|
|
Aucun Commentaire
Ajouter un commentaire
Fatiguée, allongée sur un matelas épais et dur mais confortable, Cymbeline plongea dans un sommeil profond à peine ses yeux fermés. Aussitôt des rêves étranges l'assaillirent, peuplant sa nuit de lieux et de gens qu'elles n'avaient jamais vus :
une grotte obscure où la lumière d'une torche suffit à peine à faire sortir de l'obscurité les contours de statues de pierre. Un fleuve scindant une forêt où la course du soleil semble se ralentir. Un temple immense aux murs parcourus de fresques représentant des géants aux airs solennels. Un palais somptueux enfoui au fond des mers et habité par des créatures aquatiques majestueuses. Et puis des troupes sans nombre se levant derrière des bannières claquant au vent ; des hommes entièrement vêtus de bleu sombre déferlant sur le désert, des êtres de lumière de toutes les tailles voltigeant dans un halo de brume, des monstres cracheurs de feu planant sur les montagnes, des hordes de guerriers aux visages nobles jaillissant de la porte d'une forteresse maudite, des cavaliers majestueux vêtus de bleu et d'argent sonnant la charge sur des licornes. Accompagnant ces scènes qui se succèdent, une musique d'abord lancinante et discrète qui prend du volume et finit par éclater comme un cri de défi. Puis tout s'arrête. Quelque part dans une forêt aux arbres immenses, un homme encapuchonné assis près d'un feu relève lentement la tête. Avant l'Aube vient la Nuit.
Cymbeline se retrouve alors dans une forteresse impressionnante mais fragilisée par des siècles d'abandon. Une forme sombre et terrifiante est tenue prisonnière d'un entrelacs de lumière laiteuse et brillante. Non loin de là se tient une femme fière et magnifique au visage empreint de sagesse et de sérénité. Vêtue d'une robe de lumière blanche, sa beauté irradie et apaise. Pourtant une lueur de lassitude se love dans son regard inquiet. Derrière elle se glisse une silhouette silencieuse et menaçante. Il y a un cri de stupeur et de douleur, et la dame s'effondre lentement. Soudain libérée de l'entrelacs lumineux, la forme sombre pousse un cri de victoire résonnant dans le dédale abandonné comme la dernière note de la musique du monde. Puis son attitude de défi se mue en curiosité. La forme se tourne vers Cymbeline qui se retrouve juste devant elle. La Princesse sent s'abattre sur elle le poids de la haine et de la peur, du mensonge et de la trahison, de la rancoeur et des malédictions, de la vengeance et du mépris...et tout cela la balaye comme un vulgaire fétu de paille. Après l'Aube vient le Jour.
La jeune femme se réveille dans un hurlement de terreur. Elle sent encore sur son coeur le poids de sa dernière vision qui l'oppresse à l'étouffer. Vildya se trouve à son chevet et lui prend la main :
"- Alors vous l'avez vu aussi.
- Oh mon Dieu, qu'est-ce que c'était ? J'ai cru que j'allais exploser tant la peur me vrillait de l'intérieur. J'en tremble encore.
- Je ne sais pas. Mais cette chose était tout aussi ancienne que terrifiante. Cela remonte à une époque que je ne connais pas. Il faudra parler de ce rêve aux Sages, peut-être pourront-ils nous en dire plus.
- Et la Dame de Lumière, qui est-ce ?
- Je n'en sais pas plus. Par le Dieu-Reflet ! que ce cri était terrifiant, j'en tressaille encore au fond de moi.
- Le cri n'était rien en comparaison du regard de cette chose quand il s'est posé sur moi. J'ai crû qu'il allait me happer et me plonger dans un abîme sans fond.
- J'ai l'impression que vous avez vu plus de choses que moi dans ce rêve. Venez, levez-vous, il ne faut plus tarder ; la brume de l'aurore déjà se dissipe."
|
|