taré !
- Fais pas chier. Les autres vont s’arrêter, ils n’ont que ça à faire, nous on bosse. »
Ce type était vraiment insupportable.
Enfin, au détour d’un grand virage à droite ils se trouvèrent sur un promontoire et devant eux se déploya le panorama du golfe d’Alassio.
Un sourire en coin se dessina sur les lèvres de François.
« Alors, hein, c’est pas beau, ça ? »
Il n’eut pas de réponse.
La voiture se mit à zigzaguer dans la descente et le conducteur réussit à grand peine à la stabiliser.
« Y a un truc qu’est pas normal. »
Il s’arrêta sur le parking d’un restaurant et descendit de la voiture. Au loin, proche de l’horizon, une sorte d’explosion sous-marine soulevait des gerbes d’eau. Juste après, sous ses pieds, le sol se mit à trembler. Une à une, toutes les voitures s’arrêtaient et les passagers en jaillissaient en criant. Stéphanie le rejoignit.
« Qu’est-ce qui se passe ? »
François fronça les sourcils.
« Petit impondérable. Nous allons assister à un tremblement de terre.
- Tu rigoles ou quoi ?
- Jamais avant midi. »
Les gens autour d’eux criaient, gesticulaient, s’interpellaient, arrêtaient les véhicules ; certains faisaient demi-tour, d’autres laissaient leur voiture sur la chaussée et partaient au hasard dans la colline. Les indécis restaient là, les bras ballants.
« Il terremoto ! (2)
- Il va y avoir un tsunami !
- Qu’est-ce qu’on fait ? Il faut téléphoner.
- Impossible ! Plus de réseau.
- C’est la fin du monde ! »

« Et maintenant on fait quoi ? », demanda Stéphanie.
« Et maintenant, on improvise. On est journalistes, non ? Alors on va faire notre métier. Moi j’enregistre, toi tu mitrailles tout ce que tu peux.
- Mais... Tu vas pas y aller ?
- Un reportage, ça te dit rien, un reportage ? T’es pas photographe ? »
Il reprit la voiture tandis que Stéphanie se demandait pourquoi elle le suivait.
Il y eut une accalmie, qui leur permit d’arriver au niveau du petit port, où tous les voiliers attendaient sagement l’heure du départ. François grimaça. Ca n’était plus d’actualité.
Il laissa la Fiat dans un chemin privé, sur la colline, et enfila son vieux blouson qui avait dû être chic du temps où il était bleu marine. Une couture se déchira largement sous le bras gauche. Il ne cilla pas. De toute façon ça ne se verrait pas. Et puis même.
« Et où tu vas ?
- Tu veux prendre des photos ? J’espère que tu as un grand angle. Magne-toi, je ne suis pas sûr qu’il y ait une deuxième séance. »
Il l’entraîna sur le chemin en terre qui montait à Santa Croce, la petite chapelle qui surplombait le port. Elle était à pic sur la mer, entourée de rochers.
« Attends, tu déconnes, s’il y a un tsunami, on est aux premières loges !
- Mais tout à fait. C’est ce qu’on cherche.
- Je ne suis pas suicidaire, moi !
- Ah bon ? Allez, t’en fais pas, c’est la Méditerranée. On aura un petit raz-de-marée, au mieux, rien de plus. On risque juste de prendre un peu la sauce, mais ça sèchera vite. »
La chapelle était constituée d’une entrée de cinq mètres sur quatre, ouverte largement d’un côté sur le port, de l’autre sur la baie. Au fond, une petite pièce en demi-cercle contenait un autel en pierre blanche, surmonté d’une simple croix. A droite, une Vierge plus que banale avec sa robe bleue et son voile blanc, portant l’Enfant-Jésus. A gauche, un moine bénédictin tenant lui aussi un enfant.
« On n’a aucune protection, ici !
- Tu flippes ? C’est la Cappelletta, Stéphanie. Elle est là depuis le onzième siècle, et crois-moi, elle en a vu d’autres. Et la Madone ne laisse jamais tomber ses enfants.
- N’importe quoi ! Il est complètement allumé, ce type ! », maugréa la jeune fille un peu plus fort que pour elle-même.
François s’assit sur le rebord de la large fenêtre, du côté de la ville.
« Regarde ! »
La mer se retirait, se ramassant sur elle-même comme un chat qui va bondir. Il sortit ses jumelles. Sur la plage, les gens couraient, gesticulaient, les parents prenaient leurs enfants sous le bras et s’enfuyaient, abandonnant toutes leurs affaires. Puis, du fond de l’horizon se forma un mur d’eau qui se lança à l’assaut du rivage comme un troupeau d’éléphants chargeant dans la savane, tandis que dans un grondement sourd la terre se remettait à trembler, ébranlant le petit sanctuaire pendant d’interminables secondes.
Du port en contrebas montaient des cris de terreur.
« T’as un téléobjectif, au moins ?
- J’ai. Et ce que je vois est ... nom de Dieu... »
François braqua les jumelles sur le rivage. Le premier à s’écrouler fut le Grand Hôtel, vestige rococo des Années Folles ; le grand bâtiment blanc s’assit sur lui-même comme une vieille femme fatiguée, soulevant un immense nuage de poussière. Au même moment, la vague déferlait sur la rive, emportant parasols et baraques, se fracassant contre les façades des maisons jusqu’au deuxième étage, s’engouffrant dans les rues perpendiculaires avec la joie sauvage du prédateur triomphant.
« Planque l’appareil ! A terre ! »
Il la poussa violemment au pied de l’autel.
La même vague vint se briser sur la chapelle. Le choc fut intense, fracassant. Des trombes d’eau entrèrent par les fenêtres. L’édifice bougea. Une fois. Puis plus rien, à part les remous tourbillonnants de l’eau un peu plus bas, furieuse de n’avoir pas pu tout emporter.
François se releva.
« Alors ? Qui c’est qui avait raison ? »
Il reprit les jumelles dans sa poche trempée et chercha le Torrione, la vieille tour grise, aussi large que haute, que les Ligures avaient dressée au temps des invasions sarrasines, au seizième siècle. Il avait tenu. D’un mouvement rapide sur sa gauche, il braqua sur l’île Gallinara. Les embruns l’assaillaient de toutes parts, mais le vieux rocher en forme de tortue n’avait pas bougé.
« Allez, t’as tout vu ? On y va.
- Où est-ce que... tu ne veux quand même pas...
- Si. »
Elle le regarda d’un air bête. Peut-être un peu désespéré.
Il retrouva la voiture intacte. Son visage était impassible. Avait-il une étincelle de joie dans le regard, ou était-ce de l’intérêt, enfin, pour quelque chose, ou seulement le reflet du soleil dans ses pupilles ? Stéphanie était incapable de réfléchir. Instinctivement, elle croisa les doigts.
Il gara la Fiat près des jardins San Rocco, sur la colline au dessus de la gare. Ils étaient déserts. Il prit son magnétophone dans la boîte à gants et partit au petit trot vers la ville basse, suivi par la jeune photographe dont les longs cheveux mouillés lui dégoulinaient dans les yeux.
« Alassio, samedi 24 juin. Je descends à pied vers la ville qui vient d’être ravagée par un tremblement de terre accompagné d’un raz de marée qui a submergé le front de mer. La vague faisait quatre ou cinq mètres tout au plus, mais la secousse tellurique a été assez importante pour faire s’écrouler des immeubles entiers. Je croise la population qui court se mettre à l’abri dans les collines, fuyant l’inondation et une éventuelle réplique. Les gens crient, certains sont couverts de sang, d’autres boitent. Une femme porte dans ses bras ses deux enfants, un bébé et un garçonnet de deux ou trois ans, et elle essaie de courir. Certains ont eu le temps d’emporter une valise, mais la plupart sont partis comme ils étaient, qui en maillot de bain, qui en pantoufles. Plus nous approchons du centre ville plus il y a de monde et plus les dégâts sont importants. Toitures arrachées, maisons effondrées, arbres déracinés ou cassés net, poussière, rues bloquées, décombres. La via Aurelia, qui traverse la ville parallèlement à la mer, juste au pied de la colline, est seulement mouillée, la mer s’est déjà retirée en laissant ça et là de grosses flaques, comme après un orage. La gare est intacte, j’entends dire qu’on y transporte les blessés, il n’y a toujours pas d’hôpital ici. Je suis obligé de me frayer un passage entre les gens qui courent dans tous les sens. Je vais suivre l’Aurelia vers la gauche, en direction d’Albenga. La circulation est interrompue, des voitures ont été abandonnées, certaines sont renversées. Les gens marchent sur la chaussée, certains appellent leurs proches qui ont disparu. Un vieil homme cherche son chien. Plusieurs palmiers des jardins de la Mairie sont tombés, l’un d’eux barre le Monument aux Morts, mais celui-ci est toujours debout. Les bancs ont tous été arrachés.
(On venait s’asseoir sur ces bancs avec la Nonna (3), le dimanche après-midi, et on mangeait « il gelato » (4) de chez Giacomel.)
J’entends au loin la sirène d’une ambulance. Combien de temps avant que les secours ne soient vraiment efficaces ? C’est une petite ville de villégiature, qui décuple sa population trois mois par an, rien n’est prévu pour un cas pareil. Je pousse jusqu’à chez Giacomel, le célèbre glacier, renommé pour ses parfums originaux, tels que le romarin ou le gorgonzola. La boutique est ouverte mais les employés sont partis. Manifestement l’électricité est coupée, il n’y a plus de lumière autour des bacs à glace. Quatre gamins de dix douze ans, en T-shirt et maillot, sont en train de piller les bacs, à pleines mains. Ils sont en pleine bataille, fraise contre chocolat, ils chahutent joyeusement tandis qu’à quelques mètres, dans la rue, passent les fuyards et les blessés.
Je descends la via Italia à droite, vers la place Partigiani et j’arrive à la via Dante, qui officiellement s’appelle Corso (5), mais sa taille ne le justifie pas. Ici il reste trente centimètres d’une eau grise et trouble, qui charrie des débris divers, vêtements, parasols, morceaux de pédalo, un nounours... Je viens de voir passer une main, sectionnée au niveau du poignet. La pharmacie qui fait l’angle est fermée, le rideau de fer a été descendu. Est-ce que c’est normal ? Je remonte la via Dante vers le « Caffè Roma », le bar le plus chic où se pressait autrefois la jeunesse dorée du Tout-Milan et quelques stars en panne de public. La rue est obstruée. Toute une partie du Caffè Roma est par terre, comme si une main gigantesque en avait prélevé une partie entre le pouce et l’index. De l’autre côté de la rue le Muretto, petit mur recouvert de plaques de faïence commémorant la venue d’artistes divers, a été partiellement enfoui sous les gravats. Il y avait en particulier la signature d’Ernest Hemingway. Et deux statues en bronze, enlacées, représentant deux amoureux. Je contourne l’obstacle. Les amoureux sont par terre.
(Tu viens, il y a l’élection de Miss Muretto ce soir
- T’es fou, c’est trop chic pour nous !
- On va juste mater ! Gianni connaît un gars qui habite juste à côté du Caffè Roma, de son balcon on peut tout voir. Je suis sûr qu’il y aura des Jaguar et des Ferrari...)
Je vais descendre la via delle Palme vers la mer. Les palmiers ont tous été fauchés. Il y a des tables et des chaises qui flottent partout, je ne peux pas continuer pour l’instant, j’ai de l’eau jusqu’aux genoux, il y a du courant qui m’attire vers la mer, je vois des gens sur les balcons qui regardent tout ça sans rien dire, un corps inanimé me frôle, c’est une femme en maillot de bain deux-pièces, je... Le courant est vraiment trop fort, je reviens sur mes pas. Les dégâts semblent s’être arrêtés avant l’Aurelia, mais j’ai entendu des habitants dire que l’église Sant’Ambrogio, l’église paroissiale, près de la gare, s’est écroulée. Je remonte la via Dante vers la piazza Partigiani, un peu plus loin sur la droite il y avait une petite église sur une place... C’est là ! C’est étrange. Il y a là une fontaine, devant la statue de Saint François d’Assise prêchant aux animaux. Tout le quartier alentour a été ravagé par le raz de marée, et l’eau s’est arrêtée à l’entrée de la place.
(« C’est ton saint patron, gioia (6) ; et je prie tous les jours pour que tu aies dans ta vie la même joie de vivre. Il n’était que bonté et joie... Et pourtant sa vie n’était pas facile... »)
Ici tout est préservé. Les oiseaux chantent dans les arbres, les cris et les gémissements, la peur et la douleur sont restées au dehors. »
Clic. François éteint le magnétophone. Machinalement il jette une poignée de monnaie dans la fontaine, qui est censée exaucer les voeux.
« Bon, on fait quoi, là ?
- On repart. »
« Je reviens vers la mer. J’ai l’impression que le niveau baisse. Je suis sur le front de mer, sur la Passeggiata, la rue piétonne où toutes les familles se promènent le soir après dîner. Elle est... enfin elle était bordée par le dos des cabines de bain, d’un côté, et de l’autre s’ouvr...aient, en bas des maisons, uniquement des restaurants et des cafés-concerts. Il n’y a plus que de l’eau. Je marche lentement, j’ai encore de l’eau jusqu’à mi-cuisse, et j’essaie d’éviter les débris que le courant ballotte. Des gens en pédalo et un zodiac cherchent des rescapés. Une, deux, trois maisons sont éventrées, effondrées, un vaisselier est resté sur un pan de mur au premier étage, les portes ouvertes, tout est bien rangé à l’intérieur. Cette... cette maison-là est debout. »
Clic.
« Photo, s’te plaît, Steph. »
(Vico Nattero 2. Un appartement au premier étage. Façade rouge, volets verts, un grand balcon sur toute la largeur avec des barreaux peints en vert. Une année entière. Puis les trois mois d’été, longtemps. Les parents étaient en mission aux quatre coins du monde. Officiellement j’étais français, on me le faisait assez sentir. Mais à Paris j’étais le sale Rital. Jamais à ma place. Toujours à cheval sur une frontière. Mais la Nonna m’aimait autant que mes cousins. « Franco, tu es un bon garçon ».)
« La jetée, il molo, a été complètement emportée. Je retourne dans le budello, « le boyau », la rue piétonne où presque tous les rez de chaussée sont occupés par des commerces ; les pavés inégaux datent du moyen âge, et c’est très étroit.
(On jouait à cache-cache dans les ruelles, on se planquait sous les porches et dans les escaliers, pieds nus et en maillot de bain ; à la fin de l’été la corne de nos pieds était dure comme de l’os... Parfois un adulte excédé par nos cris nous grondait très fort et on s’enfuyait en riant... « Maschiacci ! Vergogna ! Via di qui ! » (7)
Sur une petite place il y a...vait le célèbre pâtissier Balzola, qui fabrique les meilleurs « baci ». Ca veut dire baisers. Ce sont de petits gâteaux constitués de deux macarons mous à la noisette et au chocolat, réunis par une ganache. C’est vraiment excellent.
(La specialità di Alassio è una sola, i baci di Balzola) (8).
L’immeuble du Balzola est tombé sur la place où on donnait des concerts le dimanche après-midi. Un présentoir est allé s’encastrer dans la boutique de l’épicier d’en face. »
Clic.
Le portable de François se met à sonner.
« Et alors, coco, j’espère que tu es presque rentré ! Magne-toi, tu dois être à Grasse à quinze heures pour le tournoi d’échecs. Je sais très bien que la régate est annulée !
- Attends, Max, il y a eu un tremblement de terre, ici, et un raz de marée. On va te ramener des photos et un reportage qui...
- OK pour les photos. Mais toi tu files à Grasse. J’ai envoyé une équipe de pros. C’est pas pour toi, ça, coco. C’est fini, la gloire, les enquêtes, la frime, fini ! Plus personne ne veut de toi, l’affaire Mériadec, tu t’en souviens ? Tu as été la risée de la profession ! Remercie-moi de t’avoir embauché, par respect pour ton père, et uniquement ! Et dépêche-toi de... »
François coupe le portable et le jette dans l’eau sale. Il range son magnétophone dans la poche intérieure du blouson, mais la poche s’est déchirée avec la couture, et l’appareil tombe à l’eau.
Il se tourne vers Stéphanie, lui tend ses clés de voiture.
« Rentre à Nice. Tes photos seront publiées.
- Et toi tu fais quoi ?
- Je reste.
- Max n’a pas voulu de ton papier, c’est ça ?
- De toute façon il était nul. Il y a des choses plus importantes. »
Stéphanie range le Nikon dans son sac. Elle hésite un instant, un très court instant. Puis elle sourit.
« Pour une fois, je crois que tu as raison. Par où on commence ?
- Les blessés. On va les amener à la gare. »
Il entre dans la maison la plus proche, dont la porte est arrachée, et crie, en italien :
« Il y a quelqu’un ? Vous avez besoin d’aide ? »
Une voix âgée, tremblante, lui répond.
« Oui, oui, de l’aide, par pitié, je suis toute seule... J’ai mal à la jambe, je ne peux pas bouger... »
(« Tu es un gentil garçon, Franco, le plus gentil de mes petits-enfants... »)














(1) Rue du Champ il y a une petite fille
Avec les lèvres couleur de rosée
Les yeux gris comme la route
Des fleurs naissent là où elle marche
(Chanson de Fabrizio dè Andrè)
(2) Le tremblement de terre
(3) Grand-mère
(4) la glace
(5) Cours
(6) litt: joie; petit mot doux qu'on dit généralement aux enfants
(7) Voyous ! Vous n’avez pas honte ! Allez-vous en !
(8) Il n’y a qu’une seule spécialité à Alassio, les baci de Balzola
Narwa Roquen, qui joue en mode mineur
Narwa Roquen, qui aime bien n'est pas toujours aimable...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-07-02 22:55:12 

 Commentaire Elemmirë, exercice n°63Détails
C'est une histoire bien écrite, bien menée, avec un scénario qui nous intrigue et nous tient en haleine. Le portrait du héros est bien brossé, et tout à fait cohérent. Je trouve que tu as bien respecté la consigne. Ni ton héros ni ton héroïne ne sont vraiment émus... ni vraiment émouvants... Et c'est exactement ce que je voulais. C'est effectivement une histoire dure, insensible. Tu aurais facilement pu la faire basculer dans le fantastique en transformant ta justicière en sorcière ou en extra-terrestre, ce qui nous aurait de plus éclairés sur sa motivation. On peut s'en passer, de la motivation. Le texte est direct et va à l'essentiel, et ça peut passer pour un détail. Mais il fallait bien que je trouve quelque chose à dire...
Narwa Roquen,
Narwa Roquen,en panne de critiques?

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-07-03 22:41:44 

 Commentaire Maedhros, exercice n°63Détails
C'est un texte effectivement très noir, un puzzle de ténèbres où chaque pièce prend obscurément sa place, et quand la lumière apparaît, elle apporte la mort. La musique qui l'accompagne est carrément sépulcrale: à ne pas écouter un soir de déprime!
L'histoire est bien construite, bien menée. Le titre fait une fois de plus un clin d'oeil au cinéma... Le début est très fort, la fin est excellente, et le texte aussi dépourvu d'espoir ( ce qui est différent de désespéré) que son héros.

Mais j'ai quelques critiques.
D'abord tu dis que ton héros n'est pas très cultivé. Mais il s'exprime drôlement bien, tiens... comme Maedhros! "les perles oblongues", "oecuménique" "déployée comme une corolle", "les derniers feux de l'astre couchant"... Même "boulot" et "bouffer" ne suffisent pas à donner le change...

Ensuite, sur le plan de la cohérence, il me semble que cet individu a tout pour être, sinon psychotique, du moins sérieusemenr border-line. Or il perçoit très bien les autres: "les éclairs d'acier... font trembler les résistants", "un petit village tranquille" ( avec la répétition de tranquillement 2 lignes plus bas), "un hoquet de frayeur", "elle a soudain compris que la mort viendrait après", "les dieux qu'elle avait promis...", "bestialement".
Tu as dû t'en rendre compte, puisque tu lui fais dire qu'il saisit tous ces petits riens qui n'ont aucun sens... mais auxquels il donne un sens tout de même...


Je n'ai pas bien compris "ce qui est marqué à l''encre pâle": des cicatrices? Maltraitance ou automutilation?

Autre point: qu'est ce qui motive ton héros? Il est indifférent à la douleur des autres et à leur mort, mais il n'en tire même pas plaisir. Il y a des métiers moins fatigants. Pourquoi il continue? Pour être avec des gens qui lui ressemblent? Mais il reste à l'écart et n'a rien à leur dire. Je pense qu'il y a quelque chose à creuser, ou du moins à préciser.

Allez, je t'ai un peu embêté, je le reconnais. Bien sûr que c'est un bon texte, juste un peu peut-être jeté là... Si tu as cinq minutes, reviens-y.
Est-ce que la consigne t'a gêné? Tu ne t'es pourtant jamais privé pour les enfreindre...
Narwa Roquen, qui aime bien n'est pas toujours aimable...

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z653z  Ecrire à z653z

2009-07-05 16:07:23 

 notes de bas de pageDétails
Je crois que tu as inversé les (6) et (7).

Et les premiers reportages étaient sans émotion, très neutres.

Sinon, les intermèdes tranchent beaucoup au début mais on finit par s'y habituer.

Et c'est dur de faire un texte avec le moins d'émotions possible, car dès qu'il y a description d'un personnage ou un dialogue, le lecteur ressent quelquechose...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-07-05 18:26:59 

 Merci!Détails
J'ai corrigé les notes ! On a beau se relire...
Le but du jeu était que l'auteur ne s'abandonne pas à ses émotions, par exemple avec des qualificatifs comme "terrifiant, dramatique, émouvant...", mais si le texte pouvait malgré tout susciter une émotion chez le lecteur, c'était tant mieux! Toute la difficulté était là: rester dans le factuel au niveau de l'écriture, et ne pas plonger le lecteur dans l'ennui...
Narwa Roquen, qui aime bien n'est pas toujours aimable...
Narwa Roquen, qui voudrait bien avoir le temps de s'ennuyer!

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-07-05 22:48:51 

 Commentaire Maeglin, exercice n°63Détails
C'est un texte entre deux eaux, en demi teintes, tout à fait accordé à l'état physique du héros, entre la vie et la mort. C'est un genre où tu te plais bien, tout en esquisses ombrées, où la précision n'est là que pour ouvrir la porte à la suggestion.
Certes ton héros est dans l'empathie, puisqu'il devine les pensées de l'autre, mais il est tellement distancié des émotions violentes qu'on ne peux pas vraiment te reprocher d'avoir enfreint la consigne. De plus, même cette empathie apparente n'est peut-être qu'un leurre, et les dernières phrases jettent le doute là-dessus (ce passage est d'ailleurs excellent): le héros voit tout à travers le filtre de son égocentrisme, alors peut-être qu'il ne devine pas, qu'il parle seulement à la place de l'autre comme le font ceux qui ne respectent personne...


Une question: pourquoi:"je l'avais tué comme une paysanne"? Ce féminin m'a égarée un bon moment, je me suis demandée si c'était toujours la même personne qui parlait!
J'ai bien aimé la comparaison "comme un adolescent obèse...". Je ne suis pas sûre que dans un contexte moyennâgeux ce soit la plus adaptée ( qui se préoccupe de traiter l'obésité quand la famine et la maladie sont toujours aux aguets? ), mais elle est bien trouvée.
Et "je ne viendrai plus te rappeler..": c'est un futur.

J'aimerais bien que tu mettes un titre à tes participations.
Merci de nous avoir accueillis une fois de plus dans ton petit monde...
Narwa Roquen, voyageuse entre les mondes

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-07-05 22:53:02 

 Commentaire Netra, exercice n°63Détails
Bientôt les commentaires seront plus longs que les textes... Bon, c'est un Polaroïd, en quelque sorte. Difficile de ne pas respecter la consigne en si peu de lignes, mais stricto sensu je n'ai rien à te reprocher... à part la brièveté!
La métaphore de la fin est jolie.
J'espère que les vacances te rendront plus prolixe!
Narwa Roquen,les prunelles sont mûres, demain début des confitures...

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2009-07-06 11:53:30 

 Les réponsesDétails
Encore merci pour ces commentaires: c'est clairement une motivation supplémentaire pour écrire, des babioles ici et pourquoi pas me relancer dans quelque chose de plus ambitieux.

Sinon évidemment ma petite faute de conjugaison conditionnel/futur qui signe chacun de mes textes, et pourtant je relis... mais je suis bien rouillé et il me faudra un peu de temps pour réviser tout ça.

Des réponses maintenant: pourquoi une paysanne? Je me suis également posé la question: je voulais un contraste fort entre le roi et le contexte de sa mort... je me suis dit qu'entre "un" paysan et "une" paysanne, il y avait peut-être encore cette petite différence du paysan mâle qui prend sa fourche ou sa faux pour défendre le village, et la "paysanne" quasiment impuissante devant une potentielle agression. C'est très peu justifiable en fait, mais une fois écrit j'ai trouvé l'image suffisamment dérangeante pour la laisser vivre dans les pensées du personnage.

Sur l'adolescent, j'ai aussi eu cette réflexion, mais je me suis laissé convaincre par l'adolescent de cour surprotégé et capricieux. L'image reste un peu anachronique, mais je l'aimais bien aussi...

Sur les titres... ma foi j'ai un peu de mal à titrer ces petits exercices, la plupart du temps j'abandonne l'affaire car j'estime que ça fait rentrer plus vite le lecteur dans l'action. C'est voulu la plupart du temps (pas sur le prochain ceci dit), mais je veux bien essayer de me l'imposer.

Merci pour tout,
Maeglin

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Netra  Ecrire à Netra

2009-07-06 20:47:40 

 Brièveté...Détails
Voui, ze saiiiiis...
En même temps, en continuant sur le mode de la description scientifique, je peux faire plus long, mais j'avais pas trop le temps... Tiens, ça me donne une idée...
Netra, Fini Japan, demain Bretagne

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Netra  Ecrire à Netra

2009-07-06 21:44:43 

 WA exercice n°63, participation un peu plus longue ^^Détails
Ah, le lycée semble déjà loin, et pourtant... Petite précision, ceux qui n'aiment pas les dissections devraient peut-être s'abstenir.

Scalpel


Je boutonne ma blouse, attache mes cheveux, enfile les gants en latex. La prof me tend une souris décongelée, légèrement verte d'un début de moisissure au niveau de la patte avant gauche. Je la saisis par la queue, la pose dans la cuvette de dissection déjà à demi remplie d'eau. Les épingles sont à portée de ma main, je crucifie donc le cadavre sur la planchette de balsa, tendant la peau au maximum pour faciliter la découpe.
J'incise ensuite la peau au niveau du menton de la pointe du scalpel et ouvre toute la face ventrale, jusqu'à la base de la queue. Je suis propre et précis, pas une goutte de sang ne souille l'eau. J'augmente légèrement la force sur le scalpel pour découper les muscles de l'abdomen sous les mamelles du mammifère. Je distingue une poche rouge entre les lambeaux de chair découpées. J'insère le scalpel entre elle et les intestins, qui se tordent en dessous, avec une lenteur calculée pour ne rien couper. Je remonte lentement l'utérus grossi par de petites boules régulières. Je croyais que la dissection de femelles enceintes était interdite, mais c'est vrai que la prof s'encombre peu de ce genre de détail. J'extrais donc la rouge ribambelle de foetus, l'étire soigneusement dans l'eau toujours limpide. Je sais ce que veut la prof, elle l'a annoncé juste avant que Sandra ne tombe dans les pommes, c'est pour ça que nous avons du retard, aussi j'avance sans son consentement, et ouvre l'utérus sur une extrémité pour sortir un ex-futur souriceau, soit un petit bout de chair rosâtre et relativement informe. La prof passe, me félicite, je jette la souris, ses organes et range ma paillasse. La cloche sonne, il faut redescendre en mathématiques.
Netra, Fini Japan, demain Bretagne

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2009-07-08 11:00:22 

 Beurk ^^Détails
C'est quoi cette prof dégueu??

Sinon, côté consigne, rien à dire, c'est exactement ça! Et l'absence de sentiments permet de décrire avec précision ce qu'on n'oserait pas dire si on était sensibles. Bien vu!

Elemm', heureusement j'avais petit déjeuné avant ^^

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-07-11 12:54:01 

 Quand on parle du loup...Détails
Un beau récit de Don Juan immoral et jouisseur. Tel que tu le décris, il arrange son existence en fonction de ses besoins primaires et là, il se rapproche effectivement des grands prédateurs humains ou animaux. Tu as bien rendu ce côté accumulatif qui est souvent l’apanage des Casanova des banlieues avec leurs petites manies (voiture, boniment, leurs approches aussi nombreuses que les ouvertures dans une partie d'échecs) et le désert de leur vie affective personnelle.

Là, il est apparemment tombé sur celle qu’il ne fallait pas, celle qui, deux ex machina, l’a percé à jour en deux temps trois mouvements. Tu aurais peut-être pu apporter quelques indices pour expliquer comment elle s’y était prise.

La fin est assez inattendue avec ce choix radical, surtout qu’il a vite décidé alors que sa Nemesis semble avoir des ressources insoupçonnées, hors ceux qui s’arrondissent sous le pull ou la jupe. En plus, il a regardé les séries US type « Les Experts » en pensant aux traces qu’il pourrait avoir laissées. Tiens, il n'a pas pensé à la lumière bleue!

La narration est dynamique et très « macho man ». Le rythme est soutenu, sans temps mort, avec une intéressante progression dans le temps. Le style est fidèle à la personnalité du Père Barreau de Chaise et, c’est marrant, j’ai eu l’impression que j’aurais pu utiliser certaines des tournures de phrases.

Enfin, la consigne est respectée. Les sentiments et les émotions sont étrangers à ce prédateur

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-07-11 15:29:00 

 En champ bellique par singulier duelle...Détails
C’est un texte assez hypnotique qui se déploie sous nos yeux. Des phrases brumeuses tissent une trame éthérée où la logique semble s’estomper. Une histoire crépusculaire où se mêlent le fracas étouffé de batailles médiévales, les vestiges d’une romance esquissée et la confusion qui s’empare d’un esprit moribond, ce côté virevoltant du chaos annoncé.

Le style, le rythme et l’harmonie des mots soutiennent bien le propos de ce récit qui possède une indéniable élégance,cette distance entre une réalité implacable et l'apesanteur d'une âme déjà en partance. J’aime bien aussi ces images à peine effleurées, à peine murmurées laissant dans l’ombre le superflu et la logique (« tu t’agites autour de moi pour donner corps à ta dévotion »).

C'est en fait l'extrême détachement du protagoniste agonisant qui permet formellement le respect de la consigne.

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-07-11 16:34:56 

 Hostel.Détails
C’est une jolie cage où vit un bel oiseau.

Huit phrases en tout et pour tout. Huit petites phrases aux mots badins et innocents mais qui enferment une horrible réalité.

Une poignée de mots en échange d’une poignée de billets. Quelques fleurs coupées à l’apogée de leur beauté qui iront faner dans l’eau pas très propre d’un vase. Le jour et la nuit séparés par quelques barreaux. La consigne n’a pas été bafouée par ce polaroïd brillant et froid.

Je ne connais pas D.PRIGENT mais j’espère que la belle prisonnière gardera le plus longtemps possible en elle cette lumière intérieure, cette étincelle d’or...

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2009-07-11 17:25:49 

 Vague à l'âme...Détails
L’Italie, mon pays dans une autre vie. Quand j’habitais Nice, j’avais longé la côte ligure où la mer a une couleur si particulière, où elle fait si bien l’amour avec la terre au-dessus ! Mais c’est du passé...

C’est une histoire de rédemption et de réconciliation. Tu as résisté longtemps pour construire ce personnage indifférent et blasé, revenu de tout et sur lequel rien ne semble avoir de prise. Un homme de deux mondes et forcément étranger dans l’un et dans l’autre. En contrepoint, le personnage féminin sert de révélateur, même si ce subterfuge fragilise le respect intégral (griste) de la consigne.

Et puis, cet évènement extraordinaire qui s’abat sur la petite cité italienne, lézardant peu à peu la muraille de cynisme et d’abdication derrière laquelle s’était retranché le héros. Il marche dans les traces de son passé qui devient de plus en plus prégnant, de plus en plus présent. J’aime bien la façon avec laquelle tu entremêles le souvenir et la réalité, juxtaposant les deux dimensions. Il redevient progressivement celui qu’il a laissé en chemin. Il se réconcilie avec lui-même, apprivoise ses démons, laissant émotions et sentiments s’engouffrer dans la brèche comme l’eau a envahi la vieille chapelle, croyant l’emporter. Mais les vieilles pierres ont tenu.

Cette longue histoire porte bien son nom. Les macarons sont craquants à l’extérieur mais leur coeur est tellement fondant, comme un baiser de dame...

Ah, et la poésie de Fabrizio De André qui a collaboré avec PFM un de plus grands groupes prog. italiens!


M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2009-07-11 22:50:16 

 Commentaire Netra, exercice n°63, texte n°2Détails
Pas de doute, tu as bien respecté la consigne. Le style chirurgical est parfaitement adapté au sujet, et pour cause! Perso, malgré sa brièveté, je trouve que ton premier texte avait le mérite de raconter une histoire. Là, tu fais un exercice, mais on se demande un peu où tu veux en venir...
Si j'ai bien compris, le thème n'était pas facile à traiter... Tu as d'autant plus de mérite de l'avoir fait deux fois!
Un petit détail: une femme est enceinte, mais chez les animaux on dit qu'une femelle est pleine...
Narwa Roquen,pendant que tourne la sorbetière...

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Netra  Ecrire à Netra

2009-07-21 11:41:45 

 Détails d'une histoire vraieDétails
Ben c'est la prof qui disait enceinte, le but étant peut-être de battre le record de malaises en classe pour entrer dans le guiness book... C'est resté, uniquement pour les souris. Pour les autres animaux, c'est "gestante" que je trouve plus élégant que "pleine"...
Netra, qui n'a pas souvent Internet, ces temps-ci

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Netra  Ecrire à Netra

2009-07-21 12:03:52 

 Je croyais pas...Détails
... que quelqu'un remarquerait qu'il y avait 8 phrases. 8, c'est pour l'infini. Pour ouvrir la chambre.
Et Denez Prigent, c'est lui :An Hini a garan (j'ai pas trouvé Ur Fulenn Aour)
Plus belle voix masculine de Bretagne, et heureusement qu'il chante en breton, sinon il serait censuré direct...
Netra, qui n'a pas souvent Internet, ces temps-ci

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2009-07-21 19:25:00 

 Merci pour le lien ;)Détails
très belle musique en effet!

Elemm', mes oreilles te remercient

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Eltanïn  Ecrire à Eltanïn

2009-07-22 17:01:12 

 WA 63, participationDétails
A la vie A la mort


Naître Respirer Crier Ouvrir les yeux Voir trouble Avoir froid Pleurer Etre rassuré Etre au chaud Aimer

Jouer Voir Entendre Découvrir S'émerveiller Grandir Rire Regarder Ecouter Apprendre S'amuser

Croire S'interroger Comprendre Désenchanter Espérer Hair Changer Rêver S'ennuyer Renconter Sourire Se poser mille questions Souhaiter refaire le monde Experimenter Rire Aimer Boire Ressentir Jouir Laisser partir Souffrir Etre seul Etouffer Hair Oublier Recommencer

S'assagir Travailler Se débrouiller Espérer mieux Gérer Trouver Aimer Essayer Perdre Se sentir perdu Essayer encore Construire Réussir Croire Observer S'inquiéter Espérer Douter Continuer Fatiguer Vieillir Avoir peur

Se reposer enfin Se laisser aller S'affaisser S'ennuyer Somnoler Se perdre Se relever Abandonner Tout arrêter Se décourager S'endormir Mourir
Eltanïn

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2009-07-24 08:51:09 

 Comm EltanïnDétails
J'adore!!

J'aime les participations qui ont de l'idée, comme ça :)
Le cheminement d'une vie en quelques verbes, bien choisis et donc la juxtaposition sans fioritures donne un côté "étoile filante" à l'existence.

Côté rythme, j'aurais juste intercalé un ou deux verbes seuls (plus courts donc) entre "Se poser mille questions" et " Souhaiter refaire le monde". Mais ça c'est pour chipoter.

Et puis la fin, un peu tristounette... J'aurais rajouter "Se souvenir" quelque part, au moins, et pourquoi pas, plutôt que se décourager, accepter, se résigner... Enfin ok, c'est pas tellement plus joyeux :)

Elemm', fan

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