Nous étions immortels et vivions heureux sur notre petite île. Seul le nombre des poissons nageant dans l'eau était incalculable.
Un jour, nos yeux se sont posés sur une autre île surgie face à la nôtre et en tout point semblable. Nous avons compté et reconnu nos maisons, nos livres, nos arbres, nos animaux et tous nos grains de sable. Comme vous l'aviez remarqué, nous-mêmes nous n'y étions pas...
- En face, nous sommes transparents, expliqua quelqu'un.
- En ce cas, pourquoi pas les oiseaux ?
- Nous n'y sommes pas, dit un autre, tant que nous sommes là.
- Il y aura donc toujours une île sans nous ?
L'idée d'aller vérifier faisait timidement son chemin quand un oeil avisé aperçut soudain un oiseau de plus en face (minuscule, certes, mais tout de même). Il ne tarda pas à grossir et à siffler de branche en branche.
Désormais, nous scrutions tous l'île d'en face découvrant qui une fleur, qui un arbre, qui une fourmi de plus (minuscule, certes, mais tout de même). Seul le nombre des poissons restait incalculable.
Tremblants de peur, les plus curieux traversèrent au point le plus chaud du jour les quelques vagues qui les séparaient de l'île voisine. Les vapeurs montées de l'eau nous empêchèrent de les voir accoster.
Dès l'aube, nous pûmes les saluer. Ils bricolaient leurs maisons, lisaient des livres, écoutaient les oiseaux (qu'ils avaient en plus grande abondance) tout comme nous le faisions nous-mêmes. Dès que le soleil se levait, les vapeurs rendaient à nouveau l'horizon flou, impénétrable.
D'autres se joignirent à eux, suivis par d'autres. Nous n'étions plus qu'une poignée d'immortels à nous prélasser sur notre île et à plaisanter que de l'autre côté, ils ne savaient pas ce qu'ils perdaient !
- Peut-être qu'en face, observa quelqu'un, la vie est encore meilleure ?
La discussion fut brutalement interrompue par un cri terrifiant qui parvint à nos oreilles. Il empêcha plusieurs nuits les deux îles de dormir.
Le cri se transforma peu à peu en petits grelots saccadés, agréables à entendre, puis en mots articulés, le plus souvent lents et paisibles comme le chant de l'oiseau-lyre. Séduits, les derniers immortels changèrent d'île. Méfiante, je restais sur la mienne.
J'y serais encore si elle n'avait pas commencé à perdre ses attraits. Nos cocotiers commencèrent à sécher. Nos livres, nos maisons, tout y passa. Les sources devinrent flaques, puis gouttes, puis l'île entière prit l'apparence d'un petit tas de sable.
J'ai croisé la dernière fourmi et senti dans ma bouche le goût salé de l'eau qui recouvrait le peu qui restait de mon monde. J'ai lentement rejoint l'autre à la nage.
J'ai trouvé les miens changés. Le visage radieux, le dos droit, les yeux vifs, ils m'expliquèrent fièrement l'origine du cri terrifiant. J'avoue que la vue d'un nouveau né m'inquiéta encore plus que son cri. Il me sembla que le pire serait que cette chose grimaçante, gesticulante et réclamant sans cesse à manger, pût m'arriver à moi aussi !
Je ne me souviens plus à quel instant (tellement je suis devenue rose) un homme me trouva aussi belle, dit-il, que toutes les étoiles du ciel qui est sans fond. Avec lui, ma vie prit doucement un sens sur l'île d'en face.
Un soir, je suis morte en laissant à nos enfants le soin d'illustrer ces pages.
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