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Je rêve de me réveiller un jour

La salle des rêves s'ouvrit, la lumière entra à flot faisant miroiter la poussière, les anciens entrèrent. Au centre de la pièce trônait un autel en pierre. Il avait la forme d'une étoile à cinq branches. Les cinq chefs, les corps nus, couverts de peintures cérémonielles d'ocre et de brun, rejoignirent leurs places autour de l'autel, les autres anciens, nus eux aussi prirent place derrière leurs meneurs respectifs. Les vieillards commencèrent à scander la mélopée du rêve, Jin sentit ses yeux s'embuer, et malgré son jeune âge, une haine immense pour ces hommes s'empara de lui. L'enfant avait été conduit dans l'antichambre une heure plus tôt, son corps avait été nettoyé tandis que sa mère pleurait, on lui avait rasé sa tignasse bouclée, révélant un crâne pale tranchant sur son teint halé. Puis l'assistant du chaman avait chassé la mère de Jin à coups de bâton, et comme le garçon résistait, on lui avait lié les poignets et les chevilles.

Le chaman, suivi par quatre acolytes portant une civière, entra dans l'antichambre. L'enfant dévisagea l'homme au profil dur qui passait devant lui, celui-ci lui jeta à peine un regard.

" Est ce lui ?
- Oui, maître.
- En es-tu sûr ?
- Il est le seul enfant aux yeux pâles des cinq tribus, celui que vous avez reconnu à sa naissance comme le Rêveur à venir. "

Le sorcier hocha la tête et vérifia l'avancée de la cérémonie. Des braseros avaient été allumés dans la salle et une fumée odorante s'en échappait, les anciens chantaient plus fort que jamais mais s'étaient détendus sous l'effet des émanations narcotiques. Le chaman eut un sourire bienveillant et fit signe aux porteurs. Ceux-ci obéirent à leur mentor et se dirigèrent vers la salle des rêves, lentement. Jin aperçut brièvement l'homme sur la civière, il eut un mouvement instinctif de recul en le découvrant. L'être, endormi et visiblement malade, n'avait plus d'humain que le nom, une momie desséchée eut pu remplir son office tant ses membres semblaient grêles, atrophiés. C'était le rêveur, un homme d'à peine vingt-trois étés. Un haut le coeur souleva le corps vigoureux de l'enfant. Une main puissante se posa sur son épaule. Jin leva la tête et rencontra le regard du guérisseur.

" Tu es un élu, sois en fier ! Cet homme a donné sa vie pour que les tribus soient unies et fortes et il a rêvé sa vie durant pour nous dicter la volonté des dieux. Tel sera ton rôle désormais. "

Jin ne trouva rien à répondre, il avait peur mais jamais ne le dirait. Il serra plus fort les dents qui ne lui serviraient plus à mâcher pour le reste de sa vie. Il inspira et considéra à nouveau le chaman. Celui-ci suivait des yeux l'avancée de la civière vers l'autel.

" Maître, permettez que j'aille librement jusqu'à l'autel. "
Le guérisseur tourna la tête et la pencha sur le côté comme une question muette.
" Je ne m'enfuirai pas. "

L'homme sourit doucement et se pencha, le couteau de cérémonie rompit les liens. L'enfant se releva, se plaça aux côtés du maître de cérémonie et observa lui aussi les porteurs placer le Rêveur sur l'autel. Chacun de ses membres fut étendu sur une branche de l'étoile de pierre, sa tête reposant sur la dernière.

" Veux-tu connaître la signification de ce rituel ? "
Jin hésita un instant en scrutant le visage sévère de l'homme à sa gauche.
" Oui, maître.
- Tu es jeune encore, connais-tu le Ttabah ?
- Non, maître. Je devais l'apprendre au printemps prochain.
- Le Ttabah c'est l'union sacrée des 5 tribus, chacune symbolisant une partie du corps humain et une vertu. Le Ttabah est un tout, un ensemble. Saisis tu ?
Le garçon hocha la tête, le sorcier repris son récit.
- La tête symbolise l'intelligence, je fais moi-même parti de cette tribu, comme doit l'être tout chaman. Le bras droit symbolise l'habileté, de nombreux artisans sont issus de cette tribu, le bras gauche, lui, symbolise la loyauté, cette tribu apporte la cohésion politique. Le pied droit symbolise la force, de là viennent nos guerriers, enfin le pied gauche apporte le soutien de ses éleveurs et agriculteurs.

Un silence suivit cette déclaration. L'enfant assimila le Ttabah simplifié que lui livrait l'homme guérisseur.
" Et le Rêveur qui est-il ?
- Le Rêveur est l'être qui apporte la cohésion au sein du Ttabah, il dicte la volonté des dieux et permet de dépasser les conflits humains pour mener les tribus. Le Ttabah est le corps, le Rêveur en est le coeur, il est l'âme.
- Et comment savez-vous que je suis le Rêveur ?
- C'est un être à part, certaines caractéristiques permettent de le reconnaître. Le sang de plusieurs tribus coule dans ses veines et il a les yeux pâles, d'un bleu très clair.
- L'homme qui m'a engendré n'est pas de la tribu de maman ? "

Le chaman tourna la tête, surpris presque par cette expression enfantine après tant de calme et de réflexion de la part du petit.
" Non, il ne l'est pas. Ca va être à nous. "

Le chaman regarda étrangement Jin et lui tendit sa grande main. Le futur Rêveur, passé la haine, ne ressentait plus que la peur, il leva ses grands yeux pâles, vers l'adulte qui lui proposait un soutien et glissa sa main dans celle qu'on lui tendait. L'homme sembla sur le point de dire un mot puis serra les lèvres, son regard se perdit dans la grande salle des rêves et il entraîna l'enfant à sa suite.

Jin fut amené jusqu'à l'autel où gisait le mourrant. Les acolytes du chaman se dirigèrent vers lui mais leur maître leur fit signe de ne pas bouger et, d'un murmure, il demanda au petit de se coucher sur la pierre. Celui-ci redressa son menton tremblant et le sorcier le hissa en le prenant sous les aisselles. L'enfant horrifié eut la vision du corps desséché et racorni de son prédécesseur, il avala sa salive et se coucha sur son ventre, ses bras se posèrent sur ceux de son devancier, de même que ses jambes. Le Rêveur ne sembla même pas s'en rendre compte.

Le maître de cérémonie fit un signe et la mélopée scandée par les anciens changea de rythme, de son couteau, il entailla le front, les poignets et les pieds du Rêveur, puis il se pencha sur Jin et lui offrit un sourire rassurant. Avec des gestes précis et fermes, il entailla le garçon aux mêmes endroits. L'un des assistants s'approcha et lui fit ingurgiter une potion au goût acre. Immédiatement l'enfant sentit ses membres s'engourdir, sa conscience allait s'amenuisant, mais il sentit tout de même qu'on le déplaçait légèrement. Et une vague de terreur le submergea quand le couteau de cérémonie s'enfonça dans le coeur de l'ancien Rêveur, éclaboussant l'autel et son corps d'un sang presque noir.

La première fois où Jin repris vraiment la notion de lui-même, ce fut quand le chaman apparut au milieu des casseroles qui dansaient dans son rêve, l'enfant cessa de danser et les récipients disparurent. Brutalement, il repris conscience de son corps, mais Jin eut beau faire, il fut incapable de le contrôler. Il était pris au piège, esprit éveillé dans un corps endormi. Une main douce se posa sur son front et la forme du sorcier dans son esprit lui fit un signe de tête respectueux.

" De quoi rêves tu, Rêveur ? "
La question surpris Jin, ses rêves lui avaient paru confus et vide de sens, c'est à peine s'il s'en souvenait.

" Je ne rêve pas, vous vous êtes trompé ! Laissez moi partir. "
Le chaman avait alors disparu, de même que l'état de conscience de l'enfant.

Le guérisseur reparut plusieurs fois, Jin n'aurait su dire combien, peut être deux ou trois après tout, mais peut être aussi bien des centaines de fois, et, toujours, la question rituelle lui fut posée.

" De quoi rêves-tu, Rêveur ? "

Au début l'enfant l'implora en lui disant qu'il n'était pas le Rêveur, qu'il ne rêvait pas, mais le chaman partait simplement, le laissant à nouveau sombrer dans le néant de ses délires.

Alors le dormeur essaya de s'accrocher à ces îlots de lucidité, seuls moments où il redevenait un peu Jin, mais impitoyablement, dès que le sorcier quittait son esprit, le Rêveur replongeait dans l'horreur de ses cauchemars.

Il tenta une fois de mentir au chaman, pour le retenir plus longtemps, pour rester conscient un instant de plus, et quand la question rituelle lui fut posée, il commença à raconter des histoires de dieux et de prophétie. Le chaman n'en écouta pas plus de deux mots et disparu comme les autres fois.

Chaque visite prenait l'aspect d'une torture. De plus en plus, l'esprit de Jin s'enfonçait dans la folie, une folie qu'il constatait dans les fugaces instants où sa raison reprenait le pas. Et avec elle revenait cette certitude qu'il n'était pas le Rêveur et que jamais il ne pourrait aider son peuple. Son sacrifice lui paraissait monstrueusement inutile.

Le garçon tenta alors la tactique inverse et refusa de toutes ses forces la lucidité que lui apportait le chaman, mais il s'aperçut qu'il aurait pu tout aussi bien tenter d'attraper le vent, il n'avait aucune chance de pouvoir résister.

Et le guérisseur répétait encore sa question, du même ton respectueux, Jin failli ne pas lui répondre, comme il l'avait déjà sûrement fait par le passé, mais malgré lui, cette fois là, les mots s'échappèrent de sa bouche immatérielle, d'une voix qui n'était pas la sienne.

" Je rêve d'un futur éclatant pour mes enfants, d'une paix victorieuse gagnée contre les hordes barbares du sud. "
Cette fois le chaman écouta chacune des paroles prononcées, et il salua respectueusement le Rêveur avant de partir.
" Ainsi est votre volonté. "
Et avant que sa conscience ne disparaisse totalement, Jin sut avec certitude qu'il s'était trompé : il était bien le Rêveur.

Quelques rares fois, la voix se manifesta à la place de l'enfant, dictant au sorcier la conduite de son peuple, quelques rares fois parmi des centaines, où Jin du subir la question fatidique, le silence de l'homme et la perte de sa lucidité, toujours plus douloureuse.

Mais l'instinct de survie était le plus fort, Jin se mit à bander sa volonté, et il lutta contre les incursions du Rêveur. Le chaman fut des plus surpris, quand au milieu d'une de ses prédictions, la voix du Rêveur de la Ttabah s'interrompit pour faire place à celle de l'enfant hurlant, mais presque immédiatement le dormeur retomba dans l'inconscience de son sommeil provoqué.

Le guérisseur revint et reposa sa question. L'intonation caractéristique du Rêveur se fit entendre pour délivrer son message, mais, à nouveau, Jin l'interrompit de son hurlement. Et comme à la fin de chacune des visites du sorcier, il reperdit pied dans la tempête de ses divagations.

La fois suivante le chaman semblait différent, inquiet. Même s'il tentait de présenter la même figure impassible, Jin sentait le tremblement de ses doigts sur son front moite.

" De quoi rêves-tu, Rêveur ? "
" Je rêve, commença la voix du Rêveur
- de me réveiller un jour ", termina celle de Jin.

Le chaman ne partit pas cette fois, et le tremblement nerveux de sa main trahissait son angoisse.

" Jin, si tu ne laisses pas parler le Rêveur qui est en toi, alors nous allons mourir. "
L'enfant regarda le guérisseur qui, pour la première fois, l'avait nommé.
" Choisissez en un autre. "
Jin musela la voix du Rêveur, qui hurlait au fond de lui. Le chaman soudain disparu et avec lui la conscience, mais pour la première fois, Jin s'était senti bien, il venait de remporter une bataille.

" De quoi rêves-tu, Rêveur ? "
" Je rêve ...
- ... de me réveiller un jour, maître. "
L'homme disparut encore, Jin ne savait même plus combien de fois, il avait donné cette réponse à deux voix.

" De quoi rêves-tu, Rêveur ? "
Une intonation étrange résonnait dans les paroles du chaman.
" Je rêve de me réveiller enfin, maître.
- Jin, tu ne peux plus te réveiller. "
Le garçon sentit qu'on ne lui mentait pas.
" Pourquoi ?
- Ton corps ne peut plus vivre, il est trop faible. Les années ont passés.
- Depuis combien de temps est ce que je dors ?
- Depuis neuf étés. "

Jin sentit une chape de plomb lui tomber sur les épaules. Il s'effondra aux pieds de l'image du guérisseur et hurla de rage et de désespoir. Le chaman ne partit pas, il attendit que l'enfant eu fini. Celui-ci se releva enfin, il aperçut brièvement un regard de détresse de l'homme, mais avant même qu'il n'ait eu le temps d'en être sur, celui-ci avait repris son masque imperturbable.

" Ai-je passé l'âge d'homme, maître ?
- oui, il y a une semaine, à peine, ta mère a exigé que l'on te pare des bijoux de tes ancêtres, j'ai procédé à la cérémonie.
- Merci, maître. Mais je ne céderais pas, je veux mourir en voyant le ciel, je veux mourir en étant conscient. Même si la seule chose que doit m'apporter mon réveil est la mort je veux me réveiller. Vous n'avez plus de Rêveur.
- Jin, sans toi nous sommes perdus ! ton sacrifice aura été vain ! est ce donc cela que tu veux ? "
Le garçon sourit au sorcier, en face de lui, cet homme dont il avait gardé une image de neuf ans plus jeune que la réalité.
" Oui. "
Le chaman s'absorba dans ses pensées.
" Si tu ne veux plus être Rêveur nous allons procéder à la désignation d'un successeur.
- vous feriez bien, car je ne vous serez plus très utile... maître. "
La panique apparut sur le visage du guérisseur et Jin eut un sourire mauvais.
" Il n'y a pas d'enfant qui puisse me remplacer, c'est cela n'est ce pas ? Je suis votre dernier Rêveur ... votre dernière chance.
- Jin, tu ne comprends pas ! tu es pire que ça ! tu es une prophétie, la prophétie mettant fin au Ttabah ... le dernier des Rêveurs, et si tu ne nous aides pas, les cinq tribus vont se disloquer, la réponse que tu gardes au fond de toi te dépasse, livre la moi ou les chefs vont lancer la guerre !
- Maître, je n'ai même plus ce pouvoir, la voix du Rêveur est détruite en moi, ma folie l'a tué. "
Un sanglot secoua le corps immatériel de l'homme, il s'affaissa puis disparu. L'homme à l'esprit d'enfant sombra dans l'inconscient qu'il haïssait.

Une nouvelle fois, le chaman apparu.
" De quoi rêves-tu, Rêveur ?
- De me réveiller un jour, maître, je ne rêve plus que de ce jour où je verrais le ciel à nouveau.
- Jin concentre-toi je t'en prie, je te laisserais te réveiller après, mais donne moi la réponse du Rêveur, il sera bientôt trop tard, des hommes vont mourir !
- Je n'ai plus ce pouvoir, me promettriez vous que je pourrais revivre comme avant, je n'ai plus le pouvoir de vous donner la réponse que vous attendez.
- Ta mère risque de mourir.
- Je ne peux rien faire, hurla l'esprit de l'enfant, je ne peux rien faire, je ne suis plus un Rêveur ! "
Jin se prit la tête dans les mains et se mit à pleurer, murmurant sans cesse " je ne peux rien faire ", le chaman esquissa un pas vers lui, sembla vouloir dire quelque chose, puis son expression se raffermit et il disparu.

Le guérisseur reparu une seule fois, il ne posa pas sa question rituelle et ses yeux étaient rouges et son air accablé.
" C'est la guerre.
- Ma mère ?
- Je l'ai envoyé loin de nos tribus, pour la protéger.
- Pourquoi ?
- Je te le devais. "
Le chaman trouva la force de sourire et partit.

Jin voulut hurler mais sa langue refusa de lui obéir. Il chercha le sorcier mais n'arriva pas à le voir, ses paupières semblaient closes, juste le noir insondable, tout son être lui semblait abominablement présent et en même temps diffus. Il voulu ouvrir les yeux mais la lumière lui fit mal, il les referma. Ca n'était plus la lucidité parfaite dont il bénéficiait à chaque visite du guérisseur, ça n'était pas non plus la façon étrangère dont il ressentait son corps dans ces moments là. Il n'y avait jamais de douleur avant, jamais il n'avait eu envie de hurler de cette manière sans pouvoir y parvenir. Le Rêveur gémit, et un son lamentable parvint à ses oreilles. Il se mit à suffoquer, c'est alors qu'une main se posa sur son front.

" Du calme, Jin, tu es en train de te réveiller, respire doucement. "
L'enfant-homme se força à suivre le conseil mais ne tarda pas à replonger dans l'inconscient.

Le garçon s'éveilla en proie à la panique, croyant que la promesse de son réveil n'avait été qu'un mensonge, mais la douleur refit surface toujours plus aiguë et il sut qu'il était bel et bien revenu dans le monde des hommes. La main calme se posa de nouveau sur son front quand il tenta de se mouvoir.

" Tu peux ouvrir les yeux Jin, il fait nuit. "
Le malade s'exécuta avec difficulté, c'était un effort qu'il n'avait pas accompli depuis neuf années. La première chose qu'il vit fut le ciel piqueté d'étoiles, la lune brillait en un faible croissant. Des larmes coulèrent le long des joues de l'ancien Rêveur. Puis la douleur revint, intolérable et un cri rauque naquit dans la gorge de l'enfant.

" Je peux apaiser ta douleur, Jin, il suffit que je te donne la drogue qui t'a maintenu en sommeil. Si tu refuses, tu mourras, ton corps ne peut plus vivre sans. "

Dans un effort surhumain, le malade tourna légèrement sa tête vers la personne qui lui parlait. Il reconnu le chaman, mais voûté, avachi et usé, vieillit de rides et de soucis. Avec la volonté qui l'avait toujours soutenu, Jin rassembla ses forces et murmura un " non " presque inaudible. Cependant l'homme hocha la tête et essuya les larmes du Rêveur de sa grande main.

Jin passa un temps qui lui parut trop court à compter les étoiles, parfois une douleur plus grande s'emparait de lui et il hurlait, et son corps squelettique et atrophié se tordait de spasmes. Dans ces moments là, il trouvait la main du guérisseur qui étreignait la sienne. Puis le ciel s'éclairci doucement pour s'enflammer de rose et d'or. Pour la première fois depuis neuf ans, le Rêveur pu contempler l'aube dans la plaine. Le vent faisait jouer l'herbe comme des vagues et le soleil la teintait de milliers de diamants de rosée. Le village apparaissait au loin, beaucoup plus grand que dans ses souvenirs, mais en parti détruit. Les larmes coulèrent à nouveau le long des joues de l'enfant-homme et alors même que la lumière, trop vive pour ses yeux pales, le faisait ciller, il ne put se soustraire à cette vision enchanteresse.

Ce fut à ce moment qu'une intense douleur le fit se tordre, suivit d'une autre, plus insupportable encore, sa respiration se fit sifflante. Il entraperçut le manche d'un poignard qu'il connaissait bien pour l'avoir vu de trop près. Ce manche sortait de sa poitrine. Le chaman contempla Jin et lui passa doucement la main sur le visage.

" Adieu Jin, mon enfant. "

Mais déjà le regard du Rêveur devenait vitreux, son souffle se perdit une dernière fois dans le vent, tandis que son corps s'apaisait. Le chaman ne baissa pas les paupières sur les yeux pales trop longtemps cachées.

Dans le village retentit le cri d'un nouveau-né, un nouveau-né aux iris couleur d'eau claire qui ne deviendrait jamais le Rêveur.

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© Miriamélé



Publication : 18 octobre 2004
Dernière modification : 07 novembre 2006


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1 Commentaire :

Netra Ecrire à Netra 
le 19-06-2006 à 23h45
Zaime bien ^_^
C'est horrible cette histoire ! C'est sombre, nostalgique, mystérieux mais tellement plein d'espoir ! En plus le style est clair, simple, soigné sans être maniéré, donc colle bien à l'histoire. Beau travail, Miri !


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