Le Récit des Jours
- Eh bien, vous avez certes des traditions bien différentes des nôtres. En Ambrelune les gens qui viennent d'ailleurs se marier avec des enfants du crû sont assez mal vus et il faut un certain temps avant qu'ils soient acceptés. Ce sont les femmes qui choisissent leurs futurs maris et l'emmènent aménager chez elle. Chez nous votre fils serait pris pour un nigaud et la femme qu'il courtise verrait sa réputation atteinte. De manière générale, les parents n'aiment pas voir leurs enfants vadrouiller, et les gens se déplaçant beaucoup sans mission officielle sont tous considérés comme des maraudeurs potentiels : ils sont très mal vus et peu de gens se risque à les accueillir.
- Hmm, les gens ne s'apprécient guère par chez vous.
- Cela dépend. Les communautés villageoises sont extrêmement soudées et prêtes à intervenir dès qu'un des leurs se trouve en difficulté. Voyez par exemple Gualian, qui m'accompagne : il s'est retrouvé confronté à un problème grave qui nécessitait qu'il rejoigne rapidement la capitale. Le bourgmestre n'a pas hésité à lui confier les deux coursiers les plus rapides du village. Le tissu de solidarité est très dense, mais il se resserre autour d'une même communauté.
- Les habitants doivent alors être souvent en conflit avec le roi, puisqu'il appartient à un autre village.
- Le roi n'appartient pas à un village : tous les villages lui appartiennent. Il est garant de la justice, de la sécurité et de l'approvisionnement ; il doit ainsi arbitrer les conflits, petits ou grands, qui opposent les différentes communautés, mais aussi s'assurer que rien ne menace l'intégrité du pays et de ses habitants et que tous mangent à leur faim. Il y a une sorte de lien personnel qui unit chaque personne au roi et qui prime sur les solidarités communautaires.
- Tout cela me paraît bien compliqué.
- Vous n'êtes pas habitué, c'est tout. Tenez : je suis sûr que les liens entre la population gnauplim et les Sages sont très complexes eux aussi. A quoi servent ces Sages ?
- Etrange question. Ce sont des Sages, voilà tout.
- Bon alors qu'est-ce qu'un sage pour vous ?
- Laissez-moi réfléchir, voyons...je ne sais pas trop en fait. Ce sont des gens qui savent. Chaque fois que quelqu'un se retrouve confronté à un problème qu'il n'arrive pas à résoudre, il va demander l'avis des Sages. Il y a même des étrangers qui viennent demander conseil parfois : nos Sages sont très réputés. Surtout, ils connaissent bien la nature : ils savent comment soigner les maladies des plantes, même celles que personne n'a jamais vues. Il y aune trentaine d'années, une grave épidémie a menacé Ambrelune de famille, et votre mère est venu voir les Sages. Il lui ont dit comment protéger les blés, et tout est rentré dans l'ordre.
- Tiens je n'étais pas au courant de cette histoire. En somme, vos Sages sont d'excellents agriculteurs.
- Pas seulement. Les choses sont souvent plus complexes qu'il n'y paraît, et une maladie peut avoir bien des origines. La nature renferme bien des secrets, tout comme les légendes. Vous autres humains avez trop tendance à classer chaque chose dans des cadres bien définis. C'est pour ça qu'une partie du monde environnant vous échappe. C'est pour ça que vous avez besoin de poteaux indicateurs à chaque croisement.
- En effet, nous aimons bien que les choses soient établis et identifiées. A mon sens ce n'est pas une lacune, bien au contraire.
- Vous devriez parler de tout ça avec les Sages, je ne suis qu'un simple fermier.
- C'est curieux, je ne suis pas convaincue. Enfin, attendons donc l'avis des Sages."
Publication : Inconnue
Dernière modification : 07 novembre 2006
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