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Le roi Blador se tenait au sommet de la tour circulaire flanquant l'angle nord-ouest de Fortcarré, les deux mains posées à plat sur un des créneaux. Le temps était passé si vite depuis le dernier Conseil Restreint : deux jours à peine. Vildya n'était pas revenue des Hautes Terres et Odion devait à peine arriver aux frontières du Sordor à cette heure. En admettant qu'ils aient pu traverser les mailles du filet tendu par leur ennemi. Cilling avait tout juste eu le temps de finir les préparatifs de défense. Mais cela n'avait pas servi à grand chose.
Le regard du roi, fardé de colère et d'impuissance, plongeait sur la ville où se répandaient les guerriers de l'est comme une onde de terreur. Le siège avait tourné court par la faute d'une ignoble trahison : au moment de remonter le pont-levis et de mettre la cité à l'abri de toutes menaces hormis celle de la disette, les gardes postés à l'entrée s'étaient retrouvés assaillis par des hommes encapuchonnés bloquant l'accès aux mécanismes de levée. Flint n'avait pu préparer un tel acte de ses lointaines Collines-Murailles ; le complot était plus vaste.
A présent c'était le chaos. Le duc d'Afar et ses hommes avaient rejoint de justesse l'intérieur des fortifications avant d'en fermer l'accès et de se répartir autour du châtelet. Les rues et ruelles n'en finissaient pas de déverser un flot continu d'assaillants. Curieusement, les tribus de l'est rompaient avec leurs habitudes de pillage et délaissaient les maisons pour se ruer sur la forteresse. Nul chef charismatique ne leur criait des ordres, et pourtant tout dans leur hargne montrait que quelqu'un ou quelque chose les galvanisait.
Le premier mur défensif venait de tomber, livrant la basse-cour et les écuries. Les assaillants s'élançaient à présent sur les boulevards en direction des murailles du château. Les archers ambreluns, disposés dans les fausses braies, tiraient sans viser, formant des trous parmi les rangs désordonnés des attaquants. Mais les vides créés se remplissaient rapidement : Fortcarré, réputé inexpugnable, tomberait avant la fin de la nuit qui commençait à poindre.
Des bruits de course résonnèrent dans l'escalier en colimaçon qui desservait les étages de la tour. Un homme de petite corpulence mais robuste, portant sur sa poitrine les écussons royaux d'Ambrelune, surgit sur la plate-forme encore essoufflé de sa longue course. Du sang tachait sa manche.
"- Qu'y a-t-il encore, Cilling?
- Sire, les hommes du duc d'Afar ont pris d'assaut de l'intérieur le châtelet défendant l'entrée. Darlin tient encore les contrepoids du second pont-levis, mais cette situation ne durera pas.
- Le duc d'Afar ! Lui aussi fait partie du complot alors. Ne se rend-il pas compte qu'avec la chute de Fortcarré c'est tout Ambrelune qui risque de se disloquer ? Que peut-il donc espérer d'une telle trahison ? Oh et puis à quoi bon le savoir ; tout est perdu, et plus tôt encore que je ne le pensais il y a un instant.
- Le château est condamné, et avec lui beaucoup de ceux qui le défendent. Mais des hommes vous sont restés fidèles, et ils sont plus nombreux encore au sein même de votre royaume. Les duchés de Ghent, de Jabor et d'Urphrael sont certainement encore acquis à votre cause ; si vous parveniez à vous échapper, vous pourriez les rassembler derrière votre bannière pour reconquérir Ambrelune.
- Qui peut jauger la loyauté des trois derniers duchés avec ce qui est entrain de se passer? Et même si l'entreprise peut être tentée, qu'arrivera-t-il si je meure au cours d'un combat ?
- Alors votre fille prendra la relève. Elle en est capable, et l'a montré lors du dernier Conseil Restreint.
- Oui c'est vrai. Il est peut-être temps pour elle de reprendre la place qu'occupait sa mère avant. Où est-elle en ce moment?
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