Dans les brumeuses landes d'un lointain pays, Etait une jeune fille à l'étrange vie. On la voyait souvent errer sur les rivages Mais elle ne venait presque jamais au village. Intrigante par sa mystérieuse beauté Certaines rumeurs la nommaient Lindórië. Nombreux étaient ceux qui tremblaient en l'approchant, Craignant de rencontrer son regard pénétrant. Elle semblait fragile, mais elle avait aussi La beauté et l'allure des Reines de jadis. Dans ce pays sauvage ainsi elle vivait En espérant que rien jamais ne changerait. Les murmures des vagues une nuit l'éveillèrent, Lui chuchotant tous bas des mots pleins de mystères, Elle s'approcha de l'eau qui reflétait le ciel, Pareille à un miroir aux étoiles fidèle. La mer lui apporta dans ses bras écumants Un étrange présent : un long cheveu d'argent. A la lumière des étoiles il scintillait Comme si en dedans la Lune se cachait. Précieusement elle le gardait disant tout bas : Un jour peut-être que Silmafinë viendra... En effet une nuit que le cheveu était Devenu un instant plus brillant que jamais, S'élevèrent des voix d'une rare beauté Aux timbres envoûtants de par leur pureté. Longtemps elle les suivi attirée par leur chant, Pour découvrir enfin, de grandes et belles gens, Tous de voiles vêtus, c'était des Elfes blancs. Leurs visages étaient doux et leurs yeux captivants Car elle devinait dans leur regard profond, Une extrême sagesse et un passé si long, Qu'ils avaient dû connaître bien avant ce monde Des temps immémoriaux d'une beauté profonde. Dernières étoiles des royaumes oubliés Beaux marins naviguant sur le flot des années. Leur longue chevelure à l'éternel éclat Brillait soit des feux d'or du Soleil d'autrefois, Soit de l'éclat d'argent de la Lune d'antan. Mais l'un d'eux lui semblait briller intensément, Elle reconnu en lui l'éternelle lueur De ce cheveu d'argent qui affolait son coeur. Un seul regard suffit pour qu'enfin tout soit dit, Silmafinë était, tous deux l'avaient compris, Celui qu'elle attendait depuis de nombreux soirs, Son étoile dans la nuit et sa lueur d'espoir ; En lui brillait la flamme où elle voulait brûler, Il était cette vie qu'elle voulait partager. Mais l'aube était proche, il leur fallait partir, La lumière des étoiles commençait à pâlir. Les Elfes s'éloignant, Silmafinë saisit Sa main toute tremblante et l'attira vers lui. Il la mena ainsi jusqu'au bord du rivage Où les y attendait sous un ciel sans nuage, Le plus gracieux bateau qu'ait jamais porté l'eau. Les voiles semblaient des ailes et rien n'était si beau, Que le cygne à la proue dont le col argenté Se courbait vers l'avant comme allant s'envoler. Cet immense oiseau qu'aucune mer n'arrête Défiait tous les vents et toutes les tempêtes. Il avait jeté l'ancre et attendait, fringant, Que monte son capitaine aux cheveux d'argent. Silmafinë comprit qu'il ne pouvait rester A le rejoindre il invita Lindórië. Le destin l'appelant elle alla de l'avant. Mais son pied se posant sur les planches d'argent Effleura seulement à son grand désarroi, L'écume insolente qui s'enroule parfois Puis déferle en grondant sur la grève. Hélas, Inexorablement le beau navire s'efface Disparaissent marins, voilures et grands voyages, Laissant place à l'azur et une mer sans âge. L'enfant se désespère et pleure amèrement, Elle regrette d'avoir perdu son Elfe blanc, Elle sait que jamais plus la nef n'accostera, Que leurs voix se sont tues, si célestes qu'elles soient. Depuis ce jour elle y retourna chaque soir, Attendre l'Elfe blanc sans jamais perdre espoir. Les années passaient mais elle savait pourtant Que même séparés par ce grand océan Avec seuls messagers les murmures du vent, Leurs coeurs continuaient de battre en même temps. On raconte qu'un jour il y a bien des années, Sur la mer déchaînée partit Lindórië. Elle ne revint jamais, mais, l'on se prête à croire, Que cette fin disait le début d'une histoire, Qui eut lieu loin, très loin d'ici, à Faërie, Ce pays hors du temps, qu'aucun humain ne vit.