Le Récit des Jours
- Hélas non! Vous connaissez sans doute le mal que nous appelons dans ce pays le Songe de la Lune Ambrée, et qui plonge dans un sommeil sans fin ceux qu'il touche. Le Songe s'est emparé de Sélenisse il y a six nuits de cela. Quand le médecin du village s'est déclaré impuissant à la guérir, je me suis permis de venir ici avec la lettre de cachet que vous aviez remise à ma femme pour vous demander de l'aide.
- Que voilà triste nouvelle! J'aimerais vous soulager sur l'instant, mais je ne peux rien faire ; je ne suis pas médecin.
- Peut-être que si vous en touchiez un mot aux médecins de la cour?
- Cela ne servirait à rien : dès qu'un médecin trouve un nouveau remède, il s'empresse d'en faire part à l'Ordre des Soigneurs qui informe à son tour tous les médecins et soigneurs du royaume après avoir vérifié l'efficacité du remède. Si le médecin de votre village n'a rien pu faire, c'est qu'aucun médecin du royaume ne peut faire quoi que ce soit contre ce mal.
- Pardonnez-moi d'insister, Princesse, mais...on raconte que la conseillère de votre père le roi serait un peu magicienne. Elle pourrait peut-être tenter de combattre le mal par la magie?
- Décidément, cette rumeur de magie est tenace. Vildya est mystérieuse, certes, mais pas magicienne pour autant. Et vous pouvez être sûr que si elle avait trouvé un moyen de contrer le Songe, elle n'aurait pas manquer d'en faire part.
- Vous ne me laissez donc aucun espoir?
- Je ne connais qu'un seul cas où un malade touché par le Songe s'est réveillé, et ce n'était le fait ni des médecins ni d'un magicien de passage. La seule personne présente était une prêtresse du Dieu-Reflet. Tout ce que je peux faire pour vous, c'est vous présenter la Grande Prêtresse. Ce n'est pas un bien grand service, et j'aimerais que vous gardiez cette lettre de cachet. La prochaine fois je pourrai peut-être vous aider réellement. La Grande Prêtresse passe tous les jours vers cette heure là : nous n'avons qu'à l'attendre. Avez-vous fait bon voyage?
- Eh bien, nous n'avons pas trop profité du paysage ; le bourgmestre nous a prêté les deux meilleurs chevaux de son écurie de messagers, et nous avons foncé à brides abattues jusqu'ici.
- Avez-vous remarqué quelque chose de particulier en traversant les Collines-Murailles?
- Eh bien pratiquement tous les soldats que compte Flint convergent vers elles. Officiellement, ils sont censés empêcher les tribus de l'est d'envahir l'ouest d'Ambrelune au cas où Fortcarré tomberait. Mais les hommes ne parlent que d'en découdre, et ce n'est pas le jeune duc qui les en priverait. Je pense qu'une fois rassemblés ils franchiront les Collines-Murailles et viendront directement chercher querelle aux tribus. Vous n'avez pas beaucoup de soucis à vous faire.
- Au contraire, au contraire. Mais je n'ai pas le temps de vous expliquer: voilà justement la Grande Prêtresse qui arrive."
Cymbeline désigna du regard l'allée principale qui desservait l'entrée de la salle du trône. Gualian et Duorn se retournèrent. Une femme avançait d'un pas rapide et cadencé vers eux. Elle était plutôt petite et très frêle, et son ample robe d'un blanc impeccable s'agitait autour d'elle comme un rideau de nuages. Son visage anguleux contrastait avec sa mine accueillante, tandis que ses cheveux commençaient à se décider à virer au gris. Mais c'était plus là l'effet des responsabilités que de l'âge.
Publication : Inconnue
Dernière modification : 07 novembre 2006
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