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Chevelure Ondine

Chevelure ondine
Mon envie s'en mêle
Ma sylphe s'ennuie
D'averses nuptiales
On dit que la nuit
Elle se change en arbre
Son écorce est douce
J'épouse son corps
Effeuillant son âme


Ma chère sylphe,

Vous êtes assise à quelques embrassées de mon coeur et je vous aime. J'aime votre attention délicate de tous les instants lorsque vous semblez écouter nos professeurs. J'aime les délicates manoeuvres que vous déployez pour glisser dans l'alcôve de votre chevelure quelques bavardages à votre voisine. J'aime quand vos yeux s'éclairent, intrigués lorsque nos regards se croisent et se défient quelques secondes. J'adore vos changements de plumes minutieux. J'aime vos cheveux, bien sûr, entre châtaignes et blés, ondulant dans le lit de votre dos gracieux. J'aime les roses sur vos joues fraîches, le creux de vos épaules où s'endorment quelques unes de vos mèches.
J'aime l'évanescence discrète de votre présence sur cette terre.

Je vous aime les matins d'hiver, le visage rosi par le froid, l'oeil ensommeillé en quête de chaleur humaine, les cheveux encore humides de ces douches qui vous tirent de la torpeur des rêves. Ces songes qui s'effilochent dans votre sillage comme une aura de mondes imaginaires.

Je vous aime méditerranéenne, alanguie et heureuse, couverte de couleurs et d'amour. Source généreuse et fraîche dans les canicules de votre demi-sommeil. Je vous imagine donner à nos jeux la légitimité de la grâce, où le soleil ne serait qu'un prétexte pour se reposer à l'ombre de votre corps. Je vous imagine vivre de ces fruits gorgés de sucre, dans la moiteur des nuits violettes. Je vous vois déguster l'ivresse des vins rosés, le contact agréable de votre peau sur le verre glacé et ruisselant. Votre regard serait pourpre, vos hanches espagnoles dans les accords improvisés de guitares claires. Je vous aimerai créature du feu, abandonnant la retenue pour la passion des azurs brûlants.

Je vous aime à l'ombre des platanes du Nord de l'Italie, dans la clameur orageuse des étés agonisants. J'imagine ces gens tournoyant autour de votre bonheur, leurs danses et leurs chants emplissant les terrasses d'une joie empruntée aux rires des enfants. Je vous imagine trempée par une averse purificatrice, fleurie d'une robe épousant votre corps fébrile, dévalant les pentes humides à travers les pins et les chênes verts pour rejoindre le lit qu'aura fait la rivière, au détour d'une montagne vieillie par la sérénité du temps. Et vous, jeunesse éperdue, vous remonteriez le courant, laissant l'eau innocente se faufiler entre vos jambes, pour faire jaillir à la source du torrent un flot de passion plus puissant encore où se mêleront votre soif de vie et mon désir de l'abreuver de béatitude.

Je vous aime dans les embruns amers d'un loch écossais, le vent chargé d'humeurs maussades arrachées aux reflets noirs et verts de l'onde palpitante. A travers les brumes sifflantes, les sources pleureraient pour vous toutes les larmes de cette terre gorgée de tristesses émouvantes, simples filets d'argent suspendus au ciel bas où peinent des corneilles dans les bourrasques coléreuses.
J'aime vos pas agiles dans les fougères rouges où s'enchevêtrent les ronces, comme un coeur pris au piège de ses propres défenses. J'aime l'humilité qui vous fera baisser la tête lorsque pleureront les nuages sur l'automne endeuillé. Recueillir au creux de vos mains cette pluie millénaire, baptême de notre devenir, et au creux de vos lèvres la chaleur d'un baiser fugitif.

Je vous aime caressée de douces certitudes au soleil naissant. La forêt frémissante, auréolée de givre auquel vos pas font fredonner un hymne à l'automne normand. Dans les sous-bois humides aux odeurs de terre grasse, vous seriez l'elfe gracieux émergeant des nappes de brume qui encerclent les lacs, la nymphe chantante aux accents féeriques, créature charmeuse et farouche de mes imaginaires. Je vous aime enlacée au creux de mon hêtre, un instant arbre, un instant homme, réveillant sous l'écorce vieillie et les mousses des sèves assoupies par votre absence. Sylphe bienveillante à l'orée des prairies, vous rendez à mes promenades l'exaltation de l'espoir reconquis. Je vous aime aussi à mon bras, sur des chemins argileux parsemés de châtaignes à la saveur âpre et tiède. Nous en garderions quelques-unes dans nos poches rebondies, songeant au foyer crépitant de chaleur apaisante auprès duquel nous sacrifierons ces offrandes champêtres à quelque esprit des bois, savourant une délicieuse boisson acide et sucrée dont seules les pommes rabougries de ce pays discret gardent le secret dans leurs chairs torturées.

Lorsque vous serez lasse des balades forestières qui peuvent mettre le coeur en tristesse, au lieu de sécher vos larmes languissantes je goûterai le sel de vos lèvres océanes auprès d'une mer agitée par ses amours intérieures. Puisse sa force vous inonder de la plénitude de l'infini lorsque le doute éternel des marées vous caressera de ses cruelles allées et venues, car assis dans les dunes mouvantes j'essayerais en vain de vous retenir comme cette poignée de sable trop fin qui s'égrène impitoyablement au vent maritime.

Je vous aime assise en face de moi, mêlant aux badinages de notre première rencontre des sourires pleins d'un espoir fou. J'aime vous voir lire, j'aime vous voir vagabonder de mots en mots en quête d'un sens pourtant si évident à mes yeux aveuglés par votre lumière. Cette après-midi d'un printemps naissant, où le coeur léger je n'osais imaginer que vous seriez là, où le hasard m'a conduit devant vous avec tant d'ingénuité et de malice. Plaisirs volés aux battements de vos paupières, à votre rire limpide. J'aime votre voix, fille de votre âme, une voix de poèmes frais et chantants, une voix de ruisseau à l'onde claire qui caresse les mots comme des galets. Je m'y suis penché, et j'ai trouvé sous quelques pierres polies par vos phrases un filet d'or, quelques pépites de vous que je garde comme le trésor, le premier, que j'ai de notre liaison.

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© Maeglin



Publication : 17 octobre 2003
Dernière modification : 07 novembre 2006


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