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 WA, exercice n°84 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 14 octobre 2010 à 23:10:20
Un exercice simple, pour nous reposer un peu, qui va juste demander un peu de finesse pour que le scénario soit crédible: un personnage doit demander l'aide d'un autre personnage qui lui est hostile, et l'obtenir, bien entendu. Vous pouvez construire le Monde que vous voulez autour de cette scène, dans le style qui vous convient.
Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 4 novembre. Cerise sur le gâteau, pour corser l'affaire, vous n'emploierez aucun adverbe en -ment ( certainement, absolument, résolument...). C'est juste pour vous éviter de vous ennuyer en écrivant...
Le prochain thème sera plus... remuant...
Narwa Roquen,le roman qui ment avec discernement, c'est permis!


  
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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2010-11-02 16:38:04 

 WA84 - Participation MaeglinDétails
Rue des Bouquiniers Obscurs


Limite off topic, avec une petite kacedédi pour Narwa Roquen, ça me fait plaisir.

- C'est pour ?
Politesse mercantile, petite pointe de condescendance.
- C'est pour un... c'est compliqué.
Gêne. Regrets : d'en être là, d'être ici. Repartir, vomir, mentir, faire un truc.
- Ben oui, vous êtes écrivain, donc c'est compliqué ! Faut pas vous en faire, ils passent tous ici à un moment ou un autre.

Faire très attention aux personnes que vous détestez : arrive un jour où vous n'avez plus les moyens de votre mépris. Lui, c'est l'inverse. Il me méprise — il nous méprise tous —, mais il ne nous déteste pas, parce que nous payons bien. D'ordinaire de notre amour-propre, ce dont nous ne manquons pas.

Nous, nous sommes les écrivains, et je suppose que vous avez lu un ou deux paragraphes sur la question, je ne m'étendrai pas.
Mais lui, c'est un bouquinier. Et celui-là, c'est le mien. Appelons-le Jean-Michel, parce que c'est laid et qu'on s'en balance. Jean-Michel aurait pu être bouquiniste : il a le sens de l'archivage compulsif, l'habitude des clients névrosés et manipule avec indifférence le roman de gare et les surréalistes.

Pourtant, Jean-Michel est avant tout boutiquier. Avec un peu d'imagination, on pourrait lire « la maison ne fait pas crédit » sur les rides de son front plissé par les calculs de rente. Le genre à prendre des nouvelles de la bronchite du petit neveu sans perdre une virgule de sa multiplication. On croit les commerçants habiles avec les chiffres, mais c'est dans la subtilité du langage que les meilleurs excellent. Honnête pour pointilleux, affable pour bonimenteur, diligent pour avide... à croire que la corporation édite elle-même un dictionnaire de synonymes originaux et méconnus du grand public, et que chacun de ses membres en possède un exemplaire petit format, tranche d'or, caché avec soin dans le tiroir-caisse.

- Prenez la peine de vous installer dans un fauteuil, je vais consulter vos références. Vous avez un pseudonyme ? Quelque chose qui me permet de vous identifier ?
- Essayez Maeglin, ou Le Margrave, lâché-je plus dépité et plus prompt que je n'aurais voulu.

Il esquisse une moue énigmatique et ses yeux furètent un instant vers les rayonnages près de l'entrée qui débordent de petits manuscrits tassés et de couvertures médiocres. Si la boutique se prêtait au genre, on aurait volontiers placardé sur ces étagères un écriteau « Soldes » ou « 50 % », ou encore « un acheté, un offert ». Déjà humilié, je me dirige dans l'espace dédié aux clients vers un épais sofa de velours mité qui semble me promettre une disparition rapide et confortable lorsque le bouquinier m'interpelle.

- Vous êtes l'auteur de Petite Elfe?

M'affalant dans les coussins, je reçois la question avec un mélange de plaisir et d'angoisse. Jean-Michel me fixe sans émotion particulière, chétif et malingre devant l'immense pan de reliures travaillées de son arrière-boutique. Son visage reflète le bleu morne de la console allumée sur son comptoir.

- C'est un écrit de jeunesse. Mais c'est bien de moi, en effet.
- Dommage que vous ne soyez pas venu à l'époque, Monsieur, car la version définitive est excellente. Je n'apprécie d'ordinaire pas trop la fantaisie, mais il y avait dans ce texte un petit souffle d'authenticité qui aurait gagné à être traité de manière plus disciplinée.
- Vous l'avez encore ?
- Je garde tout, Monsieur, pour le cas où vous auriez des remords. Nous pourrons en discuter plus tard... Je continue mes recherches, mettez-vous à l'aise.

Voilà ce qu'est un bon bouquinier: une muse à l'envers. Vous lui rendez visite lorsque mademoiselle vous a posé un lapin et que vous ne pouvez plus attendre. Vous repartez avec votre texte. Garanti. Celui que vous auriez écrit. Et relu. Et corrigé. Le bon. Celui qui vous fait vendre, celui qui vous fait plaire aux femmes, celui qui rend vos parents fiers de vous.

A l'intime différence que vous ne l'avez jamais «tout à fait» écrit. Pas de nègre là-dessous, pas d'audacieux copier-coller dans les oeuvres de vos contemporains... les textes sont juste « là », dans la boutique de Jean-Michel, avec votre signature authentique, raturages maison et liste des courses en bas de page. Pour les plus modernes, une gigantesque base de données pour les articles de blog, les ateliers d'écriture sur internet, les discours de mariage à imprimer au bureau, le tout livré en quelques secondes sur votre clef USB...

L'ensemble de votre littérature potentielle en un clic, c'est chez Jean-Michel. Et le bouquinier propose de même d'autres services exclusifs : ce que vous avez produit sans son aide, il vous le remet en version améliorée, comme vous auriez dû l'écrire si vous aviez eu plus de temps, moins d'ego et dix ans de plus. Vous trouverez aussi chez tout bouquinier en vogue une possibilité très prisée de finalisation d'ouvrage : écrivez les premières lignes d'un roman, passez voir votre bouquinier préféré et repartez avec un manuscrit définitif, sans passer par les fastidieuses étapes de la construction narrative, de la concordance des temps et des quelques douleurs à l'âme que mon stylo et mon clavier réveillent lorsqu'il s'agit de vous raconter quelque chose.

- Je suppose que vous venez pour les WA, finit par lancer Jean-Michel après avoir lâché un énième soupir devant son écran.
- Juste le 84.
- Parce que vous en avez une petite douzaine en attente, dit-il en jetant un regard furtif et amusé vers une étagère remplie de dossiers suspendus.
- Je sais... mais je viens surtout pour le 84. Quelqu'un est passé avant moi ? Une fois posée, la question me paraît tout à fait déplacée.
- Nous gardons bien ces secrets, Monsieur, c'est ce qui fait notre réputation... Je vous ai dit que tout le monde venait nous voir un jour ou l'autre. Tenez, un des mes aïeux a reçu Hugo, dans sa période bonapartiste contrarié.
- Il a pris quelque chose ?
- Cela non plus je ne peux pas vous en parler. Mais il est venu, il a douté, et il a produit une oeuvre gigantesque alors... je vous laisse imaginer.

Je n'imagine rien du tout. Même pas Victor en train de baver devant ses oeuvres complètes chez un petit bouquinier de Jersey. On se calme. On relativiste. Ce n'est qu'une WA après tout, c'est lu par qui ? Cinq paumés les semaines fastes, à l'autre bout de la France, qui ne connaissent de moi qu'un pseudo de ma période « j'ai lu le Seigneur des Anneaux et je n'ai pas d'amis ».

- Ça me coûterait combien, pour le WA 84? demandé-je en me rapprochant du comptoir.
- On abandonne « Petite Elfe » ? Je peux vous faire une remise si vous me prenez les deux.

Comme par hasard, j'entrevois maintenant au milieu d'une pile de livres de poche un bout de son visage. Les salauds. Ils ont même pris son visage pour la couverture. J'aurais fait pareil.

- Qu'est-ce que ça donne, « Petite Elfe », dans sa nouvelle version ?
- Ah Monsieur est malin ! Je ne vous lirai pas d'extrait, mais... c'est un bon livre.
- Et j'imagine que vous dîtes ça à tout le monde ?
- Je le dis à vous, maintenant. Les gens ne nous croient pas, mais il n'y a que deux façons de savoir, et l'une s'obtient en quelques secondes en signant un registre. L'autre façon... et bien l'autre façon nous importe peu puisque vous êtes ici ! Mais vous êtes un client pressé, et je m'en voudrai de vous faire perdre votre temps... N'en parlons plus et restons sur le WA 84.
- Comment ça, « signer un registre » ?
- Nous ne demandons pas d'argent, Monsieur, avec les écrivains ce serait la faillite à coup sûr ! Vous repartez avec votre livre dès que vous l'avez décidé, et nous le notifions sur le registre, afin que vous n'oubliiez pas.
- Tatata... et votre histoire de remise, votre réputation d'âpres au gain...
- Le problème de notre réputation, Monsieur, c'est que ce sont les écrivains qui nous la façonnent, et que nous ne pouvons lutter à armes égales. Et lorsque je propose une remise, c'est sur la quantité d'amour-propre qu'il vous faudra sacrifier en sortant de ma boutique votre manuscrit en main. Croyez-le ou non, mais nous adorons les écrivains, parce que nous sommes bien placés pour savoir de quelles merveilles ils sont capables. Si nous les méprisons parfois — et je ne parle pas de vous — c'est pour la même raison : parce que nous sommes déçus qu'ils ne les aient pas écrites.

La muse, au moins, aurait eu le mérite de s'éclipser à ce moment de l'histoire. Jean-Michel, la cinquantaine commerçante, le front dégarni et les yeux plissés, me dévisage avec persévérance en attendant que je prenne une décision. Je décide d'un baroud d'honneur, pour la forme.

- Donc, ce WA 84, en gros, il vaut la peine d'être écrit ? Un zeste d'agacement sur sa lèvre supérieure, Jean-Michel consulte son écran.
- Hmmm... Vous pourriez faire quelque chose de correct en modifiant un peu la consigne... Obtenir de l'aide d'un personnage hostile, ce n’est pas pour vous ça, trop direct, manque de mise en abîme, difficile de caser un calembour... ça vous prendra des heures, voire des jours...
- Vous me mettez au défi, n'est-ce pas ?

Jean-Michel avait l'air un peu triste en me remettant l'enveloppe kraft qui contenait mon texte. J'ai signé sans trop de difficulté ; je m'attendais à plus solennel, genre « à partir de ce jour, vous êtes un parjure de la littérature ». Mais rien. Coeur léger en fin de compte. Il crachinait, je suis passé par la boulangerie acheter deux meringues. La vendeuse était jolie. J'ai lu mon WA 84 plusieurs fois. Il est très bon. Excellent même. C'est bête à dire, mais je n'aurais pas fait mieux. Obligé de le parsemer de quelques incorrections pour rendre Narwa moins méfiante.

En le remisant dans l'enveloppe, j'ai senti une petite résistance. Une carte imprimée gênait la fermeture. Sans surprise, c'était celle de Jean-Michel, bouquinier. Au dos, on y lisait d'une écriture nerveuse « Tu vas t'y mettre, ducon? » et un numéro de téléphone. J'ai appelé. C'était ma muse.

J'ai dû tout me refrapper à l'arrache, deux jours avant le délai du WA. Jean-Michel avait raison : le personnage hostile, ça ne pouvait pas tenir la route. Mais lui, il fait plutôt bien la maille avec sa tête d'épicier mystique mi-raisin. Pour la relecture je ne garantis rien, j'ai des tas de réunions d'ici jeudi. Je passerai une dernière fois le correcteur pour la consigne des adverbes (et n'allez pas me raconter que vous faites /différemment/ de manière différente) parce j'aime cette putain de littérature, cette salope de muse et ce connard de Jean-Michel. Tant pis pour Petite Elfe.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-11-03 21:39:23 

 WA - Participation exercice n°84Détails
Un texte de SCIFI mâtiné d'une chanson italienne que vous pouvez écouter

ICI

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La Forza del Destino



Molto spesso mi chiedo
Quando finirà la notte
Ma non trovo risposte
E ho cosi paura


La vie s’échappe. Je suis assis sur une plage déserte, les bras entourant mes genoux. Je me balance d’avant en arrière sans rien dire. Je me contente de regarder les vagues effleurer la pointe de mes rangers. La vie s’échappe. S’éloigne. M’échappe. Derrière moi, la ville est en proie aux flammes. Les vents aux voix geignardes venus des montagnes soufflent vers le large en tourbillons gris, chargés de miasmes acres et lourds. Des corps brûlent quelque part et leurs cendres sont dispersées sur ce cimetière d’écume. Les explosions et les secousses telluriques ont laissé place à un silence endeuillé qui s’étage en strates moites et cotonneuses. Les aboiements secs et rauques des mortiers de campagne se sont peu à peu éteints. La vie s’échappe de ce monde.

Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je fait putain ? Les étoiles sur mes épaulettes arrachent des pleurs d’argent au soleil qui se couche. J’ai l’impression que le vieux bonhomme s’enfuit avec sa lâcheté coutumière. Je n’ai rien fait. C’est la force du destin. La stupide force du destin. Je repense à mon existence d’avant. D’avant tout ça. Je croyais avoir tourné la page. Mais il est revenu frapper à ma porte. Un coup de tonnerre qui m’a renvoyé dans les cordes. Pourtant, je n’étais pas au tapis pour le compte. Putain oui, je me suis relevé, le visage en sang, titubant comme un boxeur sonné. J’ai serré les dents et je me suis remis au centre du ring, ma vision en vrac plongeant mon univers dans le flou. A présent une rage glaciale habite mes poings serrés. Une rage de plomb. Quand je repense à ma vie d’avant, je ne pleure plus. Comme beaucoup.

Quelqu’un joue de l’harmonica de l’autre côté des arbres. Un air lent et nostalgique. Un air de notre lointaine patrie. Un air qui évoque le désir simple d’être chez soi, parmi les siens. Un sentiment cristallin et poignant. Je voudrais être loin d’ici. A mille parsecs de toute cette merde. Mais je ne le puis. Je m’enfonce de plus en plus loin dans les bras extérieurs de la galaxie, à la poursuite d’une chimère qui me bouffe de l’intérieur.

Mes officiers m’ont laissé seul. Mieux vaut ne pas me déranger entre chien et loup. Quelques uniformes noirs de ma garde personnelle veillent sur ma sécurité. Tous les hommes de ma division sont vêtus de noir. Nous portons l’uniforme du deuil et nous sommes tous volontaires. Après le déluge de feu de l’escadre positionnée en orbite, nous surgissons comme des démons des entrailles des planeurs d’assaut. Nous combattons comme des démons. Nous n’avons pas plus d’humanité que des démons. Je suis à la tête d’une armée de démons et rien ne nous résiste quand nous chargeons. Suis-je le Diable ? Je ne le crois pas. Le Diable a quelques fois raison.

Je scrute l’horizon. Il y a une étoile solitaire qui s’est allumée à l’ouest, bas sur l’horizon. Elle est la première à scintiller quand le jour décline de ce côté-ci de l’hémisphère. Nous la connaissons tous. Depuis notre débarquement, nous n’oublions jamais où elle se trouve. Il n’est pas de crépuscule sans que le regard de l’un d’entre nous ne se dirige vers elle. Elle indique la direction du retour. La porte de sortie de ce cauchemar. Le fanal incandescent de la porte des étoiles.

Mais il n’est pas encore temps de repartir. Il faut d’abord finir le travail. Cela implique qu’il faudra se salir encore les mains. Se souiller la mémoire. Je crois que c’est ça le plus dur. Accumuler des images insupportables en sachant qu’elles ne s’effaceront plus. Marcher sur les morts sans la moindre émotion. Et quand cela ne suffit pas, marcher sur les vivants s’il le faut. Le plus souvent c’est nécessaire. Sinon rien ne s’arrête.

Quand j’étais enfant, je jouais près d’un phare. Dans mes souvenirs de gamin, c’était la plus haute construction imaginable. Le plus haut point de cette partie de la côte. Mon père m’avait expliqué pourquoi il avait été érigé. Aussi, quand le brouillard étendait son empire sur la mer, je me glissais hors du lit et je sortais par la porte de derrière. Je longeais la plage et j’allais m’appuyer contre le flanc du phare. J’imaginais des marins en ciré jaune luttant contre de monstrueuses vagues qui menaçaient de les précipiter contre les brisants. Je pouvais sentir à travers mes paupières closes l’intensité du faisceau lumineux qui trouait les bancs brumeux. Personne ne m’avait dit que le phare ne servait plus à rien. Depuis longtemps il n’était plus qu’un accessoire de luxe, destiné à faire joli sur une carte postale mensongère.

J’étais un enfant solitaire et ténébreux. J’aidais mon père quand il préparait son petit bateau pour la pêche. J’avais six ans et je portais avec peine et application le panier de provisions que m’avait confié ma mère. Quand le bateau larguait les amarres, je courais sur la jetée, l’accompagnant jusqu’à l’entrée du port. Au-delà, grondait la pleine mer couleur rouille. Mon père me souriait tout le temps de l’intérieur de la cabine. Il faisait retentir la petite corne de brume pour me faire plaisir. Le mousse qu’il avait réussi à garder malgré les restrictions économiques rangeait les cordages et le filet sur le petit pont arrière. Je me rappelle encore de l’éclat de ses dents blanches et de ses yeux rieurs.

Mon père restait en mer plusieurs jours et partait toujours plus loin. Le poisson devenait rare disait-il d'un ton bourru à ma mère qui, dos tourné, faisait la vaisselle au-dessus de l’évier pour cacher son émotion. Bientôt il n’y aurait plus de poisson disait-il. Rien que d’étranges créatures visqueuses qui alourdissaient les filets. Des choses immangeables qu’il brûlait en tas sur la plage. Des choses qui ne ressemblaient plus à des poissons. A la nuit tombée, je me levais du lit sans faire de bruit pour rejoindre le phare. Appuyant mon dos contre son flanc, je priais pour mon père. Pour qu’il revienne. Pour que son bateau retrouve à la pique du petit jour le chemin du port en suivant le chemin vert.

Mais un matin, il est parti et n’est jamais rentré au port. Alors chaque nuit, j’allais au phare. J’ai dû faire ça plusieurs semaines. Jusqu’à ce que ma mère vienne me chercher sur la plage, en pleine nuit. Quand je l’ai vue, j’ai enfin compris. J’ai pleuré longtemps dans ses bras. Après ça, je ne suis plus jamais revenu. Nous sommes partis vivre en ville. Une ville gigantesque et absurde. Démesurée et misérable. J’ai vu ma mère se courber chaque jour un peu plus. Quelques fois, nous allions sur les quais. Nous contemplions le soleil glisser sous l’horizon. Elle ne m’a jamais rien dit mais je crois qu’elle espérait encore. Quand le froid montait vers nous comme une marée invisible, nous retournions dans notre banlieue sinistre.

Le vieux tram bondé brinqueballait sur ses rails mal entretenus. Nous n’échangions aucune parole. De l’autre côté des carreaux sales défilaient les façades noircies d’immeubles abandonnés et les magasins dont les vitrines éclatées baillaient comme des bouches édentées. Alors dès que j’eus atteint l’âge minimum, je me suis engagé. J’ai vite appris. Pour devenir ce que je suis.

Quand je regarde cette étoile qui clignote dans le lointain, une part de moi frémit, désirant répondre à son appel. Comme tous les autres. Il y a pourtant une autre part qui s’y refuse, qui semble ne pas vouloir regagner le port d’attache. Une part où l’ombre le dispute à l'obstination. C’est très difficile à expliquer. Peut-être est-ce pour cette raison que la première mission dont je me souviens est celle où mon unité bombarda un point situé sur la côte africaine, éventrant la plage et pulvérisant le petit port. Quand le lourd appareil vira de bord, j’ai jeté un dernier coup d’oeil en arrière. Il ne restait du phare qu’un tas de gravats et de moellons amoncelés. Drôle de pierre tombale pour mon enfance.

« Seigneur ? »

Un officier s’est approché, tout en restant à une distance respectueuse. Le crépuscule est une période dangereuse. Un temps où je suis dangereux. Surtout si près d’un rivage. Je peux tuer. Ennemi ou ami. Je tourne la tête d’un degré vers la gauche. Une marque suffisante d’attention.

« Ils en ont trouvé une autre Seigneur ! »

E ancora io ti cerco
Mentre il giorno vola via
E non ti chiedo altro
Che portarmi via


Je passe une main nerveuse sur le sable, criblant les grains entre mes doigts. Un visage se forme dans ma mémoire. Son visage. J’efface une ligne courbe, la courbe d'une joue, qui se dessinait sur le tapis sablonneux. C’est toujours douloureux.

« Elle était cachée dans un parking souterrain, au 6ème sous-sol.» La voix de l’homme est sans inflexion, lisse et neutre. Aucune trace de peur. « Après l’avoir maîtrisée, ils l’ont conduite vers la zone de sécurité renforcée. »

« Les pertes ? »

« Il a fallu faire appel à deux mains de cyborgs et trois technomages. Deux cyborgs et quatre traqueurs sont morts. Une demi-douzaine de blessés.»

Ce genre d’opération est toujours coûteux. Les Mères n’aiment pas les humains. Elles représentent une forme de vie indéchiffrable et incompréhensible. Leur dessein nous est caché. Leurs motivations nous sont obscures. Nous en savons très peu à leur sujet même si nous parvenons à présent à les identifier quand nous sommes assez proches d’elles, grâce à nos nouveaux détecteurs.

Ces instruments sont en mesure de déceler leur présence sous la chair. D’infimes perturbations dans l’activité électrique du cerveau humain. De chimériques apparitions d’ondes delta qui se camouflent entre les trames des oscillations gamma synchronisées. Du charabia pour moi mais cela nous confère un avantage décisif. Les adeptes de l’Ordre et les petits génies du contingent scientifique voient en elles de malheureuses victimes d’une forme de vie étrangère et parasitaire. Nous, nous faisons face à des Possédées.

Quand nous mettons la main sur l’une d’elles, l’affrontement est souvent mortel. C’est une intervention qui sort du cadre conventionnel et qui requiert des moyens sophistiqués. J’en ai fait l’amère expérience. Une seule fois. Je n’étais pas prêt à l’époque. Et puis j’étais trop impliqué. J’en garde de cruelles cicatrices, certaines invisibles, qu’aucune chirurgie réparatrice n’a pu faire disparaître. Elle s’est échappée. Elle m’a été enlevée. Elle doit être en vie, je le sens. J’ai laissé beaucoup derrière moi mais cela compte moins à mes yeux que la retrouver, la délivrer, la ramener. Parfois, en pleine nuit, je me réveille en sueur. Le même cauchemar. Je vois deux silhouettes sur un quai. Elles attendent. Elles m’attendent. Et je ne rentre pas. Pas encore. Ma cale est vide.

Trois Mères rien que pour ce secteur reculé. Cela confirme mes intuitions. Il y a quelque chose ici qui justifie l’intérêt qu’elles portent à ce théâtre d’opérations secondaire. Un système solaire de type I avec trois planètes et un satellite colonisés. Quelques dizaines de millions d’âmes. Une activité économique fondée sur des échanges de proximité. Une faible exportation de production industrielle traditionnelle et de produits manufacturés bon marché. Des structures politiques et administratives calquées sur les standards de l’Empire. Rien d’extraordinaire.

La seule vraie bataille qu’aura connue ce secteur s’est déroulée devant la Porte. La flotte spatiale locale a tenté en vain de tenir sa position, retarder notre progression. Mais rien ne l’avait préparée à affronter l’épée de l’Empereur. Quand les trois Léviathans hybrides ont déployé leurs tentacules hors du Trou, faisant bouillonner l’énergie quantique autour d’eux, plusieurs vaisseaux ennemis se sont débandés, épouvantés, tentant leur chance dans la fuite. Ils n’ont pas été bien loin. Les huit vaisseaux de ligne aux formes lenticulaires se sont positionnés autour des monstres semi-vivants pour verrouiller les points stratégiques tandis que les frégates d’interception veillaient sur leurs flancs.

Les unités les plus importantes du camp rebelle étaient d’une classe déjà dépassée, à peine capables de freiner les trajectoires agressives des cuirassés géants de la Navy, élevés et dressés dans la lumière diffuse d’une naine rouge.

Quelques éclairs, quelques lignes lumineuses tracées dans le cône d’ombre de la Porte, quelques déflagrations bleues et mauves, quelques manoeuvres d’évitement sans espoir, quelques actes de bravoure insensés, quelques sacrifices inutiles. Trop peu pour gêner l’avancée de l’Ire Impériale.

Nous, nous étions en retrait, à bord des transporteurs lourds, bien à l’abri dans la stase. Nous avons contemplé sur les écrans géants le ballet tridimensionnel des vecteurs de combat, pointillés grotesques d’une défaite annoncée et nous avons applaudi la victoire humiliante de nos forces.

Les rebelles avaient pourtant un atout majeur dans leur manche. Leur seul atout. Le vingt et un. Le Valet. Ils ne l’ont pas utilisé. Ils n’ont pu se résoudre à détruire la Porte. C’était pourtant le moyen le plus simple et le plus définitif de se barricader et nous laisser dehors. Mais cela aurait signifié qu’ils se retranchaient pour des milliers d’années de toute l’humanité. Les milliers d’années nécessaires pour rallier à vitesse d’escargot la plus proche des planètes habitées. L’Empire est une drogue. La plus diabolique des drogues. Les planètes ne peuvent s’en passer même s’il est le plus vil et le plus violent des poisons. Alors ils ont laissé entrer le loup dans la bergerie avec l’espoir de le convertir. Mais a-t-on déjà vu un loup devenir brebis ? Surtout quand le Loup c’est moi.

« Je viens ! »

Je déplie ma grande carcasse. Je domine tous mes hommes d’une bonne dizaine de centimètres. Mon sang charrie l’héritage lébou de mes ancêtres. Je suis grand, très grand, ombre vêtue d’ombre. Seuls mes yeux ont ce bleu polaire qui me vient de ma mère.

Le half-track qui m’emmène à toute vitesse vers la zone de sécurité traverse les faubourgs dévastés de la ville portuaire. Des combats sporadiques se poursuivent sous mes yeux, micro-drames éclairs, sans début ni fin. Des images tirées au hasard d’un kaléidoscope fou. Trois fantassins plongent derrière un véhicule retourné pour échapper aux tirs laser d’un sniper invisible. Un blindé lourd impérial, aux formes trapues de saurien cuirassé, bascule de l’autre côté d’une barricade faite de bric et de broc, insensible aux tirs d’armes légères des rebelles retranchés derrière. C’est la force brutale et irrésistible contre des fétus de paille de l’Histoire. Je ne saurai sans doute jamais ce qu’il est advenu de ces destins entr’aperçus. Des visages et des scènes pris sur le vif, sans signification.

L’accalmie que je ressentais sur la plage était trompeuse. Illusion fractale. La bataille a changé de dimension, s’est fragmentée en centaines de petits affrontements isolés. Aucun ne peut plus à présent changer le cours de l’Histoire mais chacun possède une trajectoire autonome. Beaucoup perdront leur vie bien après que les chefs de la rébellion aient déclaré leur reddition sans condition. Les Mères sont à l’oeuvre. Les morts joncheront les rues. C’est ainsi. Je secoue la tête et opacifie les vitres du half. Je ne veux plus rien voir. Je vais avoir bientôt besoin de toutes mes facultés. Les autres silhouettes sur les banquettes sont aussi immobiles que des mannequins de celluloïd. Je réduit la fréquence de ma respiration grâce à certaines techniques de relaxation mentale. Dans cet état de perception, le temps s’écoule à une vitesse différente.

La zone de sécurité est abritée dans l’enceinte du spatioport. Les grillages électrifiés sont hauts et leur alliage résistant. Quand le half freine à hauteur de la guérite qui garde l’entrée ouest du complexe, j’éclaircis mon hublot. Le tarmac tout proche est encombré de navettes de liaison tandis que plus loin reposent les formes bulbeuses des transports de troupes. Les bâtiments de la spatiogare s’alignent face aux aires d’atterrissage. Les installations ont peu souffert. Les commandos Orion sont descendus des cieux peu avant l’assaut. Ils ont investi sans coup férir le spatioport et ont sécurisé le périmètre avant même que les rebelles n’aient pu esquisser la moindre réaction défensive. Les commandos Orion sont des spécialistes, des orfèvres dans leur domaine. Ils ne leur ont laissé aucune chance. Ils ont désarmé sans accroc les charges explosives disséminées sous les installations.

Ils sont encore là, vêtus de leurs armures d’assaut reconnaissables entre toutes. Elles m’impressionnent toujours autant. De lourdes armures de plates vert d’eau, aux reflets moirés, moulant leurs corps surdimensionnés, les faisant ressembler à des hommes d’armes d’un lointain passé mythologique. Cette impression est renforcée par des heaumes tarabiscotés, des épées et des boucliers d’apparat qu’ils arborent quand ils n’assurent que des missions de protection. Un ami m’a confié un jour qu’ils auraient exigé ces armes désuètes par autodérision.

Le half-track emprunte une allée secondaire qui se faufile entre des bâtiments de stockage et de maintenance. Je remarque sur certains réservoirs le symbole universel, rouge et noir, barbelé, qui avertit de la présence de matière fissible. Il y a aussi d’énormes cuves cylindriques renfermant les carburants indispensables aux vols atmosphériques ou suborbitaux, propergol et kérosène. Nous nous approchons d’une sorte de gros bunker à demi-enterré. De puissants projecteurs perchés sur des miradors en balaient les abords, profilant plusieurs commandos Orion en gigantesques ombres chinoises quand leurs pinceaux aveuglants passent sur eux. Ceux-là n’ont ni épée ni bouclier de pacotille. Ils tiennent les lourdes armes électrochimiques qui font tant baver d’envie les biffins des premières lignes. Un sergent, une montagne d’homme, se casse presque en deux pour se mettre au niveau de la portière du half pourtant déjà haut sur pattes.

« Laissez-passer m’sieurs dames ! » dit-il sur un ton rigolard. Son ton badin est démenti par les lentilles noires et impénétrables de son casque hermétique. Il a pourtant remarqué mes étoiles. Et avant ça, il a dû être informé de mon arrivée. Mais les commandos Orion ne supportent pas les hommes des Schutzschwert, les régiments spécialisés dans la chasse aux Mères, qu’ils traitent de « Croque-Mitaines ». Les hommes des Epées de Protection, car telle est la signification de « Schutzschwert » ne portent pas non plus les Commandos Orion dans leur coeur. Ils les appellent les Oignons au motif qu’ils seraient bêtes à pleurer. Sur le théâtre d’opération cependant, ils parviennent à se tolérer. Le colonel Embarius s’en est toujours défendu quand j’aborde avec lui le sujet autour d’un petit verre d’alcool maison.

Le chauffeur du half obtempère. Simple formalité. Le sergent fait un signe et ses hommes libèrent le passage. Le glisseur blindé se range sur le petit parking qui jouxte le bunker. Accompagné de mes gardes et de mon officier de liaison, je pénètre dans l’édifice, sorte de rotonde aux murs épais. Quelques feuilles de papier traînent par terre. Plusieurs cyborgs veillent de part et d’autre d’un monte-charge imposant dont les éléments métalliques brillent avec cet éclat propre au neuf. Cela fait peu de temps qu’ils ont été déballés de leurs gaines de plastique.

Les cyborgs forment les troupes d’élite des régiments SS de ma division. Mi-hommes mi-machines, ils en sont le fil de l’épée, les seuls êtres humains capables de se mesurer à une Mère. Le traitement qu’ils ont subi les a retranchés sans retour de l’humanité afin qu’aucune corruption psychique n’ait prise sur eux. Du métal a été injecté autour de chaque os de leur squelette et un alliage imperméable a enrobé leurs liaisons synaptiques. Leurs organes sensoriels ont été sectionnés. Ils voient, ils entendent, ils parlent grâce à des implants cybernétiques. Une séquence automatique et autonome veille en permanence sur leur intégrité. Au moindre signe d’altération de leurs constantes, une réaction cellulaire en chaîne les met en une fraction de seconde hors d’état de nuire.

J’adresse un signe discret aux gardiens cybernétiques qui se figent en un parfait garde-à-vous. Leur synchronisation est bluffante. Ils travaillent en équipe de cinq, une « main » dans le jargon militaire, aussi soudés que les cinq doigts d’un véritable organe humain. Presque aussi massifs que des commandos Orion, ils ne sont pas armés. Leur prodigieuse force est leur unique défense contre une Mère en furie. Ils sont enfin les fidèles assistants des technomages qui seraient sans eux trop vulnérables.

Un cyborg compose une courte séquence sur un clavier. Le grondement sourd d’une machinerie s’éveille faisant vibrer le sol sous mes pieds. Ce bunker a été construit par les légionnaires des cohortes d’appui et d’assistance. Sous son aspect rustique et dépouillé, sa structure obéit à des règles draconiennes de sécurité, tant physiques que psychiques. Lorsque le plateau s’immobilise, le cyborg relève le garde-corps et nous pénétrons à l’intérieur de ce qui ressemble à une grande cage grillagée. Au-dessus de nos têtes, autour d’une batterie d’équipements de surveillance bardés de capteurs en tous genres, les gueules noires et intimidantes de canons laser sont pointées droit sur nous. J’ai lu les procédures. Elles feront feu sans hésitation à la moindre d’alerte. Mon rang et mes codes personnels n’y pourront rien. Le péril est trop grand.

Le monte-charge s’enfonce sans cahot sous la surface. Les veilleuses fournissent une chiche clarté. Les parois de la cheminée de descente défilent à vive allure. Nous filons vers l’Enfer où les Mères nous attendent. Elles sont toujours enfermées loin de la surface car il faut accumuler des kilomètres de roches entre une Mère et l’espace pour garantir des conditions de sécurité maximale.

Je devrais être blasé. Je n’en suis pas à ma première rencontre avec ces monstres. Je suis devenu une sorte de légende au sein de l’Impérium. On m’appelle le Matricide. Ma division est la meilleure, et de loin. Mes Schutzschwert sont les mieux formés, les plus aguerris, aux statistiques les plus flatteuses. J’ai étonné le Seigneur de Guerre quand j’ai choisi ce système perdu à la lisière du grand Vide. Mais il n’a rien osé dire. Comment aurait-il pu ?

Avec un amortissement imperceptible, le monte-charge atteint le fond du puits. J’émerge dans une salle de contrôle jumelle en tous points à la précédente. Deux mains de cyborgs s’alignent le long de la paroi circulaire. Un technomage s’avance vers moi. Il semble glisser sans à-coups sur le sol, ne dérangeant aucun pli de sa soutane noire ornée sur la poitrine du motif de son ordre, deux serpents stylisés et inversés, or et cuivre s’enroulant autour d’une épée d’argent pointée vers le ciel. Le visage du technomage est plongé dans l’ombre de la profonde capuche. Seul son menton est visible tandis que son cou disparaît sous un gorgerin métallique veiné d’un réseau complexe de circuits imprimés. Un fin liseré d’or court sur ses manches. C’est un officier de haut rang venu présenter ses respects à son commandant en chef.

« Seigneur, j’ai été avisé de votre venue. Je désapprouve cette initiative et cela sera consigné sur la main-courante. »

Sa voix égale ne trahit aucune émotion comme il sied à un technomage.

« Tu ne parviendras pas à m’irriter mon ami ! »

Je souris en coin. Je reconnais bien là la rigueur et l’intransigeance d’Extlaromë, l’Adjurateur de l’Ordre Deep Avali, l’ordre des technomages, affecté à ma division. Nous avons beaucoup souffert ensemble, traquant les créatures sur tant de mondes depuis vingt quatre ans. Elle aurait vingt huit ans. Ne pas penser à ça ici et maintenant.

Perchè il sogno è la ragione
Che mi resta ancora
Il sogno è reale
Più di te e di me


« Seigneur, il est dangereux de s’aventurer ici-bas. Surtout vous. Aujourd’hui six hommes ont perdu la vie et deux blessés ne récupèreront jamais leur statut d’active. J’espère qu’ils recouvreront un jour leur santé mentale. Cette chose compte sans doute parmi les plus puissantes que nous ayons réussi à capturer vivante. Sinon la plus puissante. J’ai fait redoubler les champs de contention et triplé la saturation psycho-atmosphérique. Cela suffit à peine à maintenir les niveaux au-dessous du seuil d’alerte. Quatre compagnons veillent sans relâche! Mais ce n’est pas là le plus inquiétant !»

« Dis-moi ! »

« Les deux autres Mères se sont éteintes ! »

« Eteintes ? »

Je suis surpris. D’ordinaire, les créatures qui prennent possession de corps humains livrent une lutte acharnée contre nos tentatives intrusives. Les Mères semblent jubiler devant nos échecs. Elles essaient, jusqu’à l’ultime seconde, de corrompre leurs inquisiteurs par tous les moyens, tirant leur énergie du corps qu’elles dévastent et épuisent sans vergogne, cellule après cellule. A la fin, la mort de l’organisme hôte marque la fin de la partie. Il ne reste qu’un cadavre sans aucune trace de la Mère.

« Oui. A peine avait-elle réussi à sortir son hôte du coma qu’elle a fixé droit les caméras. Les jauges ont alors bondi jusqu’à des niveaux jamais enregistrés, réveillant les golem d’extermination. J’ai cru un instant que la Mère avait trouvé le moyen de rompre les dispositifs de quarantaine. Cette attaque inédite a mobilisé toute nos ressources. Nous ne nous sommes rendus compte qu’après que les deux autres Mères avaient cessé d’exister. Les vérifications l’ont confirmé : il ne restait que deux corps de femmes sans vie. Je les ai fait incinérer. Il ne peut y avoir de coïncidence. Nous ne nous doutions pas qu’une Mère pouvait ainsi attenter aux jours d’une de ses congénères. C’est la première fois. Le spécimen que nous détenons est sans doute tout à fait particulier. J’ai requis la procédure Alpha-Primus pour que l’Ordre nous dépêche des renforts appropriés de toute urgence. Ils seront là demain ou après demain au plus tard, temps standard. »

Extlaromë se tait. Ici, au fond de l’Enfer miniature qu’il a aménagé, il décide sans m’en référer. Les technomages sont les scientifiques consacrés dévolus à ce genre de tâche depuis de nombreux siècles. Ils paient un lourd tribut mais ont acquis un pouvoir que nulle autre guilde ne peut espérer conquérir, même en rêve. Le Révérend, le Grand Maître de l’Ordre Deep Avali, est le conseiller le plus intime de l’Empereur. Le plus écouté aussi. L’Humanité affronte son plus grand péril depuis qu’elle a découvert d’autres trois-branes. L’Empire vacille sur ses bases. Les ténèbres n’ont jamais été aussi grandes, aussi proches.

A cause des Mères. A cause de leur influence qui corrompt les forces qui maintiennent l’ordre établi et la stabilité de l’Empire. Que veulent-elles ? Cela fait plus de vingt ans que cette énigme nous est posée. Elle est sans réponse. Nous ne pourrons livrer une guerre sans fin. De nombreux psychostratèges, en incubation dans l’adyton de leurs temples souterrains, ont rêvé l’hypothèse que les Mères ont conçu un plan machiavélique, une stratégie du chaos bien définie, qui échappe à notre compréhension. Nous nous évertuons à éteindre des milliers de foyers de contagion mais nos armées ne sont pas illimitées et pour chaque planète reconquise, combien sont touchées par la gangrène? Combien de morts faudra-t-il encore ?

« Tout est sous votre contrôle Adjurateur?» J’emploie à dessein les formules protocolaires à destination des enregistreurs qui tournent en permanence.

« Sous la réserve invoquée auparavant, Seigneur, la situation est sous contrôle ! »

« Bien. Bien. Alors finissons-en vite ! »

Si je profère cette phrase, c’est surtout pour moi. L’impatience me gagne. Je dois être fixé. Mon intuition m’a mené jusqu’à ce trou perdu, loin des principales routes commerciales. Les faits semblent me donner raison. Quelques pas me séparent de ce que je redoute d’entendre. Quelques petits pas. Derrière l’épaisseur de ces murs, derrière cet énorme sas, entre les golem assoupis, elle m’attend. Je le sais. Elle est là pour moi. Ne suis-je pas là pour elle ?

L’Avalionnë m’invite à le suivre. Le sas s’ouvre dévoilant un long couloir ombreux fermé à l’autre extrémité par un autre sas aussi massif. Notre petit groupe s’engouffre sans mot dire sur la passerelle qui rejoint la geôle sphérique maintenue par de puissants champs de force au centre d’un vide artificiel. Le summum de la sécurité offerte par notre technologie.

Une fois le second sas franchi, nous nous retrouvons dans l’anti-chambre de l’Enfer. De vigilants cyborgs en tenue complète de combat et des golems accroupis qui rêvent de sang et de mort. Ils n’éprouvent aucune pitié. Des grappes de moniteurs et des tableaux de commande luminescents. Une atmosphère tendue et un silence de cathédrale. Quatre technomages sont allongés dans leurs berceaux de surveillance. Et comme une corolle artificielle, onze baies s’étalent sur la circonférence de la rotonde. Derrière le mètre de flexiverre armé, une cellule aux modestes dimensions. Dix sont vides. Dans la onzième, celle qui me fait face, d’épaisses volutes de brouillard cotonneux m’empêchent d’apercevoir quoi que ce soit. Les moniteurs de contrôle affirment le contraire. Ils affichent une présence matérialisée par une fluctuante mosaïque de taches jaunes, rouges et mauves. Une petite silhouette est assise en tailleur au centre exact de la cellule. A un demi-mètre de hauteur. Il n’y a pourtant aucun mobilier sur lequel se jucher. Je retiens mon souffle. La silhouette est menue. Une enfant ?

« Vous ne m’aviez pas dit... »
« ... qu’il s’agissait d’une enfant. Non. Le détail est inutile ! termine Extlaromë. Cela n’aurait rien changé n’est-ce pas ? Les Mères ne font aucune distinction. Elles ont trouvé un nouveau sens à un vieux proverbe : qu’importe le flacon pourvu qu’elles aient la possession ! Ou quelque chose dans le genre !»

Sanglé dans son berceau, un technomage pousse un gémissement. Sa bouche grimace sous le masque de connexion. Ses assistants procèdent à quelques vérifications et ajustent certains niveaux. Ils paraissent soucieux. Le technomage s’apaise.

« Cette Mère nous rend un peu fébriles ! Elle mobilise quatre technomages. Quatre ! Et encore. Ils n’ont pas réussi à percer sa garde. Je devrai bientôt les remplacer si j’en juge à leur état de stress. Cela ne fait pas deux heures qu’ils sont aux prises avec elle. Jamais nous n’avons eu affaire à une telle créature. Pourquoi ici et maintenant ? Cent comme elle pourraient jeter le chaos sur un monde central et déstabiliser toute notre organisation pour un bout de temps. Pourquoi est-elle là aujourd’hui sur cette planète cul-de-sac ? »

L’Avalionnë a exprimé à voix haute ma propre perplexité. Il a tort cependant sur un point. Qui fait toute la différence. La question n’est pas de savoir pourquoi elle est là aujourd’hui mais pour QUI.

« Adjurateur, il faut que je lui parle ! »

« Cela sera notifié au Palais Borgo, Seigneur ! »

« Je ne vous le reproche pas. »

C’est devenu une sorte de rituel entre Extlaromë et moi. Depuis qu’il a été affecté à ma division, nous nous livrons à ce petit duel après chaque Mère capturée. Au début, il a renâclé. Il a vitupéré. Il a menacé. En vain. Je n’ai pas cédé. Ma détermination a eu raison de ses objections. Rien dans le manuel militaire n’interdit cette initiative. Il la subordonne à une notification au bureau du Grand Maître en son Palais Borgo, la plus belle construction d’une planète balayée par les ouragans et aux cyclones. Le silence de Borgo est une acceptation tacite.

« Vous connaissez la procédure ! »

L’Adjurateur fait signe aux assistants. Après une minutieuse préparation, je m’allonge dans un berceau de contact. Un picotement sur ma langue et un léger vertige m’avertissent que le câble de connexion verrouillé sur ma nuque est mis sous tension. Les ports extérieurs ne sont pas encore ouverts. Je suis toujours dans la rotonde de contrôle. Une visière translucide s’abaisse devant mon visage. L’interface.

« Vous allez ressentir une sensation inconfortable mais elle sera passagère. Une ou deux secondes. »

La voix de l’Adjurateur est assourdie, comme si elle devait se frayer un chemin à travers un liquide.

« Ensuite, vous serez injecté au sein d’une dimension provisoire où elle pourra vous rejoindre. Si elle le souhaite. La phase sera active durant quinze minutes. Pas une de plus. Au moindre signe d’instabilité de vos constantes, je vous extirpe. Dites-vous bien qu’une fois là-bas, il vous faudra patienter un quart d’heure car vous ne pouvez abréger de vous-même cette durée! Avez-vous bien compris Seigneur ? »

«J’ai bien compris Adjurateur ».

Toutes ces simagrées sont destinées aux enregistrements officiels. Je ferme les yeux. Une série de pincements désagréables interrompt le fil de mes pensées. Quelqu’un joue du xylophone le long de ma moelle épinière. La douleur se disperse aussi vite qu’elle est née. J’ouvre les yeux.

Sono rinchiuso ancora
In questa notte trasparente
Tra questi specchi
Dove il mondo si fa niente

Je suis dans un univers unidimensionnel d’une blancheur immaculée. Telle a été ma volonté. Aucun décor. Un endroit intemporel, dénué de perspective. Je suis vêtu de blanc. Une longue tunique qui descend jusqu’aux pieds qu’elle recouvre. D’amples manches cachent mes mains. Je suis encore seul. Mais elle viendra.

« Tu parles juste! »

Elle est là. En face de moi. Une petite fille aux cheveux longs et bouclés. Une représentation idéalisée de la petite fille éternelle. Des joues rondes et fraîches. Une bouche espiègle et des yeux rieurs. Un gros noeud rouge dans les cheveux. Une robe de taffetas rose et un joli tablier blanc. Des socquettes blanches et des souliers vernis. Mais ce n’est pas la mienne.

Derrière elle, l’uniformité neigeuse est parcourue de zébrures noirâtres d’où suintent des substances visqueuses. Elles donnent un relief inattendu au décor qui se déforme vers l’extérieur relatif, comme si un poing gigantesque tirait en arrière la matière impalpable dont est fait cet endroit. Des forces antagonistes sont à l’oeuvre. Les technomages contre la Mère. Les uns essayant de maintenir l’équilibre précaire de ce monde virtuel et de garantir ma sécurité. L’autre s’employant à trouver la faille dans la matrice tout en devisant avec moi, avec une cohérence stupéfiante. Nous avons recours, pour réussir cette prouesse, à des moyens colossaux. Elle n’a besoin de rien.

« Je connais la raison qui te pousse à venir à moi. » dit la Mère avec la voix de petite fille modèle. Elle me sourit en léchant la sucette qui vient d’apparaître dans sa main potelée.

« Tu sais où elle se trouve ? » Mon coeur s’est arrêté de battre même si ma raison me rappelle que je suis toujours couché dans le berceau d’interface et qu’il ne s’agit que d’une représentation modélisée, artificielle et sophistiquée.

« Tu veux aller trop vite. Comme d’habitude. Trop vite pour ceux qui te suivent. Les humains sont étonnants à bien des égards. Votre univers aussi du reste. Trop éloigné du mien. Une des lois qui le régissent échappe à notre entendement. Celle selon laquelle l’attraction entre deux corps diminue quand la distance qui les sépare augmente. Tu sembles constituer l’exception à la règle ! »

« Je ne suis ni philosophe ni physicien, juste un homme à la recherche de ce qu’il a perdu ! Ce qui lui a été enlevé ! »

Autour de nous, l’univers unidimensionnel a cédé la place à un paysage familier. Une large plage d’or blond écrasée de chaleur sous le soleil tropical. Une plage que je ne connais que trop bien. L’illusion est parfaite. Le phare est à sa place et je suis à nouveau un petit bonhomme de sept ans. La Mère a recréé de toutes pièces ce décor qu’elle a puisé dans mes souvenirs. Ce tour de force est prodigieux mais il risque d’alerter les routines des sous-systèmes de surveillance. L’Adjurateur va interrompre la connexion.

« Ne t’inquiète pas ! répond la petite fille qui est à présent en maillot de bain rose bonbon, une bouée autour des hanches, effleurant d’un orteil prudent l’eau huileuse. Un temps viendra où je sucerai ta moelle épinière. Et tu me supplieras de ne pas arrêter. Jusque là, tu n’as rien à craindre, je ne peux t’atteindre !»

« Il y a vingt quatre ans... »

Le paysage s’efface comme un chiffon efface la craie sur un tableau noir. Les toits de la capitale planétaire s’étendent jusqu’à l’horizon dans le jour qui décline. Je reviens vingt quatre ans en arrière. La nuit approche, apportant avec elle les senteurs fortes et poivrées des fleurs crépusculaires qui ne poussent nulle part ailleurs. Les essences tirées de ces fleurs qui ne s’ouvrent qu’entre chien et loup font la fortune de cette planète. Je suis jeune et fort, respirant à pleins poumons l’air pimenté du soir par la fenêtre ouverte. Les étoiles brillent accrochées comme il faut à la voûte céleste. Aucune fausse note. Aucune anomalie. Tout est à sa place. Si je me retourne, je verrais...

Olorès, mon épouse, qui m’attend sur la couche conjugale, plongée dans une conversation distante avec l’une de ses amies. J’ai vécu cette scène. Je la revis à l’identique. Olorès termine sa discussion et lève les yeux vers moi :

« Ne faisons pas de phrases inutiles. Les plans virtuels offrent des possibilités quasi illimitées ! »

Je suis pris d’un vertige. C’est beaucoup trop fidèle. Trop réel. Je peux sentir le bois sous la paume de ma main. La fraîcheur du marbre sous mes pieds nus. Son délicat parfum, celui qu’elle préfère et qu’elle fait venir à grands frais de la Terre, notre planète natale. Des accords majeurs de bergamote et de vert auxquels se mêlent les notes subtiles du jasmin et de la rose, de la fleur d’oranger et de la pêche.

Olorès est aussi belle que dans mon plus fiévreux souvenir. Il y a tant d’années que je suis parti sans jamais revenir. Je dois me retenir pour ne pas me jeter dans ses bras. Dans les bras du monstre.

« Je suis désirable n’est-ce pas ? C’est toujours la petite fille qui parle. Je puis reproduire chacun de ses grains de beauté, chaque endroit intime que tu as exploré. Et plus encore. L’esprit humain dispose de capacités étonnantes. Nous en découvrons davantage chaque jour. Au sein de cette matrice virtuelle, je pourrais recréer un monde branaire à ton image où tu pourrais vivre pour l’éternité sans jamais te heurter à la plus infime contradiction spatio-temporelle. Si je ne peux posséder ton corps et ton esprit, je peux tisser un cocon immatériel autour de toi dans lequel tu me prieras de te laisser. N’est-ce pas la plus absolue des possessions ? »

« Je suis désirable n’est-ce pas mon amour ? » La voix mélodieuse d’Olorès me surprend malgré moi. C’est bien sa voix, aussi réelle qu’il y a vingt-quatre ans. Les enfants dorment dans l’aile opposée de la maison. L’avenir est radieux et prometteur. Demain, je serai promu colonel. L’un des plus jeunes de ma promotion. Je commanderai mes propres hommes. Une unité prestigieuse sous l’aile protectrice et bienveillante du Maréchal lui-même. C’est si facile de repartir de zéro. Ne rien faire. Laisser aller.

C’est trop simple. Ma volonté refuse et secoue le joug que le monstre tente de lui imposer. Elle déchire les voiles du mirage, se nourrissant d’une rage glaciale intacte. Les vents balaient les vestiges de ce décor fantôme, les éparpillant avec force dans toutes les directions. Je me tiens au centre de la tornade, me dressant devant la petite fille qui écarquille les yeux. Sa forme devient floue puis translucide. Elle disparaît bientôt. Avec elle la tentation reflue à regret.

« Tu es un spécimen fascinant ! me lance une haute silhouette noyée d’ombre qui se dresse comme un spectre sur un océan de neige. Elle a pour tout visage une tache plus sombre qui absorbe la lumière. Je donnerai beaucoup pour t’étudier! Peut-être es-tu venu m’acheter quelque chose?»

« Avant de te répondre, est-ce que ma fille est encore en vie ? »

« Elle l’est ! »

« Alors, si tu me dis où elle a été emmenée et comment je pourrais la libérer, j’accepterai tes conditions ! »

« Mes conditions sont déjà inscrites en lettres de feu sur ton hélice moléculaire. Elles s’activeront à la fin du processus si tu le mènes à son terme. Quand je t’aurai révélé ce que tu souhaites connaître, le marché deviendra définitif. Acceptes-tu quelles qu’en soient les conséquences? »

« Oui ! »

J’ai parcouru l’espace depuis vingt quatre ans pour la retrouver, m’enfonçant chaque jour plus loin sur des routes hors du temps. Ma petite fille. Le rayon de soleil de ma vie. Que m’importe mon sort si elle est sauve !

«Des ordres vont être donnés pour que ta fille soit transportée à l’endroit de ton choix. Son intégrité, tant physique que mentale, sera restaurée. Ses souvenirs résiduels seront modifiés pour pallier tout risque de traumatisme lié à sa brutale réinsertion dans un cadre qui lui est devenu étranger. Elle se souviendra d’une longue rétention dans un lieu étrange mais cela restera flou et inoffensif .»

« Comment m’en assurerai-je ? »

« Tu pourras la voir une fois, une seule, pour constater que j’ai tenu ma promesse. Quant à elle, elle ne te reconnaîtra pas. Tel est le prix ! »

« J’accepte ! »

Perso in queste stanze
Tra le tenebre
Io sento la coscienza
Che se ne va

* * *


Quand je ferme les yeux, je rêve d’une vie désormais inaccessible. Une vie enfuie. Ma vie. Mais je les rouvre bien vite car il ne faut pas que je m’endorme. Il ne faut pas que je glisse dans le sommeil. Le cauchemar reviendra me hanter.

Je suis en train de rêver à cause des drogues qu’elle m’injecte pour assouvir son désir. Elle ne me fait pas souffrir. Pas trop. Mais j’ai beau supplier, elle refuse de supprimer le cauchemar.

Je m’approche d’une plage où veille un phare solitaire. Il y a deux silhouettes qui semblent attendre sur le sable. Je m’approche encore. Je les reconnais. Il y a Olorès et Julien, mon fils. Il me ressemble tant. Quel âge a-t-il ? Six ans ? Sept ans ? Il ont tous deux les sourcils froncés comme s’ils cherchaient quelque chose sur l’océan derrière moi. J’ai beau crier, leur faire des signes, ils ne m’entendent pas, ne m’aperçoivent pas. Je ne rentrerai jamais.

C’est la stupide force du destin.

Le fiamme dell’inferno
Non mi bruciano
La notte finirà
Il tempo si fermerà
Per me


M
Par une claire nuit...

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z653z  Ecrire à z653z

2010-11-04 17:10:56 

 C'est un peu trop long...Détails
... avec tous ces détails qui ne me semblent servir qu'à ralentir le rythme avant les paragraphes finaux.
Sinon, je suis toujours impatient d'arriver à la chute.
Et j'ai l'impression qu'il n'a aucun moyen de savoir si elle ne l'a pas manipulé (ou menti).

Quelques détails :
"Après ça, j ne suis plus jamais revenu" -- je
"ils ont laissé entré" -- entrer
"tout à fait pareticulier" -- particulier
"« Tout est sous votre contrôle Adjurateur? J’emploie " -- il manque un guillemet fermant
"Trop vite pour ceux qui se suivent" -- te ?
"Je commanderai mes propres hommes Une " -- il manque un point
"je t’aurai révélér" -- révélé

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-11-04 18:06:46 

 De la saveur des madeleines.Détails
Hélas je ne sais pas faire de la fast mood (1/20 pour le jeu de mots) mais je me soigne!

Pour ta question, il l'aura vue une fois. Elle ne lui a donc pas menti.

Pour les fôtes, j'en ai déjà réparé quelques unes mais pas toutes... j'y retourne.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-11-04 22:49:18 

 WA, exercice n°84, participationDétails
LE DRAGON DES CZERNIKS (3)






Ce fut l’odeur de la citronnelle infusant dans l’eau chaude qui me réveilla. Aliocha s’était levé bien avant moi, il avait allumé un feu à l’entrée de la grotte et préparé de la tisane. Son sourire dans les ombres dansantes des flammes était comme la caresse du soleil levant : un message d’espoir, une certitude rassurante, un bonheur sans arrière-pensée, immédiat et complet. Si ce n’est qu’il avait neigé toute la nuit, que le froid était intense et le ciel d’un blanc laiteux peu propice aux flâneries joyeuses...
« Merci de t’être levé avant moi. Tu fais des miracles ! »
Il se mit à rire.
« Non. Je sais faire du feu, c’est tout. C’est peut-être une de mes seules qualités. »
Nous partageâmes la viande séchée avec Hari, couché entre nous deux devant le foyer, et dont les soupirs d’aise me rappelaient la simplicité du bonheur.
« Où vas-tu trouver tes herbes avec toute cette neige ? Tu ferais mieux de redescendre dans la vallée, et d’attendre un redoux. Qui viendra... peut-être... »
Je lui avais menti. A lui qui m’avait réchauffée, nourrie, réconfortée, à lui qui m’avait sauvé la vie la nuit dernière. J’en éprouvai une grande honte, mais j’étais aussi un peu vexée d’avoir si mal choisi mon mensonge. Maintenant il me fallait en inventer un autre, ou bien...
« Tu devrais lui dire la vérité », me suggéra le chien.
« Ce chien a raison », insista Nadievna.
Mes joues s’empourprèrent tandis qu’Aliocha me regardait d’un air goguenard.
« Tu as l’air bien embarrassée ! Mon chien et ton cheval semblent savoir des choses que j’ignore... »
Je soupirai. Il m’avait assez prouvé que je pouvais lui faire confiance.
Mon père disait toujours : « La fierté est une qualité, mais l’orgueil est un défaut stupide. » Et j’avais passé la frontière.
« Je t’ai menti », commençai-je.
- « Ca, je le savais. Tu n’es pas très douée pour le mensonge... »
Je ne relevai pas sa remarque. Il avait sans doute raison, et tenter de me justifier eût été ridicule.
« Je suis la fille cadette du Roi Svetlakov, assassiné avec ma mère et mon frère aîné il y a cinq ans. Seule ma soeur Marishka et moi avons pu nous échapper. Il semblerait... Non, j’en suis sûre, elle me l’a avoué, tant elle était sûre que j’étais en son pouvoir ! »
Une émotion intense me brouillait la vue et mes pensées confuses se bousculaient comme des poules sur un tas de grain.
Il prit ma main.
« Là, je sais que tu es sincère. Je n’entends pas les pensées des animaux, mais je sais reconnaître la vérité – disons que j’ai... un certain don pour ça. Ne te trouble pas. Je ne te veux pas de mal. »
Je poursuivis mon récit, plissant le front en m’efforçant de redonner un peu de cohérence à mon discours.
« Depuis la nuit des temps, le Dragon des Czerniks protège la Svetlakie et la dynastie des Svetlakov. Il est aussi le garant de la légitimité du Roi ou de la Reine, qui ne peut régner que s’il possède le Don de communiquer avec les animaux. »
Je lui narrai cette nuit horrible où nous nous étions enfuies. Puis ma vie pendant ces cinq années où j’avais l’impression d’être heureuse, la mort de Zéphyr, le passage secret, les aveux de Marishka, ma crise de folie, mon évasion...
« Voilà. Tu sais tout. »
Il fixait les flammes avec gravité, et ne se pressait pas de me répondre.
« Tu es bien courageuse », murmura-t-il enfin.
Le feu brûlait dans ses yeux, et jamais je ne l’avais senti si proche de moi, comme si une faille s’était ouverte dans son assurance toujours un peu ironique. Comme si quelque chose dans mon récit avait éveillé en lui des souvenirs qu’il avait enfouis depuis longtemps.
« Et toi... d’où viens-tu ?
- Oh... c’est une longue histoire. Je viens... de très loin. Une autre fois peut-être, je te dirai. Tu penses qu’il reste des Dragons dans les Czerniks ?
- Je n’en sais rien. Mais il y a toujours eu un Dragon pour protéger la Svetlakie. Et hier soir, quand je me suis endormie, je suis sûre d’avoir entendu un cri familier. Je n’en sais rien... (je me mis à rire) ... mais j’en ai la certitude !
- Mais si ces Dragons savent que Golgotch a été tué par des humains...
- Ils auront plus envie de se venger que de nous aider. Mais je n’ai rien à perdre ! Marishka n’est pas une Reine légitime et c’est une meurtrière. Mais ce qui est pire encore, c’est qu’elle n’est pas une bonne Reine, que son ambition et son égoïsme sont incompatibles avec le dévouement qu’un régnant doit à son peuple. Mon pays a besoin de moi. Ou de quelqu’un d’autre, ce n’est pas important. Mais c’est moi qui suis dans les Czerniks, ce matin... Alors autant essayer, non ? »
Je crus discerner un mélange de tendresse et d’admiration dans son regard.
« Tu as raison. Hari, tu gardes Nadievna. Nous allons à pied. Dans cette neige, c’est préférable. Tu es prête ?
- Je suis prête, mais...
- Ma présence te gêne ?
- C’est... ma quête...
- Je ne t’en volerai pas la gloire, petite fille. Imagine que je suis un soldat fidèle, une escorte respectueuse...
- Je ne voudrais pas...
- Quoi ? Que je risque ma vie ? »
Il eut un rire amer avant de reprendre.
« « Ma vie, pour l’instant, est sans valeur aucune, alors que l’avenir de tout un peuple dépend de toi. C’est un honneur que tu me fais en acceptant mon aide dérisoire.
- Précieuse », corrigeai-je aussitôt.
Je ne compris pas pourquoi ce fut lui qui me dit :
« Merci. »




Pas à pas, nous escaladâmes le versant abrupt ; la neige nous arrivait au genou. Je marchais derrière lui. A chaque foulée, il tâtait le sol avec un bâton, ce qui nous ralentissait beaucoup mais nous évita par deux fois de tomber dans une crevasse. A intervalles réguliers, Aliocha m’obligeait à m’arrêter pour boire à sa gourde, et à remettre un peu de saindoux sur mes lèvres. Il m’agaçait, je n’avais pas soif ! Mais je lui obéissais, persuadée qu’il en savait plus que moi en matière de survie. Malgré l’effort, j’avais les pieds et les mains engourdis, et je ne transpirais pas. Le froid était glacial et je devais bander ma volonté pour ne pas céder à la tentation de rebrousser chemin vers la chaleur de la grotte.
Combien de temps dura notre ascension ? Je ne saurais le dire. Deux heures, peut-être trois ? Je me consolais en pensant que la descente serait plus facile. Il ne neigeait plus, nous n’aurions qu’à suivre nos propres traces, nous irions plus vite, et à l’arrivée Aliocha raviverait le feu et...
Le cri d’un Dragon me figea sur place. Je connaissais ce cri, il était de toutes les fêtes de mon enfance, quand Golgotch le Majestueux planait au dessus du château avant de venir se poser dans toute sa splendeur au milieu du parc, là où mon père, devant le peuple assemblé, l’attendait pour lui offrir un diamant de la plus belle eau, chaque année au Solstice d’Eté, le jour de la Fête du Dragon.
Il n’y avait plus de Fête du Dragon depuis cinq ans. Personne n’en parlait. Comment cela avait-il pu me sembler normal ?
Soulevée par l’élan de la nécessité, l’urgence de ma quête et la foi en l’avenir, je criai :
« Dragon des Czerniks ! Je suis Sonia Svetlakov ! Je viens à toi avec confiance et humilité. Daigne te montrer, la Svetlakie a besoin de toi ! »
L’écho répercuta mon appel pendant de longues secondes. Puis le silence retomba, profond et cruel comme la neige insensible et meurtrière. J’avais beau scruter le ciel, aucune aile ne s’y déployait. L’horizon opaque restait sourd à mes prières. J’étais prête à mourir dans ces montagnes ; mais combien de souffrances mon peuple innocent devrait-il endurer, et pendant combien de longues années, si j’échouais à lui rendre sa dignité ? Je fermai les yeux et je tendis mon esprit vers l’infini.
« Dragon, je sais que tu es là et que tu m’observes. Dans ma courte vie, je n’ai connu que Golgotch le Magnifique, mais je sais qu’avant lui, il y a toujours eu un Dragon des Czerniks pour protéger la Sainte Svetlakie. Golgotch est mort sous les coups assassins d’hommes pervers et cruels, dépourvus d’honneur et de reconnaissance, qui ont abusé de sa confiance et de sa générosité. Je n’en fais pas partie ! Je suis venue implorer ton aide pour que justice soit rendue ! Les Dragons, comme les hommes et les femmes de Svetlakie, ont le sens de l’Honneur ! Je t’en supplie ! »
Epuisée, je m’écroulai dans la neige, des larmes brûlantes inondant mes yeux fatigués. Le froid était moelleux et apaisant. L’engourdissement me prenait déjà, j’allais enfin pouvoir me reposer juste un instant, peut-être davantage...
Des ailes bruissantes soulevèrent la neige autour de moi, et sur un monticule proche se posa un Dragon aussi noir que la nuit, l’oeil enflammé jetant des étincelles de colère, la queue battante de rage soulevant des gerbes blanches.
« Qui es-tu, impudente humaine qui ose fouler le territoire sacré des Czerniks ? De quel droit prétends-tu demander notre aide ? »
Je me levai en tremblant. J’avais froid, mais je n’avais pas peur. Le Dragon avait répondu à mon appel ! Il avait l’air terrible et menaçant ; et pourtant une chaleur prodigieuse me réchauffait le coeur, et je souriais...
« Je suis Sonia Svetlakov, la fille du Roi Igor. Les mêmes hommes qui ont ôté la vie de Golgotch ont assassiné mon noble père, ma mère chérie et mon frère bien-aimé. C’est ma soeur Marishka qui...
- Je sais tout cela », rétorqua le Dragon d’une voix agacée qui me déconcerta.
- « Mais... Si tu sais... »
Je tentai de me ressaisir.
« Marishka n’est pas une Reine loyale envers la Svetlakie. Elle n’a pas le Don, et surtout elle accable le peuple !
- Je ne vois pas en quoi cela me concernerait » ricana le gigantesque animal dont les ailes frémissaient d’agacement.
Je déglutis avec peine. La soif me brûlait la gorge. J’eus une pensée fulgurante pour Aliocha, dont je sentais la présence inquiète et fidèle derrière moi, et qui m’avait forcée à boire... Décidément, seule, je n’arrivais à rien. J’étais trop jeune, trop maladroite, trop ignorante. Je m’étais attendue à l’hostilité du Dragon, mais malgré tout elle me déconcertait, et pourtant je ne devais pas échouer !
Je fis une respiration profonde, en me concentrant sur l’expir, pour me relâcher. Diakine m’avait souvent obligée à monter des chevaux rétifs, des chevaux rebelles, ne tolérant ni la jambe ni le mors.
« Respire, détends-toi, ne lui fais pas sentir ta peur. Alourdis-toi dans ta selle, donne-lui à croire que tu as confiance en lui et que tu ne lui feras pas de mal... »
J’aurais préféré monter dix chevaux fous que de me trouver là, dans le froid de ces montagnes, avec tant de responsabilité et si peu de moyens... et ce Dragon qui devait se demander s’il me décapiterait d’un coup de patte ou me consumerait de son souffle enflammé...
« J’ai besoin de ton aide, Seigneur des Czerniks. Je ne sais pas quel était ton lien avec Golgotch...
- C’était mon mâle ! », hurla la Dragonne d’une voix où la douleur l’emportait presque sur la colère.
- Pendant les années de mon enfance, j’ai admiré Golgotch le Majestueux. Je sais qu’il était l’allié indéfectible de mon père, et que tous deux se vouaient un respect mutuel. La Svetlakie était heureuse, alors ! Et moi aussi... Mais ils sont morts, mes parents bien-aimés, et mon cher frère, l’héritier légitime, porteur du Don. Moi la cadette, rien ne me prédestinait au trône ; et me voilà seule, en fuite, à quinze ans, pour tenter de sauver ma patrie des griffes d’un créature assassine qui ne songe qu’à son pouvoir et à son profit... et ce monstre, c’est ma soeur !
- Ta soeur a fait tuer Golgotch. Tous les hommes ne pensent qu’à leur pouvoir et à leur profit ! »
Je laissai les larmes couler sur mes joues. Je pleurai sur mon impuissance, sur le peuple de Svetlakie souffrant sous le joug d’une Reine indigne, sur l’injustice du sort et la cruauté de cette vie que j’allais sans doute perdre à l’instant. En un sens, j’étais sauvée. Mais pas ma patrie !
« Dame de Feu, je n’ai jamais souhaité le Pouvoir. Tu peux prendre ma vie si cela te semble une vengeance suffisante. Mais je t’en supplie, au nom du Donateur, viens en aide à mon peuple ! »
Une vapeur brumeuse et chaude s’échappa des naseaux de la bête. Elle préparait son jet de flammes. Je n’avais pas réussi à la convaincre, j’avais surestimé mes forces...
« Le pacte a été rompu », fut la réponse, qui tomba comme un coup de massue. « Aucun Dragon ne viendra plus jamais secourir la race qui a tué Golgotch. »
Je restais là, les bras ballants, pétrifiée de douleur. J’avais échoué. Ma patrie était condamnée, et les meurtriers de ma famille remportaient une nouvelle victoire. Pendant des années ils allaient pouvoir jouir en toute impunité du bénéfice de leurs crimes.



Et puis le soleil déchira les nuages, faisant scintiller la neige de mille étoiles rieuses. Je me souvins que chaque année le printemps revenait, quelle qu’eût été la rigueur de l’hiver. La vie renaît toujours. Si j’étais incapable de libérer mon peuple, l’hiver serait long, mais un jour quelqu’un d’autre se lèverait et mènerait la révolte. La Sainte Svetlakie redresserait la tête et rétablirait le Droit.
Je laissai tomber mes épaules, et je souris.
« Je te comprends, et je ne peux pas t’en vouloir. Merci de m’avoir écoutée. La Svetlakie mènera sa lutte sans toi. J’ai foi en la fierté et le courage des Svetlakiens. Ils sauront se battre pour que triomphent la Justice et l’Honneur, quand bien même la route serait longue et douloureuse. »
Je baissai les yeux et je fis demi-tour. Aliocha, grave et silencieux, s’effaça pour me laisser passer.
« Que serais-tu prête à donner pour un nouveau pacte ? »
Le coeur battant je fis volte face.
« Tout ! Ma vie ! Je ne possède rien, je suis une fugitive. Mais tu peux disposer de moi comme tu l’entends. Si ma misérable vie peut sauver les pauvres âmes de mon peuple...
- Un an. Tu seras en mon pouvoir pendant un an. Ensuite, si je suis satisfaite de tes services, je t’aiderai. »
Je ne pris même pas le temps de réfléchir. Il n’y avait pas de tergiversation possible, c’était une chance inespérée.
« Tu as ma parole.
- C’est bien. Suis-moi. »
Elle jeta un regard à Aliocha et ajouta :
« Seule. »
Déjà je m’avançais pour suivre le Dragon, mais Aliocha me retint par le bras.
« Ne désespère jamais, petite fille. Je prendrai soin de Nadievna. Je penserai à toi. Et je serai ici à t’attendre, dans un an. »
Une bouffée d’émotion me chavira le coeur. J’aurais voulu lui dire combien il m’était cher, et combien il me manquerait, et combien... Mais la pression de sa main et son sourire semblaient me dire qu’il le savait déjà. Je hoquetai un « Merci » troublé et je me mis en route sans me retourner. Un an. Je devais survivre dans cet univers sauvage et je devais réussir à contenter un Dragon des Czerniks, sans avoir la moindre idée de ses exigences. Diakine et Pola avaient eu l’air persuadé que je reviendrais, et autour d’eux, tout un peuple opprimé avait besoin de moi. Et puis, Aliocha m’attendait...




A suivre...
Narwa Roquen,vous n'aviez pas oublié cette histoire, au moins? 1° épisode dans la WA 75, le 2° dans la 76

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z653z  Ecrire à z653z

2010-11-05 12:32:13 

 pas oubliéeDétails
une broutille :
"d’un créature assassine" -- pour éviter la répétition de monstre je suppose.
J'attends la suite.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-11-05 22:58:41 

 Commentaire Maeglin, exercice n°84Détails
Mmmm.. J'ai trouvé ton texte délicieux. Délicat, subtil, intelligent, avec ce mélange bien dosé d'émotion pudique, d'humour décalé, d'imagination pétillante... Le néologisme me plaît beaucoup. Le portrait du bouquinier est croqué à merveille. Le paragraphe sur les commerçants et leur lexique est un petit bijou. Dommage que la mention de la WA en fasse une private joke, mais c'est adaptable à n'importe quel Concours de Nouvelles le cas échéant. Merci pour ton hommage discret, dont j'espère qu'il n'aura pas troublé mon objectivité. Mais je suis persuadée que les lecteurs seront de mon avis: l'idée originale nous embarque totalement, pour peu que l'on ait goûté aux joies et aux affres de l'écriture! Ce qui m'a vraiment séduite, c'est la simplicité apparente du récit, ce ton presque anodin qui joue sur toute la palette des émotions, avec une efficacité remarquable.


Bricoles:
- on relativiste: relativise
- vous dîtes ça: dites
- je m'en voudrai de vous faire perdre: voudrais


Mystique mi-raisin: j'adore! Je ne suis pas sûre que tu aies besoin d'un bouquinier! Le texte parfait n'intéresse personne. Celui-ci pour moi a le mérite de posséder une extrême fraîcheur, une belle distanciation humoristique et une vibration émotionnelle authentique.
Et ce n'est un secret pour personne, moi, quand on me prend par les sentiments...


Donc, en clair, tu as une très bonne idée, un héros attachant, un personnage secondaire (peut-être pas si secondaire) bien campé et mystérieux, un ton juste et séduisant, et suffisamment de détails énigmatiques pour que le lecteur ait envie d'en savoir plus: que s'est-il passé avec Victor Hugo? Le héros va-t-il supporter cette perte d'amour propre ou va-t-il réagir? Que va devenir Petite Elfe? Qui est la Muse? Tout cela va-t-il déboucher sur de la fantasy, du fantastique ou de la SF?
Autant te dire que j'attends une suite... Mais oui, tu n'as pas le temps, je sais... Compte sur moi pour te fournir une occasion...
Narwa Roquen, insatiable...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-11-06 10:23:05 

 Je suis une légende...Détails
Pour Victor Hugo, ne serait-ce pas l'éditeur Hetzel, ce boutiquier?

Il a conseillé " le grand homme", alors à Guernesey, sur la direction à prendre sur un sujet d'inspiration et qui aboutit à la "légendes des siècles".

M

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2010-11-06 11:33:50 

 Commentaire de grande classeDétails
La vache! (jersiaise)
Bon j'avoue ne pas avoir développé plus que ça le bouquinier anglo-normand qui reçoit Totor après une ventrée d'araignées de mer... donc merci pour la référence.

Maeglin

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-11-08 15:21:54 

 Commentaire Maedhros, exercice n°84Détails
Quel souffle ! Quant à moi, je ne me plains pas de la longueur, bien au contraire. Je trouve que pour un roman, c’est trop court (sans ironie aucune). Et il me tarde de lire enfin celui que tu publieras forcément un jour ou l’autre.
Mais revenons à nos psycho-moutons, puisqu’il s’agit d’une guerre psychoscifique avec des psychostratèges dont le travail est de rêver : trop fort !
Juste un détail : si tu t’étais inspiré d’une chanson allemande (ou espagnole, japonaise etc...), je me serais sentie terriblement frustrée. Une petite traduction pour les non italianoglottes serait sympa ! Ceci dit la conjonction histoire/ chanson est vraiment un plus, et une marque supplémentaire de l’originalité qui ne te fait jamais défaut.
Le lecteur est embarqué à chaque ligne dans un voyage totalement dépaysant, riche de détails précis, avec une intrigue cohérente et le portrait intéressant et crédible d’un militaire, peu porté à exprimer ses sentiments, lucide, courageux et entêté, mais impuissant hélas à contrôler les fils des Parques. Nous étions prévenus dès le titre, et l’inéluctabilité de son sort en devient presque apaisante. C’est un texte qu’on prend plaisir à relire pour mieux en savourer chaque image ; comme souvent dans tes oeuvres, il est très visuel, on se love dans son fauteuil devant le grand écran ... et en plus il y a une bande son...


Bricoles :
-ho cosi paura : così
- Mais il est revenu frapper... Mais je n’étais pas au tapis...
- Quelques fois (2 fois) : c’est exprès ?
- ma mère... faisait la vaisselle au dessus de l’évier : ben oui, en général...
- L’âge minium : minimum ?
- changer le cour de l’histoire : Histoire
- et avant ça, il dû être informé : il a dû
- tant physiques et psychiques : que
- mes S. sont les mieux formés, les plus aguerris, aux statistiques ... : les – les- aux : ça choque un peu
- j’ai fait redoublé... et triplé : redoubler, tripler
- nous ne nous sommes pas rendus compte qu’après : sans le « pas »
- des tableaux de commandes : commande
- ... m’empêchent d’apercevoir quoi que ce soit. Les moniteurs de contrôle affirment le contraire : c’est quoi le contraire de « quoi que ce soit » ? On te comprend, mais la formulation accroche
- au travers un fluide : à travers un, ou au travers d’
- je suis dans univers unidimensionnel : un
- si je me retourne, je verrais : verrai
- et puis la floppée habituelle de VIRGULES ! , lors des apostrophes dans les dialogues, les « n’est-ce pas » et autres « disait-il » ...


De Verdi à Newton en passant par la théorie des cordes ( merci Google !), ton talent d’embarqueur est dans l’extrapolation. Le lecteur se croit en terrain connu, il te suit en toute confiance... et tu l’entraînes toujours un peu plus loin... La Science Fiction se prête vraiment bien à ce genre de manigance talentueuse et tu y nages comme un grand requin blanc...
Quelques morceaux de bravoure :
- le Diable a quelquefois raison : ça peut se discuter, mais c’est bien envoyé
- le paragraphe sur les détecteurs de Mères
- la description des différents guerriers, en particulier les cyborgs
- le berceau de contact, qui évoque un peu « Inception »


Et dire qu’il y a des gens qui partent en week-end ou qui paient très cher des vacances au bout du monde ! Alors qu’on peut voyager loin en restant chez soi et en revenir tout ébouriffé et plus riche en vocabulaire : à condition que Maedhros ait participé !
Narwa Roquen, même pas de valises à défaire, cool!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-11-11 19:29:32 

 Au clair de la nuit!Détails
Une proposition de traduction :

(1)

Très souvent je me demande
Quand finira la nuit
Mais je ne trouve pas de réponse
Et cela me fait peur.

(2)

Et je te cherche encore
Pendant que le jour s’enfuit
Et je ne te demande rien d'autre
Que m'emmener au loin

(3)

Parce que le rêve est la raison
Qui me reste encore
Le rêve est réel
Plus que toi et que moi

(4)

Je suis encore enfermé
Dans cette nuit transparente
Dans ces miroirs
Où le monde n'est rien (???)

(5)

Perdu dans ces chambres
Au coeur des ténèbres
Je sens la conscience
Qui s’enfuit

(6)

Les flammes de l'enfer
Ne me brûlent pas
La nuit finira
Le temps s'arrêtera
Pour moi

-----

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-11-12 14:03:49 

 Merci pour eux!Détails
Si je peux me permettre...
Dans le 1: "e ho così paura", j'aurais dit "et j'ai tellement peur"
Dans le 4 " dove il mondo si fa niente", j'aurais dit "où le monde devient néant"


Tu as le droit de dire que je suis chiante...
Narwa Roquen, la barchetta in mezzo al mare...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-11-12 20:47:53 

 Je sais, je sais mais j'arrive du Pérou...Détails
...avec un demi kilo de café. Et en plus, je dois tout faire dans ce foutu rafiot!


M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-11-13 14:05:33 

 Private jokeDétails
Désolée, les copains! Maedhros et moi faisions allusion à une très vieille chanson italienne, du genre que les grands mères chantent à leurs petits enfants, qui parle d'un petit bateau sur la mer immense, et dont le capitaine est seul à bord
Narwa Roquen,qui vient de rajeunir d'un coup

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Hivernale  Ecrire à Hivernale

2010-11-14 20:28:19 

 participation au WA n°84Détails
Avec tous les messages de bienvenue que j'ai reçu, j'étais obligée de produire un texte rapidement, et sous une grosse pression :-). Je ne m'en plains pas. Donc veuillez m'excuser pour ma participation un peu tardive à l'exercice.
L'hiver est propice à l'écriture, ces longues soirées tellement froides que seuls une énorme couette, un thé et un ordinateur peuvent combler devraient activer vos neurones pour de nouvelles histoires inédites. J'en suis sure :-) Et même à Montpellier il fait froid ! J'espère donc avoir la joie de vous lire, tous (et oui), sur des exercices auxquels je participerai aussi.
Assez de blabla, bonne lecture :-)


A force de succès il était évident que j'attrapais la grosse tête. J'en avais conscience mais cela me convenait, j'avais même peut être, au fond de moi, le secret désir d'entrer dans l'Histoire d'une façon peu habituelle. Les personnes connues sont des génies, des hommes politiques ou des femmes à la beauté si éblouissante que leurs charmes sont loués aux quatre coins de la galaxie. Moi, je n'étais rien de tout ça, j'étais juste un voleur. Mais pas n'importe quel voleur : un voleur riche et en vie, ce qui était assez rare dans la profession. J'avais à mon actif le vol de quarante-sept objets de grande valeur pris à Monseigneur Eyventrild et ceci au sein même de sa forteresse, la mieux gardée de tout le pays. Il est vrai que je m'acharnais quelque peu sur ce château mais c'était dans le secret espoir de revoir la jeune fille que j'avais aperçu un soir où je me baladais sur les toits du domaine. Sa beauté surnaturelle m'avait tout de suite séduit. Et mes souhaits avaient enfin été réalisés la veille au soir.

Vêtue d'une longue chemise de nuit noire vaporeuse elle apparut de nul part, je ne l'entendis pas arriver ni ne la vis, pourtant elle se tenait là devant moi, au milieu d'un des innombrables escaliers en colimaçon desservant les chambres habitées par le général Eyventrild et sa famille. Je dus passer pour le roi des imbéciles en restant bouche bée, à la dévisager ; je pus me rendre compte de la perfection de son visage encadré avec soin par des mèches de cheveux blonds bouclés et je me plongeai dans son regard d'un violet profond. Elle sourit, et me salua. Tout mon corps n'aspirait qu'à me jeter sur elle et l'enlacer jusqu'à la fin des temps, et au prix d'un effort surhumain je réussis à lui rendre la politesse en la saluant.

" Ce n'est pas une façon de saluer une demoiselle. Tu devrais enlever le masque qui couvre ton visage pour t'adresser à moi. Hmmmm... quelque chose me dit que tu n'as rien à faire dans ces appartements. "

Je ne pus qu'enlever mon masque et lui sourire. Que pouvais-je faire d'autre ? Elle l'aurait pris comme un affront si je ne m'étais pas dévoilé, et je ne voulais surtout pas la froisser, surtout pas maintenant que je l'avais enfin retrouvée.

" Que viens tu faire là, la nuit ? " demanda t-elle.

Mon esprit se consacrait à admirer sa beauté et il n'arrivait pas à former assez vite un mensonge cohérent qui expliquerait ma présence de nuit dans les appartements du général. Je ne pus que dire la vérité.

" Pour être franc, Mademoiselle, j'ai entendu dire que le collier porté par la fille du général Eyventrild était orné d'une émeraude si grande qu'elle ne tient pas dans la main d'un homme. Et j'avoue pratiquer l'activité peu avouable de voleur. Un tel butin me mettrait à l'abri du besoin pendant un bon moment. "

J'attendis sa réaction durant de longues secondes, elle me scrutait et mon coeur battait tellement fort que j'avais l'impression d'entendre l'écho de ses battements se répercuter dans toute la cage d'escalier. Je me sentais ridicule au plus haut point. C'était une idée abracadabrante que de me confier comme je le faisais à une inconnue, mais quelque chose en elle me forçait à le faire. Elle finit par dire :

" Je ne peux rien faire pour vous empêcher de voler cette merveille, mais sachez que si vous le faites vous perdrez à mes yeux cette aura de sympathie que vous m'avez inspirée. Bien, il est tard, et moi-même je ne devrais pas me trouver ici. Je vous souhaite une excellente soirée Monsieur Emeraude. "

Elle me sourit d'un air moqueur et partit. J'étais en proie au doute, je ne pouvais pas voler ce collier, elle ne voudrait plus jamais me parler après ça. Je restai là de longues minutes à réfléchir et finis par repartir et rentrer à mon cabanon, bredouille.

Mais malgré ma nuit improductive du côté financier, je restai de fort bonne humeur, avec un sourire niais de satisfaction sur le visage. J'étais assis sur le perron de ma cabane sylvestre, les yeux dans le vague.

" Alors, on perd la main à ce que j'ai entendu dire. "

Je reconnus la voix gutturale de Samuel. D'une certaine manière c'était mon unique ami, surtout parce que c'était la seule personne qui acceptait de me fréquenter. Je le soupçonnais de me côtoyer rien que pour m'entendre raconter mes exploits de voleur. Il parlait sans cesse d'une chose étrange, " mes mémoires ". D'après lui, tout personnage amené à être connu et reconnu devait rédiger ses mémoires, et il souhaitait par-dessus tout s'en charger. Il était persuadé que cela lui rapporterait les miettes de ma propre gloire. Les livres c'était pas pour moi, de toute façon je ne savais même pas lire.

" Que racontes-tu encore comme âneries ? " dis-je d'un ton sec.

Je n'étais pas d'humeur à écouter ses leçons de morale.

" Hey, c'est pas la peine de me prendre de haut comme ça, je vais devoir changer de pigeon, je ne raconte pas les histoires des personnes mortes, car c'est bientôt ce qui va t'arriver. Figure toi que ta tête est placardée dans tous les villages alentour, tu t'es fait berner comme un débutant ! Hier soir une personne a vu ton visage au château des Eyventrild, et pas qu'un peu à en juger par les détails de ton portrait, même la cicatrice sous ton oeil gauche a été dépeinte. Je donne 48h aux soldats de la région pour te mettre la main dessus, te dépouiller de toutes tes possessions, et te pendre. "

Un goût de bile m'arrivait du fond de la gorge. Je me moquais un peu que ma tête soit mise à prix, même de mourir, mais qu'elle aie pu me dénoncer me plongeait dans un profond et douloureux désespoir.

" En plus c'est Ystrella, la fille du Général qui a dressé ton portrait aux soldats, et qui s'assure elle-même que tu sois capturé dans les plus brefs délais. En même temps, peut être que tu es allé un peu trop loin en lui volant le collier que le prince Dimitry lui a offert lorsqu'il l'a demandé en mariage. Mais ça aussi je suppose que tu ne t'y intéresses pas ! Le général essaie à tout prix de marier sa fille au prince, et Dimitry a enfin fait sa demande la semaine dernière. C'était sûr que tu t'attirerais les foudres de la famille Eyventrild. "

Douche froide. Je ne me souvenais pas que de toute ma vie une phrase ait pu m'affecter à ce point là. Toutes ces révélations me brisaient le coeur au sens propre du terme, ma cage thoracique me faisait mal et je haletais. La fille du général ? Mariage ? Quel choc. Puis il me vint autre chose à l'esprit :

" Mais ... mais je n'ai rien volé cette nuit " réussis-je à articuler.

Samuel me dévisageait d'une drôle de façon, un mélange de pitié et d'incompréhension se mêlait sur son visage.

" Hé ben ! T'es dans de beaux draps ! Moi qui pensais te suggérer de replacer de manière subtile le collier de la belle dans sa chambre pour lui faire croire qu'elle l'avait égaré. Mais si ce n'est pas toi, qui est-ce ? "

" Virevolte. "

Prononcer le nom de cette ordure me coûtait un terrible effort. Même le pseudo qu'il avait choisi pour commettre ses vols était d'une stupidité affligeante. Depuis toujours nous étions rivaux, tout ce que je faisais, il fallait qu'il le fasse. En mieux. Cela apparaissait maintenant comme une évidence, il avait dû se rendre compte que mes larcins concernaient toujours le château des Eyventrild et avait dû décider de frapper un grand coup, pour m'impressionner. C'était évident qu'il allait laisser les soldats me chercher, m'arrêter et me tuer, il n'avait aucun sens de l'honneur : il volait aux riches comme aux pauvres et se servait de sa force physique pour tabasser les victimes de ses vols qui auraient pu le voir faire.

" Tu devrais aller le voir et arranger cette stupide querelle entre vous ; sans son aide tu es un homme mort. " dit Samuel.

" Plutôt mourir. "

C'était une certitude, jamais je ne m'abaisserais à demander de l'aide à ce rat. Cependant un plan se forma à toute vitesse dans ma tête désembuée d'un seul coup par la mention de mon rival, une idée qui pourrait me permettre de mettre Virevolte hors d'état de nuire, mais aussi qui pourrait m'offrir mon salut. Je laissai Samuel devant ma porte et entrai chez moi me préparer. Oui, cela pouvait fonctionner, si j'arrivais à convaincre Ystrella d'Eyventrild d'accepter d'encore me parler. Et si j'arrivais à l'atteindre sans me faire attraper.

Quelques heures plus tard, muni de mon plus beau déguisement de vendeuse de pommes je me faufilai à l'intérieur du domaine des Eyventrild. A ce moment précis je compris les lacunes de mon plan : comment allais-je faire pour trouver Mademoiselle Ystrella ? Je décidai de tenter de la trouver dans le Jardin des Dames, endroit où je l'avais aperçu pour la première fois. Avec toute mon habileté, je me glissai entre deux chaumières destinées à héberger le personnel du château et montais sur le toit le plus bas. Les petites maisons de service faisaient le tour complet du château, permettant aux travailleurs d'accéder le plus vite possible aux endroits où ils devaient travailler. Et le nombre de personnes travaillant au domaine était si important que les bâtisses se touchaient entre elles, me permettant de me déplacer de toit en toit. J'avais pris dans mes affaires une cape de la couleur de la chaux qui recouvraient les toits des maisons, de sorte que les personnes se trouvant dans les plus hauts donjons du château ne puisse pas me repérer depuis leurs fenêtres. J'atteignis sans encombres le toit de la chaumière du gardien du Jardin des Dames. Il ne me fallu que quelques instants pour repérer un attroupement au centre du jardin, au milieu duquel j'aperçus Ystrella, superbe dans sa longue robe de soie rose pâle. Je restai là, muet d'admiration à la regarder. La porte de la chaumière s'ouvrit, me tirant de ma rêverie, et je vis le gardien sortir de chez lui. Je descendis du toit et entrai dans la chaumière, je volai des habits aux couleurs du personnel de maison des Eyventrild, et la vue de la cheminée crépitante me donna une idée. J'éparpillai les bûches enflammées un peu partout dans la pièce, et sortis. La maison du gardien faite de bois et de chaux s'embrasa en quelques instants, je ne la regardai même pas, mon regard était fixé sur le groupe planté au centre du jardin. J'étais persuadé que les gardes d'Ystrella allaient l'emmener en lieu sûr dans sa chambre dès qu'ils apercevraient l'incendie. Et j'eus raison. J'enfilai les vêtements volés au gardien et entrai à la suite de la petite troupe dans le château. Personne ne fit attention à un simple domestique qui courait à quelques pas derrière eux. J'entrai de même derrière le groupe dans la suite d'Ystrella et je profitai de l'affolement des gardes et des suivantes pour me faufiler derrière un épais rideau rouge sombre de sa chambre. Je me détendis. Il était probable que je doive passer un long moment dans ma cachette, mais la patience était un des atouts majeurs du bon voleur.
La fin de matinée passa, l'heure du repas arriva, et tous les occupants de la chambre partirent manger. Je regrettais de ne pas avoir pensé à amener à manger.
Elle revint en tout début d'après midi avec ses suivantes, elle les congédia prétextant vouloir se reposer. Il ne restait plus qu'elle et moi dans la pièce. Je paniquai. Je savais que c'était le moment de lui parler, mais j'avais peur. Peur qu'elle me repousse ou qu'elle crie et appelle les gardes. Mais aussi je m'affolais à l'idée d'être pendu haut et court avant la tombée de la nuit pour des faits que je n'avais pas commis. Même s'il était vrai que j'en avais assez commis pour être pendu. Mais sans l'histoire de ce collier et le témoignage d'Ystrella jamais on aurait pu me confondre. Elle s'assit devant une magnifique coiffeuse sculptée avec grand soin dans un bois exotique et commença à se peigner. Je me glissai de façon aussi discrète que possible hors de ma cachette et arrivai derrière elle. Je lui plaquai ma main droite sur la bouche pour l'empêcher de hurler. Je vis ses yeux me regarder dans le reflet du miroir : ils étaient plein de haine et de peur. Je sortis une dague de ma ceinture pour l'impressionner et lui demanda de ne surtout pas crier, puis j'enlevai ma main de son visage pour qu'elle puisse parler.

" Tue-moi si tu le veux, ça ne fera qu'accélérer le jour et l'heure de ta mort. Et crois moi mon père aura probablement d'autres projets pour toi que la pendaison. "

Le sous-entendu de torture était sans équivoque. Je frémis. Je ne savais pas par où commencer, tant de choses me venaient à l'esprit.

" Ce n'est pas moi. "

Elle se retourna sur sa chaise pour me dévisager de manière directe, pour essayer de voir si je disais la vérité.

" Je ne te crois pas. "

Sa condamnation était sans appel. Elle continua :

" Et même si je te croyais, cela ne changerait rien, tes méfaits méritent que tu sois arrêté. Si tu es venu implorer ma clémence, tu perds ton temps. "

" Je ne suis pas venu pour ça, je suis venu vous dire que je vous aime. "

Les mots étaient sortis de ma bouche plus vite que ce que je ne les avais pensés, j'étais désemparé, quelle stupidité ! Je me maudissais d'avoir dit quelque chose d'aussi irréfléchi et d'aussi inapproprié à la noblesse de mon interlocutrice ainsi qu'au moment où nous nous trouvions. Elle me scrutait, je n'osais pas bouger, pas parler, j'osais à peine respirer.

" Que veux-tu ? "

Elle me laissait une chance de m'exprimer : c'était inespéré compte tenu de la façon dont avait commencé notre entretien.

" Que la véritable personne qui t'a volée soit punie. "

" Et je suppose que tu connais le voleur et que tu sais comment faire pour le confondre. Et je suppose aussi que tu penses que je vais te sortir de la situation dans laquelle tu te trouves sans exiger de contre-partie ? "

Je blêmis. Quel naïf j'avais été de croire que j'avais une chance de m'en sortir sans avoir à faire de sacrifice. Elle poursuivit :

" Es-tu prêt à accepter sans broncher ce que je te demanderai ? "

Je ne pouvais que dire oui, de toute façon un mot de sa part et les soldats de son père m'étripaient. J'acceptai donc, puis je lui expliquais tout, sur Virevolte et le plan que j'avais mis au point pour le prendre sur le fait. Elle écouta tout ce que j'avais à lui dire, me sourit et me dit :

" Tu es quelqu'un de surprenant, et les personnes déroutantes méritent qu'on les écoute et dans certains cas qu'on les suive. Je ferai ce que tu m'as suggéré. Espérons que cela me permettra de retrouver mon sautoir. "

J'hésitais à poser la question qui me brulait les lèvres. Je me lançai tout de même, ne pouvant plus attendre.

" Mademoiselle, puis-je savoir ce que vous attendez de moi ? "

" Plusieurs choses, la première est que tu me rendes certaines choses que tu as dérobé auparavant. La deuxième est que tu ne racontes jamais, et sous aucun prétexte, les choses que tu as pu voir, entendre ou découvrir lors de tes ballades nocturnes au château. Et enfin je veux que tu travailles pour moi, j'ai besoin de quelqu'un à mes côtés pour certaines activités et je ne peux pas me permettre qu'il s'agisse d'un des hommes de mon père. A partir de cet instant tu n'es plus un voleur, tu es mon homme lige. "

Je ne savais pas comment réagir. Je ne m'attendais pas à ça. N'importe quelle personne aurait été ravie de sortir de la condition précaire et dangereuse dans laquelle je vivais depuis des années. Mais pas moi. Bien sûr une partie de moi même jubilait à l'idée de passer du temps auprès d'Ystrella, mais l'autre partie était désespérée et apeurée. Je ne voyais pas comment j'allais pouvoir tenir mon engagement de travailler pour Mademoiselle Ystrella car excepté pour le vol, je n'avais aucun talent. Mais ce qui me brisait le coeur par dessus tout c'était que j'allais devoir abandonner mon rêve : celui de voyager, de visiter le monde, de connaitre chaque parcelle de terre que le monde possédait. J'avais pour secrète ambition d'acheter un bateau, assez malléable pour que trois ou quatre personnes puissent le diriger, mais aussi assez robuste pour tenir de longs jours en haute mer. Ainsi équipé j'aurais eu le reste de ma vie pour m'extasier devant les merveilles du monde. En un instant il fallait que je délaisse tout. Je me retrouvais prisonnier de la vie de quelqu'un d'autre. Quelle déception ! Surtout à ce moment précis, alors que j'avais réuni presque assez d'argent pour entamer mon tour du monde.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-11-16 22:54:09 

 Commentaire Hivernale, exercice n°84Détails
Tu as parfaitement respecté la consigne. Ton texte se lit facilement, c’est fluide, bien rythmé, l’intrigue est simple mais efficace, c’est plein de bonne humeur et les dialogues rendent le texte vivant.
Ca manque d’un titre...
En ce qui concerne la construction, tu t’es un peu laissée embarquer, et du coup tu as bâclé la fin dans une phrase trop longue sur la forme et trop courte sur le fond ! Le plan pour coincer Virevolte nous intéresse ! Et le changement de vie du héros aussi !

Les personnages : ton héros (dont nous ignorons le nom ; dommage qu’il soit déjà attribué, Virevolte c’était joli) est plutôt sympathique (un homme amoureux l’est toujours), mais tu devrais en rajouter un peu. Tu dis que son ennemi vole les riches comme les pauvres, mais tu ne dis pas ce que ton héros fait de son butin. S’il le garde pour lui, c’est un voleur quelconque. Et pourquoi s’acharner toujours sur le même riche ? Tu pourrais lui donner un peu de brio, un peu de panache ( cf Arsène Lupin, Robin des Bois...)

L’intrigue : je trouve que la jeune femme se laisse convaincre un peu facilement. Quand elle dit « es-tu prêt à accepter.... », on s’attend à un challenge, un défi... Et rien !
Par ailleurs une femme mariée c’est moins intéressant pour le suspense qu’une fiancée, qui peut encore changer d’avis. Dans le ton bon enfant que tu as choisi, qui s’apparente un peu au conte (pour de la fantasy, il faudrait au moins une petite sorcière), l’adultère serait totalement incongru.


Le style : tu as un défaut récurrent, c’est de mettre des virgules alors que tu juxtaposes des idées différentes.
« ...aux quatre coins de la galaxie, moi... » : ... galaxie. Moi...
« je dus passer pour le roi des imbéciles, je restai bouche bée, à la scruter, je pus me rendre compte... : je dus passer pour le roi des imbéciles en restant bouche bée à la scruter ; je pus me rendre compte...
« Elle sourit, et me salua, tout mon corps n’aspirait... et au prix d’un effort... » : Elle sourit et me salua. Tout mon corps n’aspirait.... . Pourtant, au prix d’un effort...
« Et j’avoue pratiquer l’activité peu avouable de voleur, un tel butin... » : Et j’avoue... voleur. Un tel butin...
« C’était la seule personne qui acceptait de me fréquenter, je le soupçonnais..., il parlait sans cesse... » : ... de me fréquenter. Je le soupçonnais de ne me voir ( un peu faible, le « voir ») que pour m’entendre ( me voir pour m’entendre, bof) ... voleur. Il parlait sans cesse...
« T’es dans de beaux draps, moi qui pensais te suggérer... » : T’es dans de beaux draps ! Je pensais te suggérer...
« Cette stupide querelle entre vous, sans son aide... » : ...entre vous ; sans son aide...
« ...aux endroits où ils devaient travailler, en effet les habitations... » : ...travailler ; en effet...
« elle me laissait une chance de m’exprimer, c’était inespéré... » : ... de m’exprimer : c’était inespéré...


Autres maladresses :
- hier soir : dans un récit au présent, oui ; au passé, on dit « la veille au soir »
- escaliers en colimaçon du...des... de... du général : lourd !
- scruter est un verbe qui se remarque, tu en abuses : regarder, dévisager, examiner... Idem pour le sourire niais de ton héros ; une fois ça va, après on pense vraiment qu’il est stupide
- mon esprit était tant occupé : tellement. Et « occupé » est un peu faible
- douce voix gutturale : guttural, ça veut dire rauque ; le mélange avec « douce » est un peu surprenant
- chaumières destinées à héberger le personnel du château qui se trouvaient à droite : « chaumières » est trop loin de « qui », ça rend la phrase confuse
- le toit de la chaumière du ... du ... des...
- et l’attente était un des atouts... : pas « et », « mais » ; et ce n’est pas l’attente qui est un atout, c’est la patience
- la chambre se vida pour aller manger : ce n’est pas la chambre qui va manger
- quelque chose que je n’avais pas commis : essaie d’éviter « quelque chose »
- ... que j’en avais assez commis : outre la répétition, la phrase est floue ; tiens, là aussi, le « pendu, mais c’était différent si... » demande à être revu question ponctuation
- D’hurler : de hurler (h aspiré)
- Je ne savais pas par où commencer tant de choses me venaient : ...commencer, tant de choses...
- Mon exposé : non ; ce n’est ni la fac ni le boulot


Répétitions :
- arriva / arriver ; je ne pus qu’enlever / que pouvais-je ; mon coeur battait / ses battements


Et maintenant, l’orthographe (quoi, tu croyais que j’allais te lâcher comme ça ? )
- femmes à la beauté si éblouissantes : éblouissante (la beauté)
- objets de grandes valeurs : grande valeur
- elle arrivât de nul part : arriva de nulle part
- mèches de cheveux blonds bouclées : bouclés (les cheveux)
- maintenant que je l’avais enfin retrouver : retrouvée
- Mon coeur bâtait : battait
- Cette aura de sympathie que vous m’avez inspiré : inspirée
- En proie aux doutes : au doute
- Ecouter ces leçons de morales : ses
- Les villages alentours : alentour (adverbe)
- Qu’elle aie pu me dénoncer me plonger : qu’elle ait pu me dénoncer me plongeait
- C’était sur : sûr
- Je haletai : haletais : c’est une action qui dure
- Me coutait : coûtait
- Il avait du se rendre compte : dû
- Dis Samuel : dit



Alors oui effectivement, quand on épluche un de tes textes comme ça, il y a de quoi se prendre la tête dans les mains et jurer qu’on n’écrira plus une ligne. Ca m’est arrivé récemment, on est d’abord désespéré, puis furieux... Laisse passer une nuit dessus. Et puis reprends le tout calmement. Tu as le droit de contester chacune de mes critiques.
Reprends les anciennes WA, lis les textes et leurs commentaires. Tu verras que d’autres que toi ont pas mal galéré au début, et puis ils ont travaillé, et ils ont progressé. Je ne cherche pas à te décourager, bien au contraire, mais comme je le dis souvent, à la manière de Brassens, « sans technique un don n’est rien qu’une sale manie ». Tu as besoin d’affiner la technique, et je suis là pour t’aider. Pourquoi je fais ça ? Parce que jouer à Pygmalion est terriblement excitant ! Et que la vie est une grande chaîne : tu reçois, tu donnes, c’est dans l’ordre des choses...

Le mieux serait que tu réécrives ce texte ; soit en l’éditant ( la petite icône la plus à gauche en haut du message, Fladnag a tout prévu, loué soit Fladnag !), soit en le juxtaposant ; de toute façon je l’ai imprimé, je pourrai comparer...
Allez, courage ! Ca n’est pas plus difficile que le ski... ou l’équitation... ou le patin à glace...
Narwa Roquen,non, l'écriture n'est pas un long fleuve tranquille...

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Hivernale  Ecrire à Hivernale

2010-11-17 14:48:21 

 (pas d'idée de titre ((et oui c'est maladif)))Détails
Tout d'abord, Narwa, je tiens à te remercier du temps que tu as passé à asticoter mon texte. N'ayant pas de lecteur avant c'est pas toujours évident d'arriver à voir ses propres erreurs. Mon texte publié est un peu ' brute ' je le reconnais, mais oui je vais le retravailler un peu.

Concernant la fin, je sais que la dernière phrase est quelque peu baclée, en fait la confrontation entre mon héros (qui a eu un nom mais qui ne me convenait plus) et Virevolte est déjà partiellement écrite, ou du moins imaginée. J'attends peut être juste un autre exercice pour mettre en scène tout ça. J'avais commencé à le mettre à la suite de mon texte initial, mais je vous raconte pas la longueur de l'histoire :-D

Concernant le titre, bah je sais, aucune imagination... désolée :-(

C'est vrai que certaines de mes phrases sont quelque peu rallongées, je vais y réfléchir, de manière surprenante aussi j'ai été un peu déroutée par la consigne de ne pas utiliser d'adverbe en -ment, d'où je pense quelques maladresses, j'aurais dû ouvrir le dictionnaire des synonymes. :-D

La sorcière est prévue elle aussi :-p

Bon j'y retourne, double travail il faut aussi que je revoie mon texte pour le WA n°85, je veux pas me faire taper sur les doigts pour cause de " fautes récurrentes ". :-D

Bonne après midi

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z653z  Ecrire à z653z

2010-11-17 16:30:20 

 Un sautoir si désiréDétails
L'histoire se déroule agréablement sans trop d'à-coups mais la fin m'a laissé sur ma faim.
Et un voleur habitué des lieux qui n'est pas au courant qu'une grande dame est déjà mariée.
Et le dernier paragraphe ne sert pas à grand chose si tu as une suite derrière. Je préfère des histoires qui se terminent en stimulant mon imagination.

Quelques autres trucs :
de ne pas avoir penser -- pensé
qui t'a volé soit punie -- volée
puis je lui expliquai tout -- expliquais (ça prend du temps)
je ne les avais pensé -- pensés

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-12-05 19:41:45 

 3615 code quinenveutDétails
Bravo pour ce pur exercice de style, élégant et distancié, qui pétille d’un humour retenu où tu croques un autoportrait savoureux et fais un joli clin d'oeil à notre rouge sorcière.

Tu imagines le vaccin définitif contre la maladie chronique qui épouvante tous les écrivains, célèbres ou en herbe, pire que la grippe H1N1, pire que le cri glaçant du percepteur qui réclame son fric, pire que les démangeaisons mal placées des conscrits qui sortent des BMC, oui, cette horrible impuissance qui étreint l’aventurier des mots devant la feuille blanche. Et plus encore, ceux qui doivent rendre leur devoir à heure dite.

Mais est-ce que Jean-Michel (quel laquais !) est aussi hostile que ça ? Moi, dès ce soir, je tape 3615 sur mon minitel!!

M

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Onirian  Ecrire à Onirian

2011-01-11 11:10:11 

 WA-Commentaire 84 - MaeglinDétails
Il y a toujours dans tes textes une vérité, quelque chose de... vrai.
J'ai relu Petite Elfe pour l'occasion. Tu sais jouer du réel en rectifiant les détails, pour le rendre merveilleux. C'est un talent rare, tu te livres tout en restant dissimulé par les mots.

Ce texte est vraiment excellent, et criant de vérité.

--
Onirian, qui n'ira pas voir le bouquiniste.
(pas tout de suite).

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Onirian  Ecrire à Onirian

2011-03-21 15:45:36 

 WA-Exercice 84 - Personnage hostileDétails
Aujourd'hui encore, quelque chose de léger, encore que Freud y verrai sans doute des choses étonnantes.

---
La musette


- Je veux une idée !
- Non.
- J'en ai besoin je te dis, c'est pour les WA.
- Je t'en ai déjà données, et tu les as rejetées. Il y en avait des bonnes pourtant. Celle du chien avec les clefs qui doit se faire soudoyer par un prisonnier, elle n'est pas bien peut-être ?
- Cette idée n'est même pas de toi. Ça vient d'un film, et tu le sais aussi bien que moi. Non, je voudrai quelque chose... Pas de plus grand... disons de plus original, qui sorte une peu de l'ordinaire.
- Des fourmis qui prient les dieux doigts pour obtenir de la nourriture ?
- Dans le bouquin, c'est les fourmis qui nourrissent les doigts.
- Et si tu te mettais à réfléchir au lieu de geindre ? Je ne veux plus de donner d'idées, tu ne les exploites pas, et ce ne sont pas tes ersatz de textes qui me feront changer d'avis.
- Mais ce n'est pas vrai ! Les lettres assassines, ça c'était une bonne idée, et j'ai écrit le texte !
- Écrit oui, mais retravaillé ? Les temps ne sont même pas cohérents entre eux ! Il ne suffit pas de jeter mes trouvailles sur le papier pour prétendre au titre d'auteur. Tu joues, tu t'amuses, tu rêves, ça oui, mais est-ce que tu écris ?
- Mais je ne peux pas écrire sans idée !
- Trouves-en toi même.
- Le héros qui demande à un mage noir un sortilège pour sauver sa dulcinée ?
- Cliché.
- Un type qui vend son âme au diable ?
- Déjà fait.
- Un remake de la cigale et la fourmi ?
- Vu, vu et revu et en plus, l'histoire doit finir bien.
- Un gars qui tente de soudoyer un fonctionnaire pour obtenir un visa ?
- Même toi tu n'y crois pas une seconde.
- Tu vois je suis nul ! Je n'y arrive pas. J'ai besoin d'aide, je veux une idée.
- A défaut d'idée, j'ai un conseil, et si tu arrêtais de te planquer derrière des prétextes bidon ?
- Pourquoi tu n'as pas dit fallacieux ?
- Parce que je suis ton subconscient et que dans ta tête, tu ne parles pas comme ça. Arrête de jouer. Des idées, j'en ai, plein même, mais je les garderai scellées.
- Pourquoi ?
- Tu ne les mérites pas.
- Quoi ? Tu es entrain de me dire qu'en plus de devenir schizophrène, je m'auto-puni ?
- Oui, sauf que ce n'est pas toi qui te puni, c'est moi.
- C'est pareil.
- Non. Tu as vu Fight Club ? Brad Pitt est plus beau que toi.
- J'ai une idée !
- Eh, mon boulot de plaît en vrai, vas-y, dis toujours. Par contre, pas question que je l'écrive à ta place.
- Quelqu'un qui veut imprimer un document et qui ne s'en sort pas avec son pc !
- Au moins, c'est un peu original. Faire d'un pc un personnage hostile, c'est osé. Mais tu as oublié un détail, le truc qui fait toute la différence.
- Quoi ?
- Tu n'as pas envie d'écrire cette histoire là.
- Eh merde.
- J'ai bon ?
- Question rhétorique, tu es moi.
- Non, moi je suis Brad Pitt et toi Caliméro.
- Caliméro toi même. T'es pas censée être une jolie damoiselle, vêtue de fine mousseline, me susurrant avec délicatesse mes idées aux oreilles ?
- Pas moyen, tu n'arriverais plus à te concentrer. Et puis pour la wa 69, je t'ai donné un titre qui est une pure merveille, et même quelques idées en prime. Il est où ton texte ?
- Je n'arrive pas à l'écrire.
- Des clous, t'es un fainéant.
- Mais je n'ai pas le temps !
- Pareil, je n'ai plus le temps d'avoir des idées. La vie trépidante, le boulot, les tracas quotidien. Triste monde tragique.
- Je n'aime pas quand tu es cynique.
- Parfois, ça fait de bonnes idées.
- Qu'importe si tu les gardes pour toi.
- Inutile de prendre ce ton aigri !
- Je ne suis pas aigri. Allez, soi sympa, donne moi une idée, pas grand chose... Je veux du léger, quelque chose qui ne prend pas la tête, qui soit amusant à écrire, et autant à lire.
- Tu es une andouille.
- Et toi Brad Pitt, oui la vie c'est moche parfois.
- Non, ton idée, ça fait un quart d'heure que je te la donne.
- Ah oui ?
- Oui.

--
Onirian & Onirian.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-03-24 23:01:30 

 Commentaire Onirian, exercice n°84Détails
C’est effectivement léger. Ca n’est pas dénué de talent, et la fin est astucieuse. Le principal reproche que je te ferai, c’est le côté « private joke » . Alors bien sûr, c’est un grand honneur pour nous tous, mais c’est inexploitable ailleurs que dans la WA. Donc tu as gaspillé ton talent et c’est un grand péché, mon fils ! Des millions de personnes sur terre donneraient la moitié de leur âme pour avoir ce don. Ne le brade jamais, même si c’est drôle.
L’idée est bonne. Pousse-la dans ses derniers retranchements. Enlève la WA, mets-y un concours de nouvelles quelconque.
C’est intéressant de nous montrer notre petit vélo mental, qui ne sert qu’à nous pourrir la vie. Mais tu pourrais y ajouter les « vieux dossiers », ceux qui ressortent toujours en cas de conflit intérieur, et dont l’émergence ne sert qu’à nous déprimer un peu plus... Et pourquoi pas une troisième voix ( le Moi, le Surmoi et le Ca ?), celle du sceptique qui regarde en rigolant les deux autres s’étriper. Ce n’est pas de la schizophrénie. C’est notre fonctionnement mental habituel, qui a le mérite malgré tout de nous préserver de la pensée unique du paranoïaque obsessionnel.
« Tu aurais dû amener la voiture au garage !
- Oui, mais j’ai pas eu le temps.
- C’est pas un peu fini, vous deux ? J’ai sommeil, on en reparle demain... »


Plonges-y, au coeur de ce débat souvent stérile qui nous pompe notre énergie, renvoie-nous de plein fouet dans notre plaisir morbide à ressasser des futilités, comme si on pouvait changer le passé... Tout ça pour échapper aux vraies questions... et dans quelle étagère... En en rajoutant un peu, tu peux nous conduire au bord du vertige...
Le titre est sympa. Triple jeu de mot entre le néologisme de « petite muse », le sac où l’on met la gamelle et le quignon de pain, et le bal popu où c’est toujours les mêmes rengaines...


Bricoles :
- virgules : je ne vais pas plus te lâcher que Maedhros ! « j’en ai besoin, je te dis », « des bonnes, pourtant », « elle n’est pas bien, peut-être », « tu vois, je suis nul »
- je voudrai quelque chose : voudrais
- je ne veux plus de donner : te
- entrain de devenir schizophrène : et moi, chèvre ! Je re-re-re-répète : tu écris avec ardeur, avec entrain ; je suis en train de t’engueuler !
- je m’auto-puni : punis
- ce n’est pas toi qui te puni : punis
- mon boulot de plaît en vrai : me ?
- les tracas quotidien : quotidiens
- soi sympa : sois


Je te rassure, nous avons tous dans nos tiroirs des dizaines de textes faciles qui nous ont bien amusés sur le moment. Mais ne t’imagine pas que cette fraternité, ni l’auto-flagellation dont tu uses et abuses dans le texte, m’inciteront à l’indulgence ! Brrr, je me fais peur à moi-même ! Pour cette fois, je ne te décapiterai pas de mon Ambaron flamboyante ! La rançon du talent, c’est que ton lecteur attend toujours le meilleur de toi. Ca, c’est très vache. Mais ce n’est pas faux.
Narwa Roquen,tu sèmes, je mets de l'engrais,et le lecteur récolte...

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z653z  Ecrire à z653z

2011-04-01 17:02:02 

 Maeglin ou pasDétails
C'est typiquement le genre d'idée que j'ai eue en lisant la WA de Maeglin.
Et dans un dialogue, c'est plus facile d'enlever les adverbes en -ment.
Sinon, c'est un peu trop léger et ça tourne vite en rond ; et l'idée de faire mine de refuser de dire quelque chose tout en le disant quand même, on me l'a souvent fait.



PS : Et pour ce qui est de Brader....

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