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L'Attente

Je partirai.

Pour l'instant, mes yeux se perdent une nouvelle fois dans le reflux des vagues. Une mouette égarée me parle depuis le ciel. Toujours la même rengaine. "Vas-yyy, vas-yyy".

Mon esprit vagabonde et se souvient encore une fois d'elle. Elle. Je l'ai aperçue sur la plage un jour, alors que je ne pensais pas vivre aussi longtemps. Nos regards se sont croisés, puis se sont détournés. Nous n'étions encore que deux étrangers. Mais le temps nous lia, bien plus que ne peut le faire un instant fugace d'amour intense. Nous étions chacun à nous-mêmes, mais aucun ne songeait sans l'autre. Puis vint la vague, et avec elle le départ ; les adieux, les "au revoir", les "à bientôt". Ou pire, les "pour toujours" et autres "à jamais". Maintenant, elle se trouve de l'autre côté de ce désert froid et humide, et moi ici, seul.

Elle n'a pas voulu que je l'accompagne, disant que cela devait être son voyage, et non le mien. Alors, résigné, j'ai regardé les vagues comme maintenant, et j'ai cherché la raison dans les reflets blancs et bleus de l'écume.

J'ai toujours cherché la raison à toute chose, me fatigant et me torturant jusqu'à trouver la solution complète, la cause. Pourtant, je me dis que j'aurais du partir avec elle ce jour là, lui désobéissant sainement. Mais je ne l'ai pas fait, à cause d'elle, à cause de moi, car le parti neutre est toujours le plus facile et celui qui engendre le plus de regrets.

Je l'ai regardée partir, comme je vois la mouette s'envolant vers le large, comme pour me montrer le chemin. Puis, je suis resté, et j'attends.

J'attends... je ne sais pas ce que j'attends. Un signe ? Un fragment du passé qui me donnerait une explication, un sourire ou un mot qui serait passé inaperçu et qui pourrait être interprété comme une invitation à la rejoindre. Cela fait tellement longtemps, je ne peux croire que j'arrive encore à espérer son retour.

Mes pieds me font souffrir à tant rester debout, et je me laisse tomber sur le sable. Qu'importe mon corps, mes yeux restent rivés sur la ligne d'horizon, comme chaque soir, jusqu'à ce que le soleil ait disparu et que seule la nuit parvienne à me faire renoncer à distinguer une voile au loin.

Je me souviens de son sourire, moment magnifique et enchanteur, de sa douceur et de ses gestes. Son odeur parfois effleure mes narines et je me retourne vivement. Sa présence est telle qu'il m'arrive de la voir, comme dans un rêve, mais son visage est déjà presque effacé... Je ne me souviens plus de son visage. La forme de sa tête, la position de ses yeux, tout est flou. Le temps gomme les souvenirs les plus douloureux, mais rien n'enlève la douleur de l'oubli.

Le soleil une fois de plus finit sa course en se noyant derrière l'océan. Peut-être regarde-t-elle le soleil se lever là où elle est. Lentement, je m'extirpe de la fine gangue de sable dans laquelle le vent a essayé de me retenir et me dirige vers les ruines de mon ancienne demeure.

Tout a été détruit ici aussi, et mon habitat est à la hauteur de mon coeur. Je vais m'allonger quelques instants sous une poutre calcinée ou alors vais-je manger à contre coeur l'un des coquillages que la mer me renvoie chaque jour. Ma nourriture m'est donnée par la mer, et je suis à sa merci. Elle est ma gardienne et mon amie, ma prison et mon ennemie.

Je caresse l'une de ses robes qu'elle aimait porter et dont elle m'a laissé la garde. Lors de l'incendie, j'ai sauvé ses affaires avant les miennes, et il ne me reste que quelques souvenirs épars. J'aimerais trouver dans une doublure un papier me disant : "Rejoins-moi !" Mais je sais pour les avoir tâtées un bon millier de fois qu'il n'y a rien qui puisse m'arracher à ce lieu.

Bientôt je serai trop vieux pour continuer à espérer, et il me faudra choisir. Le temps est une chose atroce, qui vous laisse croire que vous le possédez pendant des années et qui se retourne toujours contre vous à la fin.

Demain, je partirai, au-delà de la mer, trouver l'amour ou le repos, avant qu'il ne soit trop tard. Et si je la rejoins, si je la revois, si par hasard je vivais assez longtemps pour ça, alors son regard et son visage seront les seules choses qui me suffiront. Je la regarderai, aussi longtemps qu'elle me le permettra, et je garderai son souvenir précieusement cette fois-ci, pour qu'elle m'accompagne lorsque je franchirai les dernières étapes...

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© Fladnag



Publication : Concours "Par delà la Mer de l'Ouest" (Juillet 2001)
Dernière modification : 07 novembre 2006


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