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Le condor et le serpent

Dans le torrent de lave, quatre pétales de fleur flottent et dérivent. Puis, au centre des pétales apparaît un condor à deux têtes et chaque tête essaie de crever les yeux de l'autre. Un vent mauvais souffle alors et la pestilence rend les deux oiseaux encore plus sauvages, les pétales commencent à brûler sur la lave et le condor à deux têtes se noie dedans.

Voilà mon rêve Bambacuicha, voilà le rêve que j'ai fait il y a neuf nuits. En me réveillant je savais que mon père était mort et pourtant je ne pleurais pas. Et ce matin le messager est arrivé de Cajamarca et m'a confirmé ce que je savais déjà. Désormais, Manco Inca est le dernier fils vivant de Huayna Capac. Mon père est mort et son ordre est caduque. Je ne suis d'aucune utilité ici, il me laisserait partir. Tu ne peux pas me garder enfermé ici indéfiniment Bambacuicha. Laisse moi partir à la guerre, laisse moi mourir pour mon peuple au lieu de me laisser mourir d'angoisse et de peur.

Le vieux prêtre secoua lentement la tête. Sur son crane chauve perlaient quelques gouttes de sueur. Le Soleil au dessus d'eux brillait de toute sa force. Il passa son doigt sur le sable, y traça quelques signes, et effaça le dessin du revers de la main.

Ton père était sage Huilcahuimac, et ce qu'il faisait, il ne le faisait pas sans raison. Aujourd'hui commence un grand deuil, et aussi se termine ton confinement à la cité. Ton père voulait que tu ais ceci.

Le vieux prêtre posa le kippu apporté par le messager, et ses cordelettes nouées se ramassèrent en un petit tas coloré. Il approcha sa main d'un rouleau de tissus posé à coté de lui et le mit sur ses genoux. Il jeta un regard circulaire à la place alentour. Les hommes allaient et venaient plus vite qu'à l'accoutumée, la plupart marchaient la lance au poing. Les rumeurs de la guerre ne s'étaient pas tues depuis des années, depuis la mort de Huayna Capac en fait.

Lorsque ton corps dors, ton âme est toujours éveillée et elle parcourt le monde. Ce que tu dis être ton rêve, c'est ce que ton âme a vu. Les quatre pétales de fleur représentent Tahuantisuyo, notre empire des quatre quartiers. Le torrent de lave est la fureur des hommes et le condor est le sang de Huayna Capac. Les deux têtes sont celles de ses fils Huascar et Atahualpa, ton père, qui se sont combattus pour le trône. Le vent de pestilence est la race du roi des démons qui se nomme Pizarro.

Il se tut et regarda à nouveau la grand-place de Cuzco, la vie méthodique et parfaite du coeur de la capitale, le joyau de la civilisation. La cité n'était pas encore tombée mais si le pire venait à arriver le reste de l'empire ne saurait tarder à la suivre. Les Espagnols n'étaient pas chez eux, ils ne connaissaient pas ce pays, ils n'avaient pour eux que la vilenie et les bâtons de feu. Les Incas avaient l'amour de Viracocha. Et pourtant, ils mouraient par centaines.

Son regard retourna à Huilcahuimac qui n'avait pas cillé. Il observa ses traits osseux et son visage dur. Il gardait les cheveux courts et sa nuque paraissait comme le tronc d'un arbre vigoureux. Il ne portait qu'un pagne sombre et sa poitrine se soulevait régulièrement, faisant jouer ses muscles. Il avait au poignet et au biceps des anneaux de bronze qui brillaient sous le Soleil éclatant et ses sandales étaient usées de trop explorer les dalles de sa chambre. Depuis des mois il n'avait cessé de tourner en rond dans la cité de Cuzco. Depuis le départ de son père à la rencontre du traître que l'on nomme Pizarro, le roi des démons que les Incas avaient pris pour des dieux. Aujourd'hui pourtant, il restait immobile, attendant avec rigidité que le prêtre s'explique.

Bambacuicha déroula le tissus jaune et vert et découvrit un bâton d'or, simple et droit, sans aucun ornement.

Lorsque Viracocha envoya Manco Capac et Mama Ocllo pour civiliser le genre humain, ils sortirent du lac Titicaca avec ce bâton à la main. Il cherchèrent un endroit fertile où le bâton s'enfoncerait aisément, et ainsi fut fondée Cuzco. Ce bâton est pour toi. Il prouvera que tu es le descendant de Manco Capac par ton père Atahualpa et son père Huayna Capac.

Huilcahuimac observa le bâton d'or un long moment et le prit dans ses mains. Il était lourd, plus lourd qu'il ne semblait. Il le posa respectueusement sur ses genoux et replongea son regard dans les yeux du prêtre.

A qui le prouvera-t-il ?

Cela, même moi je ne le sais pas.

Il baissa les yeux et recommença à tracer des signes sur le sable. Il s'arrêta, et les effaça d'un revers de la main.

Ton père a exigé que tu sois gardé en sécurité, pour que le sang de Huayna Capac soit préservé. Le peuple Inca survivra, ou peut-être pas. Mais nous ne pouvons rien faire sans savoir. Comment devons nous combattre les démons ? Tu dois aller à Machu Pichu, et te présenter humblement devant les dieux. Demande leur des réponses, et rapporte nous leur oracle. Pars seul, demain à l'aube, sous la protection de Viracocha. Et sois prudent.

Huilcahuimac vit que le prêtre se mordait la lèvre inférieure. Le vieil homme allait dire quelque chose, mais secoua la tête. Il posa une main sur son épaule, et partit.

Huilcahuimac se retrouvait seul, au centre de la place de Cuzco, au centre de Tahuantisuyo, le grand empire des Incas. Il inspira longuement et se releva, fixant le Soleil au dessus de lui, attendant qu'il lui réponde. Il le fixa jusqu'à ce que des larmes roulent sur ses joues, puis il posa son regard sur le bâton d'or. Il le soupesa encore, et le planta dans le sable de la place. Le bâton ne s'enfonça pas.

*

Dans le torrent de lave, quatre pétales de fleur flottent et dérivent. Puis, au centre des pétales apparaît un condor à deux têtes et chaque tête essaie de crever les yeux de l'autre. Le vent putride forme des volutes noires autour de l'oiseau. Soudain, une tête déchire les yeux de l'autre et la dévore jusqu'au cou, se couvrant de sang. Le condor n'a plus qu'une tête et les pétales s'éloignent, et brûlent lentement. Les volutes noires se resserrent autour du cou du condor, le pressent et l'étouffent. Le condor meurt, et les pétales carbonisés disparaissent dans la lave. La lave est l'écaille d'un serpent, un serpent gigantesque qui se love sur lui même et qui mord sa propre queue.

Huilcahuimac ouvrit les yeux. Il était encore assis contre le mur de sa chambre. Il n'avait pas dormi, pourtant il avait rêvé. L'air de la pièce était lourd de l'odeur de la potion préparée par Bambacuicha, le cacao brut et le piment rouge broyés pour éclaircir les esprits troublés, et montrer les chemins. Au dehors, l'air était frais et le ciel était clair. Il se leva et serra le noeud de son sac. Il empoigna le bâton d'or, et sortit de sa chambre, sortit de la cité.

Le Soleil se leva alors qu'il perdait Cuzco de vue, et toute la gloire de l'aurore accompagnait ses pas. Il marcha toute la journée vers le Nord sans prendre de repos. Il sillonnait les sentiers étroits qui couraient le long des montagnes, sans hésiter, sans manquer un pas. Confiant dans le bâton dans sa main et dans le Soleil dans son dos, il parcourut dans la journée la distance jusqu'à la citadelle de Pisac. Il n'y demanda pas l'abris cependant. Il se tint éloigné de ses murailles de pierre, et disparut dans les arbres. Entre les branches, il pouvait voir briller les étoiles. La Lune à demi pleine glissait lentement dans le ciel limpide. Il la suivit du regard très longtemps, puis ferma les yeux. Toujours serrant le bâton d'or dans sa main, il respira la nuit. Il s'imprégnait de la froideur de l'air, la pureté absolue de son royaume se distillait doucement dans tout son corps. Plus que le messager des Incas, il se sentait devenir le pays Inca.

Il rouvrit les yeux longtemps avant l'aube, et continua de rester immobile entre les arbres. Puis, il se remit en route, à un rythme rapide et égal, en direction de l'Ouest cette fois, vers Machu Pichu. Il pouvait voir a présent se dessiner Warmiwanuska, la montagne de la femme morte. Il continua sa marche sans rencontrer personne. Personne n'allait à Machu Pichu, que les prêtres et ceux qui étaient dignes d'aller demander l'oracle des dieux. Personne. Vers midi, il arriva à l'extrémité du pont suspendu qui enjambe le rio Urubamba. Il fit une pause pour observer les lattes de bois se balancer au rythme du vent et la ville de Llactapata de l'autre coté de la gorge. Il s'assit en tailleur, et mangea une galette de maïs en contemplant le bâton d'or. Puis, il but à sa gourde, resserra les lacets de ses sandales, et se remit en route. Il jeta un coup d'oeil aux fermiers de Llactapata en contrebas, qui montaient des sacs vers la ville au-dessus. Les maisons à deux étages se fondaient dans la roche de la montagne. Derrière les murs de la ville, les fermiers pensaient pouvoir résister aux temps à venir. Huilcahuimac resserra son poing autour du bâton d'or comme si cela pouvait faire plier la décision des dieux. Il se figura Patchacamac, celui qui anime le monde, se pencher sur la ville en face de lui et la protéger des démons de Pizarro. Le vent souffla pour chasser ces pensées. Le chemin remontait ensuite le cours de la gorge et traversait le village de Wayllabamba, situé au pied du Warmiwanuska. L'immense bloc rocheux se jetait vers le ciel comme une muraille, mais Huilcahuimac ne fut pas impressionné. Il s'arrêta une seconde pour respirer le vent qui descendait de la montagne, il le goûta de ses poumons, et fit connaissance avec lui. Puis, sûrement, il commença à gravir son flanc.

Arrivé au sommet du premier col, il s'accorda un moment pour souffler. Ses jambes lui faisaient mal, lui rappelant sa condition d'homme. Il pensa à s'asseoir, mais il aperçut une construction un peu plus bas. Un poste de guet, ou une auberge peut-être. Il étira ses cuisses, et entama la descente.

L'ensemble circulaire avait des allures de forteresse. Il dominait le vide et Huilcahuimac contempla un moment la cordillère qui s'étendait de toute part, sèche et violente. Il ne trouva personne, l'endroit avait été déserté. En catastrophe de toute évidence ; il trouva des bols à moitié pleins d'une bouillie brunâtre, et des gobelets et gré renversés. Tout le monde rejoignait les siens, ou fuyait sa demeure depuis l'annonce du meurtre d'Atahualpa. Il s'assit en tailleur sur le mur d'enceinte, au dessus du vide, et resta là un long moment à se reposer, un autre col l'attendait juste après, tout aussi difficile.

Il quitta Runkuracay une heure plus tard, et entama l'ascension du deuxième col. Plus il grimpait, plus ses pas s'espaçaient, ses sandales trainant sur la poussière de la piste. De grosses gouttes de sueur glissaient le long de son visage droit et anguleux. Le bâton d'or devenait de plus en plus lourd dans sa main, il s'appuyait sur lui pour entamer chaque pas à présent. Dans le ciel, un condor passa, et il s'effondra à genoux. Il respirait bruyamment, le regard perdu dans le ciel bleu immaculé. Le condor avait deux têtes, et l'une d'elle était celle de son père. Elle dévorait sa voisine, faisant jaillir des gerbes de sang qui tombaient du ciel, éclaboussant le visage de Huilcahuimac. Le ciel se mit à bouger, lentement, autour des montagnes, à glisser comme un serpent, à tourner autour de lui, et le serpent mordit sa propre queue, et l'avala lentement, infiniment, et le condor avait disparu, effacé par le mouvement du ciel autour de lui. Il pressa sa main contre la pierre, et frotta sa joue dessus, serrant les dents, serrant le bâton d'or.

Il haletait. Il se tourna pour poser son dos contre le mur, et contempla la piste qui descendait devant lui. Il lui fallut un long moment pour reprendre ses esprits, et alors qu'il contemplait le chemin de terre devant lui, il ne se souvenait pas l'avoir gravi. Pourtant, il pouvait reconnaître les traces qu'il avait laissé en rampant dessus, et les griffures sur sa poitrine, et son pagne déchiré. Il avait monté le deuxième col, et atteint Sayaqmarka, la ville inaccessible.

Il vida le contenu de sa gourde sur son visage et dans sa gorge, et secoua la tête. Il ne faisait pas encore nuit, il se releva, et vérifia son équilibre. Satisfait, il se remit en route. Il traversa la petite ville, maintenant déserte, et parcourut ses ruelles compliquées, ses placettes et ses cours. Il avait autour de lui un panorama extraordinaire de grandeur vide, de montagnes brutes, et de vent qui court librement sur dans les grands espaces de l'empire Inca. Plus loin à l'Ouest, les nuages formaient une masse blanche et mouvante, qu'une brise glacée chassa d'un coup. Sur le versant en face de lui, semblant flotter au-dessus d'une mer de fin coton, apparurent les murs droits et gris de Phuyupatamarka, et la cité au dessus des nuages restait miraculeusement suspendue entre le ciel et la montagne.

Le chemin descendait à nouveau, avant de disparaître dans un étroit tunnel sombre et boueux, long d'une vingtaine de mètres. Apres celui-ci, la piste traversait une forêt avant de remonter vers le troisième col, vers la ville au dessus des nuages.

Alors que le Soleil disparaissait rapidement derrière les montagnes, Huilcahuimac escalada le dernier col comme dans un rêve. Il resta à bonne distance des lueurs de la ville, et s'effondra derrière un groupe d'arbres maigres. Il était tellement épuisé qu'il n'arrivait pas à fixer ses yeux sur un point précis, et les étoiles naissantes semblaient tourner de lui à une vitesse folle. Agrippant le bâton d'or de toutes ses forces, il sombra dans un sommeil nerveux.

*

Dans le torrent de lave, quatre pétales de fleur flottent et dérivent. Puis, au centre des pétales apparaît un condor à deux têtes, et chaque tête essaie de crever les yeux de l'autre. Le vent putride forme des volutes noires autour de l'oiseau. Soudain, une tête déchire les yeux de l'autre, et la dévore jusqu'au cou, se couvrant de sang. Le condor n'a plus qu'une tête, et les pétales s'éloignent, et brûlent lentement. Les volutes noires se resserrent autour du cou du condor, et le pressent, et l'étouffent. Le condor meurt, et les pétales carbonisés disparaissent dans la lave. La lave est l'écaille d'un serpent, un serpent gigantesque qui se love sur lui même, et qui mord sa queue. Le serpent glisse sur une pierre noire et luisante, et cette pierre est l'écaille d'un serpent gigantesque, et qui se love sur lui même, et avala sa propre queue. Le serpent glisse sur une plaque d'or, et cette plaque est l'écaille d'un serpent.

Huilcahuimac fut réveillé par le battement d'ailes de l'oiseau sur ses jambes. Il sursauta, et le condor sauta de coté, et s'éloigna pour l'observer. Il pencha la tête et le fixa de ses yeux noirs. Ils restèrent un moment ainsi, et le condor s'envola. Huilcahuimac se leva, les fatigues de la veille avaient disparu avec l'oiseau.

Il contourna Phuyupatamarka en longeant le versant escarpé de la montagne et retrouva la piste un peu plus loin. Il avançait dans la clarté du matin et pas un bruit ne venait troubler le calme immobile de l'endroit. Il passa non loin de Wanay Wayna, la dernière cité avant Machu Pichu, et s'enfonça dans la foret. Des plantes aux larges feuilles bordaient l'étroit chemin, quasiment indiscernable parmi les fougères. Des orchidées et des fleurs odorantes constellaient le rideau végétal, vert et généreux. Enfin, derrière une ultime barrière de fleurs, il vit devant lui une grande arche faite de pierres parfaitement taillées et imbriquées : Intipuktu, la porte du Soleil, l'entrée de Machu Pichu.

La grande porte était ouverte. Aucun signe de vie n'était visible. Huilcahuimac respira longuement, laissant l'esprit de la ville cachée s'instiller en lui. Le vent s'était tu, et le Soleil était chaud dans son dos nu. Il prit appui sur le bâton d'or et pénétra dans la cité sacrée. Il grimpa l'escalier de pierre, laissant une carrière à sa gauche, et des bâtiments d'habitation à sa droite. Les maisons avaient des toits de chaume, et leurs pierres s'emboîtaient impeccablement, formant des dessins complexes. Le long des rues désertes, sur les terrasses, des fleurs aux couleurs éclatantes paraissaient insouciantes du silence de la cité. Huilcahuimac gravit les longs escaliers jusqu'au sommet de la ville sans croiser personne. Il crut entendre un bruit en contrebas, et suivit d'autres escaliers, serpentant entre les grandes demeures désormais vides. Il parvint sur une place, où se trouvait une large pierre plate taillée en forme de condor. Tout autour étaient étendus des corps d'hommes et de femmes. Immobiles et livides. Morts. Leur visage était serein toutefois, et leurs mains reposaient sur leur poitrine. Au centre de la place se trouvait un condor. Juste derrière lui, en un grand tas désordonné, était une pile d'objets brillants. Des gobelets, des statuettes, des bracelets et des pendentifs, tous en or.

L'oiseau se tenait simplement, sans bouger. Il fixait Huilcahuimac. Celui-ci s'avança d'un pas, et tendit le bâton d'or devant lui. Dans le ciel, le Soleil de midi brillait, puissant et invulnérable. L'oiseau battit des ailes, et soudainement, le tas d'objet derrière lui se mit à briller sous le Soleil, et bientôt, la lumière devint éclat, et, noyé dans la blancheur, le condor disparut, et à sa place était une présence. Huilcahuimac disparut, car seule était la présence.

Et la présence était Viracocha, et Viracocha parla à l'homme qui portait le bâton d'or.

Dans le torrent de lave, quatre pétales de fleur flottent et dérivent. Au centre des pétales est un condor à deux têtes, et chaque tête essaie de crever les yeux de l'autre. Le vent putride étouffe le condor et pétales s'éloignent, et brûlent. La lave est l'écaille d'un serpent, un serpent gigantesque qui se love sur lui même, et qui avale sa queue. Le serpent glisse sur une pierre noire et luisante, et cette pierre est l'écaille d'un serpent gigantesque, et qui se love sur lui même, et avale sa propre queue. Le serpent glisse sur une plaque d'or, et cette plaque est l'écaille d'un serpent. Le peuple Inca a vécu, et il va mourir. Ta vie n'est qu'une poussière dans son histoire. Son histoire n'est qu'une poussière dans la mienne. Seuls les dieux sont immortels.

Tu voulais une réponse.

Tu voulais un oracle.

Le serpent avale sa propre queue. Le peuple Inca renaîtra, et mourra à nouveau. Comme tout. Comme tous. Et pour l'éternité. Mais pas toujours sur ce monde. Dans cent siècles, la nation des Incas renaîtra, parfaite, et elle mourra à nouveau. Un jour viendra où les hommes verront que leur monde dépend du pays des Incas, comme il dépend de toutes choses. Et ils mourront de n'en rien faire. Et ils renaîtront, et recommenceront. Et moi, je serai encore là, et je leur donnerai le bâton d'or.

Sur la place de Machu Pichu, Huilcahuimac, fils d'Atahualpa, fils de Huayna Capac se tenait droit. Le vent soufflait sur son visage sec, comme il avait soufflé autrefois. Il leva le bâton d'or, et pointa son extrémité vers son coeur. Il ferma les yeux, et le bâton s'enfonça.

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Publication : Concours "La Montagne du Destin" (Décembre 2001)
Dernière modification : 07 novembre 2006


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