Les hurlements du vent retentissaient sous la forêt ce soir-là. Qualin sentit un frisson lui parcourir l'échine...
Une pierre plate, recouverte de mousse, lui servait a ce moment là de siège... les crampes commençaient à se faire ressentir dans le bas de ses jambes. Cela faisait plusieurs heures qu'il était là, le regard vide fixant ce qui devait servir auparavant de pont-levis à cette construction.
Ce jeune homme, vêtu d'une basse robe grise agrémentée par des reflets d'un bleu profond avait un visage blême, un peu long à son goût, de grands yeux bleus et des cheveux presque inexistants bien qu'il ne soit âgé que de deux dizaines d'années.
Il leva les yeux et admira les tours délabrées par les affres du temps. Il y a plusieurs centaines d'années, cet endroit était plein de vie ; aujourd'hui, tout le monde s'en détourne, si peu reconnaissant des services rendus. Ce petit fortin était, selon les écrits des historiens de son village, un poste d'avant-garde, merveille de technologie militaire et d'esthétique, du moins, c'est ce que pensait Qualin. Il fit déambuler son regard à travers les décombres. Les colonnes brisées, soutenaient encore parfois laborieusement quelques édifices ancestraux menaçant continuellement de s'écrouler. Cet endroit était dangereux de par son âge, mais pourtant, Qualin l'aimait, il venait couramment ici pour s'y recueillir.
Les crampes s'accentuèrent, il se leva dans l'espoir de les faire taire ; quelques pas sans conviction sur le sol jonché de lierre se terminèrent rapidement en un retour plus ou moins inconscient à sa place originale. Il se remit à regarder les ruines, toujours d'un regard vide. Néanmoins, une faible lueur semblait brillait dans ses yeux, une lueur que tout le monde connaît, mais que tout le monde craint, celle de la peur. Qualin avait peur... peur de quelque chose qu'il avait l'impression d'avoir redouté des années durant.
Demain, il lui faudrait quitter son pays natal, cela, il le savait déjà, mais comment pouvait-il accepter de faire ce que son peuple lui demandait, ce que son peuple haïssait depuis si longtemps ?...
Qualin sursauta, il entendit au loin des sons lourds de sens, un son qu'il redoutait à entendre... les cors de guerre, sans doute était-ce les cors de l'armée de Sirik, le peuple qu'il avait si longtemps considéré comme ses frères et qui aujourd'hui menaçait de mettre fin à cela. Les raisons pour lesquelles Sirik déterrait la hache de guerre lui échappaient encore, mais de toute façon, Qualin ne voulait pas les connaître, pas plus qu'il ne voulait mener ce combat ridicule... Demain, son peuple irait combattre ses frères... demain, son peuple mourrait.
Comment cela pouvait être possible ?... Il refusait ne serait-ce qu'en entendre parler. Qualin vit le décor se troubler, les larmes commencèrent à perler sur ses joues ; pris d'un spasme colérique, il écoula sa rage sur une pierre environnante. Au bout de quelques instants, retrouvant une sérénité bien éphémère, il épongea de sa toge ses mains ensanglantées par la haine... Il n'irait pas combattre Sirik. Demain, dès que le soleil s'élèvera au-dessus de l'horizon, il partira, il laisserait son peuple à sa folie fratricide, il les laisserait se faire décimer par Sirik, peuple frère, il passera sûrement pour un lâche, mais cela il le savait déjà, il ne pouvait se résigner à aller vers la mort certaine, et pourtant ce soir, il la chérissait et l'appelait de tous ses voeux.
Résigné, Qualin se leva et partit en direction de son village, sans doute les siens étaient-ils en train de festoyer au nom de dieux dont Qualin refusait l'existence. Comment ces dieux pouvaient-ils laisser faire ce qui était plus un suicide qu'un combat ? Non, vraiment, Qualin se le refusait, il ne voulait pas croire en des dieux mauvais.
Il rentra chez lui discrètement, en évitant soigneusement les siens, jamais plus il ne reparlerait à son peuple, et cela ne le dérangeait pourtant pas... Après avoir réuni ses effets les plus personnels, il tendit sa main vers une lame accrochée au-dessus de la cheminée. Celui qui l'accrocha là, il y a de cela plusieurs siècles, ne devait pas croire qu'un jour, on l'y décrocherait. Mais en cette époque troublée par la guerre, les routes n'étaient plus sûres ; Qualin n'était évidemment pas un fin bretteur mais il n'avait pas d'autre choix.
Il lança un dernier regard lourd de regret sur ce qui était sa demeure. Il enfila son sac sur le dos et franchit le seuil... sans espoir de retour. L'aube recouvrirait bientôt la forêt d'or de ses apaisants rayons lumineux, il lui fallait maintenant se hâter s'il voulait éviter son peuple.
Aux portes de son village, il accéléra le pas. Il marcha pendant plusieurs heures jusqu'à quitter le couvert de la forêt. Suivant le cours d'eau, il avança encore une centaine de mètres et se retourna. Il l'avait fait. Une fois de plus, il avait fui son destin, jamais plus il ne reverrait sa contrée. Il leva son bras en signe d'adieu à la forêt d'or, son berceau et ce qu'il aurait voulu être son tombeau.
Exténué, plus par les événements que par la fatigue, il s'allongea sur l'herbe tendre à côté d'un petit ruisseau, il ferma doucement ses yeux. Après quelques heures à ressasser ce qu'il venait de vivre, il réussit à s'endormir pour un sommeil qu'il aurait voulu sans rêves.
Un bruit le réveilla après ce qui lui sembla être un trop court repos ; il se leva brusquement, le bruit lui était trop familier... d'un ton grave et puissant, il n'y avait qu'une seule chose en ces terres capable de lui provoquer une telle frayeur... ces maudits cors de guerre. Ce bruit lui insuffla de plus de par sa trop forte proximité une terreur sans précédent. Il commença à perdre le contrôle de lui-même. Une course effrénée commença à cet instant. Après de longues minutes de fuite, il s'arrêta, essoufflé... les cors de guerre retentirent de plus belle, comment cela se pouvait-il ? Cette plaine n'était pas la seule qui existait, et sûrement pas la plus appropriée pour un combat rapproché ; il ne lui restait qu'une seule solution, se mettre à couvert dans une forêt avoisinante.
Il se remit à courir mais rien n'y faisait, les cors de guerre le rattrapaient sans cesse, comme si c'était lui la cible et que le prédateur ne lâcherait pas sa traque. Au loin, dans la forêt où il imaginait désespérément trouver refuge, des hommes en armure sortaient. Il se jeta à couvert d'un rocher. Il resta ainsi quelques interminables minutes.
Il risqua un regard hors de sa ridicule planque, il vit un spectacle horrifiant, un spectacle qu'il aurait tout fait pour éviter ne serait-ce que l'entre apercevoir.
Quelle ironie du sort, voilà que sa fuite l'avait mené tout droit sur le lieu de combat !
A la vue de ses frères s'entre-tuant, Qualin entra dans une fureur sanguinaire. Il sortit son épée émoussée par le temps et avança sur ce qu'il voyait comme une boucherie. Qualin n'avait évidemment aucun espoir de victoire, de plus, il ne recherchait pas la victoire dans ce combat mais plutôt sa propre mort qui serait en même temps une sorte de délivrance.
Un chevalier accompagné de deux autres combattants l'aperçurent de loin, ça devait être ce qui restait de l'arrière-garde. Le chevalier s'approcha jusqu'à être à portée de voix et le héla : " Hé ! Vous là-bas, qui êtes-vous ? Annoncez donc votre camp ! ". Il ne reçut pour réponse qu'un inattendu et méchant coup d'estoc dans le bas du ventre.
Le sort des deux autres cavaliers ne fut pas meilleur. A la vue de leur chef se faisant occire de la sorte, ils comprirent ce qu'amenait Qualin par ici... la folie.
Ils se jetèrent sur lui et avant de trouver un repos bien mérité, ils aperçurent la flamme qui animait son regard. Dès lors, ils n'eurent plus aucun doute sur sa santé mentale précaire.
Qualin put entrer dans le combat qui faisait rage entre l'armée de Sirik et son peuple.
Les deux armées, surprises par cet ennemi aussi inattendu que dangereux se ruèrent sur lui.
Qualin, possédé par une haine féroce commença à faire un vide inexplicable dans leurs rangs, rien ne le touchait, même les coups qui semblaient ne pas avoir d'autre possibilité que d'atteindre leur but restaient totalement inefficaces, comme si une force de nature inconnue protégeait Qualin, peut-être était-ce la folie, mais en tous les cas, le carnage ne s'arrêta qu'une fois que l'armée fut totalement décimée.
A présent, Qualin se trouvait sur une plaine recouverte de corps qui n'avaient jamais demandé à mourir... il regarda le sol jonché de cadavres ; dans ses yeux, la haine fit bientôt place à la tristesse, les larmes roulèrent bien vite sur ses joues. Alors qu'il regardait son épée d'un air dégoûté et qu'il s'apprêtait à la lancer au loin, elle se retourna dans sa main. Les yeux de Qualin se convulsèrent de terreur ; un instant après, ils se calmèrent en acceptant ce qu'il se passait... l'épée entra profondément dans son estomac, poussée par une force inconnue, probablement la même qui le poussa à tuer les siens. Qualin sentit alors un vertige et un trouble qui n'étaient bizarrement pas dus au fait qu'il allait bientôt mourir. Qualin tomba.
Qualin se réveilla alors en sursaut, mais bien trop tard... il était à côté de la petite rivière, au même endroit qu'avant de s'endormir. Il eut juste le temps de jeter un coup d'oeil alentour et de pousser un bref soupir de soulagement qu'une lame effilée lui trancha la gorge, il leva bien vite les yeux à la recherche de son assassin. Avant de sombrer dans le néant, il vit le visage de son meurtrier... le visage qu'il emporterait avec lui de l'autre côté, un visage tellement familier et inconnu à la fois, un visage qu'il a détesté durant toute sa vie et qu'il se surprend à aimer à présent... Le sien...
Je n'ai aucune qualité d'écriture, j'ai seulement écrit ce texte parce que je tenais à participer à ce site que je trouve d'une grande qualité. Que les puristes m'en excusent.
Je dédie ce texte a toutes les personnes qui m'aiment, bien que je ne comprenne pas leur amour.
Méfiez-vous de vous-même mes amis, vous êtes votre plus fidèle meurtrier...
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