Noir. Froid et douleur. La douceur est loin, oubliée, à jamais perdue. Mes ravisseurs arpentent sans fin le couloir humide qui donne sur ma cellule. Leurs pieds sales d'orcs et leurs grognements inhumains hantent les rêves qui peuplent ma nuit éternelle. Pourtant j'ai connu le soleil... j'ai connu la fraîcheur de l'herbe mouillée de la rosée du matin. Là-bas, dans les hauts branchages accueillants de la forêt, j'ai vécu une autre vie. J'étais libre... insouciant. La nature complotait tendrement chaque jour à me cacher les reflets de l'existence de lieux tels que ceux où mon temps s'écoule à présent. Bientôt ils reviendront, ils reviennent toujours. Bientôt cela cessera, lorsque mon âme aura oublié jusqu'à l'odeur des feuilles de l'automne, ou lorsqu'une violence trop intense sera infligée à mon corps meurtri par d'interminables séances identiques, alors je rejoindrai la terre d'où je viens.
Loman travaillait pour la Cellule. Un travail ennuyeux où personne ne restait longtemps... pourtant cela faisait cinq ans qu'il l'occupait. S'il avait tenu aussi longtemps, c'était grâce à son imagination. Ses collègues le surprenaient parfois, nez sur l'un des moniteurs, à parler à telle ou telle personne, l'appelant par un nom imaginaire. Bien sûr, cela ne sortait pas de la salle de contrôle, mais tous le pensaient un petit peu fou... Cependant, il n'avait jamais été violent, et s'il voulait inventer des vies à ceux qu'il surveillait... Quel pouvait être le mal...
Loman avait une exceptionnelle mémoire des visages, c'était d'ailleurs un critère indispensable pour ce travail. Il regarda machinalement vers le mur couvert des photos, portraits robots, ou descriptions sommaires des personnes recherchées par l'Organisme. Puis son regard glissa sur la pendule au-dessus qui indiquait 16h42. Il se retourna soudain car c'était l'heure ! Kristine (c'était le nom qu'il lui avait donné) apparaissait justement sur le bord d'un écran, respectant encore une fois ce manège singulier entrepris il y avait maintenant six mois. Elle se dirigea vers un kiosque à journaux, acheta "L'esprit de Communauté", le journal officiel de l'Organisme, puis disparut un instant des écrans. Loman la retrouva trente secondes plus tard entrant dans le parc, s'asseyant sur un banc, déchirant lentement la page centrale et la roulant en boule dans sa poche. Cette attitude était déjà suspecte, car détruire ou endommager un objet venant de l'Organisme pouvait faire sursauter les honnêtes citoyens. Mais le manège ne s'arrêtait pas là. Après avoir fixé pendant deux minutes le lac où des couples d'amoureux s'adonnaient aux joies du pédalo, elle se leva, ramassa le journal posé à côté d'elle, le jeta négligemment dans la première poubelle sans l'avoir lu, puis continua sa marche rapide jusqu'à l'entrée du parc. Là, elle sortit la boule de la page centrale de sa poche, et la jeta dans une deuxième poubelle, puis s'éloigna rapidement et Loman la perdit de vue.
Il lui avait fallu trois semaines, et donc neuf journaux déchirés, pour trouver les images à envoyer sur les dix écrans en face de lui, reliés à cinq cent trente-deux caméras de surveillance du secteur Ouest de la ville, afin de reconstituer ces dix minutes de vie, se répétant inlassablement depuis ces derniers mois.
Elle dépassait en beauté tout ce que Loman avait pu voir, ou même rêver, sur ses écrans. Sa manière de se déplacer et de se mouvoir était féline et agile. Jamais elle ne percutait un passant, s'écartant promptement de toute source d'agitation. Sa manière de sourire pour remercier le commerçant du kiosque lorsqu'il lui rendait sa monnaie, cette glace à la vanille un jour offerte à une petite fille qui s'était fait mal en tombant dans le parc, tout cela avait définitivement achevé de rendre Loman éperdument amoureux de cette inconnue. Son inconnue.
Puisse Manwë m'envoyer sa force pour résister aux tourments de mes bourreaux. Jamais encore les orcs ne l'avaient torturé si longtemps. Il était nu, attaché à une chaise par des fils de fer qui lui brûlaient les poignets. Je vous en prie, par le soleil et par la lune, par la terre et par le ciel, que cesse cette douleur... Pourquoi dois-je souffrir autant... Je ne comprends pas ce qu'ils me demandent. Le son du Noir Parler agresse et meurtrit mes oreilles, je dois m'y habituer toutefois car j'arrive encore à distinguer leurs paroles, et comprendre le sens de leurs demandes. Ils voudraient... que je leur dise... que je trahisse... mes... "compagnons" ? Sans doute. Ils parlent d'un acte horrible perpétré par l'un d'eux, je ne comprends pas le mot, même si j'ai l'impression de l'avoir compris un jour, mais je peux sentir leur haine lorsqu'ils le prononcent. Ils veulent que je leur parle de la sorcière qui habite la forêt, celle qui est responsable de cet acte. Je me raccroche à cette pensée... il a existé une sorcière... qui était-elle ? Je ne me souviens d'aucune sorcière, ai-je vécu ailleurs que dans cette prison ? Oui, je me souviens des arbres. Etais-je seul ? Des ombres passent dans mon esprit, et je prends peur de découvrir qu'elles ne sont que celles de mes bourreaux. Je sens comme un claquement qui intervient, puis je glisse vers de profondes et sombres ténèbres et remercie les miséricordieux Valar de m'accorder enfin le repos...
A nouveau seul. L'heure n'était pas encore venue pour moi, et me voila à nouveau sur ce sol humide de terre battue. Au moins n'est-il pas artificiel comme les murs qui m'entourent, je peux presque sentir le battement de coeur des arbres de la forêt en collant mes oreilles contre le sol... entre deux passages de rondes dans le couloir... Cela fait maintenant trois jours qu'ils ne sont pas revenus, peut-être me laisseront-ils tranquille à l'avenir ?
Vers onze heures du soir, dans la nuit du samedi au dimanche, une violente explosion a gravement endommagé la Maison des Lois, où le Congrès de notre merveilleux Organisme se réunit habituellement pour discuter et adopter les textes de lois qui ont fondé notre magnifique société. Les représentants de la Cellule ont aussitôt évoqué la possibilité d'une attaque terroriste menée par le nouveau groupe rebelle autoproclamé "Vie et Liberté". Hypothèse confirmée lors de l'arrestation quelques heures plus tard, par l'équipe d'intervention rapide, d'un membre du groupe actuellement détenu à la prison de Vrilikh pour interrogatoire. Si aucune perte humaine n'est à déplorer, la Maison des Lois restera fermée pendant au moins trois mois. Le Congrès se réunira donc dans une annexe de l'Antichambre des Sentences, sous bonne garde cette fois-ci, le temps que les coupables soient trouvés et exécutés. N'hésitez pas, citoyens, à dénoncer tout comportement suspect, la prochaine cible de ces extrémistes sanguinaires pourrait être l'école de vos enfants. Gloire à l'Organisme ! Gloire au Congrès !
A la Une de l'Esprit de Communauté,
23 janvier A541
Loman savait bien au fond de lui qu'il aurait dû en parler, faire un rapport, et constater, comme toujours, quelques jours plus tard, la disparition définitive de ses écrans de la personne dénoncée... mais il gardait ce secret... car il n'imaginait plus de vivre sans ses rendez-vous avec sa Kristine. Il sentait depuis quelque temps une lassitude s'immiscer dans son travail lorsqu'il l'avait découverte... Il ne venait travailler que pour pouvoir la contempler à nouveau. Ainsi, lorsqu'elle changea son rituel, Loman sentit un froid terrible envahir son coeur. Rien n'est éternel, mais si vite ? Il la regarda tristement jeter le journal sans en avoir déchiré la page centrale en espérant qu'elle serait à nouveau là dans deux jours, commençant un nouveau rituel. S'apercevant également qu'il ne pouvait plus la dénoncer, car il avait trop tardé... Des conséquences retomberaient sur lui s'il parlait maintenant de la destruction des journaux des semaines passées.
"Le Corridor" était un bar à l'extrémité Ouest de la ville. Il avait su garder cette ambiance feutrée et légèrement enfumée tant appréciée par ses habitués. La fumée était artificielle évidemment et non nocive comme avant, toutes les drogues ayant été purgées de l'Organisme à sa création.
Nitalea franchit la porte et après un regard un peu perdu sur le bar, sa vision s'accommoda et elle se dirigea lentement vers une table vide du fond. Elle s'assit seule, le dos appuyé sur la banquette. Une serveuse vint rapidement prendre sa commande et bientôt elle avait devant elle une "Désespérance". Elle ne la porta pas à ses lèvres, mais resta immobile, comme perdue dans ses pensées.
"Buvez un peu, sinon votre comportement sera suspect !"
La voix venait de derrière elle. De l'autre coté de la banquette, un homme était assis sirotant sa chope. Un sourire passa sur le visage de Nitalea, l'illuminant un peu plus, puis elle se laissa envahir par le goût doux-amer de sa Désespérance.
"Nous ne risquons rien ici voyons, vous en faites trop", adressa t-elle à son verre.
"Je suis toujours en vie, et je ne suis pas à Vrilikh, cela me suffit comme justification."
Le nom de la prison d'état la fit frissonner.
"- Est-ce là que ...
- Oui.
- Mon pauvre Ithaneel...
- Ne prononcez pas son nom !
- Désolé... est-il... toujours en vie ?
- Il l'était ce matin, et devrait le rester. Il devrait être... relâché bientôt."
Une vague d'inquiétude chassa le soulagement visible sur le visage de Nitalea.
"- Relâché ? Est-ce qu'il aurait...
- Non, il n'a pas parlé. Il... vous verrez.
- Qu'est-ce qu'ils lui ont fait !"
Nitalea s'aperçut un peu trop tard qu'elle avait parlé à voix haute au lieu de chuchoter. Des visages se tournèrent vers elle, et elle s'enfonça sur son siège, parlant à sa chope, mimant le refuge de l'alcool. Bientôt les têtes se détournèrent et le chuchotement reprit.
"- Dans deux semaines, sous le pont de la troisième rue des carrés.
- Attendez, vous ne m'avez pas dit ce qu..."
Nitalea entendit un léger frottement derrière elle et se retourna : il n'y avait plus personne.
J'ai vécu parmi les arbres. C'est maintenant une certitude. Je me réveillais au contact de leurs légers bruissements. A côté de moi... une ombre ? Non... Nous ne faisions qu'un souvent. Nous... Mes larmes sillonnent mon visage, je ne parviens plus à me rappeler. L'attente est un vrai soulagement comparée aux épreuves passées... pourtant elle devient de plus en plus difficile à supporter. Peut-être est-ce une nouvelle forme de torture. Les orcs de Sauron n'ont pas l'air d'attendre encore quelque chose de moi. Je pense lire dans leurs yeux porcins du mépris et non plus des questions. Du mépris et quelque chose d'autre... de la compassion peut- être... non, je dois me tromper... qui peut se vanter de lire correctement dans les yeux d'un orc ?
Les rêves sont revenus. Je me voyais dans une armée d'ombres, nous nous servions d'objets bizarres, des sortes de bâtons courbes d'un noir terne finement ouvragé. Certains orcs en avaient dans la salle d'interrogatoire. Serais-je un orc qui rêve d'être un elfe ? Soudain un souvenir refait surface. Je me souviens d'un visage... encadré par des boucles brunes et rebelles, elle sourit... elle prononce mon nom... je ne l'entends pas, mais je vois sa langue lorsqu'elle le prononce, comme pour la sonorité "t" ou "d". Je passe plusieurs heures à essayer de reconstituer mon nom... Echterion, Thingol, Doriath, tous ces noms me sont familiers, mais aucun n'est le mien... Elle a un nom également, mais il danse derrière la brume qui obscurcit mon esprit. Je... l'aimais ? Je crois. Nous vivions à côté de la rivière, j'entends le clapotis de l'eau. Notre maison était baignée de la lumière de plusieurs soleils parfois aveuglants. Ses murs étaient recouverts de lierre et de plantes grimpantes. Une odeur entêtante d'automne envahissait tout... Je crois me rappeler... Son nom... son nom...
"Beren..."
Je me réveille en sursaut ! C'était mon nom ! J'ai entendu sa voix ! Je pleure devant l'amour contenu dans le ton de sa voix. Ce n'était pas "t" ou "d" mais le son "en" qui découvrait sa langue... Je prononce mon nom, encore et encore, le gravant à nouveau dans ma tête. D'autres souvenirs me reviennent. J'aimerais retrouver son nom... Je vois des milliers d'images incompréhensibles défiler sous mes paupières closes. Les images infinies des siècles de vie d'un elfe. Au bout d'un moment, je m'aperçois que je peux interrompre temporairement cette danse au prix d'un gros effort de volonté.
"- Viendras-tu avec nous combattre les armées de Sauron ?
- Je te suivrai n'importe où, mon amour, ma douce Lúthien, rien ne me séparera de toi."
Le rire de Lúthien envahit la pièce et elle s'approcha pour sceller leurs lèvres.
Lúthien... ô ma Lúthien... une chaleur sans précédent me réchauffe à présent, des larmes de soulagement s'écoulent en silence, et je m'endors en prononçant son nom.
Elle enfila sa combinaison. Son sac était déjà prêt. Tout le nécessaire était à l'intérieur. Elle porta une main à son coté pour vérifier la présence de l'arme, elle était nerveuse. Son regard se porta sur la pièce où elle avait pleuré de nombreuses nuits, seule, cultivant un espoir insensé. Chaque objet lui rappelait une scène de douceur et d'amour avec Ithaneel.
"- Notre amour traversera les âges et le temps, ma Lúthien.
- Lúthien ? Qui est-ce ?
- Une elfe qui sacrifia son immortalité pour aimer un humain, Beren, défiant son peuple et les condamnant à l'exclusion. La plus belle des histoires d'amour.
- Voyons voir si tu vaux mon immortalité... Beren."
Nitalea chassa le souvenir et essuya ses larmes. Elle était prête. Elle s'engagea dans le sombre tunnel.
Sa pire crainte s'était réalisée : elle n'était plus revenue au kiosque le surlendemain. Loman scrutait les écrans avec ardeur, pianotant sur les touches qui faisaient défiler les cinq cent trente-deux sources sur les dix écrans. Depuis hier il avait déjà signalé quatre personnes suspectes, mais ses collègues sentaient bien que son comportement n'était pas normal. Il ne parlait plus à ses écrans, on sentait une sourde colère teintée d'intense déception à son approche. Il arrivait tôt et partait tard... il ne mangeait plus. Au bout de six jours de ce rythme, ses yeux rougis faisaient peur à voir. Ses collègues le signalèrent et on l'emmena. "L'Organisme sait s'occuper de ses enfants" murmurèrent-ils pour se rassurer.
Le pont de la troisième rue des carrés était situé dans le secteur Nord de la ville, bien loin de la base rebelle, mais toujours relié à elle par le réseau souterrain parcourant la cité. Une silhouette sortit d'une bouche d'égoût proche et enleva la combinaison protectrice qui la recouvrait. Lorsque la capuche se rabattit, le visage de Nitalea apparut. Cachant sa combinaison derrière une poubelle publique, elle se dirigea à pas de loup vers l'ombre du pont.
Un homme en surgit alors qu'elle était à une dizaine de mètres. Il s'agissait de l'homme du bar. Il regarda encore une fois autour de lui, s'apprêtant à fuir au moindre mouvement suspect, puis il pencha la tête sur le coté et quand il fut satisfait du silence alentour, il se permit de sourire à la jeune femme.
"- Encore un, et je sais que celui-ci a beaucoup de valeur pour vous.
- N'espérez pas un paiement supplémentaire, nous avons un contrat bien défini.
- Un contrat ! Ah ! Il n'a aucune valeur et vous le savez bien... mais je plaisantais. Vous dénoncer serait me conduire moi-même au crématorium... mais par la grande porte cette fois- ci. Je préfère notre arrangement... Je n'aime pas trop conduire ces pauvres bougres à la mort."
Il refit un pas dans l'ombre et ramena une silhouette jusqu'à présent prostrée contre l'arcade.
"- Il a les yeux bandés, il est resté dans l'obscurité trop longtemps, et la lumière le blesserait pour l'instant. J'ai aussi couvert ses oreilles car il aurait eu peur du bruit."
Nitalea s'approcha de l'homme amaigri et sale et entreprit de dénouer ses liens.
"- Vous ne devriez peut-être pas... il risque de ne pas vous reconnaître, vous savez... Ils ne jouent pas là-bas."
Nitalea ne l'écoutait pas, et l'homme s'éloigna lentement, ne voulant pas risquer d'être vu plus longtemps en sa compagnie.
Lúthien... je rêve d'elle chaque nuit maintenant... Elle m'apporte sa douceur inlassablement. Je m'abandonne complètement au sommeil car je sais qu'elle m'attend là-bas. Je dors la plupart du temps et ai cessé de compter les repas, seul fragile lien temporel qui me reste. Puis ils viennent me chercher à nouveau et je sais que c'est la dernière. Ils m'attachent les mains, me traînent et me portent le long de couloirs trop lumineux lorsque mes jambes se dérobent sous moi, ayant perdu l'habitude de marcher. Ils me jettent dans une salle aux murs jaunes, où d'autres personnes attendent la mort. Je ferme mes paupières et mets ma tête dans mes mains pour lutter contre l'intense luminosité. J'attends. Je dors. On me secoue et on me relève. C'est mon tour.
On me conduit jusqu'à l'entrée ovale d'un tunnel apparemment sans fin. Une vague de chaleur sort du tunnel. On me pousse dedans et je marche. Je ne peux pas revenir en arrière, quelque chose m'attire inexorablement en avant. Mon corps veut de la chaleur plus que tout autre chose. Tel un papillon de nuit, je m'approche de ma fin. Un courant d'air me surprend. Une ouverture s'est dessinée devant moi, je la distingue à peine dans l'uniformité du tunnel maintenant rouge sombre. Un homme en sort, me bande les yeux et les oreilles et je n'ai d'autres choix que de le suivre. Ce n'est que lorsque je sors du tunnel que je m'aperçois du silence. Une douce musique répétitive qui me fascinait dans le tunnel et qui a disparu. Je marche encore, poussé par cet homme que je ne connais pas. Je trébuche souvent et il me relève. Mes jambes sont toujours faibles, mais il n'en tient pas compte. Soudain il me pousse et je tombe sur une surface différente, plus haute que le sol - du métal. Je gémis.
Il pousse mes jambes sur le plateau et m'abandonne.
Le métal vibre sous moi, je suis secoué et je comprends que je dois être transporté ailleurs, même si je ne reconnais aucune allure habituelle de cheval ou d'oliphant.
Je m'endors et rêve à nouveau d'elle... Je l'appelle dans mon rêve et elle vient vers moi. Elle me parle à l'oreille, me rassure, me caressant la peau du cou de ses lèvres au gré de ses baisers. Je me sens si bien.
Le froid à nouveau. Une personne me tire en arrière et je fais quelques pas avec elle. Le terrain est plus accidenté, c'est de la terre. L'air n'est plus artificiel, même s'il est vicié par des produits nauséabonds. J'inspire pour la première fois depuis des siècles et emplis mes poumons. Je sens la chaleur naturelle du vrai soleil sur ma peau, mes poils se hérissent en réaction, un frisson de bonheur me parcourt. Puis l'ombre revient et la chaleur disparaît, mais je ne proteste pas... Ai-je jamais protesté ? La personne m'appuie contre de la pierre humide, et je perçois une source d'eau proche. Je m'affaisse afin de me rapprocher du sol nourricier et de caresser tendrement les quelques brindilles ayant poussé entre les pierres et le sol. Leur contact me semble prendre des heures. Enfin, je suis à nouveau relevé et poussé en avant dans la lumière. Une autre personne m'arrête en posant sa main sur ma poitrine. Une vague odeur d'automne envahit mon nez.
Les liens défaits, Nitalea enleva doucement le bandeau protégeant les yeux et les oreilles...
Je garde mes paupières closes, mon coeur bat plus vite. Je sais bien à qui doit appartenir cette odeur d'automne, mais je crois que je deviendrais fou si j'ouvrais les yeux et m'apercevais que ce n'était qu'une autre torture imaginée par les orcs... Pourtant il faut que je sache...
Lentement, mes paupières battent et laissent entrer un peu de lumière... Le visage inquiet de ma Lúthien envahit mon cerveau. Je pense que je rêve, mais je l'appelle...
"Lúthien..."
L'inquiétude s'efface et bientôt, son souffle chaud dans mon cou, je lui rends son étreinte. Nous sommes restés enlacés jusqu'à ce que mes bras me fassent mal. Elle me murmurait des paroles réconfortantes, et je sentais ses chaudes larmes réchauffer mes épaules. Je l'appelle à nouveau "Lúthien" et elle m'embrasse. Il ne s'agit plus d'un rêve... Je lui rends son baiser puis lui chuchote "retournons dans la forêt... retournons chez nous... là où mille soleils réchauffent le jour éternel". Elle s'éloigne alors et me regarde étrangement. Elle prononce un nom que je ne connais pas. Ou alors je l'ai connu, il y a très longtemps. Mais mon absence de réaction emplit à nouveau ses yeux de larmes...
"- Que t'ont-ils fait... Beren... qu'ai-je fait...
- Lúthien... c'est ton souvenir qui m'a permis de tenir... lorsque les orcs me torturaient... les Valar ne m'ont pas abandonné."
Lúthien conduisit Beren jusqu'à la plaque donnant sur le monde souterrain. Elle l'habilla d'une combinaison sentant bon l'automne à l'intérieur, le parfum artificiel couvrant celui, moins agréable, du monde souterrain. Ils descendirent plusieurs degrés de marches et marchèrent longtemps. Ils firent des pauses, mais la vue de Lúthien redonnait à Beren la force de continuer. Puis ils traversèrent une zone que des tuyaux verticaux traversaient de part en part. Chacun était aussi large qu'un arbre centenaire. Enfin, ils croisèrent d'autres personnes qui les saluaient avec révérence. Beren se disait qu'ils ressemblaient étrangement à ses compagnons de la forêt. Puis ils franchirent un sas qui protégeait une pièce éclairée par de puissants projecteurs. Ici les combinaisons étaient inutiles car le parfum d'automne circulait dans le système de ventilation de la base. Les murs artificiels étaient recouverts de lierre, et des tuyaux au plafond provenaient le doux clapotis de l'eau. Beren sourit à Lúthien. Il était heureux. Il était rentré chez lui.
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le 27-04-2006 à 10h42 | Réussi | |
Je n'ai pas encore lu tous les textes, mais j'avoue avoir bien aimé celui-ci. Petite remarque pour le commentaire de Zogrot en particulier. Ce n'est pas un lien avec le SDA mais avec le Silmarillon. D'autre part je trouve que le monde totalitaire ici dépeint peut tou à fait se rapprocher de celui décrit dans le Silmarillon et le SDA. Dans le 1° cas c'est Morgoth qui est le mal personnifié et dan... | ||
le 20-04-2006 à 17h26 | La palme! | |
C'est de loin le texte que je préfère. L'histoire est bien construite, bien menée, et dans le plus pur esprit Tolkienien ( Beren et Luthien étaient ses personnages préférés, et il s'y identifiait avec sa femme). Ah certes, impossible de le lire en écoutant la radio, car si le style est précis, la pensée est concise - preuve ultime d'un talent maîtrisé... | ||
le 19-04-2006 à 01h36 | Calomnie! | |
Tous les orcs ne sont pas sales!!! C'est agréable à lire mais le lien entre le SDA et l'utopie totalitaire est un peu dure à faire... Dans le dernier paragraphe, tu aurais peut être pu rapprocher un peu plus les comparaisons entres les deux mondes. Je pense que ça aurait facilité le lien. | ||
le 13-04-2006 à 17h49 | On finit par deviner que les deux histoires vont se rejoindre.. | |
... au moment de la scène du bar... Par contre, je ne comprends pas trop l'opposition entre le monde d'en haut et celui d'en bas... A part la prison, ils ont l'air proches. Il y a des passage très détaillés et d'autres trop succints, j'ai eu du mal avec ces changements de rythme. | ||
le 10-04-2006 à 16h06 | Rêve halluciné | |
Drame romantique. Deux histoires se déroulent en parallèle qui finissent par se rejoindre. Je ne suis malheureusement pas sûre d’avoir tout compris… Le style est sûr et fluide, quoique j’apprécierais d’avantage de description des personnages principaux. Le ton est onirique et la fin surprenante. Je ne sais pas trop quoi en penser mais c’est peut-être intentionnel. |